samedi 18 mai 2013

(suite) La fin des templiers par Rudy Cambier.

Cambron - - - Prologue *** (Éventuellement tronçonné et réparti dans la pièce ou supprimé moyennant aménagements du texte, au gré du metteur en scène.) Pour situer l'action et présenter les personnages, nous avons recours à un prologue comme dans le théâtre antique (Voir Aulularia ("La Marmite") de Plaute. Comme dans le théâtre antique, nous avons recours à un diseur qui fait défiler les personnages un à un. J'ai volontairement recherché le ton du bonimenteur. De même que l’idée du monologue d’Yves de Lessines est reprise des Perses d’Eschyle Le diseur. Mesdames et Messieurs, nous allons nous tremper dans un temps oublié. Vous êtes venus habiter, une heure, dans un lieu disparu, dans un lieu qui était une œuvre de Dieu, à l'abbaye de Cambron-en-Hainaut. Nous voici donc partis loin dans le passé à l'abbaye cistercienne de Cambron fondée il y a180 ans, en 1148, par le bienheureux Fastré de Gaviaumez et par Saint Bernard lui-même. Un chœur d'anges chanteurs lui avait fait savoir l'ordre divin. Nous sommes donc en … 1328. Vous savez le lieu et la date. Nommons nos personnages. Premier appelé : un vieux moine. Yves s'avance. Quand le vieux moine est arrivé ici, il était déjà vieux : c'était un vieil homme de 44 ans. La guerre avait été son métier, pas comme soldat suant sous l'armure, non, comme ingénieur, c'est-à-dire faisant suer les autres et réfléchissant à leur place, pour leur compte et à leur profit. Avec les troupes, il avait marché en Sicile, en Italie, en Albanie, en Serbie, en Croatie, en Dalmatie, en Hongrie, en Macédoine, en Grèce, en Tunisie. On l'avait envoyé aussi en mission dans les Allemagnes, à Byzance, au Liban et à Jérusalem. Quand il est venu prendre port dans l'abbaye de Cambron, on l'a mis à assécher des polders, à fertiliser des champs, à faire l'architecte et aussi l'astronome. Lui qui avait déjà vécu une vie, il en vécut ici une seconde, une seconde vie qui à ce jour compte 44 ans aussi. Yves de Lessines, l'homme qui vécut deux fois, a donc 88 ans et on le salue avec componction. Mais, … mais quand on est entre soi et dans un coin bien sombre, quand on est sûr d'être entre méchants sincères, alors les mauvaises langues susurrent qu'il traîne une vilaine affaire, une vieille histoire. Il aurait piqué de l'argent. C'est faux. Ses rares défenseurs ne savent rien de plus que les salauds. Lui jamais il ne s'explique : il compte ses vrais amis et laisse glapir les chacals. En deuxième, un ermite de la même cuvée. Paulus le Sage. Paulus s'avance. Sa devise pourrait être : "On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a". Il passe son temps à chercher des remèdes. C'est un être débordant d'amour pour les faibles et plein de mépris pour leurs faiblesses. Un type d'une foi à transporter des chaînes de montagnes en même temps que sceptique jusqu'à l'incrédulité. S'asseyant – c'est-à-dire posant son cul – sur tout ce qui est convention et convenu, il est la lucidité faite homme par le moyen du détachement total. Les modes et les pouvoirs se suivent, les heurs et les malheurs fluent et refluent, les saisons et les événements défilent, Paulus demeure le Sage. En troisième lieu voici un trio : l'homme d'Ât, la femme d'Ât, le gamin d'Ât, les trois Âthois. Albert, Marie-Gertrude et Julien s'avancent. Ath, c'est Athensis (on prononce comme Athènes, plus six) disent les Athois, en songeant Athènes. Ouais ! Athènes lumineuse sur son rocher, Athensis grisâtre dans sa gadoue. Ce presque lieu a un châtelain, Albert d'Athensis. Le châtelain a une épouse, Marie Gertrude. Marie-Gertrude d’Athensis née de Boudenghien est sûre d'une chose : elle méritait beaucoup mieux comme mari. Voici Julien, dont nous dirons …, dont nous dirons …, dont nous aurons tout dit quand nous aurons dit qu'au début il est beau, beau, beau, beau et con à la fois … À qui donc songerai-je maintenant ? À Poupette ! Poupette s'avance. Ce n'est pas qu'elle est bête tout le temps, mais elle n'est pas intelligente souvent, et quand elle est intelligente, elle ne l'est pas beaucoup. En revanche, elle accomplit pas trop mal ce qui ne requiert pas d'intelligence. S'avance le Trimard. Voici Le Trimard : l'homme précaire, l'homme sans feu, l'homme sans lieu, l'homme sans femme. Celui-ci, comme un iris qui fleurit dans les marais, incarne la dignité que l'on trouve parfois, exceptionnellement, dans la lie des sociétés. Anciennement, c'était 'un homme bien" ; il a été broyé et il a survécu dans les bas-fonds. Il est devenu un peu ivrogne et tout à fait peuple, mais par éclairs ses mots détonnent avec son allure, révélant son ancienne valeur. Voici Éliabel. Éliabel s'avance. Elle a la dureté des gens hyperlucides mais elle a aussi un cœur grand comme ça ! Elle ne se laisse pas éblouir par les apparences et elle cherche l'amour vrai. Elle incarne l'intelligence qui a soif d'amour. Elle rêve l'impossible rêve : être aimée pour soi, elle s'impose l'impossible exercice : tout savoir de l'être aimé et pouvoir l'aimer encore sans être une imbécile. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que les gens comme elle ne sont jamais heureux longtemps. Voici le Philosophe : le père d'Éliabel. Le Philosophe s'avance. C'est loin d'être un misérable, mais il n'a pas d'ancêtres. Ce n'est pas quelqu'un de la haute : nous dirons que c'est un homme de bonne famille et qu'il est plus qu'à son aise. On l'a, hélas, accouplé à une bonne femme du type gendarme à cheval qui porte la culotte, le fait cocu et tient sa bourse. Je parle ici de l'objet en cuir. Mais voici Messire Arsène de Celles-Bas. Arsène s'avance Arsène est de ces gens qui se flattent d'intelligence et qui ne sont que rusés. Il est le salaud ordinaire dans ses œuvres quotidiennes : il salit tout ce qu'il touche. Qui reste-t-il ? Frère Sidoine que nous avons appelé le dernier parce qu'il est le plus grand par la taille. Sidoine s'avance. Frère Sidoine est le bon sens populaire qui émascule les frimeurs. Son rire ravageur parcourt les cités de l'illusion et tente d'ébranler les maisons-fortes de la tromperie, du bluff, du faux-semblant, de l'imposture, de l'entourloupe et de l'attrape-couillon. Nous étions en 1328 avons-nous dit. Faisons un saut de 216 ans, jusqu'en 1544. Nostradamus s'avance. En 1544, Nostradamus est venu à Cambron pour se procurer une indulgence lui permettant de ne plus payer la taxe frappant les Juifs convertis et que Cambron seule dans la Chrétienté délivre. Puis il s'en retournera en Provence où, comme diseur de bonne aventure, il fera la carrière triomphale que vous savez. Il a été l'homme du mensonge. Il n'a jamais été prophète, il n'a jamais écrit de prophéties, non : il les a volées. Ivrogne, fanfaron, hâbleur et agité, Nostradamus fut une chimère, une fumée, une bagatelle, mais le Destin qui gouverne l'Univers lui avait trouvé un rôle, une utilité, une raison. Voulez-vous la connaître ? Alors, écoutez et regardez. ° ° ° ° ° (à suivre).

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