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mardi 6 novembre 2012
La bataille des Eperons d'Or.
WILLEM VAN BONEM ET LA BATAILLE DES EPERONS D'OR
ou
La fin annoncée de l'Ordre du Temple ?
Willem van Bonem, ou Guillaume de Bonem, s'inscrit dans la légende - ou tout simplement l'histoire - de l'Ordre du Temple avec un panache certain, mais, contrairement à son "frère" Gérard de Villers, souvent cité dans l'histoire du Temple en Belgique, il reste encore relativement méconnu...
Son nom a donné lieu à de nombreuses interprétations orthographiques, à travers le temps et les auteurs divers : Boenem, Boonem, Boneem, Bonheem, Bornem, Bornhem... Je me rallierai à la graphie la plus courante, Bonem, que l'on retrouve à Damme, au nord-est de Bruges, où se trouvait, au XIIIème siècle, une seigneurie indépendante appartenant aux Bonem, incluse dans le Franc de Bruges, et dont il subsiste encore de nos jours la Ferme Bonem, au n° 1 de la Bonemstraat (les terres de cette seigneurie furent vendues en 1297 à Baudouin de Dudzele; après être repassé en 1725 aux mains de Ferdinand-Philippe, baron de Boonem d'Everencourt, entre autres tractations, ce bien est actuellement propriété privée).
Le chevalier Guillaume de Bonem, échevin du Franc de Bruges, capitaine du Zwin, seigneur d'Oostkerke, appartint donc à l'Ordre du Temple, et participa, entouré de ses troupes templières, à la Bataille des Eperons d'Or, en 1302, sous la bannière au Lion, bataille qui se termina par la cuisante défaite du roi de France Philippe le Bel face aux rebelles du comté de Flandre.
Un bref "recadrage historique" serait sans doute utile :
L'Ordre du Temple, créé le 23 janvier 1120 par un chevalier champenois, Hugues de Payns, ainsi que par le chevalier flamand Geoffroy (ou Godefroy) de Saint-Omer, et confirmé le 13 janvier 1129 au concile de Troyes, a pour vocation première de protéger les routes de pèlerinage vers Jérusalem et d'assurer le transport des reliques chrétiennes. La perte de la Terre Sainte obligera les moines-chevaliers de l'Ordre du Temple à se replier sur leurs bases occidentales, qu'ils ont d'ailleurs fortement développées dès la création de l'Ordre, en France et dans les pays avoisinants, mais notamment dans le comté de Flandre.
J'ai évoqué une "vocation première", mais il faut constater que très vite les Templiers, animés d'un esprit de justice et d'équité peu courant à ces époques, en assument une seconde : le bien du peuple, face à une féodalité oppressante, face à des "seigneurs" nés tels par chance et qui, sortant trop souvent de leur rôle naturel de protecteurs, deviennent les tyrans que l'on sait. Ainsi, les terres templières deviennent quasiment des lieux de refuge, pour une population autrefois servile, qu'ils libèreront; ils créent des associations d'artisans, libres, qui bâtiront des églises et cathédrales grandioses, car ils sont au service de Dieu et de la Chrétienté (les Templiers obéissent à la Règle rédigée pour eux par Bernard de Clairvaux, qui deviendra en quelque sorte leur "mentor spirituel"); ils animeront le commerce, grâce à des ressources financières importantes, et par un système bancaire fort en avance sur son temps.
En 1307, le roi de France Philippe IV, dit Philippe le Bel, par exemplaire félonie et avec la relative complicité du pape Clément V (ou plutôt par sa "molle résistance" aux actes du roi de France... A noter aussi que, selon le Parchemin de Chinon de 1308, il semblerait bien que le pape ait "absous les Templiers de tous péchés"...), Philippe le Bel donc met un terme à l'aventure templière. Le procès des Templiers, leurs aveux souvent arrachés sous la torture, les accusations d'infamies soutenues par une propagande préalable orchestrée par Philippe le Bel, la mort sur le bûcher du dernier grand maître de l'Ordre, Jacques de Molay, tout cela hante encore l'imaginaire de beaucoup de nos contemporains.
Philippe le Bel
Gisant de marbre - Abbaye de Saint-Denis
Ce qui est moins clair de nos jours, c'est le "pourquoi" de cette élimination de l'Ordre du Temple.
On a dit, pour les défendre ou pour les charger - car aujourd'hui encore comme depuis des siècles, des historiens s'opposent sur le sens à donner à l'histoire du Temple -, que les Templiers étaient des hérétiques; qu'ils adoraient des divinités païennes, voire le diable en personne; qu'ils pratiquaient une sorte d'alchimie sorcière afin de remplir leurs coffres d'or; qu'ils étaient homosexuels; etc. Ou que leur destruction aurait constitué pour Philippe le Bel une opportunité de rétablir ses propres finances, fort délabrées, en prenant possession des biens du Temple. Ou encore qu'ils constituaient "un état dans l'état", devenu dangereux à la fois pour le pouvoir du roi de France et celui des seigneurs féodaux...
Dire que les Templiers ont été toujours et partout irréprochables serait la manifestation d'une certaine naïveté. Mais entre la légende et les acccusations, où se déterminer ?
Pour ma part, je n'entrerai pas ici dans ce long débat, qui a déjà été mené souvent avec plus ou moins de bonheur par de nombreux historiens. Je m'arrêterai à un évènement précis, qui semble démontrer qu'à la fin de sa vie, l'Ordre du Temple répondait toujours aux "critères de qualité" voulus par Hugues de Payns, Geoffroy de Saint-Omer et Bernard de Clairvaux.
Il s'agit de la bataille des Eperons d'Or...
Cet évènement, d'autre part, pourrait fort bien expliquer - au-delà de toutes les littératures plus ou moins fantastiques que l'on a commises à ce sujet - la profonde animosité de Philippe le Bel à l'encontre des Templiers, qui s'assouvira en 1307 par la destruction de l'Ordre. Parce que, par cet évènement, les Templiers entrent en conflit armé avec Philippe le Bel !
Les historiens belges ont généralement reconnu une très positive influence templière dans les anciens duché de Brabant, comté de Flandre, et autre Pays de Liège, etc.
Cet extrait d’un article de A. Perreau intitulé « Recherches sur les Templiers belges », paru dans les « Annales de l'Académie d'Archéologie de Belgique » (Tome onzième - 1852), nous donne un aperçu de cette reconnaissance :
"Les Templiers en Belgique se rendirent dignes du reste de l'intérêt que leur témoignèrent les souverains de ce pays par le concours actif qu'ils prêtèrent en toutes circonstances à la défense de la patrie. C'est surtout lors de la guerre acharnée que le roi de France, Philippe-le-Bel, fit aux Flamands dans les premières années du XIVe siècle, que leur patriotisme parut au grand jour. Les historiens de la Flandre n'ont pas oublié de signaler dans leurs écrits la brillante conduite du Templier Guillaume de Bornem, dont la coopération fut si utile aux princes flamands et à Guillaume de Juliers pour organiser l'armée flamande et chasser de la Flandre les troupes françaises qui jusqu'alors n'avaient rencontré aucune résistance sérieuse."
Cet extrait nous signale l'impact templier en Belgique, et surtout, annonce mon propos : cette fameuse bataille des Eperons d'Or.
Chez les historiens français, on la nomme "Bataille de Courtrai". Et chez les Flamands, elle est connue sous le nom de "Guldensporenslag". Elle a lieu le 11 juillet 1302.
Vers cette époque, le comté de Flandre (c'est-à-dire la Flandre française, de Lille à Dunkerque, soit l'actuelle moitié nord-ouest du département du Nord; les actuelles provinces belges de Flandre orientale et occidentale; une partie de l'actuelle province belge du Hainaut avec Tournai et Mouscron; le sud de l'actuelle Zélande hollandaise avec Aardenburg, Sluis et Hulst), fief du roi de France, s'est fortement développé et enrichi, pour deux raisons : 1° le 4 octobre 1134, un raz-de-marée ouvre une large brèche dans la terre de Flandre, qui fait tout à coup de Bruges un port maritime, lequel devient rapidement l'un des ports commerciaux les plus importants du monde d'alors, ainsi que son avant-port à Damme (la mer est redescendue depuis, et il ne reste plus de cette brèche que le Zwin, charmant endroit entre Knokke et Cadzand)... et 2° le commerce très prospère de la laine avec l'Angleterre.
Ces riches Flamands sont pour Philippe le Bel une opportunité. Ses caisses sont vides. Il veut les remplir avec l'or flamand. Il impose donc des taxes écrasantes. Les Flamands refusent. Philippe le Bel lance ses armées sur la Flandre, armées qui, portant haut des "balais", symbole de leur détermination, "nettoient", c'est-à-dire ravagent le pays. Mais la résistance flamande s'organise. En mai 1302, les Brugeois, commandés par l'un des chefs de cette résistance, Jan Breydel, s'emparent de la garnison française stationnée au château de Male; Guillaume de Bonem participe à l'assaut de la place forte. Quelques jours plus tard, une autre réaction flamande, fort cruelle hélas, purge la ville de Bruges d'une majorité de ses résidents français : cet épisode sera nommé "les matines brugeoises".
Fou de rage, Philippe le Bel lève l'une des armées les plus considérables de ce temps. Pour mater ces Flamands qui veulent préserver leurs libertés et leur or, il réunit la fine fleur de la chevalerie française, les "tanks" de l'époque, sept mille hommes bardés de fer. Il fait appel à des mercenaires provençaux, navarrais, espagnols, lombards, qui grossissent les rangs des hommes de troupe et sergents d'armes français. Bref, il constitue une "force de frappe" de près de cinquante mille hommes.
Face à eux... peu de chose. Les milices flamandes, de Bruges, de Gand, et de toutes les régions de Flandre que l'on réunit alors, ne feront pas le poids. C'est alors qu'interviennent les Templiers. Ils décident de prendre fait et cause pour les Flamands, face au roi de France. Sous le commandement de Guillaume de Bonem, ils organisent en hâte la petite armée flamande. Ils élaborent une stratégie, imaginent de reprendre la tactique d'Hannibal à la bataille de Cannes en 216 avant notre ère (laisser volontairement enfoncer le centre des forces pour, après la ruée désordonnée de l'ennemi, les prendre en tenailles avec les ailes gauche et droite), et, dit-on, procurent à la troupe une arme qui aurait été apportée d'Orient par les Templiers, le "goedendag" : une boule de bois hérissée de pointes de fer, reliée à un bâton de bois par une chaîne, arme d'une efficacité redoutable.
Une autre figure légendaire mais aussi historique de Flandre, Willem van Saeftinghe, moine de l'abbaye de Ter Doest près de Lissewege, "fignole" le dispositif : sur la trajectoire de la "ruée au centre" que l'on espère de l'ennemi, on aura creusé des fossés, recouverts ensuite de branchages. Les chevaliers français n'y verront que du feu, et se feront prendre au piège.
Très vite, la rébellion flamande fait tache d'huile. Par jeux d'alliance et parce qu'elles aussi sont soumises aux exactions françaises, d'autres régions de la Belgique d'alors se mobilisent. Les maigres troupes flamandes sont ainsi renforcées par des contingents de Zélande, du Hainaut, du Namurois, du duché de Brabant, du Pays de Liège. Il paraîtrait même - mais cela reste incertain - que des troupes anglaises aient traversé la Manche pour porter secours aux insurgés flamands. Dans cette armée hétéroclite, on voit des nobles, des bourgeois, des paysans, des manants, tout un peuple...
En définitive, les rebelles flamands et leurs alliés réunissent quelque vingt mille hommes.
Le 11 juillet 1302, la bataille s'engage, dans la plaine de Groeninghe, près de Courtrai, aux abords de la Lys.
Chez les Français, il n'y a nulle inquiétude. Sous le commandement de Robert II d'Artois et de Raoul de Nesle, l'armée du roi de France est sûre de son fait.
Armoiries de Robert II d'Artois
Mais c'est compter sans cette association particulière de l'esprit templier et du courage flamand : bien qu'on l'eût prévenu qu'il valait mieux contourner l'armée flamande et la prendre à revers, Robert d'Artois décide... de foncer dans le piège tendu par les coalisés belges. Il attaque le centre du dispositif adverse, n'y voyant qu'une troupe de manants peu armés... illusion qu'Hannibal, à la bataille de Cannes, avait déjà réussi à imposer aux légions romaines de Varron et de Paul Emile .
Les chevaliers français, en armure et superbement entraînés au combat, après avoir cru refouler les manants flamands - qui se repliaient volontairement, comme le firent les mercenaires gaulois d'Hannibal, et non pas pris de panique comme l'ont écrit plusieurs historiens ! -, les chevaliers français donc, en une "poussée victorieuse" qui vire vite au désordre, s'embourbent dans les fossés marécageux qu'ils n'avaient point vus... Et là, les ailes gauche et droite de l'armée flamande, commandées par Guy de Namur et Guillaume de Juliers, se rabattent sur eux, les prennent en tenailles, et les massacrent. La chevalerie française est anéantie dans le bloed meersch, le "marais sanglant".
La Bataille des Eperons d'Or
Gravure flamande du XIVème siècle
Guillaume de Bonem et ses Templiers sont de la partie, leur bannière unie à la bannière au lion des Flamands. On les surnomme "les Chevaliers du Cygne". Ils sont constitués de trois groupes : templiers noirs, templiers gris et templiers blancs, selon leur grade dans l'Ordre. Au milieu d'eux se trouve Willem van Saeftinghe.
La bannière au lion
D'or, au lion de sable, armé et lampassé de gueules
Quelques temps avant la bataille, Philippe le Bel avait demandé aux Templiers français de se joindre à ses troupes... Ils refuseront, arguant qu'il leur était impensable de se battre contre leurs frères belges. Nouvel affront au pouvoir du roi.
La légende, ou l'histoire, affirme que Robert d'Artois fut tué par Willem van Saeftinghe, qui par ailleurs aurait tué quarante chevaliers français à lui seul. Que cela soit vrai ou faux, il n'en demeure pas moins que cette légende, ou vérité historique, reflète fort bien la réalité du moment : les rebelles flamands et leurs alliés firent un carnage total. Il n'y eut point de quartier.
Statue de Willem van Saeftinghe à Lissewege
(Photo Charles Saint-André)
Après la bataille, les Flamands arrachèrent des bottes françaises leurs éperons, près de sept cents. Ceux-ci, en or paraît-il, furent exposés dans l'église de Notre-Dame à Courtrai. Quelques années plus tard - et les Templiers n'étaient plus là pour leur venir en aide -, les milices flamandes subirent de graves revers, et la France récupéra ses "éperons d'or", qu'elle transféra dans une église à Dijon.
En 1313, Philippe le Bel, dit "le roi de fer", après les avoir supprimés, s'octroya les richesses monétaires des Templiers et transféra leurs commanderies à l'Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (appelé plus tard Ordre de Malte). Il mourut l'année suivante, suite, dit-on, à la malédiction que lui lança Jacques de Molay du haut de son bûcher, sur l'Ile aux Juifs à Paris... légende sans doute, mais le "roi de fer" ne survécut donc pas à ses adversaires.
On ne sait trop ce qu'il advint de Guillaume de Bonem. On sait cependant que ses descendants continuèrent en plusieurs occasions d'occuper des charges communales à Bruges.
Les Templiers de Belgique ne furent pas grandement inquiétés après la dissolution de leur ordre, contrairement à leurs frères français.
La majorité d'entre eux néanmoins prirent la fuite, et rejoignirent principalement leurs commanderies du Portugal, où, sous la protection du roi Dom Dinis, ils changèrent de nom et devinrent l'Ordre des Chevaliers du Christ, ou Ordre du Christ.
Croix de l'Ordre du Christ
D'autres choisirent l'Ecosse comme terre d'exil. Ils y seront protégés par Robert Ier d'Ecosse (Robert the Bruce) qui, excommunié, n'avait plus à répondre aux ordres de saisie des biens templiers promulgués par Rome. Une tradition, toujours controversée, affirme que les Templiers ont aidé Robert Ier à gagner la bataille de Bannockburn en juillet 1314, victoire qui assura l'indépendance de l'Ecosse jusqu'en 1707. En récompense de leurs services, Robert Ier aurait constitué ou reconstitué en leur faveur l'Ordre de Saint-André du Chardon, dont les Templiers formeront le noyau. Cet Ordre du Chardon se serait alors installé à Aberdeen puis à Kilwinning... où fut, historiquement cette fois, créée la première loge maçonnique d'Ecosse, vers 1599... ce qui a incité bon nombre d'auteurs à imaginer (?) une filiation entre l'Ordre du Temple et la Franc-Maçonnerie. Vraie ou fausse, c'est cette tradition qu'utilisa en partie Dan Brown dans son très romancé "Da Vinci Code".
En Flandre, les Templiers n'ont pas été oubliés. Plusieurs communes de la région de Slijpe, où se trouvait l'une des commanderies templières les plus importantes de Flandre, ont gardé la croix du Temple dans leur blason (voir à ce sujet mon article "Les armoiries templières de quelques communes de Flandre").
Les Templiers continuent, de nos jours, comme depuis toujours d'ailleurs, à embraser les imaginations. Divers mouvements néo-templiers se sont formés. L'un des plus connus est sans doute, au XVIIIème siècle, la Stricte Observance Templière, système de hauts-grades souché sur la Franc-Maçonnerie des grades bleus en Allemagne. Jean-Baptiste Willermoz, un franc-maçon lyonnais, rallia la S.O.T. aux loges créées par Martinès de Pasqually en France, et créa ainsi le Rite Ecossais Rectifié - l'un des nombreux rites maçonniques actuels -, qui perpétue l'esprit de l'Ordre du Temple (l'un des grades les plus élevés de ce rite est le "Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte", ou CBCS, manière quelque peu détournée de dire "Chevalier du Temple").
Logo d'une loge maçonnique française
travaillant au Rite Ecossais Rectifié
(R.°. L.°. Kreisteiz à l'Orient de Lorient)
Logo du Grand Prieuré de Nouvelle France,
obédience maçonnique canadienne
travaillant au Rite Ecossais Rectifié
On connait aussi "l'ordre du temple" de Fabré-Pelaprat, au début du XIXème siècle, séquence relativement bizarre des avatars templiers. Actuellement, de nombreuses confréries se réclament de l'esprit templier : leurs actes relèvent parfois d'un certain folklore, mais il n'y a sans doute pas lieu de douter de la force de leurs convictions. Il existe aussi toujours des escrocs en cape blanche à croix rouge, dont il convient évidemment de se méfier.
L'esprit templier perdurera donc... si deus lo vult.
Charles Saint-André
Bannière templière
Le Beaucéant
La Belgique mystérieuse.
GERMAIN LE COUVREUR.
Sous le grand portail de la cathédrale d'Anvers, à la partie ouest de la tour et non loin du tombeau de Quintin Metsys le célèbre forgeron Anversois, l'on remarque une pierre bleue, d'environ trois pieds de longueur. Le passant ne l’apercevrait peut-être pas, si elle ne se distinguait des autres pierres du parvis par quelque chose d'étrange et de particulier. Mille petits morceaux de cuivre y sont incrustés sans ordre, et lorsque le soleil darde ses derniers rayons à l'horizon des Flandres, ils scintillent d'un vif éclat.
Ce monument excita de tout temps la curiosité des voyageurs, les archéologues invoquèrent tous les dialectes et tous les caractères d'écriture pour y découvrir un reste d'inscription, leurs recherches restèrent toujours infructueuses, et jamais ils ne purent parvenir à trouver une lettre dans ce dédale de points de cuivre.
Et pourtant cette pierre n'est pas vide de sens. Pour le vieux citoyen qui, le front courbé vers la tombe, y jette en passant un regard, pour la jeune Anversoise qui, livrée à ses pensées d'amour, l'effleure légèrement, elle dit plus que ces magnifiques monuments en marbre sur lesquels s'étale en lettres d'or, le deuil fastueux des grands.
Voici l'événement qui s'y rattache.
Le 22. Octobre 1526 fut un jour de fête pour la moitié de l'Europe et surtout pour la Flandre dont un des enfants venait d'être appelé au trône des Césars. C'était le jour du couronnement de Charles-Quint. Anvers était alors, après Londres et Venise, la ville la plus riche du monde. Aussi se distingua-t-elle de toutes les villes flamandes par la magnificence qu'elle apporta à la célébration de ce grand jour. Des arcs-de-triomphe s'élevaient dans les rues; des guirlandes de fleurs ornaient les maisons, du sable fin recouvrait le pavé, et l'on voyait s'élever de distance en distance des boissons de plantes rares et odoriférantes; on eût cru voir des oasis au milieu des plaines sablonneuses de l'Arabie.
Le matin une procession solennelle eût lieu; le clergé revêtu de ses habits les plus somptueux et précédé de bannières portait les reliquaires les plus riches et les plus beaux ostensoirs. Le magistrat, le peuple, les corporations et les confréries portant des flambeaux de diverses couleurs et revêtus richement, fermaient la marche.
Ce devoir sacré accompli, on put se livrer sans regret à la joie; des rassemblements se formèrent dans les rues et sur les places publiques. D'immenses tonnes de vin et d'hydromel étaient placées vis-à-vis de l'hôtel de ville et des maisons de corporations. Cent mille ouvriers chantaient des hymnes d'allégresse et criaient: Vive notre marquis! Vive l'empereur Charles!
Cependant tous les habitants de l'opulente cité commerçante n'étaient pas heureux au milieu de ces réjouissances. Dans une petite chambre dont les fenêtres donnaient sur la rue de Zuriek, étaient assis deux hommes; leurs vêtements prouvaient que sans appartenir à la classe des riches bourgeois, ils jouissaient pourtant d'une certaine aisance que procure le travail. Le plus jeune de ces hommes, paraissait avoir vingt ans, il était fort et vigoureux; ses traits alors altérés par la tristesse, joignaient à une beauté mâle, l'expression d'un caractère ferme et décidé. L'autre, vieillard encore vert et robuste cherchait à faire paraître sur son visage et dans ses paroles l'expression d'un espoir que son coeur ne ressentait pas. „En vérité, disait-il, mon fils, je ne te reconnais plus, qu'as-tu fait de ton courage et de ta résignation? notre position a été plus critique qu'elle ne l'est aujourd' hui et cependant je ne t'ai jamais vu aussi abattu qu'en ce moment. Aurais-je eu tort de te regarder comme un homme courageux qui considère sans trembler le malheur en face?" — „Je me sens homme à ne me laisser abattre par aucune infortune, — mais voir Françoise unie à un homme que je hais! .... Cependant . . . s'écria le jeune homme en serrant les poings....
„Mais, interrompit le vieillard, la chose n'est pas décidée, ta crainte est peut-être dépourvue de fondement."
„Non, non mon père! J'ai perdu tout espoir, maître Rulofs me l'a encore répété hier, il donnera sa fille au doyen Bruggemans, si dans un mois je ne suis pas maître couvreur et tu sais qu'il tient à sa parole." — „Qui sait, Germain, un heureux événement nous fournira peut-être l'argent nécessaire pour te procurer cette place."
„Jamais mon père, jamais nous ne parviendrons à une telle somme, parents et amis me l'ont refusée, trois ans ne nous suffiraient pas pour la gagner et maître Rulofs ne me donne qu'un mois de délai."
„Mais Françoise suppliera son père de t'accorder du temps, et certes elle y réussira." — „Oui mon père, elle fera son possible, mais j'ai la certitude que ses prières ne seront pas exaucées. Aujourd'hui à midi, un dernier effort devait être tenté, et déjà elle serait accourue si elle avait une bonne nouvelle à nous apprendre."
A peine eut-il dit ces mots que l'on frappa légèrement à la porte. Le père alla ouvrir et l'espoir parut briller dans les yeux du jeune homme, car il ne doutait pas que ce ne fût la charmante Françoise qui venait lui annoncer son bonheur. Une belle jeune fille entra dans la chambre, son visage fleuri et ses beaux yeux bleus lui donnaient l'aspect d'un ange descendu sur la terre, seulement une légère rougeur autour de ses yeux trahissait des larmes récemment répandues. Les plis de sa mantille laissaient deviner une taille svelte et élancée. C'était bien la jeune fille que Germain attendait, mais elle semblait porter plutôt un message de tristesse qu'une nouvelle de bonheur. A peine eût-elle mis le pied dans la place, que Germain courut à sa rencontre et lui dit: Parle, Françoise, tes larmes ont-elles fléchi le coeur de ton père? — J'ai perdu toute espérance, répondit la jeune fille en jetant sur le jeune homme un regard désespéré. Ses larmes coulaient lentement, Germain sanglotait, et le vieillard souffrait trop lui-même pour pouvoir prononcer une parole de consolation.
Le jeune homme rompit le premier le silence, sa poitrine était oppressée, ses paroles ressemblaient à des sanglots.
Plus d'espoir! Françoise, l'ai-je bien entendu!
Hélas oui, ce n'est que trop vrai, mon père me laisse maîtresse du choix, ou de recevoir le doyen Bruggemans pour époux ou de prendre le voile au couvent des Ursulines.
Le jeune homme sembla attendre avec anxiété, ce qu'elle allait décider, toutes ses pensées, étaient résumées dans le regard qu'il jeta sur elle.
Françoise le comprit et dit: J'ai préféré le cloître.
S'il en est ainsi, dit aussitôt le père tout espoir n'est pas perdu, vous avez deux années de noviciat, et pendant ce temps, nous pouvons nous procurer la somme nécessaire à l'achat d'une maîtrise.
Toute faible qu'était cette lueur d'espérance, les amants s'y abandonnèrent avec confiance, et leurs coeurs battaient, comme si leurs voeux étaient déjà comblés. Semblables à ces naufragés, qui, après avoir longtemps erré sur une mer houleuse, aperçoivent enfin une terre fût-elle même à cent lieues de leur pays, ils levaient aux ciel des yeux reconnaissants. Se sentant presqu' heureux ils se jetèrent dans les bras du vieillard qui avait également repris du calme, quoiqu'il sût, que l'espoir qu'il venait de réveiller dans le coeur des amants, n'était que très-faible et très-incertain. Ils s'abandonnèrent de plus en plus à leurs beaux rêves, et leur imagination vive et enflammée, leur montra un avenir resplendissant. Cependant dès que Françoise eut quitté son ami, celui-ci se voyant seul, retomba dans sa sombre mélancolie.
La fête se prolongeait toujours à l'intérieur, des troupes joyeuses parcouraient les rues en chantant, sans se douter que tous ces accents d'allégresse étaient autant de dards pour le coeur de l'infortuné rêveur. Plus il cherchait à vaincre son désespoir, moins il pouvait s'en rendre maître, et déjà la nuit avait étendu son voile noir sur la ville de Druon Antigon, et mille lampes répandaient leurs flots de lumières dans les rues, lorsqu'il songea à sortir pour se distraire. A peine eut-il fait quelques pas dans la rue, que les flots de la foule le repoussèrent en arrière, en jetant des cris d'effroi. L’ennemi, qui les menaçait, faisait trembler les plus intrépides: c'était l'ouragan d'automne. Il annonce son approche par un léger souffle, semblable à la brise du soir qui caresse mollement les blanches épaules des jeunes filles. Un petit nuage rougeâtre, présage certain d'une tempête, flottait dans les airs. Ce nuage grandissait et prenait une couleur de sang, le vent soufflait avec plus de violence. Les innombrables chaloupes pavoisées qui couvraient le fleuve lésaient tous leurs efforts pour gagner le port. Cependant avant qu'elles l'eussent atteint, l'ouragan s'était déjà fait sentir dans toute son impétuosité. Il hurlait, sifflait comme un choeur de démons qui entonne un chant de damnés. Ceux qui n'ont jamais été témoins d'une tempête sur la mer du nord, ceux qui ne connaissent point la puissance destructrice de l'aquilon qui maintes fois a jeté la terreur sur notre fleuve, ne peuvent se faire une idée de la tempête qui fondit sur Anvers, le 22 Octobre, 1520.
Les eaux de l'Escaut grossies par l'ouragan, se soulevaient avec fracas en vagues écumantes. Le nuage avait pris une couleur plus sombre, des éclairs le sillonnaient et de violents coups de tonnerre se laissaient entendre de temps à autre, enfin la nuée creva au dessus de la ville. Les eaux du fleuve sortirent de leur lit, et en peu de temps une grande partie de la ville fut envahie par l'élément. La cathédrale située dans la partie basse de la ville, était submergée. A la rade, les mâts craquaient et les vaisseaux se brisaient et disparaissaient dans les ondes. Dans la ville, chaque toit de maison ressemblait à un torrent, dont les eaux se précipitaient avec un bruit horrible dans la rue. Toutes traces de réjouissance furent bientôt effacées par cet ouragan nocturne. Les bourgeois tremblants priaient, et grand nombre d'entr'eux, crurent voir dans le fleuve, l'emblème de ce que devait être un jour leur nouvel empereur.
, Germain, forcé par l'ouragan de rentrer chez lui, se retira dans un coin de la chambre, et retomba dans une rêverie dont le bruit des vents, ni les exclamations de son père ne purent le tirer.
Quelques jours après cette orageuse fête de nuit les rues d'Anvers étaient redevenues sèches et praticables. L'infatigable activité des bourgeois avait repoussé les flots dans leur domaine et le soleil eut bientôt pompé le reste d'humidité qu'il y avait encore dans les rues et dans les places publiques. Néanmoins, la populeuse cité n'eut pus aussi vite repris son air habituel de gaieté. A l'exception du port qu'animait un mouvement continuel, et de quelques rues ou des charpentiers et des maçons réparaient les ravages de l'inondation, Anvers était plongé dans la tristesse. Le peu de bourgeois qui parcouraient les rues, levaient les yeux vers la tour de la cathédrale, afin de jeter en passant un regard attristé sur la croix en fer, qui avait eu fortement à souffrir de l'ouragan. Dans ce temps de foi profonde et de véritable patriotisme, chaque ville avait son édifice qu'elle chérissait comme son bijou et estimait comme la couronne de perle qui pare le front d'une jeune fiancée. Ainsi Bruxelles avait son jardin des princes et ses palais, Gand, son beffroi surmonté du dragon grec conquis par les croisés, Louvain se glorifiait de son université et de son charmant hôtel de ville gothique orné de tourelles mauresques, Bruges avait sa maison communal bâtie en 1377 par le comte Louis de Male, et la halle sur l'eau, sous l'arche de laquelle les vaisseaux déposaient leur cargaison à sec. Anvers admirait sa magnifique tour achevée depuis deux ans par Adam Appelmans, architecte colonais. C'était sans contredit le monument gothique, le plus beau et le plus gigantesque de l'Europe. Aussi les Anversois le montraient-ils aux étrangers, avec une sorte d'orgueil satisfait. Lorsqu'ils virent que l'ouragan avait recourbé la croix en fer qui surmontait la tour, leur chagrin fut d'autant plus grand, qu'ils regardaient toute réparation, comme une chose à peu - près impossible. D'abord il fallait faire rougir la croix et l'homme assez hardi pour aller sur le créneau étroit de la tour, risquait sa vie. Les matelots les plus intrépides, qui le jour même de l'ouragan, restèrent suspendus en chantant au haut des mâts se sentaient inondés d'une sueur froide à la seule idée de s'élever à une telle hauteur. Aussi, malgré l'amour que les Anversois portaient à leur ville natale et malgré les promesses que proposèrent les magistrats à celui qui aurait assez de courage pour aller redresser la croix, personne ne se présenta pour mériter la récompense. Les bourgeois, étaient assemblés sur la place de l'église et regardaient d'un air morne le haut de la tour, lorsque quatre hérauts d'armes parcoururent la ville, pour publier encore la prière et la promesse des magistrats. Il embouchèrent trois fois les trompettes auxquelles étaient suspendues les armes de la ville, et le roi d'armes s'étant découvert, parla ainsi:
Le bourgmestre et les échevins font savoir aux habitants de la riche ville d'Anvers, que le magistrat accorde une récompense de 500 florins à celui qui redressera la croix surmontant la tour de Notre Dame, la dite croix ayant été fortement recourbée par l'ouragan le jour du couronnement de notre marquis et prince, Charles comte de Flandre duc de Brabant, roi d'Espagne et de Bohème, empereur d'Autriche, possesseur du nouveau monde.
Tout le monde gardait un morne silence. On répéta la proclamation. Tout-à-coup un jeune homme fendit la foule. Ses traits avaient un air de noblesse et l'on pouvait lire dans ses yeux, l'intrépidité et la résolution. Il s'avança d'un pas assuré vers le héraut, et lui dit: Qu'on me conduise devant le magistrat! Une demi-heure après le héraut reparut sur la place et dit: Les bourgmestre et échevins fait savoir aux habitants de la riche ville d'Anvers, que notre fidèle bourgeois Germain le couvreur, à promis au magistrat, de redresser la croix de Notre Dame, et il est décidé à commencer demain au douzième coup de midi. Ils prient les bourgeois en général et en particulier, de ne pas troubler Germain par conseils, conjurations ou sortilèges, mais de lui prêter toute l'aide et l'assistance dont il a besoin dans cette occasion.
Le bruit, que Germain avait promis au magistrat de redresser la croix de Notre Dame, se répandit rapidement dans la ville d'Anvers et réveilla la curiosité de la plupart des bourgeois qui se rassemblèrent en troupe dans les rues, et longtemps avant midi, i'affluence était déjà très-grande sur la place de l'église. Des flots d'une autre espèce semblaient avoir remplacé ceux de fleuve qui quelques jours auparavant envahissaient la place. Un mugissement sourd semblable au bruit de l'océan, s'élevait du milieu de cette foule dont la surface formée de tètes d'hommes, faisait des ondulations semblables aux vagues de la mer. On faisait toutes sortes de commentaires sur les causes qui avaient pu pousser Germain à cet acte de courage, mais tout le monde ignorait la véritable raison: l'amour de Germain pour Françoise.
Cependant la demeure de Germain présentait l'aspect le plus triste. Le jeune homme, le vieillard et la jeune fille y étaient réunis, agités par les sentiments les plus divers. La résolution et l'exaltation rayonnaient dans les yeux brillants et sur les traits affectueux du jeune homme, et cependant ses sourcils froncés trahissaient encore l'anxiété et l'espoir. Cependant lorsqu'on le vit sur le sommet de la tour, on ne douta plus de la réussite de l'entreprise, et un cri de joie s'échappa de toutes les poitrines. Le vieillard et la jeune fille furent les seuls dont la poitrine resta oppressée et sans respiration, et les yeux fixes et vitreux, ils ne perdaient pas un mouvement du jeune homme, car ils sentaient bien que le plus grand danger n'était pas encore passé; leur âme semblait attachée au moindre de ses mouvements.
Germain ayant attiré ses outils à lui était suspendu solidement à l'une des branches de la croix, il ressemblait à ces grands aigles qui souvent par les froids de l'hiver passent au dessus de nos contrées. Son oeil plongea alors dans la place et mesura sans trembler, le monstrueux abîme qui l'en séparait. Son courage s'était accru avec la certitude qu'il avait acquise de la possibilité de son entreprise, chose étrange, des rêves délicieux s'emparèrent de lui en ce moment. L'avenir d'une union bénie par son vieux père lui apparut dans le lointain, et l'image de la mort qui étendait déjà son bras vers lui, avait disparu. Quelques secondes après s'éleva du pied de la croix un nuage de fumée qui entoura le jeune homme et lui donna l'aspect d'un esprit aérien. La croix commença à rougir, et Germain soulevant le lourd marteau le laissa retomber à coups redoublés. On aurait pu le comparer à un habitant du sombre empire qui livrait un combat acharné à l'emblème de la rédemption. Cependant après chaque coup de marteau la croix reprenait de plus en plus sa position naturelle et la joie de la foule éclatait de plus en plus. Le couvreur entendit ces cris d'allégresse qui s'élévaient vers lui comme un bruit de vagues; hélas! il ignorait que chaque coup de marteau retentissait dans le coeur de son père et de sa bien-aimée. Le bruit du marteau qui l'étourdissait était perdu pour la foule qui croyait voir l'esprit de Quintin Melsys le grand forgeron qui était revenu sur la terre, pour laisser à sa ville natale un ouvrage colossal de plus. Enfin le marteau retomba pour la dernière fois, un cri de victoire partit de la place, la croix avait repris sa position ordinaire et rien ne manquait désormais à la magnifique flèche. Le vieillard et la jeune fille se regardaient avec une joie inexprimable, des larmes coulaient de leurs yeux, un cri d'allégresse sortit de leur poitrine, et enivrés d'enthousiasme, ils se jetèrent dans les bras l'un de l'autre. Le peuple reconnaissant le père et l'amante de Germain, les souleva au dessus des têtes et les porta en triomphe autour de la place. Entretemps le couvreur avait jeté les yeux sur le peuple, dans l'espoir de découvrir son père et Françoise parmi toutes ces têtes.
Tout-à-coup il les aperçut, ce fut son malheur. Son pied heurta le brasier et glissa sur les charbons ardents. Il tomba du haut de la tour, et rebondit sur les pierres angulaires; la corde, qu'il avait autour du corps et qui était attachée à une des arrêtes, le retint un moment suspendu au dessus de l'abîme.
Ce fut une alternative cruelle pour tout le monde. On se précipita sur l'escalier pour voler au secours de Germain, mais avant que les plus agiles enfants d'Anvers eussent atteint le premier étage, la corde fut consumée et Germain tomba en heurtant avec force les dentelures, les pointes, les rosaces et les têtes de monstre de la tour. A chaque nouveau choc, son corps recevait de nouvelles meurtrissures jusqu'à ce qu'enfin après des souffrances atroces, il vint tomber, en tournoyant comme un aigle blessé, sur le pavé de la place, ou sa tête se brisa en mille pièces. Lorsque l'on voulut relever son cadavre, on s'aperçut que deux autres cadavres le tenaient embrassé. C'était un vieillard et une jeune fille. On les laissa réunis dans une tombe creusée à l'endroit même et l'on y plaça une pierre bleue avec autant de pointes en cuivre que l'on put retrouver de morceaux du corps de Germain.
Tel est l'événement dont cette prière rappelle le souvenir au vieillard recourbé vers la tombe et à la jeune fille livrée à ses rêves d'amour.
Jésus son enfance et son adolescence.
Susanne Tadic-Bialucha.
Son enfance et de l'adolescence
Ma vie de l'enfant Jésus a été marquée par la pauvreté. Il était aussi un symbole pour l'humanité, car le Seigneur a dit: «.. Quand les pauvres et les nécessiteux Suis-je trouver en particulier l'anathème haut placés et les plus riches sont à moi" Dieu est humble dans sa grandeur. Il a prouvé que dans le vêtement de Jésus sur terre. Lui, Dieu en moi, dans un pays p
auvre, garçon souvent minée par la pauvreté et le dénuement peu terrestre ...
Beaucoup, beaucoup de questions ont été posées par le garçon, sa mère, Marie de Jésus. Jésus-Christ lui-même a révélé, a ajouté: "Marie, je ne pouvais pas répondre à toutes les questions, mais elle a dit:« Mon fils, beaucoup de gens vivent dans la servitude de leur incrédulité. Qui, dans le cœur n'est pas libre, a aussi peu de sympathie pour les animaux. Le Seigneur qui habite dans votre cœur, vous pouvez aussi donner une meilleure information que j'ai, son humble serviteur
Au nom du Seigneur et de Sa volonté, l'enfant Jésus a été soulevée. L'éducation était très simple. Joseph, un esprit élevé de la maison, y compris Marie, étaient tous les deux habillés dans le corps d'un pauvre homme ... Ils ont vécu parmi les pauvres. Langue DO était simple, donc aussi leur réputation ...
Jésus a dit: rien n'a été épargné. Il a dû apprendre à vivre et, comme tout autre être humain. Alors que j'avais vu depuis l'enfance mes faiblesses humaines et apprendre à les surmonter, car j'étais un symbole pour l'humanité. Mon âme a été formé par l'Esprit du Père ...
Aucun des disciples, je lui ai demandé de venir avec moi avant dans sa famille n'était pas tout ordonné pour le mieux. Tout le monde est allé volontairement avec le Nazaréen, car ils voyaient à travers mon altruisme et par mes discours que j'étais un homme juste des gens ... avec une foi profonde, si bien que je pouvais faire après la volonté de mon Père Tout ce que nous avions besoin pour nos vies et celles des familles, nous avons développé ...
Oh reconnaître, avant la victoire sur les ténèbres de la bataille. Chaque âme individuelle doit désormais lutter avec moi pour la victoire de la vie intérieure ... Je vous a précédé, afin que je puisse vous suivre à travers la puissance de Christ est Dieu en vous. Donc suivi l'ordre des commandements! Pour ce qu'il fait au plus petit de mes frères, vous avez fait pour moi. Cette vérité est établie en vous, afin que vous rentrez chez vous et vous pouvez être ressuscité ...
A chaque jour suffit sa peine.
La France pittoresque
Expression : À chaque jour suffit sa peine
Ce proverbe s’adresse aux gens qui se préoccupent un peu trop des événements à venir et qui font, en cela, le contraire des indifférents. Effectivement, la vie serait intolérable si, en supportant les peines journalières, on y joignait l’appréhension des peines du lendemain. Voici ce que dit à ce sujet l’auteur latin Sénèque...
lundi 5 novembre 2012
Savez-vous où à grandi George Sand ?
Cathy Inigo Mont
Nohant est plus qu'une maison dans laquelle George Sand a longtemps vécu : il s'agit de sa maison de famille. C'est la grand-mère de George Sand, Mme Dupin de Francueil, qui a acheté en 1793 ce petit château. Elle y fit des modifications en attachant une importance particulière au vaste parc qui entoure la demeure et ses dépendances. La jeune George Sand, de son vrai nom Aurore Dupin, y passa son enfance et son adolescence. A l'âge adulte, elle resta profondément liée à sa terre et revint y vivre fréquemment si bien qu'elle devint pour les villageois la "bonne dame de Nohant". Elle y tint d'ailleurs salon en y invitant ses amis artistes comme Liszt, Balzac, Chopin et Flaubert. Delacroix y installa même son atelier durant un temps.
D'où vient le mot "binette" ?
Véronique Lascorz
D'où vient le mot "binette" ?
On ne sait presque rien de ce Monsieur Binet avant son arrivée comme coiffeur à la Cour. Ses créations capillaires et artistiques furent très vite remarquées lorsqu'il réalisé pour Louis XIV une perruque qu'il portera en février 1662 pouri interpréter le rôle de Phoebus lors d'une fête aux Tuileries. Puis le Roi et ses courtisans mirent à la mode les énormes perruques bouclées et abondantes que Binet fabriquait : bientôt on porta la binette, ce qui donnait une drôle de figure, une drôle de binette. La mode disparut mais le terme se fixa en 1791 avant de passer à l'argot où un dictionnaire le recense en 1848.
Source : Des mots qui ont une histoire de Gilles Henry
Histoire des salons littéraires.
Véronique Lascorz
Histoire des salons littérraires - Partie 2
Vers le milieu du XVIIe siècle, c’est le salon de Madeleine de Scudéry qui prit de l’importance. Les troubles des deux Frondes ayant dispersé en grande partie les habitués de l’hôtel de Rambouillet, cette écrivaine le reforma dans sa maison de la rue de Beauce, dans le Marais. Là vinrent Chapelain, Conrart, Pellisson, Ménage, Sarrasin, Isarn, Godeau, le duc de Montausier, la comtesse de La Suze, la marquise de Sablé, la marquise de Sévigné, madame de Cornuel, Arragonais, etc.
Dans les réunions, qui avaient lieu le samedi, on tenait des conversations galantes et raffinées. On y lisait de petites pièces de vers ; on y discutait les mérites et les défauts des ouvrages parus récemment ; on y commentait longuement, et souvent avec une pointe de bel esprit, les choses de moindre valeur et de moindre importance. Durant ces conversations, les dames travaillaient aux ajustements de deux poupées qu’on nommait la grande et la petite Pandore, et qui étaient destinées à servir de modèles à la mode. Chacun des habitués eut un surnom, presque toujours tiré des romans : Conrart s’appelait « Théodamas » ; Pellisson, « Acanthe » ; Sarrasin, « Polyandre » ; Godeau, « le Mage de Sidon » ; Arragonais, « la princesse Philoxène », Madeleine de Scudéry, « Sapho ».
Le plus fameux des samedis fut le 20 décembre 1653, qu’on appela la « journée des madrigaux » : Conrart avait offert, ce jour-là, un cachet en cristal avec un madrigal d’envoi à la maîtresse de la maison qui répondit par un autre madrigal, et les personnes présentes, se piquant d’émulation, improvisèrent à leur tour toute une série de madrigaux. C’est à une autre réunion du samedi que fut élaborée la carte de Tendre, transportée ensuite par Madeleine de Scudéry dans le roman de Clélie.
Une autre réunion se tenait chez la marquise de Sablé, quand elle se fut retirée au haut du faubourg Saint-Jacques pour habiter un appartement dépendant du monastère de Port-Royal. « Dans cette demi-retraite, dit Sainte-Beuve, qui avait un jour sur le couvent et une porte encore entrouverte sur le monde, cette ancienne amie de La Rochefoucauld, toujours active de pensée, et s’intéressant à tout, continua de réunir autour d’elle, jusqu’à l’année 1678, où elle mourut, les noms les plus distingués et les plus divers : d’anciens amis restés fidèles, qui venaient de bien loin, de la ville ou de la cour, pour la visiter ; des demi-solitaires, gens du monde comme elle, dont l’esprit n’avait fait que s’embellir et s’aiguiser dans la retraite ; des solitaires de profession, qu’elle arrachait par moments, à force d’obsession gracieuse, à leur vœu de silence. »
La comtesse de Verrue, ancienne favorite du duc Victor Amédée II de Savoie, amie des lettres, des sciences et des arts, accueillit également chez elle, à l’hôtel d’Hauterive, une société choisie d’écrivains et de philosophes, notamment Voltaire, l’abbé Terrasson, Rothelin, le garde des sceaux Chauvelin, Jean-François Melon, Jean-Baptiste de Montullé, le marquis de Lassay et son fils Léon de Madaillan de Lesparre, comte de Lassay et bien d’autres qui vinrent se fixer près de chez elle.
Ninon de Lenclos tint également, dans sa vieillesse, un salon lorsque des femmes du monde et de la cour, comme Marguerite de la Sablière, Marie Anne de Bouillon, Marie-Angélique de Coulanges, Anne-Marie de Cornuel, etc. vinrent se joindre au cercle de ses admirateurs. Françoise de Maintenon, à l’époque où elle était la femme de Scarron tint également un salon qui acquit une grande notoriété. Dans les salons des hôtels d’Albret et de Richelieu enfin, où se donnaient rendez-vous toutes les personnes de distinction, brillaient Marie de Sévigné, Marie-Madeleine de La Fayette et Marie-Angélique de Coulanges.
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