dimanche 18 novembre 2012

Entretien avec Rudy Cambier.

Annik Couppez Véronèse d'Olrac
Entretien avec Rudy Cambier. « Le poème, composé de dix Centuries, et connu sous le nom de « Prophéties de Nostradamus » n'a pas été écrit dans les années 1550 par le Provençal Michel de Nostredame ( 1503-1556 ), mais de 1323 à 1328 par un moine cistercien dont la langue maternelle était le picard parlé entre la Dendre et l'Escaut. L'histoire même du texte coulé de la plume d'Yves de Lessines, prieur de l'abbaye cistercienne de Cambron en Hainaut au début du 14ème siècle, est bien plus extraordinaire que les plus extraordinaires prophéties que les disciples et traducteurs de Nostredame ont cru y lire. Nous pourrions nous représenter l’aventure des Centuries comme une sorte de diptyque qui accolerait un panneau obscur à un panneau lumineux. Le premier correspondrait aux 220 premières années – de 1330 à 1550 – pendant lesquelles l’œuvre reposa quasiment inconnue et certainement incomprise dans la bibliothèque abbatiale. Le second panneau pourrait symboliser le coup de fortune qui a commencé avec Nostredame au milieu du 16ème siècle. Trompé par la graphie, la syntaxe et le style du vieux poème, croyant avoir découvert des prophéties inconnues parce que le moine avait déguisé les faits du passé en conjuguant les verbes au futur, le médecin provençal profita des troubles du temps et de la guerre qui ravageait la Flandre et le Hainaut, s’empara de l’œuvre d’un inconnu, l’emporta au loin, s’en prétendit l’auteur, la publia sous son nom et, saisi par des concours de circonstances rares, se retrouva élevé sur le pavois des plus grands prophètes. » Ainsi commence « Le dernier Templier », œuvre de Rudy Cambier, passionné de vieux textes et picard de surcroît (La Picardie s’étend de la Belgique, en Wallonie occidentale au Nord de la France ), parlant depuis l’enfance le patois picard de sa région, « entre la Dendre et l’Escaut », ce qui le mit à même d’aborder les Centuries avec la science et l’aisance de qui se sent chez lui. L’aisance…entendons-nous : le livre est issu d’un travail de 20 ans : une étude minutieuse, un travail patient, ardu, rigoureux, de chercheur: « …je me remis monastiquement à mes deux besognes bénédictines du moment, menées de front, l’une dissipant l’ennui de l’autre. La première était l’étude lexicologique, étymologique et sémantique de chaque mot des Centuries, seule méthode qui nous permet de louvoyer entre les écueils, c’est-à-dire d’éviter les contresens sur lesquels s’embrochent avec une rare constance les exégètes trop sûrs d’eux qui oublient que les significations, les nuances, la charge émotionnelle, et même la sonorité d’un mot changent avec les époques. Le second travail consistait à comparer, mot par mot, lettre par lettre, huit anciennes éditions des Centuries, corvée obligée parce que les textes de Nostredame sont reproduits par ses commentateurs inspirés avec une fantaisie dans l’approximation qui, lorsqu’elle n’est pas délibérément mensongère et tricheuse, s’apparente à un art surréaliste de l’à peu près. Quand j’eus accumulé 1.100 pages de notes sur la question, j’estimai que j’avais obtenu un résultat à peu près fiable et je stoppai cette galère » L’œuvre repose aussi sur l’extraordinaire culture de l’auteur. Cet homme connaît le Moyen-âge mieux que le fond de sa poche. Mieux, il est le Moyen-âge. Il s’est fait Moyen-âge – tellement pétri de son histoire qu’une partie de lui est devenue quelqu’un de là-bas. Tout le monde est à même d’expliquer un texte du Moyen-âge dit Rudy Cambier. Mais pour le saisir, pour le comprendre vraiment, de l’intérieur, il faut changer son cerveau. Car rien n’est plus étranger à nos destins d’hommes du 21ème siècle, à nos rapidités, à notre superficialité de zappeurs que ce Moyen-âge profond, complexe, riche de sens et qu’on ne peut conquérir dans le calme qu’avec une sage lenteur. Il fallait cette science extraordinaire, cette connaissance à la fois panoramique et anecdotique pour arriver, comme il l’a fait, à déchiffrer et comprendre : « …les clés de ces significations cachées nous sont livrées par des moyens assez simples, fort classiques et très couramment employés dans la littérature du temps : une grosse faute volontaire, des permutations de syllabes, de lettres, un changement de lettre, une inversion des temps de la conjugaison ( le futur pour raconter le passé), des jeux de mots aussi et des traits d’humour sur les noms propres… bref, rien que du connu, mais glissé ici avec un tel talent, un tel naturel, qu’on n’aperçoit pas grand-chose à la première lecture, même si on est averti et attentif, et qu’on n’y comprend jamais rien si on ne sait pas comment fonctionnait l’esprit des auteurs et des lecteurs de ce temps-là » Connaissance panoramique, disions-nous… Car l’auteur, qui sait s’attacher aux analyses les plus minutieuses, a aussi le souffle d’un admirable peintre de fresques. En veut-on un exemple? Voici, sous sa plume, la commotion de la Réforme : « … pourquoi Nostredame a-t-il volé ce qu’il croyait être des prophéties et pas autre chose ? La réponse est simple : parce que cette espèce d’écrits était la lubie et l’obsession de son époque, jusqu’à la folie. Pourquoi cette déraison ? Parce que la Réforme avait secoué la Terre et détruit un monde. A chaque grand chamboulement, les prometteurs de mauvais jours lèvent aussi vite et aussi dru qu’un semis de radis après une bonne pluie. Il est vrai que les prophètes, les médecins, les juges et les avocats ne prospèrent que dans le malheur. Que voulez-vous, si les hommes tuent, volent, sont malades, il veulent aussi savoir de quoi demain sera fait, et quand les certitudes perdent leur force, ils tentent d’éteindre le brûlant de l’inquiétude. Ils convoquent alors les prêtres qui prêchent, confessent et processionnent et/ou ils en appellent aux voyants et aux prophètes. Bref, ils usent des prophéties comme d’un emplâtre sur un ulcère. Dans la conception des Occidentaux de la fin du 15ème siècle, les hommes ne vivent pas plus longtemps que des lucioles, les royaumes croissent et meurent, les empires culminent puis trépassent, mais l’Eglise, « Epouse du Christ » est éternelle. Dans l’esprit de tous, la certitude ultime, plus que Dieu, c’est l’Eglise. Or, au milieu du 16ème siècle les Réformateurs ont attaqué l’Eglise romaine partout et l’ont vaincue en bien des endroits. Les princes de l’Eglise ne sont plus les maîtres absolus du destin des âmes, ils n’ont plus que leur parure et leur argent pour asseoir leur prestige, et leurs vices sont enfin stigmatisés comme abominables. En moins de 10 ans, le ciment de la société s’est délité, un ciment qui datait de Charlemagne et avait résisté à tout pendant 850 ans. Si les maîtres des âmes changent, c’est que même Dieu n’est plus une valeur sûre. Contrairement à ce qui se répète, ce n’est pas l’abomination de la guerre totale qui explique la fringale des prophéties du 16ème siècle. Rien de nouveau dans les atrocités, sinon le prétexte : les faibles meurent des rapines et des massacres de la soldatesque depuis 10 000 ans. Le nouveau, c’est que la Réforme veut convertir le peuple, soit directement soit indirectement en convertissant les Grands. Quelle que soit la voie, la révolution de 1517 a fait qu’on peut désormais rejeter la servitude spirituelle. Or celle-ci est le fondement social le plus solide, et si Rome n’est plus Rome, l’édifice occidental se lézarde, un gouffre s’ouvre au milieu de la cité. Pire, aux guerres de conquêtes territoriales est venue s’ajouter la guerre de religion, or si dans les guerres des princes le peuple était passif, dans les guerres de religion il est acteur. Des puissances irrécusables ont été bafouées, des repères sociaux ont été, ici rejetés, là ébranlés, ailleurs menacés. Voilà pourquoi la prophétouille devint la vache à lait de l’imprimerie. » * Le centre du livre de Rudy Cambier, c’est le texte de Yves de Lessines : « Par sa nature même et dès le premier abord, l’œuvre est déjà fascinante. Nul besoin de créer un merveilleux de pacotille. Les Centuries représentent quelque chose d’unique parmi toutes les littératures du monde et de tous les temps : quatre mille vers qui sont autant d’énigmes historiques. Voilà un exploit dont on peut dire, à coup sûr, que personne d’autre ne l’a jamais égalé. Or ce n’est là qu’un tout petit début dans la découverte de la multiple splendeur de l’œuvre d’Yves de Lessines. (…) Le poème entier procède d’un esprit religieux et médiéval. Il est bâti sur un mode trinitaire. Il faut toujours ouvrir trois portes pour voir ce qu’on a mérité de voir. » « (…) Par le seul jeu de l’intelligence du texte et des niveaux de lecture successifs, Yves de Lessines parvient, avec les mêmes mots et dans le même quatrain, à évoquer une histoire de son passé A LUI, une histoire de son présent A LUI, et à donner, en outre, une indication utile à celui qu’il appelle l’attendu. Cette dernière est la vraie finalité du texte qui n’a été écrit que dans ce seul but ; les autres sens sont les outils qui permettent à la fois d’éveiller l’attention de l’attendu et de leurrer les indésirables. Rien que ce trait révèle déjà que le prieur Yves était tout à fait un homme du Moyen-âge, âge qui fut, par excellence, le temps du règne, que dis-je le temps du despotisme du symbole, de l’allégorie et de la signification suggérée. La littérature médiévale est allusive, elle en appelle aux moyens les plus subtils de la composition ; qui veut percevoir toute la richesse de ce qui est simplement suggéré doit impérativement se mettre dans un état de réceptivité totale, condition nécessaire et préalable à une appréhension holistique du texte. » « Le texte lui-même, par sa structure, est à l’image de la divinité à la fois une et triple. (… ) Comme dans le jeu théâtral, où la vraie personne se trouve cachée par l’apparence, le poème présente un premier sens qui masque les deux autres, mais, de la même façon que les trois personae révèlent la divinité unique, les trois lectures ensemble donnent la clef de l’ultime vérité. Tout ce que je viens d’exposer brièvement n’est qu’un aspect de l’œuvre, à savoir la technique de la construction des énigmes (… ) Mais notre admiration pour cet aspect-là de l’intelligence de l’homme ne doit pas nous faire oublier le versant esthétique ( … ) « A la première lecture, même superficielle, de ce poème, l’abondance des images frappantes et des raccourcis saisissants secoue notre esprit. Yves de Lessines a le sens inné de la formule et de l’image : aucun artifice, aucune recette, seulement la voix du talent. Combien de vies résumées en un quatrain ? Combien de portraits cruellement frappés en deux vers ? Combien de grands personnages réduits à rien en une ligne ? Le tout passé au moulin d’un humour implacable qui va au tréfonds des choses, qui arrache les oripeaux des grands et montre ces gens-là dans leur nudité et leur vérité. » * Au départ, rien ne préparait Rudy Cambier à découvrir, sous le texte des « Prophéties de Nostradamus » même après qu’il eût identifié le poème des Centuries comme datant du début du quatorzième siècle, un écrit Templier. Et ce ne fût pas sans répugnance qu’il se résolut à l’admettre « On parle beaucoup des Templiers dans les Centuries ? J’en fus le premier surpris et, pendant deux ans au moins, moi, l’ennemi ironique des racontars échevelés qui bourgeonnent sans arrêt sur l’affaire des Templiers, je restai totalement incrédule, imperméable à ce que mes yeux lisaient. Ayant fixé l’époque de la rédaction des Centuries, j’aurais déjà été un peu surpris d’y trouver trace de l’Ordre. Le roi de France n’a pas été seul, loin de là, à profiter de la suppression de l’Ordre. Le Vieux Moine sait que le roi de France et l’aristocratie française d’abord, les favoris des papes et les puissants de tous les pays ensuite, se sont précipités au dépeçage, arrachant de la viande ou des tripes à la bête abattue. Mais gare à celui qui oserait donner son vrai nom à leur infamie : Vous pouvez encore le vérifier tous les jours : les manières de faire le mal ont changé depuis, mais la nature humaine n’a pas du tout bonifié chez certains. Ils font le mal avec un plaisir d’autant plus intense qu’il est secret. » ( … ) « A priori, bien que surpris, j’aurais admis l’éventualité de trouver dans les Centuries l’une ou l’autre allusion à l’Ordre du Temple, à la condition qu’elles fussent évanescentes et rares. Leur abondance et leur précision, en même temps que ce qu’elles semblaient révéler, les rendaient invraisemblables et, disons-le tout net, impossibles à croire. Il est vrai qu’au fil de mes lectures, j’avais croisé des choses templières dans des manuscrits du 12ème et du 13ème siècle, mais sans m’y accrocher. Je connaissais donc l’affaire, mais certainement pas plus que le reste de l’histoire du 11ème au 14ème siècle et assurément beaucoup moins que certains domaines de la littérature et de l’histoire de ce temps-là. En finale, il faut rester de bon compte et reconnaître que je suis plutôt rétif à avaler le premier roman venu et fort méfiant devant toute histoire un peu trop templière. Bref, je n’ai pas le profil d’un obsédé de l’ésotérisme cafouilleux. » (… ) « Je confesse que mon malaise – et mon silence prolongé – naissaient du refus de me couvrir de ridicule en livrant un récit aussi déjanté. Pour en finir, et aussi parce que je fus contraint par une circonstance hors de l’ordinaire de sortir du silence, j’ai résolu le problème à ma manière. Je me suis dis que, puisque je m’en tiens à traduire et expliquer un texte, la seule attitude sensée est de ne pas prendre position et de déclarer : voici, basée sur l’explication historique et philologique des vers, la manière de comprendre les Centuries et tirez-en vos propres conclusions. C’est un texte difficile, quoique, eh bien, je le trouve certainement plus clair et plus censé que du Mallarmé. Toutes les tentatives pour l’expliquer ont abouti à des résultats incohérents, mensongers, voire parfaitement idiots, mais si on l’entend comme un texte templier, il prend du sens et il est cohérent d’un bout à l’autre. » * Ce que racontent les Centuries c’est l’extraordinaire exploit de trois hommes qui vont décider de faire échec à Philippe le Bel et de sauver ce qui peut l’être en cachant des biens, des reliques, des archives. Et le livre de Rudy Cambier en les campant devant nou, prend ici une force, une dimension profondément humaines, trouve, pour les célébrer, d’admirables accents lyriques : « Aux confins contestés des royaumes du temps, entre France et Empire, entre Flandre et Hainaut, dans un petit canton de la plaine, le destin avait rassemblé ces trois hommes aux larges épaules qui allaient décider de sauver le Temple. Le Templier flamand est celui qui a donné l’ordre de soustraire la richesse de ses frères à la rapacité du monde impur. » ( …) « Ayant sauvé ce qui devait l’être », (il) disparaît pendant sept ans, c’est-à-dire pendant toute la durée de la procédure contre l’Ordre et de l’emprisonnement des dignitaires du Temple » ( …) « Aujourd’hui trop vieux Templier, rescapé de tant de combats, usé de tant de misères, survivant de l’apocalypse, l’homme de Flandre attend. Lui-même et ses conjurés avaient cru sauver l’Ordre en sauvegardant les biens. Ils avaient cru qu’au matin après l’orage, une sonnerie de leur trompette rassemblerait les soldats épars. Hélas, une fanfare dans un cimetière peut faire pleurer les vivants, mais ne fait pas se lever les morts. Les Français ont tué les hommes. Qui aurait pu prévoir ? Pourtant un grand rêve ne meurt qu’à l’instant où meurt le rêveur. Quelle force est plus grande que l’espérance qui frôle le désespoir ? Dans leur tête, sur leurs lèvres et dans leurs yeux, la résurrection de l’Ordre était imminente. Le miracle était pour demain. Ils verraient le signe. Bientôt un homme nouveau viendrait… Le vieux Templier de Flandre est revenu parmi les siens. Probablement devient-il frère convers, ce qui lui permet de résider en permanence à Cambronchaux, le domaine agricole de l’abbaye de Cambron, d’où il a vue sur le lieu de la cachette. Il attend… Personne ne vient… Il meurt. L’abbé de Cambron, fait presque incroyable tant il est exceptionnel, a été forcé de démissionner de sa charge sans que nul en sache la cause. Simple moine, il attend… Personne ne vient… Il meurt. Yves de Lessines, le vieux prieur, est désormais seul. Il attend… Il songe à la parole de l’Evangile : Quand le temps fut venu… Mais Dieu, qu’attend-il encore pour enfin, faire quelque chose ? Quand le temps sera-t-il accompli ? Sera-t-il un jour accompli ? Si Dieu est sourd, si sa Justice est aveugle, si la Providence dort, alors la sainteté est un leurre, et sa Parole, inanité sonore ? Yves est en colère. Yves en a marre, il maudit Dieu, et, pire, il ne le regrette pas. Comment peut-on aimer un dieu aussi… Ah ! S’il le tenait là, devant lui, il lui dirait…. Et puis l’humilité : « Que Ta volonté soit faite et non la mienne… » Quand le vieux prieur est à la grange de Cambroncheaux, il monte au champ de la Mère-Dieu, à la Croix philosophe, littéralement en vieux picard : le carrefour du sage… Là, au croisement de deux chemins, visible de loin, comme un phare guidant la nef du secours, il a planté un signe, l’Arbre du Temple, le saule pleureur. C’est là qu’il va méditer et attendre. » (… ) « Attendre… L’attente c’est l’espérance de chaque matin chaque soir déçue… C’est la certitude qu’après la tourmente, viendra l’embellie… N’est venue que la suite cruelle des jours vides… Depuis quinze ans déjà, le petit abri blanc est la demeure d’un étranger. Quelqu’un qui ne sait rien. Un brasseur dont les descendants, après des siècles, habitent encore ce lieu hanté par des fantômes aux voix perdues. Quatorze fantômes… ombre de ceux qui avaient travaillé à l’entreprise. Seuls trois d’entre eux connaissaient le secret du lieu. Ceux qui ont fait la marche ultime n’ont pas survécu : on n’a pas laissé de témoins et leurs os sont encore dans la cachette. Aujourd’hui le dernier, le Vieux Moine a encore l’espoir chevillé au corps. Etonnante confiance du vieillard qui regarde calmement la mort. Au soir d’une vie au cours de laquelle ses yeux ont vu quelques-uns des événements majeurs de notre millénaire, comment pourrait-il ne pas être déchiré entre le désespoir que souffle sa lucidité et l’espérance folle que lui commande sa foi ? Dans son récit la souffrance crie plus fort que l’espoir, mais c’est une souffrance religieusement vécue qui devient par là même souffrance divine. A ce niveau de spiritualité, on rejoint la souffrance que Dieu endure chaque fois que notre méchanceté est à l’œuvre. On entend nettement dans les Centuries le « Eli, Eli, lama sabachtani ? » du Vieux Moine. Vieillir, c’est voir les siens mourir. Dans l’âme du trop vieux prieur il n’y a plus que le silence, le froid et la ténèbre du désespoir. Chaque jour un peu plus, il songe à la mort qui s’est déjà mise en route. Il marche vers son rendez-vous avec, dans sa besace, un secret. Un secret qu’il rumine. Un secret qui l’écrase et le désespère. Le désespoir le saisit parce qu’il sait que nul autre que lui ne pourra résister à l’avidité. Nul autre n’aura la force de rester pauvre gardien et humble serviteur, étant assis sur cette formidable richesse. » (… ) « Il est seul à savoir et il n’a le droit de parler qu’à un seul, à celui que Dieu aura choisi. Pourquoi l’attendu ne vient-il pas ? Qu’a-t-il à traîner en chemin ? Où est-il donc, à cette heure-ci ? Le formidable secret qui se cache au fond de son cerveau et de son cœur va disparaître avec son pauvre corps mortel. L’armée de Dieu devra-t-elle mourir à jamais à l’instant où le vieux prieur va s’élancer vers la lumière ? Dieu ne le permettra pas. Dieu enverra quelqu’un demain, dans une semaine, dans un an…ou bien est-ce déjà le chemineau qui se hâte là-bas sur la route ? Un jour enfin, il arrive qu’une aube de désespérance s’achève dans un crépuscule de gloire. Le jour béni entre tous où le vieux moine voit la lumière et entend Dieu : puisque pas un seul homme ne s’est montré capable de le porter, c’est Dieu lui-même qui va se charger du secret Comment ? Voici : Yves le patient, Yves le désespéré va tout mettre par écrit, mais dans une forme telle qu’aucun mortel ne pourra la déchiffrer, sauf celui dont le destin est de faire renaître l’Ordre. A ce nouvel apôtre, le moment venu, quand il aura fait ses preuves dans les épreuves, l’Esprit-Saint donnera la Langue de Feu, la fulgurance, l’intelligence qui lui permettra de tout comprendre et de tout accomplir. Joie ! Joie ! Joie ! Pleurs de joie ! clamera comme lui Blaise Pascal quelques siècles plus tard. » (… ) « La tension au long de son chemin de mise à l’épreuve spirituelle a été telle que son esprit brusquement libéré explose et produit un pur chef-d’œuvre. Mais un chef-d’œuvre d’une espèce telle que, l’ayant sous les yeux, les hommes se sont mis à divaguer parce qu’ils n’imaginaient même pas qu’une telle chose pût exister. L’œuvre était absolument impossible à déchiffrer si on ne savait pas qui était l’homme, sans revivre ses émotions, sans pénétrer son cœur et sans connaître son histoire. » (… ) « Chaque nuit, pour quelqu’un qu’il ne connaîtra jamais, il trace les vers que tout son être a chantés dans la clarté du jour enfui, Estant assis de nuict secrete estude, seul repose sur la chaire d’airain… A Cambron, dans sa chambre de prieur, assis sur sa chaise d’apparat en bronze, à la lueur d’un lumignon et avec Dieu pour seul compagnon, le fidèle Cistercien cisèle un poème. Il enferme dans ses rimes le secret qui chante maintenant dans sa tête. Il compose une chanson telle qu’aucun homme n’en a jamais écrite, ni chantée, ni entendue de semblable : les Centuries. Quatre mille vers coulent par ses doigts sur les feuillets. Il a des mots superbes : les voix frémissent par les manches Splendeur divine ! Le divin pres s’assied. » (… ) « … Il écrit sans cesse, et toujours la même chose. Il redit de cent manières diverses, pour que l’attendu, s’il ne comprenait pas tout, s’il ne déchiffrait qu’un peu, en sache assez pour accomplir le destin de Dieu. Parfois la brûlure du désespoir lui fait crier : Trop tard viendra l’attendu. Mais tout de suite jaillit l’eau vive de l’espérance qui l’emporte dans les lointains : Pendant 500 ans, on ne parlera plus de nous qui étions l’ornement de notre siècle, mais après, le Temple renaîtra dans sa splendeur. Les mots d’Yves de Lessines ne sont pas une prophétie mais UN CRI. L’œuvre d’art vraie est toujours émotion vraie. Celle-ci est l’angoisse du vieux prieur Yves pétrie par son talent. » * « La fin du Temple fut un naufrage corps et biens, les Centuries étaient une bouteille à la mer. Yves de Lessines, leur auteur, déguisa son histoire sous des histoires, désigna un lieu précis sous le manteau d’un chemin à suivre et habilla sous la forme d’énigmes un cheminement qu’il voulait réel et spirituel à la fois, à l’instar d’un pèlerinage » Rudy Cambier, au travers d’un décryptage de plusieurs quatrains des Centuries nous emmène alors avec lui dans ce cheminement : « Ma démarche n’est ni une fantaisie, ni un fait du hasard. Elle vise à mettre en lumière le procédé même du Vieux Moine. Son poème révèle les routes suivies par les Templiers « obéissant à l’ordre hespérique », mais les noms de lieux cités répondent encore à un autre dessein : servir de points de repère destinés à attirer l’attention de l’attendu d’abord, à baliser sa route ensuite. C’est ainsi que, quand nous y regardons d’un peu près, nous voyons qu’aucune de ces notations topographiques ne nomme un lieu isolé, in abstracto, mais que toutes vont par couples, triplets ou carrés, définissant une direction ou nommant la prochaine étape. La technique de mise en forme de ces indications est tellement subtile que, dès que nous avons compris qu’il faut suivre un chemin balisé, n’importe quel nom de lieu repris dans les 4000 vers du poème peut servir de porte d’entrée : nous serons toujours conduits à l’endroit qu’il faut. » (… ) « A l’instar du message qu’il porte, le mouvement général du poème est centripète, y compris dans sa construction. Ainsi, au premier niveau de lecture, nous partons d’une histoire ancienne pour glisser à un fait contemporain et aboutir au message templier ; nous approchons la signification comme le temps du récit vient à notre rencontre : par étapes. La même logique gouverne le tracé des itinéraires qui sont brossés à grands traits dans les zones de départ et de plus en plus détaillés au fil du voyage jusqu’à finir avec l’incroyable minutie de la miniature, comme si, étant nous-mêmes placés au point d’aboutissement, nous les voyions arriver depuis les lointains. C’est le moyen tout simple de la densité croissante des notations toponymiques qui structure la direction en restituant la perspective de l’auteur, naturellement placé lui-même à l’endroit crucial. » Plusieurs chapitres sont ainsi consacrés à retracer le chemin qui nous mène là où le Vieux Moine a voulu mener l’attendu. Tout au long du déchiffrement des Centuries, nous effectuons un voyage, voyage vers le trésor du Temple bien sûr mais aussi, mais surtout, voyage en nous-même. Ainsi, arrivés au but, nous pouvons nous interroger avec l’auteur: « Aveuglant ceux qui ne doivent ni voir ni savoir, éclairant l’envoyé du ciel, Yves de Lessines a mené l’attendu au terme de son voyage. Assis sur la pierre équarrie, l’inconnu voit le pignon blanc de l’abri, minuscule enclave templière sauvée par une ruse géniale de la rapacité des équarisseurs de Philippe le Bel. Y ayant caché l’essentiel juste avant la catastrophe, les Templiers vendirent à réméré le bien à un brasseur. ( … ) Il aurait donc suffi qu’un envoyé se présentât avec la somme convenue et le second exemplaire du document de vente pour que, sans avoir la moindre justification à fournir à qui que ce soit, les Templiers recouvrassent leur bien. Mais en attendant l’abri et le champ qui l’entourait n’appartenaient plus à l’Ordre du Temple, ils n’étaient plus saisissables, nul prédateur ne pouvait en faire sa proie et le nouveau propriétaire n’avait pas le droit de le vendre avant l’échéance du terme convenu. » « Et quand le Vieux Moine fût mort, quand la flamme de sa chandelle ne luisait plus à l’étage de la tour, quand sa grande voix ne retentissait plus dans son abbaye parce qu’il dormait dans un trou, sans cercueil et la face contre terre en signe d’humilité, l’attendu est-il venu ? A-t-il trouvé la Terre des Débats et le village ? S’est-il, comme le Vieux Moine, assis sur la pierre quarrée ? Est-il entré dans la vieille maison ? A-t-il vu à la nuit tombante le Mont Aventine brusler de nuict et le ciel obscur tout à un coup en Flandres ? Ou bien est-il passé devant l’abri blanc sans comprendre ? Ci falt la geste que rudolf li cambi declinet le jor Msgnr st.Lois l’an.MCMXCII. de l’incarnation N.S. » * Ce n’est pas tout. « Le Dernier Templier » n’est pas qu’un superbe livre d’histoire servi par une culture hors du commun, ce n’est pas qu’une belle, subtile et scrupuleuse leçon de philologie, ce n’est pas qu’une grande aventure, qu’une quête spirituelle, qu’un beau rêve réel et restitué, c’est avant tout le livre d’un homme. « Au commencement, j’aurais volontiers parié avec ma tranquille assurance de paysan enraciné dans ses collines… » Ainsi se présente Rudy Cambier au début d’un des chapitres du livre... et ainsi nous le retrouvons partout. Enraciné dans un terroir. Avec ce que cela apporte d’authenticité à sa parole Ecoutons-le : Cette phrase déjà citée : « Les prometteurs de mauvais jours lèvent aussi vite et aussi dru qu’un semis de radis après une bonne pluie » Il y a du vivant là-dedans, c’est beaucoup plus que de la littérature : on sent déjà croquer le radis sous la dent. C’est le même homme qui, devant ces vers d’Yves de Lessines : « Des jours sont reduicts par les sepmaines, puis mois, puis ans, puis tous défailleront » commentera : « Sentez le rythme ! » Là encore la présence du vivant : la poésie, ça se sent comme cela, avec le corps. Avec la rondeur et la saveur des jours. Enraciné dans une famille : On le retrouve à tous les âges, notre auteur et à chaque fois il arrache à l’oubli un morceau de son passé vivant : « Combien de fois n’ai-je pas entendu mon grand-père chanter la même chanson à l’accisien qui venait prélever l’impôt frappant le tabac qu’il cultivait : Il avait trop plu, pas assez plu, fait du mauvais vent, un gros orage… »… « Ma grand-mère m’a raconté l’affaire bien des fois. Depuis la nuit des temps et jusqu’à la dernière guerre, vers les années 37-38, nos chiens buvaient dans un pot en pierre laissé à dessein près de la pompe. Quiconque allait au puits renouvelait leur eau, de cette manière toujours fraîche. »… « J’étais encore enfant, c’est-à-dire au tout début des années cinquante, quand mon père me mettait sur la barre de son vélo pour aller, le soir, écouter en une salle rurale les conférences des grands ingénieurs agronomes qui venaient expliquer le vrai progrès aux arriérés que nous étions. » ... « Grâce à mes longs démêlés avec le Pélo, un de mes profs de latin… » … « Au temps de ma préhistoire… » … « Je dois expliquer que je revenais d’une répétition de la fanfare et que, placé au bon endroit, à l’instant décisif, alors que son bras montait à la rencontre de la balle, j’avais envoyé une formidable sonnerie de bugle juste dans l’oreille d’un joueur de l’équipe adverse. Tétanisé, le gars avait laissé passer la balle de match. Nous avions gagné et Moustier avait perdu le championnat. Ce qui explique que les suppôts de l’ennemi étaient quelque peu ireux ce matin-là. » … « Voilà déjà trente ans passés, j’ai complètement refait la toiture de nos étables avec un ami de mon père. Entendons-nous bien : j’étais le manœuvre du charpentier Joseph Jean dou Paon, un vrai charpentier du temps de la belle ouvrage »… et jusqu’en ces derniers temps, sur le bord de déchiffrer l’une des énigmes des Centuries : « Ce coup de chance fut une envie subite …de carbonnades flamandes. A part en commenter la flaveur et le fondant… » Et puis il y a ces photos qui ouvrent et ponctuent les chapitres comment autant de portraits aimés, de liens avec un pays, un paysage. Ah ces souvenirs tout vifs, ces saveurs ! Voilà qui donne du relief à une étude philologique menée par ailleurs de main de maître et du caractère et du vécu à un livre d’Histoire ! Mais ce n’est pas fini, « J’étais jeune et je partis sac au dos, en stop. Tûr en resta toujours ébahi » Voilà que l’auteur nous prend par l’épaule, joyeux Tijl Ulenspiegel, et lui qui pratique le subjonctif imparfait sans broncher, nous parle familièrement : « On y ajoutera des délits commis à l’insu de son plein gré, comme disait si naïvement ce coureur cycliste abondamment piqûré »… « Revenant de très loin à nos moutons qui doivent se demander si leur berger n’a pas trépassé entre-temps… »… « Bien sûr la famiglia du Corse a coûté un os à la France » … « Philippe le Bel devait être un fana du Bourgogne »… « Un triste jour donc, allez deviner pourquoi, un olibrius tomba en pâmoison devant la Rochelle et en resta obnubilé. »… « Tout le monde sait ce qui distingue un masculin singulier d’un féminin pluriel ( chacun fait le bonheur de l’autre ) »… et ce récit d’une découverte capitale : « J’étais donc à Moustier, dans le porche de l’Eglise paroissiale. La canicule m’essoufflait et, comme je doutais de trouver la fraîcheur dans le bistro local, je poussai mes pas dans l’église, histoire de respirer un peu. J’en fis quinze et repérai au bout du bas-côté droit, gravées sur la face de l’autel, deux Tables de la Loi. Je m’approchai et faillis tomber de mon susse. Le texte gravé était incompréhensible. Pire que ça : débile et farcesque. Une bouffonnerie sur un autel, avouez qu’il y avait de quoi rester paf ! » (… ) « …Je traversai la nef en passant devant ce que, comme le bon peuple de chez nous, je nomme le banc de communion et, en tête de l’autre bas-côté, je trouvai naturellement un autel secondaire, celui de la Vierge. Rebelote ! Deux tables de la Loi ! Je ne refaillis pas tomber de mon susse mais ce fut tout comme. Deux tables c’est bien, quatre c’est trop. » (… ) « Plutôt délirant… Qu’est-ce que c’est que ce machin ? Avec ça en main, ( la transcription des tables de Moustier ) Qu’eussiez-vous voulu que je fisse ? Je rentrai chez moi Manger deux tartines. Et me reposer… » Par ailleurs, il l’avoue et on sent chez lui tout le frémissement jubilatoire qui l’habite quand il se livre à cet exercice, Rudy Cambier est aussi un polémiste : « Vous direz que je maltraite mes ennemis, « dit-il joyeusement, « mais que voulez-vous, un homme sans ennemis est comme un chien sans puces : sa vie n’est qu’un long sommeil » Et les Nostradamistes d’en prendre tout au long du livre pour leur grade ! « Pour éclairer le chemin de la vérité, la meilleure chandelle est encore de dire un peu de mal de l’adversaire. J’aime la polémique. Je veux dire que, ayant banni toute méchanceté de mon cœur, j’aime le ton de la polémique honnête pour son côté vif et plaisant, un peu théâtral aussi. La polémique au sens hégélien n’est-elle pas, en fin de compte, le moteur le plus efficace du progrès humain ? » (… ) « Mais les humains doivent mieux apprendre encore que c’est une faute de transiger avec le Mal et que c’est une indignité de faire des manières avec les méchants et leurs complices, quels qu’ils soient. Pas besoin de nous justifier : défendre le Bien et le Juste a un sens » (… ) « Votre indulgence, donnez-là à qui la mérite et réservez-la donc à mon verbe qui tempête » Il y a enfin, il y a d’abord, en Rudy Cambier, et cela fait tout le prix de l’écrivain et de son livre, un esprit véritablement original et indépendant, un rebelle qui ne se laisse pas monter sur la cervelle. En lui toujours ce petit garçon ébloui et animé de l’intérieur par ces premiers mots de Rousseau découverts dans un des livres de son père : « Je forme une entreprise qui n’eût jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur » Ecoutez-le gronder : Et d’abord dans cette parenthèse : « …l’intrigue ( pudiquement qualifiée « diplomatie » quand elle est maniée par les grands ) » « Le vrai dérange souvent, et vous avez sûrement remarqué que ces dérangés trouvent toujours le lieu inconvenant et le moment mal choisi. Ayons donc nous aussi toujours à l’esprit que quand on nous sert le sempiternel : « pas ici, pas maintenant, pas comme ça », il convient de traduire : « pas CA » ou « pas Vous ». Le sachant, résignons-nous à ne point plaire à qui n’est pas plaisant et posons donc, sans barguigner trop, les bonnes questions en exigeant les réponses factuelles. » « … Si nous voulons espérer comprendre ce que nous veut l’auteur de ces quatrains, c’est bien le moins de se mettre à son diapason… Les sans culture ne le peuvent pas, les esclaves de la pensée unique ne le peuvent pas non plus, les carriéristes ne le peuvent pas ni ne l’osent : ne pas se soumettre à l’opinion des grands bonzes et de leurs réseaux, c’est se suicider. Ah, ils m’énervent les installés dans le système qui posent en postulat que le fait qu’ils ne comprennent pas quelque chose prouve qu’elle n’existe pas et qui nous écrasent de leur certitude dédaigneuse parce qu’ils croient que tout ce que ne sait pas leur petit savoir n’a pas existé. Le fait qu’ils soient persuadés que leur science sait tout ne prouve pas qu’ils savent tout, ni surtout qu’ils soient capables de réfléchir. Je pourrais vous donner dix, cent, mille exemples où le temps a rapidement prouvé que ces « autorités », que ces grands « patrons » étaient de grands crétins, adroits, sachant utiliser les tons et les poses, mais des crétins. La plupart de ces gens font illusion, mais ils sont seulement doués de mémoire. La réflexion est le travail du cortex cérébral, la mémoire tout entière est logée dans le système limbique et l’amygdale, c’est-à-dire le cerveau reptilien. (…) Quand nous entendons quelqu’un, ne lui demandons pas d’énumérer ses titres, écoutons ce qu’il dit et réfléchissons, faisons nous aussi travailler notre cortex plutôt que d’avaler tout en bloc comme un reptile ingurgite son repas pourvu que le nourrisseur ait un uniforme de gardien de zoo… » Voilà l’homme. Ecce homo. « Il faut qu’il y ait de la chair dans un livre » ( je cite ) Effectivement, dans le livre de Rudy Cambier, le verbe se fait chair.

Les Précieuses ridicules.

La France pittoresque Aimé(e) · vendredi 18 novembre 1659 : première représentation des "Précieuses ridicules" ▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬● Quoique la comédie des Précieuses ridicules soit absolument sans intrigue, et sorte un peu du genre noble, elle doit tenir un rang considérable parmi les chefs-d’œuvre de Molière. Il osa, dans cette pièce, abandonner la route connue des intrigues compliquées... ► La suite sur http://bit.ly/UJPAo5

Légende celtique : la dame de la fontaine.

OWAIN mis sur son armure, monté sur son cheval et a voyagé à travers les terres lointaines et sur les montagnes du désert. Et en détail, il arrive à la vallée que Kynon avait décrit lui ; et il était certain que c'était la même chose qu'il cherchait. Et voyageant le long de la vallée au bord de la rivière, il suivit son cours jusqu'à ce qu'il est venu à la plaine et à portée de vue du château. (La Dame de la fontaine)

La légende de Saint Brandan ou Brendan.

La France pittoresque Brandan (La légende de saint) ▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬● Saint Brandan ou Brendan est le saint par excellence des vieux navigateurs bretons. Ses voyages sur l’océan Atlantique datent du sixième siècle. Il était né en Irlande vers la fin du cinquième siècle, et mourut le 16 mai 578... ► La suite sur http://bit.ly/T56udT

Traditions et légendes de la Belgique : introduction.

Traditions et légendes de la Belgique - Introduction (Otto von Reinsberg-Düringsfeld - 1870) Les Saisons - Alphonse Mucha Introduction Les anciens habitants de la Belgique divisaient l'année en douze lunes, division, qui frappe tous les hommes, car la lune disparaissant et reparaissant douze fois, coupe visiblement l'année en douze parties tandis que l'année solaire, véritable année, n'est point indiquée par des variations dans le disque du soleil. Mais voulant égaler leur année lunaire aux révolutions du soleil, ils ajoutaient de temps en temps une treizième lune de sorte que des trente années qui composaient le siècle gaulois, onze étaient de treize lunes. Le sixième jour de la lune était chez les Celto-Belges un jour sacré qui commençait les mois, les années et les siècles 1. Malheureusement il ne eus reste aucun document qui puisse nous donner quelques renseignements sur les noms des jours et des mois. A juger par analogie, il est à croire que l'année celto-belge commençait à la nuit du feu de Baal (« Oidhehe Baaltinne ») qui, en Irlande, s'allume encore de nos jours la veille du 1er mai. Sur le calendrier des Germano-Belges nous possédons des notions plus actes. M.Coremans dans « l'Année de l'ancienne Belgique», ouvrage dont on ne peut pas assez reconnaître le mérite, nous en donne un exposé aussi complet que lucide. 1 Schayes L.P.-B.A, I, 140. D'après lui, les Germano-Belges ne comptaient pas par années, mais par hivers, et comptaient par nuits et non pas par journées. Aussi ne divisaient-ils leur année qu'en trois parties : le printemps, l'été et l'hiver, ne connaissant de l'automne ni le nom, ni les biens, et on peut même présumer, que dans le principe l'année ne fut partagée qu'en deux saisons, l'été et l'hiver, parce qu'à cause de la rigueur du climat, il n'existait véritablement que ces deux saisons en Belgique. Les dénominations encore d'usage générai parmi les Flamands nous en fournissent la preuve presqu'évidente. Les paysans en Brabant comme en Flandre, ne parlent jamais que du « Zomerdag », jour d'été, et du « Winterdag », jour d'hiver. Le jour de St-Mathieu est pour eux le « winterdag », le dimanche de la Mi-Carême le « zomerdag », la Noël le « midwinter », mi-hiver, et la St-Jean d'été le « mid-zomerdag », jour de le mi-été. Le printemps s'appelle en flamand « Lente » (du vieux mot « lyns, lins, mou, doux) et l'usage s'est conservé dans les campagnes de le partager en deux parties, dont la première nommée «kleinlente», petit printemps, va du zomerdag jusqu'au « wonnezondag », dimanche des délices, qui est celui de « Jubilate », et l'autre appelée «grootlente », grand printemps, finit à la St-Jean. Une autre dénomination du printemps, en vieux flamand: « springtyd », temps d'éclosion, nous rappelle le mot « spring » dont les Anglais se servent pour désigner le printemps. Le «zomer », en haut-allemand « sommer », été, doit son nom selon quelques auteurs, aux moissons ( « sommer » en vieux flamand, rassembler) 1, selon d'autres à « Sunna » ou « Zuna », déesse du soleil, à laquelle l'été était consacré. « Herfst » en haut-allemand «Herbst », signifiait anciennement et signifie encore aujourd'hui en quelques contrées «récolte des fruits », comme en anglais « harvest » (en anglo-saxon « haerfest », de « haeran », rassembler); d'où provient le vieux verbe « herfsten », en anglais « to harvest », récolter. Le « winter », hiver, est la saison du vent ou « Wind »; la mi-hiver ou « midwinter » marquait en même temps le commencement de l'année, célébré par les fêtes de « Joul » ou « Joel », qui se continuaient jusqu'à la « treizième nuit », c'est-à-dire jusqu'à la dernière des douze saintes nuits ou «twelf nachten », dénomination encore généralement en usage de nos jours. L'année avait douze mois, dont les noms se sont en partie maintenu jusqu'à présent. Il en est de même des dénominations des jours, dont chacun portait le nom d'une divinité particulière. 1 « Someren » encore aujourd'hui dans le Limbourg cédé « glaner. » Le dimanche ou « zondag », jour du soleil, était consacré à « zuna» ou « Sunna », le lundi ou « maendag », jour de la lune, à « Manan » ou « Monan », frère de la déesse du soleil. Le mardi, appelé « dingsdag » ou « dinsdag, desdag, disdag, dissendag » était dédié à «Tyr» ou « Zin », le Mars teutonique. Le mercredi ou « woensdag », était le jour de wodan ou Odin, le dieu suprême des peuples du nord. C'est pourquoi ce jour était presque généralement respecté comme jour sacré. Quelques peuplades pourtant lui préféraient pour le jour de fête hebdomadaire le jeudi ou « donderdag », jour du tonnerre, qui était dédié à « thor » ou « donar », l'aîné et « le plus vaillant des fils d'Odin ». Le vendredi ou « vrydag, vreyadag » était consacré à « freyja », la Vénus germanique. Le nom du samedi « zaturdag, saterdag » ne paraît être qu'une traduction du latin « dies saturni ». M. Coremans le met pourtant en rapport avec le dieu «Saeter» ou « Seater », qui se confond avec « Suaf, Seaf », placé à la tête des généalogies de Wodan. Nombre d'idées superstitieuses, rattachées encore à présent aux jours particuliers de la semaine, se rapportent au culte des divinités païennes, auxquelles les jours étaient dédiés. Il suffit de rappeler ici le dicton populaire : « Mariage de jeudi, heureux mariage » (puisque Donar était aussi considéré comme dieu des hymens), et la coutume qui en maintes localités et nommément en Brabant s'est conservée jusqu'à nos jours, d'attribuer au jeudi le caractère d'un demi-jour de fête. La croyance assez généralement répandue que les jours fatals ou jours de sort, appelés en flamand « lotdagen », décident du sort des moissons, du bétail et d'individus isolés, pendant le cours de l'année, dérive de la même source 1. Le dimanche devint le jour de fête hebdomadaire; le jeudi fut consacré à l'adoration de l'Eucharistie parce que l'institution de ce sacrement d'amour se fit le Jeudi-saint; le vendredi, jour de la mort de Jésus-Christ fut dédié au souvenir de la passion de Notre-Seigneur et le samedi était déjà avant le huitième siècle considéré comme le jour de la Sainte-Vierge. Le commencement de l'année différait en Belgique selon les localités. En général il était fixé à Noël ou à Pâques. A Anvers, au secrétariat de la ville, l'année civile s'ouvrait au Vendredi-saint à midi, mais l'année financielle commençait au jour de St-Martin et finissait à la veille de cette fête, probablement, parce que jadis le magistrat ou « wet » se renouvelait chaque année ce jour-là. Les négociants étrangers, qui se trouvaient en grand nombre à Anvers, 1 Coremans J., 7-10, 42-68. comptaient selon le style de leur pays natal, en commençant l'année soit au 1er mars, comme à Venise et à Bénévent, soit à Noël, comme à Milan, à Rome et en Allemagne 1. Dans le Brabant l'usage était de commencer l'année à Pâques selon le style de Cambrai. Ce style que l'on appelait ordinairement (« mos gallicus » ou «styl loop, ghewoonte van don hove; » dénomination, qui fut également reçue en Hollande et qui plus tard fut appliquée par les Flamands à l'année commençant le Samedi-saint, fut aussi adopté en Flandre et dans le Hainaut. Mais pour éviter toute confusion, les notaires qui suivaient ce style dans leurs actes, étaient obligés d'ajouter à leurs dates, lorsqu'elles précédaient Pâques, les mots : « selon le style de la cour » on bien « avant Pâques » ou « more gallicano.» Avant d'adopter l'époque de Pâques, au Xe siècle et au XIe, on datait en Flandre du jour de Noël. A Bruges et dans les environs de cette ville, ou le « sticht » d'Utrecht possédait l'église de St-Boniface ou de Notre-Dame, ainsi que de grands droits seigneuriaux et ecclésiastiques à Sysseele, était usité le style d'Utrecht, qui comptait avant 1313 depuis l'Incarnation (le 25 mai), mais à dater de cette époque depuis la Nativité de Jésus-Christ (le 25 décembre). Dans certaines contrées de la Flandre et du Tournaisis l'année commençait après la messe du Vendredi-saint, comme dit Li Muisis, et on appelait ce style dans le pays de Bruges par opposition à celui d'Utrecht, le style de Tournai. Li Muisis lui-même, dans sa chronique, commence les années au Vendredi-saint, tandis que Froissart date toujours du 1er janvier, selon le style romain. Les notaires et les receveurs du Luxembourg prenaient dans leurs actes, le 25 mars pour le premier jour de l'an. Le duc de Requesens, gouverneur des Pays-Bas, en ordonnant, en 1575, par un placard du 16 juin, que l'année commencerait au 1er janvier, abolit tous ces différents styles 2. L’Église seule continua de commencer l'année à Noël, mais fixa plus tard le commencement de l'année ecclésiastique au premier dimanche de l'Avent, usage qui s'observe encore de nos jours. Parmi les fêtes qui depuis l'introduction du christianisme furent établies en Belgique, les kermesses appelées en flamand kermis, en wallon ducasses occupent, sans contredit, le premier rang. 1 Mertens, t.II, 434; t.VII, 610. 2 A.d.l'E., t. X, 394-8; A.d.l'U., d.L. 1851, XXXII., LXXII. Comme le nom le dit, kermis vient de kerkmis, messe de l'église, et ducasse par altération de « dédicace. » - Ces fêtes furent instituées pour rappeler chaque année le souvenir de la consécration solennelle d'une église. La semaine teutonique était de sept jours, les fêtes se réglaient suivant les phases de la lune. Les époques les plus solennelles de l'année étaient le nouvel an, le commencement du printemps, le temps de la récolte et les solstices. Quand le paganisme céda à la religion chrétienne, l'Église, tout en rejetant ce qui n'était pas conforme à ses dogmes, ne supprima pas tout d'un coup les vieilles fêtes et les cérémonies qui s'y rattachaient, mais elle en sanctifia le but, en les appliquant aux fêtes chrétiennes qui tombaient sur un temps peu éloigné. Fidèles aux préceptes du Pape saint-Grégoire le Grand, les missionnaires élevèrent souvent leur sanctuaire à l'endroit même, où les gentils avaient adoré leurs dieux. Ils se contentèrent même parfois de transformer les temples en églises et les simulacres païens en images chrétiennes, et permirent aux peuples germaniques de conserver aux jours et aux grandes fêtes les dénominations païennes. Mais bien que les apôtres du christianisme fissent tout leur possible, pour ménager la transition et pour rendre à de rudes barbares l'Évangile plus acceptable, le paganisme continua à dominer fort tard dans la plus grande partie de la Belgique. Il ne faut que consulter « l'Indiculus superstitionum et paganiarum » « ou sommaire des superstitions et des pratiques païennes », condamnées par le concile de Leptines (le village actuel des Estinnes près de Binche, où les rois francs de la seconde race avaient un palais), tenu en 743, pour voir combien l'ancien culte avait encore d'empire sur les Belges nouvellement convertis. Le peuple était opiniâtrement attaché à ses anciens usages et à ses croyances; c'est par suite de cette ténacité du caractère belge que la civilisation et les moeurs romaines n'exercèrent que peu d'influence sur la Belgique, mais c'est aussi par la même raison que malgré ses efforts le clergé n'a pas jusqu'à présent réussi à extirper toutes les pratiques superstitieuses que le christianisme ne pouvait adopter et que l'Église a condamnées mille et mille fois comme des erreurs. Remarquons au surplus, qu'il était on ne peut plus difficile de déraciner entièrement les coutumes du paganisme chez les peuples du Nord et qu'en Suède on découvrit encore au siècle passé les pratiques de l'ancien culte de « Thor ». Charlemagne voulant consolider l'union des différentes peuplades de son vaste empire, régla les dénominations des mois; c'est aussi sous le règne de cet empereur que l'usage de compter les années par celles de Jésus-Christ s'est établi en Belgique. Les jours de la semaine, comme nous venons de le dire, ne changèrent pas de nom, mais en recevant une destination analogue au génie du christianisme, ils perdirent peu à peu la signification primitive de leurs dénominations. Dans le principe purement religieuses, les kermesses, dont les actes synodaux de l'évêque Aylo de Bâle, de l'an 822, font déjà mention, devinrent bientôt des réjouissances populaires et prirent dans les Pays-Bas le caractère de fêtes nationales. Partout on attendait avec la même impatience la venue de la kermesse pour la célébrer de la manière la plus joyeuse, partout on rivalisait de magnificence pour ajouter à la splendeur des festivités et pour donner à la fête locale de nouveaux attraits. C'est surtout sous la domination espagnole, que brillèrent le kermesses par la pompe et le luxe des cavalcades et processions connues sous le nom flamand de Ommegang, et l'affection des populations flamandes pour ces sortes de cérémonies était telle qu'à Furnes, une seule année, celle de 1592, n'a pas vu moins de quinze de ces processions, sans compter celles de dévotion ordinaire 1. Les Ommegang d'aujourd'hui n'offrent que le faible reflet des cortèges d'autrefois, mais la célébration des kermesses: est restée intacte jusqu'à nos jours, bien que les autorités civiles et ecclésiastiques aient plus d'une fois essayé de restreindre ces festivités qui, par trop souvent, ont amené de graves désordres. A cause de la grande affluence d'étrangers qu'attiraient les kermesses avec leurs spectacles de tout genre, il s'établit de bonne heure des marchés ou foires à l'époque des kermesses, de sorte que la dénomination de « kermis », pour désigner une foire est restée eu usage dans la Hollande, quoique les dédicaces y soient tombées en désuétude depuis l'introduction du Calvinisme. D'autres fêtes qui en grande partie se sont conservées jusqu'à présent, doivent leur origine à l'organisation des communes et des nombreuses associations de toute nature, qui, de tout temps, ont joué un rôle considérable dans l'histoire de la Belgique. 1 Geschiedenis der Veurnsche Processie, door H. Van de Velde, Veurne, 1855, p. III. * BLOG INFOS AVRIL 2012 Nouvel article : NOSTALGIE Vues d'Auderghem (Oudergem-Avergom) entre 1890 et 1940... ou "La saga du navetteur et le carrefour Léonard revisité"

Sorciers et sorcières, en la Belgique et alentours d'autrefois

L'Arbre, de Pietro Ciafferi (1600-1654)
SORCIERS ET SORCIERES DANS LA BELGIQUE D’AUTREFOIS ET ALENTOURS Extrait de ESSAI HISTORIQUE SUR LES USAGES , LES CROYANCES , LES TRADITIONS, LES CÉRÉMONIES, ET PRATIQUES RELIGIEUSES ET CIVILES DES BELGES ANCIENS ET MODERNES. A.G.B. SCHAYES 1834 CHAPITRE XL Croyance à la magie et au pouvoir du diable ; date de la plus haute antiquité, parmi les Juifs , les premiers chrétiens et au moyen âge ; défenses des conciles et des capitulaires contre les pratiques de magie ; dans quel sens la magie y est proscrite. — Salle d'Innocent VIII qui ordonne des poursuites judiciaires et criminelles contre les sorciers ; premiers inquisiteurs en Allemagne et en Belgique pour crime de sorcellerie; le Malleus Maleficarum de Sprenger. — Bulles de Jules II, Alexandre VI, Léon X, Adrien VI et Clément VII contre la sorcellerie; les délateurs de sorciers récompensés par des indulgences et de l'argent; indices qui font reconnaître les sorcières et sorciers ; manière cruelle dont on procédait à l'égard des accusés; tortures qu'on leur faisait subir; preuves ridicules et absurdes de connexion avec le diable; peines sévères auxquelles on soumettait les accusés déclarés innocens; genre de supplices pour les sorciers; horreur qu'ils inspirent; les enfans obligés d'assister au supplice de leurs parens. — Nombre de sorciers brûlés au 16me siècle, en Italie, en France, en Angleterre, en Allemagne; 900 sorciers, en Lorraine, brûllés en quinze ans de tems; condamnations pour sorcellerie en Espagne et dans les Pays-Bas ; les procédures pour sorcellerie combattues en premier lieu dans ce dernier pays. — Disquisitiones magicae , livre abominable du jésuite anversois Delrio; absurdités dont il est rempli et maux qu'il a produits; Jacques I, roi d'Angleterre, prend la défense du livre de Delrio. —L'université de Salamanque appelée école du diable, et pourquoi; l'Espagne, pays des sorciers; perruque de Philippe V; la princesse des Asturies ensorcelée par son tailleur; sorcier brûlé en Espagne pour avoir pondu des oeufs. — Sorciers brûlés au 17me et 18me siècle en France, en Pologne, en Allemagne et dans les pays de la religion réformée; ouvrages écrits au 17me siècle contre et pour la sorcellerie. — Histoire de la sorcellerie en Belgique au 17ème et 18ème siècle; exécutions à Gand, Rupelmonde, Harlebeeck; soixante-quatre sorciers et sorcières brûlés à Ruremonde en 1613 et cinquante à Douai; autres exécutions à Hoycke , Gand, Eestert, Liège, Stelin, etc; décision du conseil de Flandre sur la procédure pour sorcellerie. — Noueur d'aiguillette condamné à Gand en 1709. — Sorciers et sorcières en Belgique à la fin du 18ème et au commencement du 19ème siècle. — Sentence du conseil de Flandre en 1595 pour crime de sorcellerie, pièce inédite. La croyance à la magie et aux possessions diaboliques date de la plus haute antiquité. L'écriture défend de consulter le sort et les sorcières: il y est dit que Dieu frappa de mort Saül pour avoir consulté la Pythonisse ( 1 Parai. , c. 10 ). L'évangile est rempli d'histoires de possédés guéris par Jésus-Christ. Le plus connu de ces miracles est l'expulsion de 6000 diables du corps de deux possédés et leur entrée dans celui de 2000 cochons (1). Les légendes et les chroniques du moyen âge renferment une foule innombrable d'histoires de possédés. Nous n'aurions pas fini s'il fallait parler de tous les possédés de la Belgique dont fait mention la légende de presque chaque ville et village de cette contrée. On trouve dans l'histoire seule de l'image miraculeuse de la Vierge de Louvain par le très révér. VanderBuecken, Pléban de la grande église de cette ville, l'histoire de la guérison de 2l possédés. Nous ne parlerons donc que de la magie et de l'histoire des procès pour fait de sorcellerie. Par une loi de l'an 321 Constantin condamne les superstitions de magie qui nuisaient à la santé des hommes ou qui les portaient à l'incontinence ; mais il excuse toutes les pratiques employées pour la santé ou pour détourner la pluie ou la grêle. Les chrétiens désapprouvèrent cette loi comme n'étant pas assez sévère , et elle fut abrogée par l'empereur Léon dans la Novelle 65. Constance fit une loi qui condamnait à mort tout sorcier guérissant des maladies par des enchantemens ou par des amulettes (Amm. Marcel, lib. 16 et 19 ). Valentinien fit mourir une vieille femme qui dissipait les fièvres intermittentes par des paroles, et fit couper la tête à un jeune homme qui touchait un marbre et prononçait sept lettres de l'alphabet pour guérir du mal d'estomac ( id. lib. 29 ). Les autres lois portées contre les pratiques superstitieuses de la magie sont beaucoup plus indulgentes. Le concile de Laodicée, au 4ème siècle, excommunie les sorciers , astrologues et distributeurs d'amulettes ; le concile de Rome, sous Grégoire le Grand en 712, et celui d'Agde renouvelèrent cette condamnation. Les conciles d'Auxerre et de Reims blâment, quoique moins sévèrement, les pratiques de sorcellerie. Le premier concile d'Orléans condamne la divination par le sort des saints. Le concile de Narbonne alla plus loin et ordonna que les sorciers fussent fustigés et vendus. Charlemagne publia plusieurs édits capitulaires contre les sorciers, les devins , les enchanteurs, les noueurs d'aiguillette et les astrologues . Les premiers apôtres de la Belgique défendent aussi strictement aux Belges payens les pratiques superstitieuses de magie et de divination, comme nous avons déjà vu précédemment. Toutes les lois ecclésiastiques et civiles, à l'exception de celles de Constance, ne condamnent donc les pratiques de la magie que comme une superstition et non comme un crime capital. Il est étonnant que , pendant qu'on était si sévère à l'égard de ceux qu'on accusait d'hérésie , et souvent à tort, on n'ait considéré et puni les sorciers , jusqu'à la fin du 15me siècle, que comme des trompeurs et des charlatans , c'est-à-dire, de l'excommunication ou d'un simple emprisonnement de- trois jours. En Belgique les pratiques de magie n'encouraient même aucune punition. Seulement dans le Hainaut, les trésors qu'on pouvait prouver avoir été découverts de cette manière, étaient confisqués : « il est permis, disent les chartes du Hainaut, à chacun, sur et en son héritage, chercher et faire chercher argent et trésor caché, moyennant qu'il n'use pas d'un art défendu, comme enchanterie ni charmes. Le trésor trouvé par moyens semblables et illicites est confisqué au profit du seigneur. » ( art. 2 et 3 , chap. 129 ) Ce n'est que depuis la publication de la bulle d'Innocent VIII, en 1484 , qui ordonne la procédure pour sortilège , qu'on commença à considérer cette superstition comme un crime des plus graves. « C'est depuis l'époque de la publication de la bulle d'Innocent VIII , dit Scheltema , que l'accusation de sortilège et d'artifices diaboliques fut considérée devant la justice à l'égal de l'accusation d'assassinat, vol et autres causes criminelles. » Henri Institutor fut nommé par cette bulle inquisiteur pour l'Allemagne-Supérieure et Jean Sprenger pour la basse Allemagne ; on leur donna pour adjoints Jean Gremper , prêtre de Constance , et pour protecteur Albert de Bavière , Evêque de Strasbourg , homme généralement décrié pour son avarice , sa méchanceté et la corruption de ses mœurs. Ces inquisiteurs devaient prêcher contre les sorciers, et sévir corporellement et spirituellement contre eux. Sprenger écrivit un livre intitulé : Malleus maleficarum (le marteau des sorcières), où il prétend prouver l'existence de la magie par l'écriture et les pères, et démontrer que les procès pour sortilège sont de la plus grande nécessité pour la conservation du christianisme et du genre humain. Scheltema donne une analyse de cet ouvrage, curieux par la bizarrerie et le ridicule de ses argumens. C'est la femme que Sprenger y attaque principalement, comme étant plus que l'homme sous l'influence du diable II remonte à cet effet jusqu'à Eve corrompue par le serpent, et démontre a priori que notre mère commune à légué sa faiblesse à son sexe jusqu'au tems présent. On y voit la manière dont on procédait à l'égard des accusés ou accusées. Ils n'étaient pas libres de se choisir un défenseur, et si celui-ci défendait son client avec trop de chaleur , il devenait lui-même suspect et même coupable. L'accusé ou plutôt l'accusée ( l'auteur est toujours ennemi des femmes ) ne pouvait regarder ni même voir le juge , et devait être introduite à reculons dans la salle où siégeait le tribunal. Le juge devait avoir près de lui un vase d'eau bénite et du palmier, et avant de procéder, faire le signe de la croix afin d'annuler la puissance du vieux serpent, etc., etc. L'auteur se complait à décrire dans son latin et son style barbares et obscures , et cela avec la plus grande indifférence , tous les tourmens infligés aux sorciers, tels que décapitations, noyades , supplice du feu , etc. A l'indignation qu'on a éprouvée à cette lecture, succède la pitié et la dérision lorsque l'inquisiteur nous rapporte une foule de contes de magie plus ridicules les uns que les autres, les moyens employés par les sorcières pour se rendre invisibles, se transformer en chats, en loup-garrou, etc., pour exciter la pluie en remuant avec une petite baguette de l'eau contenue dans un trou fait en terre , etc., etc. Le pape Jules II ( un Médicis ! ) accorda à celui qui dénonceraient ou poursuivraient les magiciens les indulgences qui avaient été accordées anciennement aux Croisés. Alexandre VI, d'odieuse mémoire, Léon X , tout philosophe qu'il était , le vertueux Adrien VI et Clément VII portèrent aussi des bulles fulminantes contre la magie et les sorciers. On plaça dans les églises des boîtes pour recevoir les dénonciations, et on promit non seulement des récompenses spirituelles, mais encore des récompenses pécuniaires pour les dénonciateurs. Celui qui ne dénonçait pas un homme qu'il croyait magicien, devenait suspect lui-même. La dénonciation d'un seul homme, d'un ennemi personnel, suffisait pour plonger quelqu'un dans des cachots affreux, lui faire subir des tourmens horribles et souvent le supplice le plus effroyable! On ne considérait nullement la moralité ou la réputation dans le dénonciateur : un voleur, un assassin , un scélérat coupable des crimes les plus énormes était reçu en témoignage comme l'homme le plus honnête! Les dépositions faites à l'article de la mort in articula mortis étaient surtout du plus grand poids. On fit accroire au peuple que tous les malheurs et toutes les calamités dont l'Ecriture menace le genre humain ne seraient produites que par l'effet de la magie. Des yeux châssieux , une bosse ou la courbure du corps causée par le grand âge étaient des signes de culpabilité chez les accusés. L'accusé tentait-il de fuir ou de se défendre au moment où on venait l'arrêter, marque de culpabilité; montrait-il de la crainte, autre marque de conviction ; avait-il un air d'assurance, c'était le diable qui l'encourageait. Au moment où on arrêtait un prétendu sorcier, on le levait de dessus la terre, pour détruire la puissance du diable : on lui coupait ensuite les ongles et on lui rasait tous les poils du corps, parce que c'était là qu'étaient contenus les charmes. On examinait s'il n'avait pas sur le corps quelque signe ou marque imprimé par le diable ( stigma diabolicum ). Observait-on quelque tâche semblable, on y enfonçait une aiguille , et si le patient ne montrait aucun signe de douleur , alors on n'avait plus aucun doute sur son pacte avec le démon. On refusait à l'accusé , pendant l'instruction de son procès , le moindre allégement ou consolation. Personne de ses parens ne pouvait l'approcher , et il était même défendu de prier pour lui comme ennemi de Dieu et indigne de cette faveur. L'interrogatoire suivait de très près l'arrestation, de peur que le diable n'eût le tems de se concerter avec son adepte. On adressait au coupable treize questions principales : Quel serment il avait fait au Diable ? De quelle manière et avec quelles cérémonies il avait fait ce serment? Quelles étaient leurs promesses réciproques, de lui et du Diable? De quelle manière il s'était rendu au sabbat, si c'était à pied ou à travers les airs ? Quel était l'onguent que lui avait donné le démon pour se frotter le corps et se rendre invisible? A quel endroit du corps il l'avait appliqué? Quel moyen il employait pour jeter un maléfice sur les hommes , les fruits et les bestiaux ? Combien de personnes se trouvaient au sabbat lorsqu'il y avait été? Dans quel lieu se tenait le sabbat ? Ce qu'on y faisait etc , etc. Les juges n'avaient pas honte d'employer toutes les subtilités et les questions captieuses qui pussent perdre l'accusé ; un d'eux alla jusqu'à avoir l'effronterie de se vanter que si le Pape lui-même lui tombait sous la griffe, il se faisait fort de le faire déclarer magicien. Si l'accusé n'avait rien avoué dans l'interrogatoire, ou si son crime ne paraissait pas assez avéré, on l'appliquait à la torture ou on le soumettait à l'épreuve de l'eau froide. Les tortures appliquées aux personnes accusées pour sorcellerie étaient beaucoup plus cruelles et duraient beau coup plus de tems que celles qu'on faisait subir aux meurtriers , aux incendiaires ou aux hommes prévenus des crimes les plus énormes. Voici la manière ordinaire usitée en cette occasion : après avoir exorcisé l'accusé, on le liait sur le chevalet, et on lui attachait sur le corps nombre de reliques et d'objets sacrés ; puis on lui faisait vider une coupe de vin aigre appelée la santé de St. Jean ( Johannes zegen ); on lui ordonnait de cracher le diable et de répandre des larmes ( ce qu'un sorcier ne pouvait faire) ; ensuite on lui faisait subir successivement tous les tourmens imaginables. On se servait surtout de la flagellation : les verges étaient trempées préalablement dans de l'eau bénite et le dos du patient frotté de sel bénit et lavé avec de l'eau bénite ; le tout pour détruire le pouvoir du diable et son obstination à se taire ( taciturnitas diaboli ). L'accusé n'avouait-il rien , c'était l'esprit malin qui lui imposait silence ; la force des tourmens le faisait-elle faiblir , sommeil du diable ou de sorcier ; jetait-il ses regards au tour de lui , il cherchait son maître ; mourrait-il au milieu des tourmens, c'était le diable qui, par pitié , l'était venu délivrer. Pour toute autre accusation que pour celle de magie, le tems que devait durer la torture était fixé ; ici on le prolongeait à volonté : quelquefois l'accusé était appliqué à la question jusqu'à vingt reprises ; ce que le jésuite Delrio ose encore qualifier du nom de grâce. « On torture en Flandre le patient, dit Damhouder, aussi souvent et aussi longtems qu'il ait avoué le fait. » Dans un procès pour sortilège il est fait mention d'une torture qui dura dix-huit heures ; aussi le patient mourut-il au bout ce tems. Est-il possible , d'après tout ce que nous venons de dire, qu'une vieille femme accablée par 1’âge et par les infirmités , et c'était presque toujours des personnes de cette espèce qui paraissaient sur le banc des accusés , ait pu soutenir un supplice aussi effroyable sans s'avouer coupable ? Doit-on s'étonner que le délire d'une fièvre brûlante, causée par la force des douleurs , lui ait fait dire les choses les plus absurdes et les plus ridicules, comme d'avoir eu commerce avec le diable transformé en jeune garçon ou en jeune fille ; d'avoir contracté avec lui par acte écrit avec du sang, en mangeant avec lui une pomme , ou en en recevant pour gage une pièce d'argent qui se changeait ensuite en un figue pourrie; d'avoir eu commerce avec le diable au sabbat sous la forme d'un bouc; d'avoir été changée en loup-garrou , chat , chauve-souris , corbeau , puce , et d'avoir voyagé ou traversé l'air sur un manche à balai ; d'avoir été en Angleterre dans une écaille de moule ou une coque d'œuf, etc. , etc.? On ne doit point trouver étranges de pareilles déclarations dont on connaît la cause, mais on devrait être d'autant plus étonné que de pareilles absurdités aient servi de motif à des condamnations capitales, et aient conduit des milliers de personnes à un supplice affreux, si les juges et les inquisiteurs, n'avaient été des hommes en qui le fanatisme et la crédulité religieuse avaient éteint toute raison. Pierre Binsfeldius , chanoine de Trèves , a écrit un gros ouvrage où il traite amplement et sérieusement de toutes ces absurdités. Thomasius rapporte la déclaration d'un sorcier qui avait été au Ciel où il avait dansé avec St. Pierre! Scheltema et Cannaert mentionnent plusieurs condamnations qui ont eu lieu dans la Belgique au 16me siècle , basées sur des déclarations de ce genre. Nous donnerons à la fin de ce chapitre une sentence semblable, pièce inédite des plus curieuses, prononcée en 1595 par le conseil de Flandre. Peu importe que l'accusé eut été en délire en faisant sa déclaration : la révocation ne lui était pas permise. On l'appliquait en outre à la torture pour lui faire déclarer ses prétendus complices. Un simple signe de tête affirmatif aux noms des personnes suspectes qu'on lui citait, suffisait pour augmenter le nombre des accusés. L'accusé était-il par hasard acquitté , il n'en était pas moins soumis à de longues et pénibles pénitences, et continuait à être diffamé dans la société et regardé comme véritable sorcier. Continuait-il à être retenu en prison pour ne pas avoir été jugé assez innocent, ou parce que le procès restait en suspens, les ecclésiastiques le traitaient en excommunié et lui refusaient toute consolation religieuse. La peine capitale pour ceux condamnés pour cause de magie était ordinairement le supplice du feu. Les femmes depuis l'ordonnance de Charles V, de l'an 1539, étaient enterrées tout vives. L'horreur qu'inspirait une malheureuse victime du fanatisme religieux et de l'ignorance, était telle que les aides du bourreau n'osaient pas même la toucher, mais la traînaient à l'échafaud avec des crocs. De grandes cérémonies religieuses et expiatoires précédaient et accompagnaient ces autodafé. On avait quelquefois la cruauté, tant la superstition endurcit le cœur ! d'obliger les enfans à assister au supplice de leur père ou mère, afin de les détourner ou de les corriger, par cet exemple, du crime de magie que leur auraient pu avoir inculqué leurs parens. Il y a des procès où les juges opinèrent pour faire mourir les enfans du condamné, comme étant de lignée diabolique ( duyvels-gebroed ). Angelo Cumano , inquisiteur à Vérone sous Innocent VIII, se vanta d'avoir fait brûler quarante-une sorcières la première année de son ministère en 1485. Un autre inquisiteur Italien, sous Alexandre VI, s'étant glorifié d'en avoir fait rôtir cent, le peuple indigné mit en pièces cet infâme successeur des Apôtres. Dans une ville de Savoye on compta en un an de tems plus de quatre-vingt victimes. En 1554 on poursuivit à Rome, comme sorciers et sorcières, les Juifs et les femmes publiques ; on prétend que ce n'était que dans le but de leur extorquer de l'argent. Sous François I plus de cent mille personnes furent condamnées en France pour sorcellerie et hérésie. Sous François II, Charles IX et Henri III le nombre des victimes fut encore plus considérable ( Scheltema p. 106-107 et Garnier, Hist. de la Magie en France ). En Angleterre, sous la reine Marie, et en Ecosse , sous le règne de Marie Stuart, nombre de sorciers et sorcières furent condamnés à mort. Pas seulement chez les catholiques, mais encore parmi les Protestans qui se prétendaient plus éclairé» , mais étaient alors tout aussi fanatiques , témoins Henri VIII, Calvin , les Iconoclastes , le synode de Dort etc. , parmi les protestans , dis-je , et sous le règne d'Elisabeth, reine d'Angleterre , il n'y avait point d'année, qu'il n'y eut plusieurs personnes brûlées pour fait de magie. On peut citer à cet égard le célèbre procès instruit à Warbois , comme ce qu'il y a de plus cruel et de plus extravagant en ce genre. En Allemagne, à ce qu'assure Fermer, à la fin du quinzième et au commencement du seizième siècle, il n'y eut pas d'année qu'on ne vit brûler plusieurs centaines de magiciens; Nicolas Bemigius, conseiller privé du Duc de Lorraine et accusateur public pour affaires criminelles, assura dans son ouvrage sur la sorcellerie, intitulé Daemonolatri , que dans ce Duché , en quinze ans de tems, près de neuf cent sorcières furent condamnées à mort, que quinze autres accusées se tuèrent par la crainte des tortures, et que plus de huit cent se soustrairent à son tribunal par la fuite. On n'a pas besoin de dire qu'en Espagne, terre classique de la superstition , les procès de ce genre ne le cédèrent en nombre ni en absurdité à ceux d'aucune autre contrée d'Europe. L'histoire de l'inquisition par le célèbre Lhorente est assez connue et assez répandue pour que nous n'ayons pas besoin d'entrer dans des détails à cet égard. Dans les Pays-Bas, elles peuvent s'en vanter, les procès pour sorcellerie commencèrent plus tard, et furent moins nombreux qu'ailleurs au I6ème siècle. La première condamnation de ce genre est celle d'une femme brûlée en 1517 à Oosterhout dans le Brabant Septentrional. C'est encore dans les Pays-Bas qu'on attaqua le premier ces abus : Erasme en démontra d'abord le ridicule dans ses Epitres, ses Colloques et son Eloge de la Folie ; en 1512 parut à Gand un petit livre de Incubis et Succubis ( avec figures en bois ), qui attaqua vivement le Malleus Maleficarum. Deux pièces jouées par les Rhétoricens de Flandre, et intitulées , l'une la Farce d'Homulus ( de Klucht van Homulus ) , l'autre Hanske van der Schelde , et un petit ouvrage écrit 1559 par un prêtre respectable, Jacques Vallick , curé de Grossen , ridiculisèrent également cette superstition. Mais le premier qui attaqua d'une manière sérieuse et raisonnée tout ce qui regarde les procédures pour sortilège , fut Jean Wier (né à Grave en 1515 et mort en 1587 ) , qui écrivit à cet effet deux ouvrages sous le titre : de Venificis et sagis. De prœstigiis dœmonum et incantationibus et venificis. Le célèbre philosophe français J. Bodin combattit cet ouvrage dans sa Dœmonomia Hagorum publiée en 1579. Cornel. Loos de Gouda écrivit vers 1591 un livre : De vera et falsa Magiâ, dans les principes de Jean Wier; ce qui le fit emprisonner à l'abbaye de St. Maximin de Trèves et lui aurait coûté la vie s'il ne se fut rétracté. Il fut encore dans la suite emprisonné deux fois à Bruxelles pour avoir soutenu les mêmes opinions. La mort le préserva, en 1599, d'un troisième emprisonnement dont il était menacé , et qui cette fois aurait pu lui devenir plus funeste encore ; la persécution , les fers et la mort ont été de tout tems les argumens favoris des ennemis de la lumière et de la raison. Si les Pays-Bas eurent la gloire de produire plusieurs illustres écrivains qui prirent la défense du bons sens, elles eurent d'un autre côté la honte de voir mettre au jour, en 1599, par un Jésuite Anversois, l'infâme Delrio , un ouvrage abominable , plus digne cent fois d'être brûlé par la main du bourreau que les ouvrages dangereux des philosophes modernes. Dans cet ouvrage, ou plutôt ce méprisable libelle , intitulé disquisitiones magicœ, ce jésuite attaque de la manière la plus dégoûtante le vénérable Wier , soutient et défend le Malleus et tout ce qui jamais avait été dit de plus absurde sur les sorciers. Il prétend même « qu'auhourd'hui, c'est-à-dire de son tems, la sorcellerie doit être poursuivie plus sévèrement qu'auparavant, parce que la magie est actuellement, en connexion avec l'hérésie , et que le diable est entré dans le corps des hérétiques, comme jadis dans celui des Idoles. » Ailleurs il dit: «Que les diables abandonnèrent les possédés en Brabant la veille de l'enterrement de Luther et se rendirent tous en Allemagne pour assister en corps à ses funérailles. » Je ne vis jamais ce livre sans frissonner , dit le savant Scheltema. Il n'en est pas, qui, après le Malleus ait eu des résultats si déplorables pour le genre humain. Les procédures pour magie introduits en Europe après 1602 ont la plupart pour base principale les affreuses sentences qui y sont soutenues. » ( p. 179 ). En effet quoique les édits de Charles V , en 1539 , et de Philippe II , en 1570 , ordonnent de poursuivre sévèrement les sorciers, les condamnations pour cause de sorcellerie furent beaucoup plus nombreuses en Europe, au 17ème siècle , qu'an 16ème». C'est cependant sous le gouvernement si vanté d'Albert et d'Isabelle que Delrio osa publier son livre exécrable , et ces sages souverains , pendant qu'ils laissèrent subsister les édits de leurs prédécesseurs qui punissaient de mort tout possesseur d'un livre hérétique, ne.firent point brûler cet infâme libelle, ni punir sévèrement son auteur ! Delrio, loin d'être poursuivi, trouva même un royal défenseur dans la personne de Jacques I , roi d'Angleterre ; car Regnier Scott ayant attaqué l'ouvrage de Delrio dans son livre intitulé , La découverte de la magie, fut combattu à son tour par Jacques 1er dans son absurde et ridicule Daemonologia, « livre qui serait depuis longtems oublié, dit Scheltema , s'il n'avait eu un Roi pour auteur , et sans les maux déplorables qu'il occasionna. » C'est le rang et non le talent de l'auteur qui valurent à son livre l'honneur d'une traduction latine et hollandaise, entreprise par deux prédicateurs protestans de Hollande. Le célèbre Voetius en fit 1’éloge, et Jacques reçut de plusieurs prédicateurs protestans du 17me siècle le titre glorieux de nouveau Salomon. Au 17ème siècle on donnait encore à Salamanque des leçons publiques sur la manière de découvrir les sorciers; ce qui valut à cette université le surnom d'école du Diable, de même que les nombreuses exécutions en Espagne pour le prétendu crime de sorcellerie, firent donner à ce royaume le titre de pays des sorciers. Philippe V, étant devenu chauve, demanda une perruque. La camarilla (composée d'ecclésiastiques et de courtisans ) refusa sa demanda, parce que la magie avait tant de pouvoir sur les cheveux. Elle finit cependant par accorder au puissant monarque des Espagnes et des deux Indes une perruque faite de cheveux de gentilhomme. (Sans doute que le malin esprit qui n'a pas seize quartiers de noblesse sympathise plus avec un vilain qu'avec un noble). On attribua à la magie la stérilité de la princesse des Asturies, femme du fils de ce roi, et on fit partout des recherches pour trouver le maléfice. Quand on eut découvert dans les manches des habits de cette princesse des petits morceaux de plomb marqués de deux clefs en sautoir , on ne douta plus que le tailleur ne fut le sorcier. L'inquisition empoigna en conséquence le pauvre diable, qui n'échappa au feu, que parce qu'il se trouva un savant qui prouva que ces clefs étaient les armes de la ville de Leide et la marque de ses draps. Voudrait-on croire qu'en 1783 on brûla encore dans ce royaume des ténèbres une sorcière accusée d'avoir pondu des œufs ( attribut de la sorcellerie ) ! L'instruction pour la procédure en magie, publiée à Rome en 1657, n'est pas moins terrible que celle contenue dans le Malleus Maleficarum. Au 17ème siècle en France on condamna fréquemment à mort de prétendus sorciers. En 1609 le parlement de Bordeaux condamna à mort plus de six-cent prétendus sorciers de la province de Labourd. On connaît la fin malheureuse et trop célèbre du curé Grandier. A Toulouse, qui semble toujours avoir été le siège de la superstition en France , plus de quarante personnes furent suppliciées en un an de tems pour la même cause. En 1664, Jean Pierre de Orenson, médecin d'Aix , fut pendu comme sorcier pour avoir fait une expérience sur l ' harmonie des sons. En 1670 le parlement de Rouen poursuivit cruellement les prétendus sorciers : il regarda presque chaque berger et paysan du territoire de la Haye du Puys comme livré au diable; et cela se passa dans le siècle de Louis XIV et au centre de la France ! Est-on en droit de blâmer, après cela, l'expression de Voltaire qui appelle ce siècle , un siècle de talents bien plus que de lumières ? Il est juste pourtant de dire que le parlement de Paris, dès la fin du 16ème siècle , refusa la plupart du tems de s'occuper de ces absurdités, et que Louis XIV ordonna en 1672 au parlement de Rouen d'élargir toutes les personnes détenues pour cause de magie. En 1791 le peuple assomma un prétendu sorcier, et en 1818 on entend encore parler de sorciers dans ce royaume. La Pologne, paradis des jésuites, vit au 17ème siècle une foule d'exécutions pour fait de sorcellerie. En 1730 un escamoteur fut pendu comme sorcier à Posen. En 1780 il y eut plusieurs procès de ce genre à Wiskove , dans la Waivodie de Gnese. Peu d'années auparavant deux femmes y furent brûlées pour la même cause et les habitans du village de Tscheweeme durent tous subir l’épreuve de l'eau. Cette superstition domina , comme nous avons dit, aussi longtems dans les états protestans que dans les états catholiques ; dans toute l'Allemagne , tant catholique que protestante , régna la même ardeur dans la poursuite des sorciers. Dans le petit comté d'Henneberg on exécuta en soixante-seize ans de tems cent quatre-vingt-dix-sept sorciers et sorcières. Dans la seigneurie de Lindheim, en Weteravie , peuplée de six cent habitans, on brûla de 1661 à 1666 trente personnes. En 1686 Chrétien, comte de Ranzow, fit brûler sur ses terres d'Holstein vingt sorcières. Dans l'évêché de Wurzbourg cent personnes subirent le même supplice de 1627 à 1629. Il en fut de même de cent cinquante-sept autres dans le diocèse de Paderborn en 1656 , et de cent dans l'évéché de Salzbourg en 1679. Un batelier d'Amsterdam, nommé Jean Jacobs, vit en 1658 au village de Naas sur le Rhin décapiter et brûler, en une matinée, vingt-quatre victimes condamnées pour sortilège. En 1659 six cent personnes subirent le supplice dans l'évêché de Bamberg pour ce prétendu crime, et neuf cent dans l'évêché de Bamberg. Herwan Loher , dans son ouvrage intitulé : Klage über die unschultigen wieder die falsen Sauberrichter, Amst. 1676, s'étonne que dans les grandes villes d'Allemagne on ne voyait pas dix condamnations capitales pour sorcellerie en un siècle, tandis que dans les terres seigneuriales et ecclésiastiques il y en avait annuellement cinquante, soixante, quatre-vingt et jusqu'à cent ( Scheltema : Geschied en letterkundig mengelwerk 4de deel 2dc stuk ). En 1749 on brûla encore une sorcière à Wurzbourg et une autre en 1750 à Quedlinbourg. De tous les états d'Allemagne c'est l'Autriche qui conserva le plus longtems cet abus atroce. En 1766 il y eut encore une exécution pour sortilège à Buchlae. Tournons maintenant nos regards vers les pays entièrement protestans. Nous lisons que dans la ville de Genève , terre classique du protestantisme , dans cette ville qui passe pour si éclairée, une femme fut brûlée comme sorcière, en 1603, après avoir subi des tortures inouies. L'année suivante une femme de quatre-vingt ans fut bannie pour la même cause. En 1660 un jongleur, nommé Brinche, fut pendu comme sorcier pour avoir fait jouer des marionnettes dans un endroit de la Suisse où on n'avait encore jamais vu rien de semblable. En 1782 une femme fut décapitée pour sorcellerie dans un des petits cantons, et en 1789 il y eut encore un procès de ce genre dans la même contrée. Nous avons déjà fait connaître Jacques I, roi d'Angleterre , comme fort entiché du préjugé de sorcellerie; il décréta peine de mort contre les sorciers, et confirma toutes les lois portées antérieurement contre eux. Sous ce roi imbécile et sous son successeur il y eut nombre de victimes conduites au bûcher" ; quelquefois dix et vingt à la fois dans un même comté. George II abrogea en 1736 les lois de Jacques I et de Marie Stuart sur la magie. En 1776 un médecin vétérinaire du Suffolk dut cependant encore subir l'épreuve de l'eau. En Danemark TychoBraché fut obligé de transférer son observatoire de Copenhague à l'île déserte de Ween, parce que les habitans de cette capitale le regardaient comme un instrument magique. Sous Charles Gustave, roi de Suède, un évêque d'Abo accusa un étudiant de pacte avec le diable , pour avoir appris trop de chose en un espace de tems qui semblait trop court. En 1670 soixante deux femmes et quinze enfans furent exécutés pour sorcellerie à Ellora et cinquante-six autres personnes soumises à de grandes peines corporelles. Ce ne fut qu'en 1779 que la peine de mort pour sorcellerie fut abrogée en Suède. En Hollande, malgré les écrits d'Erasme et de Wier, on n'en continua pas moins à faire des poursuites sévères contre les sorciers. Charles V accorda à la ville d'Oudewater un privilège singulier, par lequel il y aurait dans cette ville une balance pour peser ceux accusés de sortilège. Si l'accusé pesait au-delà du poids naturel, il était reconnu coupable ! Après la révolution de 1566 le protestantisme fanatique continua à persécuter les prétendus sorciers, comme l'avaient fait les inquisiteurs de Philippe H. En 1595 eurent lieu deux exécutions capitales pour sorcellerie à Amersfort. Un nommé Hans Pock fut pendu à Arnheim comme sorcier et loup-garou ; quatre sorciers et sorcières furent brûlés à Utrecht peu de tems après , et deux enfans, l'un de treize et l'autre de huit ans fouettés et condamnés à la réclusion. La sentence de condamnation des accusés les dit dûment convaincus de s'être transformés en chats et loups-garou ( Scheltema, p. 256 ). La dernière condamnation à mort pour magie en Hollande, fut celle d'une femme brûlée à Schoonhoven en 1597.On continua, après cette époque, à poursuivre les sorciers, mais les peines furent moins sévères. En 1601 et 1602 deux sorcières furent bannies de Zierikzee. En 1610 on instruisit deux procès pour sortilège, l'un à Schiedam, l'autre à Goerée. Dans ce dernier endroit Cats prit la défense de l'accusée et eut le bonheur de la sauver ; il en parle dans un de ses ouvrages, intitulé : Tachentigjaarig leven. (Daar rees om desen tyt, etc. ) où il ridiculise en même tems ce sot préjugé. Le clergé protestant, en 1618 et 1619, tems où le synode fanatique de Dort persécuta les hommes les plus illustres de la république, poursuivit vivement le ministre reformé Bekker , pour avoir attaqué le préjugé de magie. L'auteur déposé de sa chaire à Amsterdam , fut vivement regretté, et son ouvrage, malgré l'anathème du synode, produisit l'effet le plus salutaire en Allemagne et ailleurs. Parmi d'autres auteurs qui écrivirent dans le même esprit, il faut distinguer le jésuite Franç. Sprée ( 1645-1648) et Bayle. D'autres, tels que le célèbre théologien Voëtius, écrivirent dans un esprit contraire. Au 18me siècle on ne voit plus en Hollande de procès pour magie; mais en 1823 des paysans forcèrent encore une femme à se soumettre a l’épreuve de l'eau froide à Delden dans l'Overyssel! Parlons maintenant des procès pour sortilège dans la Belgique, dont nous aurions déjà dû traiter plutôt, si l'indignation que nous a inspirée la lecture de tant de forfaits commis au nom de la religion en même tems que l'importance d'une matière peu traitée en Français jusqu'aujourd'hui, ne nous eut engagé à nous écarter un peu du but de cet ouvrage. Nous avons déjà parlé des procès pour sortilège dans la Belgique au 16me siècle et de l'effet déplorable produit par le livre du jésuite Delrio au siècle suivant. Aussi jamais les procès pour sortilège ne furent si nombreux dans cette contrée que dans la première moitié du 17me siècle, et surtout sous l’excellent gouvernement de nos bons et pieux souverains Albert et Isabelle. Ainsi Cornelie Van Beverwyck fut brûlée à Gand en 1598 comme sorcière; Jean Vansteene de Waesmunster subit peu après le même sort à Rupelmonde. En 1603, deux femmes furent brûlées à Harlebeeck pour avoir mis, par sorcellerie, le feu à la tour de la cathédrale de Gand. On trouve dans l'ouvrage de Mr. Cannaert, déjà cité, les sentences de ces condamnations toutes plus ridicules les unes que les autres ( Bydragen tot het onde strafregt etc. bylagen 2dc deel ). En 1607 Marie Margot fut étranglée sur la place de Valenciennes, puis brûlée, pour s'être donnée au diable, comme sorcière, avoir retiré cinq fois de sa bouche l'hostie pour l'enterrer dans son jardin , et jeté un sort sur un enfant, un cheval et un poulain. En 1618 on brûla à Tournai, comme sorcière , Simone Doublet de Lille. (On peut voir les horribles détails de ce procès, qui doivent remplir d'indignation tous les honnêtes gens, dans les Archives hist. et littér. du nord de la France et du midi de la Belgique t. 1, p. 154 ). La même année on brûla à Ruremonde , soixante-quatre sorciers et sorcières pour avoir, par leurs maléfices, occasionné la mort de plus de mille personnes , de six mille animaux, et la destruction de nombre de champs de blé , de bois, de paturages, de vergers , etc. Un enfant fut le premier dénonciateur de ces scélerats, dont étaient chefs Entjen Gilles, surnommée la Princesse des sorcières , pour avoir été pendant trente trois ans en commerce avec le malin esprit, et maître Jean , chirurgien, surnommé le Port-étendard des sorciers. « Je le répète, dit Schellema après avoir rapporté les principales circonstances de ce procès, que parmi les procès pour sorcellerie que j'ai vus, excepté ceux de Wurzbourg, de Bamberg et de Mora, je n'en ai trouvé aucun qui contienne de plus grandes horreurs, et démontre une cruauté aussi froide et aussi atroce. » ( p. 242 ). Scheltema a oublié de parler de cette horrible exécution qui eut lieu à Douai vers le même tems que celle de Ruremonde, toujours sous le digne Albert. On y brûla cinquante prétendus sorciers et sorcières. Et on osera faire l'éloge du gouvernement de ce stupide prince-cardinal Albert, dont tout le talent consistait à marmotter des prières du matin au soir, à broder des robes à la Vierge, à fonder des couvens et à faire brûler des hérétiques et jusqu'a 114 sorciers et sorcières dans l'espace d'un an ! Qu'un autre admire la piété édifiante d'Isabelle, cette nonne-princesse , je ne la considère moi que comme une fanatique intolérante et inepte, comme la digne fille de l'exécrable Philippe II! En 1661 on brûla à Oycke ( Flandre ) Jean Vindevogel, capitaine d'une troupe de sorciers et de plus loup-garrou. En 1657, Mathieu Stoop subit le même supplice à Gand , comme sorcier et loup-garrou. En 1660 le conseil de Flandres décida que les procès pour sorcellerie ne pourraient être jugés devant les tribunaux ordinaires , qu'après l'avis préalable de trois ou de cinq avocats choisis parmi douze dos plus savans jurisconsultes , qui devaient être présens à la torture ; que le bourreau ne pourrait plus désormais faire l'épreuve du stigma diabolicum ( par la piqûre d'une aiguille ), mais qu'on prendrait les médecins les plus expérimentés de la contrée pour faire cette épreuve. L'avis de ces savans jurisconsultes ( mais qui ne prouvait point leur jugement ) , et l'épreuve des médecins expérimentés ( mais qui ne nous le paraissent guère ) firent condamner au feu en 1661, à Eestert ( Flandre ) , une pauvre sorcière nommée Josephine Labyns. Ce procès sur lequel Cannaert ( 2me édition p. 175 etc. ) donne des détails très intéressans, est un des plus ridicules et des plus absurdes dans la procédure pour magie. La force des tourmens fit déclarer à cette femme que le diable lui été apparu sous la forme d'un prêtre, et lui avait dit « Si tu veux aller avec moi et faire comme tu fais avec ton mari , je te donnerai de l'argent et du bien suffisamment pour vivre. » Elle accepta les conditions du malin esprit qui reçut de ses cheveux pour gage , et lui donna de son côté cinq sous de France. On pense bien qu'on ne fit aucune recherche pour découvrir lequel était ce diable , qui avait eu l'audace de se travestir ainsi sous la forme d'un saint personnage : la découverte aurait pu causer trop de scandale ; . mais on se dépêcha de faire promptement disparaître sa complice , la femme , qui aurait pu un beau jour découvrir le nom du diable adultère ; et puis , qui aurait osé jurer , que , par une nouvelle malice , le malin esprit n'eut pris forme et nom de quelque membre respectable du clergé de Flandre lui-même ? En 1681 eurent lieu deux exécutions pour sortilège à Melin dans le Hainaut. ( Voyez les nouvelles Archives Historiques du Bon de Eeiffenberg tom. 5 , p. 125 et suiv. ). En 1689 eut encore lieu une condamnation à mort à Marche en Famenne , pour fait semblable. Cependant on dut bien céder quelque chose aux progrès des lumières, et le nombre de ces procès devint bien moins considérable , et les condamnations furent moins sévères à la fin du 17me siècle , an grand regret cependant de la populace et de certaine classe de personnes si avide de ces spectacles publics , de ces autodafés faits pour la plus grande gloire de Dieu et le triomphe de la religion. La Flandre qui avait toujours été la province de la Belgique la plus zélée contre les sorciers et sorcières , fut aussi une des dernières à se relacher de sa sainte ferveur. Le croirait-on ? Encore en 1709 à Gand un sorcier fut condamné au fouet , au bannissement et à d'autres peines pour avoir empêché , par sortilége , qu'un homme ne put consommer son mariage ( autrement dit : pour avoir noué l'aiguillette ). On trouve la sentence de ce curieux procès dans l'ouvrage de Cannaert, déjà cité ; l'intérêt du sujet et sa date récente nous ont engagé à donner ici une traduction de cette pièce écrite originairement en Flamand. On jugera par là de l'état des lumières en Belgique au commencement du siècle dernier. FAUX EXORCISEUR ET NOUEUR D'AIGUILLETTE. En cause du promoteur de cette cour, demandeur causa officii d'une part, contre Macs à Huysse prisonnier , défendeur de l'autre part. Vu toutes les pièces de cette cause , notamment les preuves du demandeur , par lesquelles il constate que le défendeur a osé prétendre, depuis nombre d'années , guérir de sorcellerie et d'autres maux secrets les hommes et les bestiaux par des exorcismes superstitieux et en distribuant certains petits billets contenant quelques mots relatifs à Dieu ( Godt toeygende woorden ) et d'autres paroles inconnues et incompréhensibles avec diverses croix et qu'il a rendu par maléfice un homme nouvellement marié , mentionné dans le procès , incapable de remplir le devoir conjugal , jusqu'au point qu'accablé de désespoir , il aurait attenté à ses jours , si par le conseil de personnes religieuses , le signe du maléfice que l ' accusé avait placé dans la maison du dit marié n’en eut été ôté par lui et ses proches , et si par le secours de l'église il n'eut été , après un long espace de tems, délivré du dit maléfice ( sa famille ayant été dans le plus grand trouble et inquiétude ). De plus, que le défendeur , outre pareils exorcismes et sortilèges , s'est souvent engagé à faire retrouver l'argent perdu, et de cette manière a attiré à sa maison nombre de personnes des endroits les plus éloignés ; que le susdit défendeur à été regardé depuis longtems dans une grande partie du diocèse, comme un exorciseur public ( publiequen beleser ) , sorcier et expulseur du diable ( Waerseggher en duuveljaeger ) , et qu'au mépris de diverses exhortations , tant de son. curé que des curés voisins , il a continué dans cette conduite. Qu'en outre le défendeur n'a pas tenu ses pâques depuis quelques années , s'est enivré continuellement et a grandement méfait d'autres façons ( comme il est patent ) , au très grand mépris de Dieu tout-puissant, au scandale de notre religion , à la contemption des placarts de nos princes et des lois de l'église , et à la grande indignation des chrétiens ; le tout mûrement délibéré , de l'avis des jurisconsultes et après avoir invoqué le nom de Dieu. Condamnons le défendeur de comparaître au premier jour judiciaire dans le consistoire de cette cour, et d'y demander, à genoux devant le tribunal, humblement pardon à Dieu et à nous sur ce qui a été dit plus haut; d'être ensuite conduit par le bourreau à la grande porte de l'église par le tour ordinaire ( den ordinairen ommeganck ), vêtu d'une robe blanche, tenant à la main des verges et une torche allumée , et d'y offrir la susdite torche , après avoir fait sa prière. De là il sera reconduit à notre cour et fouetté au lieu ordinaire en présence du peuple ; ce qui étant fait, on le ramènera en prison où il jeûnera pendant quinze jours au pain et à l'eau , faisant une confession générale de ses péchés et s'approchant de la sainte table, si le confesseur le trouve convenable. De plus banissons le défendeur hors des limites de ce diocèse , avec défence d'y reparaître et de commettre désormais crimes semblables, sur peine de nouvel emprisonnement et d'être livré au bras séculier. Ordonnons de publier au prône et en flamand, cette sentence, les deux Dimanches prochains, dans l'église de St. Walburge à Audenaerde, à Pamele, Huysse, Auweghem, Heyne, Aspers, Syneghem, Cruyshautem, Nazareth, Mullem , Swynaerde, Eecke et le territoire de ce diocèse. Finalement condamnons le défendeur aux dépens du procès et aux frais de justice , nous en réservant l'estimation. Signé , F. Segers , officiai de Gand. Ainsi fait, publié et exécuté à la cour ecclésiastique de l'évêché de Gand ce 25 Septembre 1709. ( Signé ) J. B. Cloosterman. Au reste , nous ne devons pas si grandement nous étonner qu'au commencement du 18me siècle , on ait encore condamné quelqu'un pour le prétendu crime ridicule de sorcellerie. Nous étions encore alors sous le gouvernement de l'Espagnol, qui a laissé tant de traces de superstition et de bigoterie parmi nous. Cette condamnation n'est pas la dernière , et depuis il y en eut encore de plus sévères en Belgique: « naguère, dit Scheltema, vivait encore à Liège un vieil homme , qui dans sa jeunesse y avait vu exécuter une vieille femme accusée de sorcellerie.» En 1675 la cour souveraine de Liège , saisie d'un procès de sorcellerie contre Sulpice Silieux natif de Sursiège , avait cependant déjà déclaré libérer l'accusé , et ne plus vouloir s'occuper d'absurdités pareilles. En 1793 toute la Belgique a entendu parler de cette femme possédée par le diable, lequel, malgré tons les efforts de l'exorciseur , ne voulut pas déménager. Les républicains français ne trouvèrent d'autre moyens de vaincre son obstination, que de l'envoyer aux petites maisons. Si aujourd'hui, grâce à la. philosophie et au progrès des lumières , on ne brûle plus les sorciers, si même on n'exorcise plus les possédés , le préjugé n'en est pas moins reste enraciné chez la plupart de nos campagnards. Les curés au lieu de prêcher contre la danse, feraient mieux de désabuser les paysans de leur sotte crédulité. On ne verrait plus, comme dans ces dernières années , des paysans traduits devant les tribunaux pour avoir cruellement maltraité de prétendues sorcières ; moi-même , j'ai vu à Louvain , il y a une quinzaine d'années, une femme que la populace avait jetée dans le feu et presque brûlée pour avoir , disait-on , donné une maladie à un enfant par maléfice. Cette année encore ( 1833 ) toute la ville de Lierre a été en émoi par l'apparition d'une nouvelle bande de sorcières. Nous terminerons cet article par une sentence pour sorcellerie émanée du conseil de Flandre, pièce manuscrite extraite d'un livre intitulé Quoyers des dictums et sentences rendues au conseil en Flandre sur les différen» procès fiscaux intentés au conseil depuis l'an 1569 jusques et y compris l'an 1595, d'après une copie de Gérard , dans un Msc. de la bibliothèque royale de la Haye intitulé : Mélanges pour servir à l ' histoire des Pays-Bas depuis 1320 à 1788 in folio. Sentence du conseil de Flandre en 1595 portant condamnation à mort ( au feu ) d'une femme accusée de sortilège. Omme dieswille dat ghy Elisabeth Vlamincx filia Joos, geboren van Nieunove , huusvrouwe van Ghysbrecht Ghins oft zoo ghy anders ghenaemt oft ghebynaemt syt, u vervoordert hebt, verghetende Godt ende zyn heylige gheboden hem ende u gheloofve aftegaene ende gemeenschap te maeckne metten boosen vyandt by u ghenaempt Belzebulh, an den welckene ghy u voluntairelyck over drye zoo vier jaeren overghegeven hebt, ende van hem terstont ontfaen een lichteeken onder u slincke uxele by uwen wete ende gevoel, hebbendeden voorseyde vyandtten selven tyde gecropen op u lichaem met eenighe uwe declaratie, dat gny boven dien u van den zelven vyandt ten ininsten tweemael lichaemelyck hebt laeten voereo by nachten in den haseleren bosch te Pollaere , ende merckelyck de leste reyse een maendt ofle zes weken voor den oogst lestleden , alwaer ghy zoo voor als naer eten ghedanst ende in de loyneren ( lorneren?) gereyst hebt u zevenste , onder dewelke waeren diversche vrouwe persoonen , daer af als nu eenighe gexecuteert syn metten mere , ende zommighe u bedreghen hebben met SS uwen Belzebuth ende eenen anderen die ghy presumeert te zyn Tan ghelycken soorte, beide ghecleet met witte wanbeyen ende fransche broukilckens, alwaer ghy ghebrocht hebt in uwen schoot eenen couden hutzeput by u te vooren ghesuden ten huwen huyse ; laet dat erger es , hebt aldaer vallende op uwe kuyen den zelven Belzebuth anbeden ende by hem naer den dans an d'een zyde gctrocken zynde , hebt u van hem aldaer onbehoorlyck laeten handelen ende misbruycken. Van al twelke den hove ghebleken es , zoo by uwe confessien buyten torturen , als andersins omme ghenoegs wesende alle ongoddelycke execrable ende detestable zaecken van quade consequentie ende meriterende corporelle punitie andere ten exemple. Soo eyst dat t'hof rechtdoende , u condemneert op een schauffault op Ste. Pharahilde plaetsen gheexecuteért te werdene an eenen staecke metten viere , zoo datter de doot naervolghe , verclarende al u goet, zy leen , erve oft catheil, waer helne gestaen oft ghelegen es, verbeurt ende gheconfisqueert Sconings onse- gheducht heeren profyte , de uusen van justicie daer af voeren ghedaen duceert. Ghepronunceert den 26 December 1595.

samedi 17 novembre 2012

L'alliance des templiers.

Templier Veritas ALLIANCE TEMPLIERS est née sur la base de plusieurs groupes de personne motivée pour vous faire vivre notre passion;Toute personne ne respectant pas le code moral de ces groupes se verra éliminé de l'ALLIANCE TEMPLIERS;Respectez le travail de recherche des personnes qui s’investissent.En accord avec les responsables la charte sera la suivante: -La politique n'a pas sa place -Souviens-toi toujours de l'exemple des anciens Templiers et des principes de notre Charte. -Combats sans relâche pour les Droits de la personne humaine et la défense des plus faibles et des opprimés. -Combats aussi pour la sauvegarde des valeurs humaines universelles. -Commence par t'améliorer toi-même avant de prétendre améliorer les autres et le monde autour de toi. -Conforme ta vie à tes convictions profondes, sans hypocrisie et en respectant toujours les convictions d'autrui. -Sois toujours franc dans tes propos, loyal dans ta conduite. -Sois toujours fidèle à tes engagements et honore la parole que tu as donnée. -Ne chéris vraiment rien autant que la spiritualité, la fraternité, l'amitié. -Préfère toujours le dialogue et la concertation à l'affrontement et à la guerre. -Affronte avec courage toutes les difficultés auxquelles tu es confronté, sachant que tu trouveras en toi-même et dans ces -principes élevés la force nécessaire à traverser ce champ d'expérience et d'évolution. -N'oublie jamais que tes droits fondamentaux et ta liberté s'arrêtent là où commencent ceux d'autrui. -N'oublie jamais que la valeur d'un être humain repose dans ce qu'il est vraiment, non dans ce qu'il possède ou paraît être. Templier Veritas...Griffon...Chevailer du Temple...