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vendredi 28 décembre 2012
Traditions et légendes de la Belgique - Décembre (Otto von Reinsberg-Düringsfeld - 1870)
28 décembre.
(Erica cruena.) Jour des Innocents ou Allerkinderendag.
Cette fête que nous trouvons déjà indiquée dans la liste des fêtes de l'église de Carthage, composée vers la fin du cinquième siècle, fut instituée en souvenir des petits enfants que le roi Hérode fit égorger. La légende chrétienne accordait au couvent de Saint-Gérard, dans le Namurois, les corps de deux de ces Saints-Innocents : Benjamin et Philippe, rapportés par saint Gérard d'un monastère appelé Autas, en Italie. Longtemps ce fait resta ignoré, lorsqu'une révélation en donna connaissance à une religieuse de Nivelles, qui avait perdu la vue à force de pleurer, mais qui la recouvrit en touchant les corps de ces deux enfants, immédiatement après avoir fait part à l'abbé de sa révélation. C'est peut-être à cause de cet événement miraculeux que le jour des Innocents est en Belgique plus qu'ailleurs une fête des plus populaires. Car si la jeunesse, à la Noël, a moins de réjouissances en Belgique que dans les autres pays teutoniques, elle est indemnisée par le jour des Innocents, véritable fête de l'enfance, où les enfants sont maîtres dans la maison et les parents à leur tour doivent leur obéir.
A Anvers, en Brabant et dans quelques parties du pays de Limbourg les petits garçons et les petites filles se transforment pour ce jour en papas et en mamans. Le grand gilet du père ou grand-père, son bonnet de nuit, son paletot et sa canne, la jaquette de la mère, ou de la grand'mère, sa coiffe, son tablier et surtout son trousseau de clefs sont les objets de prédilection que convoitent les enfants pour jouer convenablement le rôle des parents. Revêtus de ces habits ils parcourent la maison en faisant le plus grand bruit possible, grondent les parents et les domestiques, en leur donnant gravement leurs ordres, courent dans le voisinage promener leur pouvoir éphémère ou vont à l'église assister à la messe. Ordinairement c'est la plus jeune fille de la famille qui reçoit la clef du garde-manger et commande à la cuisinière les repas de la journée, consistant presque infailliblement en rystpap (riz au lait), en vlaeijen (flans), en pannekoeken (crêpes) et en wafels (gaufres).
Les enfants des pauvres profitent de leur accoutrement grotesque pour faire une quête dans les maisons des riches. Munis de petits paniers ils s'arrêtent devant chaque porte en criant à tue-tête :« Jufrouw, moêrken en vaêrken is hier » (madame, la petite mère et le petit père sont ici) ou bien : « Jufrouw, moêrken is hier en vaêrken is t'huis gebleven » (madame, la petite mère est ici et le petit père est resté chez lui). A la campagne, surtout dans les environs de Contich, les petites filles enveloppées dans les vêtements de leurs mères s'attachent des poches énormes comme en portent les paysannes de cette contrée, afin d'y recueillir les croquignolles (pepernoten), les cents et les images (santjes) que les petits quêteurs reçoivent en chantant de porte en porte.:
Moederke en vaderke!
Hedde niets te geven?
Tast diep in den zak,
'T is een groot gemak
Vereeren, bazinneke.
Pour comble de bonheur, les enfants se rendent çà et là vers le soir au presbytère, où le curé leur distribue des images ou « beeldekens ».
Quoique, dans les villes, les anciens usages tombent de plus en plus en désuétude, on voit encore de nos jours, aux Innocents, les principales rues encombrées dès le matin rie troupes d'enfants affublés des vieilles nippes de leurs parents. Même à Bruxelles cette coutume est, jusqu'aujourd'hui, religieusement observée dans le bas de la ville et n'a disparu que dans le haut, où cependant il y a quarante ans elle subsistait encore dans les meilleures maisons.
A Malines, où par ordre du magistrat le crieur public proclama déjà le 27 décembre 1449 la défense formelle, de porter des masques, le jour des Innocents, ou de parcourir la ville « en costume méconnaissable, » l'usage s'est également conservé jusqu'à présent et le vieux Croon, dans ses « Almanachs » bien connus, nous donne une description charmante de l'aspect que la ville offrait, au dix-septième siècle, le jour des Innocents.
Dans les Flandres, le Hainaut, le pays de Liége et quelques districts de la province de Namur, on a l'habitude de travestir, aux Innocents, les petits garçons en prêtres ou en moines, les petites filles en religieuses ou béguines. La plus jeune fille reçoit, comme en Brabant, les clefs et joue, pour ce jour, le rôle de maîtresse de maison. Cette coutume s'est même introduite dans les pensionnats et dans les couvents, où la plus jeune religieuse porte les clefs et s'arroge le droit de commander. Dans les communautés de femmes du diocèse de Bruges, il s'y joint un usage plus plaisant, consistant à changer pour ce jour les noms, de sorte que, d'après l'âge, les plus jeunes novices échangent leurs noms de religion contre ceux des religieuses les plus âgées et vice-versa. Par suite de cet échange de rôles les novices ont le droit de dire à l'abbesse aussi bien qu'aux sœurs leurs vérités, de leur reprocher leurs défauts ou de les ridiculiser.
Dans les environs de Liége, les servantes jouissent encore du privilège d'enfermer leurs maîtres jusqu'à ce qu'ils leur aient promis un gâteau, et de se mettre ensuite à la table de famille pour être du dîner qu'a commandé le plus petit enfant de la maison. L'enfant même, travesti et muni des clefs, doit apporter le gâteau et en servir à tous les convives.
A Termonde, le jour des Innocents donne lieu à une autre cérémonie. Le plus jeune garçon et la plus jeune fille de la maison des orphelins travestis l'un en « régent » ou père des orphelins, et l'autre en « mère, » et, accompagnés par le garçon et la fille, les plus âgés du même établissement vont de maison en maison présenter leurs « compliments. » En récompense ils reçoivent quelques cents ou quelques friandises qu'ils recueillent dans le panier porté par l'un de la compagnie.
Les « choralen » ou enfants de chœur, revêtus de leurs aubes et portant un bâton blanc à la main, font, ce jour-là à Termonde une quête pareille dans toute la ville.
Un autre usage belge dont M. Schayes fait mention, était d'aller de grand matin, le jour des Innocents, armé de verges au lit de ceux ou de celles qu'on présumait encore y trouver entre leurs draps. Si on les y surprenait ils étaient fustigés jusqu'à ce qu'ils eussent promis un déjeûner. Ceux qui s'étaient mariés dans l'année, étaient surtout sujets à cette cérémonie désagréable qu'on appelait « donner les Innocents » Cet usage existait également en France et en Angleterre. Dans le dernier pays cependant, où le « Childrenmasday » était regardé comme jour néfaste par excellence, ce n'étaient pas les enfants qui jouaient le rôle actif dans ce divertissement, mais c'étaient eux qui s'exposaient à des coups de fouets ou de verges en restant trop longtemps dans leurs lits. En Allemagne, par contre, ils ont encore aujourd'hui dans beaucoup de localités de la Bavière, de la Souabe et de la forêt hercyniennes l'habitude de rappeler aux personnes adultes par quelques coups de verges le souvenir des innocents, en vue d'obtenir un petit présent.
Quant à l'origine de ces usages que nous venons de décrire, il y a lieu de présumer que ce ne sont que des vestiges de l'ancienne fête des Innocents, qui jusqu'au seizième siècle se célébrait dans les églises et qui elle-même n'était qu'une branche de la fête bien connue des Fous.
Cette fête, toute bizarre qu'elle était, ne fut cependant jamais, dans les Pays-Bas, solennisée d'une manière aussi extravagante qu'en France.
En différentes provinces de la Belgique la veille et le jour des Innocents les enfants de chœur allaient à l'office de l'église à la place des chanoines. Un d'entre eux était habillé en évêque, abbé ou doyen et les autres en chanoines. Le premier régalait ce jour ses compagnons avec l'argent provenant de la quête qui se faisait à son profit.
Les ducs de Bourgogne eux-mêmes lui donnaient à cet effet une petite somme. On lit dans les comptes du receveur des condamnations échues dans la chambre du duc de Bourgogne, comte de Flandres, à Audenarde de 1405 à 1407.
« A l'évêque des Innocents à Audenaerde pour leur aidier à supporter les frais et missions de la feste qu'il fist le 28me jour dudit mois de décembre, audit an, donné en courtoisie par la dicte certification de mesdits seigneurs du conseil escripte le dit darrain jour dudit mois de décembre l'an des susdits et rendue acourt 24 sols parisis. »
On lit des articles semblables dans les comptes de 1407, 1408, 1411, 1412, 1428 et 1429.
A Liége, d'après les statuts de l'église de Saint-Denis, de l'an 1330, le dernier chanoine élu était tenu de payer dès qu'il jouissait des revenus de sa charge, toutes les dépenses de l'évêque des Innocents jusqu'à ce qu'un autre chanoine fût élu.
Au douzième et treizième siècles dans quelques chapitres et couvents de la Belgique, le jour des Innocents, l'évêque ou l'abbé dansait, chantait et jouait à la paume ou à la boule avec son clergé ou ses moines. [68]. A Tournai cet évêque s'appelait « l'évêque des sots » et grands et petits de tout sexe se réunissaient, à l'issue de la messe dans la cathédrale et les rues adjacentes pour voir son élection. Les notables bourgeois l'élisaient parmi les petits vicaires de la cathédrale, et pour cette élection on dressait un échafaud devant le grand portail. L'élection faite aux acclamations de la multitude, on revêtait l'élu d'un costume complet d'évêque, mais la mitre était ornée de grelots, la crosse se terminait par une marotte. Puis on se livrait à des railleries amères et faisait des plaisanteries aux gens de l'église même sur ce que l'Église a de plus respectable. On conduisait ensuite le nouvel évêque par toute la ville avec beaucoup de cérémonies comiques, pendant lesquelles il bénissait son nombreux cortége et les curieux qui garnissaient les fenêtres. Après huit jours un repas splendide, où se trouvaient les chanoines et le chapitre, fournissait le pain et le vin, terminait la fête.
En 1497 le clergé défendit à ses vicaires de se prêter à cette cérémonie, mais quelques bourgeois ne voulant pas se soumettre à cette défense, prirent en 1498 de force un des vicaires de la cathédrale et lui firent jouer le rôle ordinaire et lorsque l'arrêt du parlement de Paris, auquel le chapitre avait appelé, condamna les coupables à faire réparation en plein chapitre et défendit au magistrat de tolérer à l'avenir de pareils abus, on substitua des laïques aux vicaires. Pourtant la fête n'ayant plus le même attrait pour le peuple, qui ne pouvait plus lancer des épigrammes contre le clergé, elle disparut entièrement depuis 1501. Voici à quelle occasion.
En 1501 les Tournaisiens avaient élu évêque des Fous Josse Heckman, dont un descendant fut conseiller au parlement de Flandre. Celui-ci, homme très-facétieux, mais fort éclairé, ne refusa pas l'honneur, mais désira mettre fin à cet usage ridicule, et imagina de renouveler l'inscription de Balthazar, c'est-à-dire après les promenades obligées et au moment où les convives entraient dans la salle où le souper était servi, ils lurent sur le mur ces mots écrits en caractères de feu: « Anathème à celui qui ose profaner, les mystères de la Sainte-Église ! Malédiction à ceux qui l'ont élu! Malheur à la ville qui souffre de pareilles extravagances! » Heckman en lisant ces mots à haute voix se jeta à genoux, s'écria que c'était un avertissement du ciel et se dépouillant des insignes de sa dignité, déclara qu'il ne voulait pas risquer son âme. Les convives, épouvantés par ce qu'ils attribuaient à un miracle, se signèrent, ne voulurent pas s'asseoir à la table du festin et se retirèrent. Heckman dit : que pour obtenir le pardon de leur faute il fallait envoyer aux pauvres le souper et se soumettre aux volontés de l'Église en renonçant à la fête des Innocents, et la fête en resta là.
Les Tournaisiens tentèrent de substituer à cette fête celle de l'Ane, mais le clergé les menaça d'excommunication et supprima toutes les cérémonies de ce genre [69].
De la clepsydre à la montre.
De la clepsydre à la montre
Les horlogers n’ont pas été groupés en corporations aussi anciennement que les apothicaires ou même que les orfèvres. C’est seulement en 1544 que François Ier accorda leurs statuts aux sept maîtres horlogers de Paris...
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