Le pape Urbain II préside le Concile de Clermont-Ferrand en 1095. Miniature de Jean Colombe, XVe siècle (BnF Ms fr. 5594, Fol. 19 a).
Dieu le veut !
Mais revenons au point de départ : le prêche guerrier
du pape Urbain II en novembre 1095 devant treize archevêques, deux cent vingt-cinq évêques, quatre centaines d'abbés et quelques milliers de laïques réunis
à Clermont pour un concile spécial.
Pourquoi le pape appelle-t-il à la guerre sainte ?
Il évoque les persécutions dont sont victimes en Terre Sainte les pèlerins qui s'y rendent quelques fois par milliers.
Persécutions aggravées, au début du XIe siècle, par le calife fatimide Al-Hakim bi-Amr Allah, une sorte de Néron musulman qui alla jusqu'à raser la Saint-Sépulcre.
Ces persécutions ne sont pas imaginaires, comme le prétendront des historiens laïques. En 1064 par exemple, sept mille pèlerins conduits par Gunther, évêque de Bamberg, ont été attaqués par les Bédouins. Refusant de se défendre, des centaines d'entre eux ont été exterminés. Ces persécutions se sont d'ailleurs renouvelées depuis la conquête de Jérusalem par les Turcs Seldjoukides du général Atsiz, en 1071, qui ont massacré une partie des habitants.
Autre motivation, d'ordre géopolitique celle-là : les menaces qui planent sur l'empire de Constantinople ("Vos frères d'Orient", dit Urbain II) assiégé par les Turcs seldjoukides. L'empereur byzantin, assure le pape, adjure les chrétiens d'Occident à venir à son secours.
Le pape promet donc la remise des péchés "sur l'heure" à ceux qui perdraient leur vie pendant le voyage ou"dans la bataille contre les païens". Il exhorte enfin les chevaliers batailleurs et ceux qui ont été "mercenaires en échanges de gages sordides" à s'engager immédiatement au service du Christ. Puis il jette cette exclamation fameuse que la foule va bientôt reprendre et qui fera plusieurs fois le tour de la chrétienté : "Dieu le veut !"
A ces nobles motifs s'en ajoutent d'autres qui le sont moins. D'abord la volonté avouée d'éloigner du royaume les turbulents fils de chevaliers qui, en s'affrontant sans relâche, y répandent l'insécurité et la violence. Pour ces "bagarreurs", la croisade sera un exutoire. De façon plus globale, cette fin du XIe siècle correspond à une période où l'Europe chrétienne, délivrée des famines, dopée par une démographie en hausse, dispose d'un surplus de puissance. La croisade sera la première initiative prise par l'Occident pour se projeter orgueilleusement hors de ses frontières.
Un "détail" toutefois n'était prévu par personne, pas même Urbain II : c'est engouement prodigieux que son appel va provoquer dans toute l'Europe. Un phénomène qu'on pourrait, au risque de l'anachronisme, qualifier de "médiatique".