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vendredi 18 janvier 2013
Marie-Antoinette.
Histoire des Reines - Marie Antoinette
Publié le 11/07/2009 à 10:40 par acoeuretacris
Tags : histoire reine marie Antoinette
Le
19 avril 1770, la jeune archiduchesse Antonia épousait par procuration
le dauphin de France, Louis-Auguste de Bourbon, petit-fils de Louis XV.
Commence alors pour la jeune fille de 14 ans un long voyage de Vienne à
Versailles. A son arrivée, si le souverain lui réserve un accueil
chaleureux, les filles de ce dernier, Mesdames de France –éternelles
célibataires- surnomment déjà la jeune Antonia « l’Autrichienne » surnom
à connotation péjorative. La jeune fille, dont le prénom a était
francisé en Marie-Antoinette, fait la connaissance de son époux : c’est
un garçon timide et effacé si on le compare à ses frères cadets les
comtes de Provence et d’Artois. Devant la beauté, le charme et la
vivacité de sa jeune épouse, Louis-Auguste reste de marbre, presque
effrayé. Le mariage où les deux conjoints sont désormais présents se
tient dans la chapelle du château de Versailles le 16 mai. Si
Marie-Antoinette semble heureuse et disposée à plaire à son mari, le
dauphin semble ailleurs, et nerveux face à la belle épousée. Le
lendemain, il court le bruit qu’il ne s’est rien passé entre les époux.
Louis XV ne s’en inquiète pas et il est de l’avis d’attendre, de laisser
faire le temps. Il faudra effectivement attendre et non pas des mois
mais des années : sept au total ! Pourquoi dons ne se passe-t-il rien
entre Louis-Auguste et Marie-Antoinette une fois les rideaux du lit
fermés ? A la vérité, il semble que la dauphine fasse peur à son époux.
Elle est vive, belle, multiplie les attentions à son égard dans les
premiers mois de leur mariage. A l’inverse, Louis-Auguste est renfermé
et très complexé. Quand son frère aîné, le duc de Bourgogne était mort
en 1761, ses parents avaient dit que la mort « s’était trompée de
personne » car le jeune Louis-Auguste était à l’époque souffrant lui
aussi. Après ce drame, toute la cour avait le regard posé non sur lui,
mais sur ses frères : Louis-Stanilas de Provence très mûr pour son âge
et Charles, le petit dernier très enjoué. On semblait regretter que le
comte de Provence ne soit pas né avant Louis-Auguste alors duc de Berry.
Seul son grand-père Louis XV et sa petite sœur Elisabeth lui montraient
un réel attachement. Louis-Auguste en ait venu à se sentir inférieur
aux autres tandis que son épouse se met en avant. De plus la défunte
mère du dauphin, Marie-Josèphe de Saxe, s’était opposée jusqu’à sa mort
en 1767 à l’union de son fils avec une princesse membre de la famille
des Habsbourg. De ce fait, les tantes de Louis-Auguste, Mesdames
Adélaïde, Victoire et Sophie, ont fait naître chez le jeune homme un
sentiment de méfiance envers sa femme : celle-ci, cette « Autrichienne »
n’est en France qu’en tant qu’espionne à la solde des Habsbourg. Cela
ne favorise en rien un rapprochement entre le dauphin et
Marie-Antoinette. De plus, leur emploi du temps et leurs passions sont
très différentes : il aime lire, se lève tôt pour aller à la chasse et
par conséquent, se couche tôt ; elle ne lit pas, préfère la danse et la
musique, se couche tard après avoir danser ou assister à un opéra et
aime les fêtes, la foule. Cependant il faut un héritier à la France et
pour assurer sa position à la cour, Marie-Antoinette doit donner un fils
à son époux.
Le
10 mai 1774, Louis XV s’éteint. A cette nouvelle, les nouveaux
souverains, Louis XVI et Marie-Antoinette prient ensemble « Seigneur
guide-nous car nous régnons trop jeunes ». Déjà quatre années de mariage
et toujours pas de grossesse pour Marie-Antoinette. De Vienne, sa mère
l’impératrice Marie-Thérèse lui envoie lettre sur lettre dans lesquelles
elle donne des conseils à sa fille. Elle déplore également que la reine
de France monte à cheval, acte dit néfaste à l’époque aux grossesses.
Le 6 août 1775, la comtesse d’Artois, mariée depuis moins de deux ans au
frère de Louis XVI, met au monde un garçon, le petit duc d’Angoulême.
C’est une douche froide pour Marie-Antoinette qui en tant que reine
aurait voulu donner naissance au premier prince de la nouvelle
génération. Si le couple royal n’arrive pas a procréer, chacun se
demande à qui la faute : Louis XVI est-il impuissant ou Marie-Antoinette
est-elle stérile ? Le roi et la reine voient plusieurs médecins et il
en ressort que Louis XVI devrait subir une légère intervention
chirurgicale mais cela effraye le souverain. En dernier recourt, le
frère de la reine, l’empereur Joseph II vient à Versailles en 1777 afin
d’analyser au mieux la situation du couple. A Marie-Antoinette, il fait
quelques reproches : elle doit se ménager, elle n’a plus l’excuse de la
jeunesse pour faire passer ses caprices, elle se doit d’avoir des
enfants. Joseph II parle ensuite à son beau-frère à qui il donne des
conseils avisés. En quittant Versailles, l’empereur peut écrire à sa
mère et à son frère Léopold que tout est normal au sein du couple et que
le roi et la reine de France « sont deux maladroits ». Il prédit que
désormais « la grande œuvre » peut s’accomplir.
Et
effectivement, en août de la même année, Marie-Antoinette peu écrire à
sa mère qu’elle a bon espoir d’être bientôt enceinte. Cet enfant tant
attendu viendra le 19 décembre 1778 mais ce ne sera pas un dauphin. La
reine donne naissance à une petite princesse, Marie-Thérèse-Charlotte
dite Madame Royale. Mais si le bébé n’est qu’une fille, Marie-Antoinette
prouve néanmoins qu’elle est capable de porter des enfants. Elle sera
encore enceinte à cinq reprises : après une fausse-couche en 1779,
l’héritier tant désiré –le dauphin Louis-Joseph- naîtra en 1781.
Nouvelle fausse-couche en 1783 suivit de deux autres naissances en 1785
et 1786 : celle du futur Louis XVII et de la petite Sophie.
Isabelle de Hainaut.
Histoire des Reines - Isabelle de Hainaut -
Publié le 21/05/2010 à 09:37 par acoeuretacris
Tags : histoire reine isabelle de hainault
Le
28 avril 1180, Philippe II (dit Philippe Auguste) prend pour épouse la
jeune Isabelle de Hainaut, fille du comte du Hainaut Baudouin V et de
Marguerite de Lorraine comtesse de Flandres. Isabelle est sacrée reine
de France à Paris le 29 mai. Elle apporte en dote le Vermandois, le
Valois, l’Amiénois et l’Artois. C’est sur l’instigation de son parrain
le comte de Flandres que le roi a décidé d’épouser la jeune princesse
qui apportait à la couronne des terres importantes. En 1184, Isabelle a
tout juste 14 ans et Philippe II décide de la répudier. Le roi doit en
effet faire face à une coalition de vassaux parmi lesquels on trouve le
comte de Flandres et le comte de Hainaut, parents d’Isabelle. Furieux
que son épouse n’ait pas su rallier son père à sa cause, Philippe II
prétexte un lien de parenté avec la reine et surtout sa stérilité pour
la répudier. Cependant, Isabelle n’a que 14 ans et en comptait 10 lors
de son union avec Philippe II. Peut-on parler de stérilité à cet âge
quand on sait que durant les quatre années de mariage qui viennent de
s’écouler le roi n’a pas porté un vif intérêt à son épouse ? Ainsi, un
matin de mars 1184, les habitants de Senlis voient la petite reine en
tenue de pécheresse, chemise blanche, un cierge à la main, marcher dans
les rues de la ville, comme pour faire pénitence. C’est le jour où elle
doit être répudiée et Isabelle prie dieu d’avoir pitié d’elle. Le peuple
est ému de la voir misérablement vêtue et intervient en sa faveur
auprès de Philippe II pour qu’il la garde à ses côtés. Devant la demande
de son peuple mais aussi celle du Pape, Philippe II s’incline.
Le traité de Boves est signé en 1185, mettant fin au conflit entre le roi et les seigneurs. Philippe II s’était alors montré toujours froid et distant de son épouse mais revient vers elle après cette réconciliation. Le 5 septembre 1287, Isabelle met au monde un fils prénommé Louis (futur Louis VIII). Philippe II, que la naissance d’un héritier a empli de joie, exige que l’on rende un immense hommage à la reine qu’il se met à aimer. D’autant que sur le plan militaire, le roi est en train d’écraser la puissance des Plantagenets (les rois d’Angleterre). Philippe II voulait qu’Isabelle soit « la plus grande et la plus honorée des reines de France ». Hélas, le 15 mars 1190, la reine Isabelle meurt après la naissance de jumeaux qui ne vivront pas. Le roi, qui se préparait à partir en croisade aux côtés de Richard Cœur de Lion, prend le temps de faire à Isabelle d’importante funérailles en la cathédrale Notre-Dame.
Le traité de Boves est signé en 1185, mettant fin au conflit entre le roi et les seigneurs. Philippe II s’était alors montré toujours froid et distant de son épouse mais revient vers elle après cette réconciliation. Le 5 septembre 1287, Isabelle met au monde un fils prénommé Louis (futur Louis VIII). Philippe II, que la naissance d’un héritier a empli de joie, exige que l’on rende un immense hommage à la reine qu’il se met à aimer. D’autant que sur le plan militaire, le roi est en train d’écraser la puissance des Plantagenets (les rois d’Angleterre). Philippe II voulait qu’Isabelle soit « la plus grande et la plus honorée des reines de France ». Hélas, le 15 mars 1190, la reine Isabelle meurt après la naissance de jumeaux qui ne vivront pas. Le roi, qui se préparait à partir en croisade aux côtés de Richard Cœur de Lion, prend le temps de faire à Isabelle d’importante funérailles en la cathédrale Notre-Dame.
Source http://www.histoire-et-secrets.com/
Catherine de Medicis.
Histoire des reines - Catherine de Médicis -
Publié le 21/05/2010 à 09:48 par acoeuretacris
Tags : histoire reine catherine de médicis
Toute
sa vie, Catherine de Médicis aima s’entourer d’astrologues, de savants
qu’elle consultait à tout sujet et croyait toujours ce qu’ils lui
prédisaient. Ainsi le 18 octobre 1564, Nostradamus pénétra dans la
chambre du jeune Henri de Bourbon duc de Vendôme presque âgé de onze
ans. Après avoir longuement regardé le prince, il affirma « C’est lui
qui aura tout l’héritage…Et si dieu vous fait grâce de vivre jusque là,
vous aurez pour maître un roi de France et de Navarre » conclu-t-il en
parlant au gouverneur d’Henri, Mr de La Gaucherie. Et lorsqu‘Henri III
de Navarre monta sur le trône de France sous le nom d’Henri IV, il était
bien le premier souverain à la fois roi de France et de Navarre.
Un soir de 1559, un astrologue de Catherine, Ruggieri, fit apparaître dans un miroir le jeune roi François II qui venait de monter sur le trône et dit « Il fera autant de tours sur lui-même qu’il a encore d’années à vivre une fois monté sur le trône ». Sous le regard de la reine Mère, son fils aîné fit un tour et disparu. François II devait mourir le 5 décembre 1560, soit bien un an après. Son second fils, futur Charles IX, tourna treize fois sur lui-même. Lorsqu’il monta sur le trône il lui restait un peu plus de treize années vivre puisqu’il mourut le 30 mai 1574. Quant au futur Henri III, le fils préféré de Catherine de Médicis, il effectua quinze rotations. Il accéda au trône en 1574 et décéda le 2 aout 1589, soit après quinze ans de règne. En revanche, après l’apparition du futur Henri III (Catherine se doutait donc que déjà ni François ni Charles n’auraient de fils), ce fut Henri de Bourbon qui apparu. Ce fut clair pour la reine Mère : la dynastie des Valois devait s’éteindre pour laisser la place à celle de Bourbon. Parmi les nombreuses prédictions faites à Catherine de Médicis, une autre entra également dans la légende : alors que le 3 janvier 1589 la reine Mère semblait à l’agonie, elle rassura son entourage car un certain Gauric lui avait prédit qu’elle mourrait prés de Saint-Germain. Catherine se trouvait alors à Blois, loin de la ville de Saint-Germain-en-Laye et de Saint-Germain-l’Auxerrois située près du Louvre. Cela faisait des mois que Catherine se tenait à l’écart de ces endroits. Cependant, devant son faible état de santé, son fils Henri III lui demanda de recevoir les derniers sacrements le 5 janvier vers une heure du matin. La reine-mère y consentie et un aumônier qu’elle ne connaissait pas entra dans sa chambre. Catherine lui demanda alors comment il ne nommait et une demi-heure après, elle quittait le monde des vivants. L’homme avait pour nom Julien de Saint-Germain…
Un soir de 1559, un astrologue de Catherine, Ruggieri, fit apparaître dans un miroir le jeune roi François II qui venait de monter sur le trône et dit « Il fera autant de tours sur lui-même qu’il a encore d’années à vivre une fois monté sur le trône ». Sous le regard de la reine Mère, son fils aîné fit un tour et disparu. François II devait mourir le 5 décembre 1560, soit bien un an après. Son second fils, futur Charles IX, tourna treize fois sur lui-même. Lorsqu’il monta sur le trône il lui restait un peu plus de treize années vivre puisqu’il mourut le 30 mai 1574. Quant au futur Henri III, le fils préféré de Catherine de Médicis, il effectua quinze rotations. Il accéda au trône en 1574 et décéda le 2 aout 1589, soit après quinze ans de règne. En revanche, après l’apparition du futur Henri III (Catherine se doutait donc que déjà ni François ni Charles n’auraient de fils), ce fut Henri de Bourbon qui apparu. Ce fut clair pour la reine Mère : la dynastie des Valois devait s’éteindre pour laisser la place à celle de Bourbon. Parmi les nombreuses prédictions faites à Catherine de Médicis, une autre entra également dans la légende : alors que le 3 janvier 1589 la reine Mère semblait à l’agonie, elle rassura son entourage car un certain Gauric lui avait prédit qu’elle mourrait prés de Saint-Germain. Catherine se trouvait alors à Blois, loin de la ville de Saint-Germain-en-Laye et de Saint-Germain-l’Auxerrois située près du Louvre. Cela faisait des mois que Catherine se tenait à l’écart de ces endroits. Cependant, devant son faible état de santé, son fils Henri III lui demanda de recevoir les derniers sacrements le 5 janvier vers une heure du matin. La reine-mère y consentie et un aumônier qu’elle ne connaissait pas entra dans sa chambre. Catherine lui demanda alors comment il ne nommait et une demi-heure après, elle quittait le monde des vivants. L’homme avait pour nom Julien de Saint-Germain…
Source http://www.histoire-et-secrets.com/
Berthe au grand pied.
Histoire des Reines - BERTRADE, ou BERTHE au grand pied -
Publié le 21/05/2010 à 09:50 par acoeuretacris
Tags : histoire reine berthe au grand pied
Du temps que la reine Berthe filait
(née vers 726, morte le 12 juillet 783)
Épouse Pépin le Bref (alors maire du Palais,
puis roi des Francs) vers 744 ou 749
« Du temps que la reine Berthe filait ». Cet adage, qui remonte à nos vieux aïeux, nous fait voir en quelle vénération ils avaient la reine Berthe, restée dans leurs souvenirs comme un type de perfection royale et féminine. Cette renommée, qui a traversé les siècles, est cependant à peu près tout ce qui nous reste de Berthe au grand pied. La reine Mathilde d'Angleterre, femme de Guillaume le Conquérant, a été plus heureuse ; son nom, comme celui de Berthe, est fameux par ses ouvrages. Mais des jolis fuseaux de Berthe, de ces fuseaux à l'aide desquels elle filait l'« or et la soie pour broder des écharpes », il ne nous reste rien, tandis qu'on nous montre à Bayeux des mètres d'une tapisserie sur laquelle Mathilde, de ses doigts habiles, traçait en riches couleurs les exploits de son époux, duc et roi.
A défaut des beaux ouvrages qui sont perdus, nous avons des poèmes, des poèmes immortels, grâce aux soins des hommes de goût qui les ont tirés des bibliothèques pour les imprimer, les commenter, les annoter et nous initier, par leurs travaux, à cette poésie naïve qui faisait la gaie science de nos vieux trouvères, et qui, nulle part, ne se montre plus aimable de fraîcheur et de grâce que dans Li Romans de Berte aus grans piés, écrit par le trouvère Adenet le Roi en 1270 et publié par Paulin Pâris en 1832. Ce dernier, employé
Berthe au grand pied
au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale, se consacra à mettre en lumière la vieille littérature française, notamment les épopées et chansons de geste.
Disons donc quelque chose du roman, puisque, dans toute la vie de Berthe, il n'y a rien, presque rien pour l'histoire. Le titre d'honneur de Berthe au Grand Pied est d'avoir été la mère de Charlemagne. Sous les voûtes de Saint-Denis, entre toutes les pierres funèbres, ce n'était pas celle qui éveillait le moins de souvenirs, que cette tombe, érigée en 783, et brisée en 1793, sur laquelle on lisait cette inscription : BERTA, MATER CAROLI MAGNI. Il faut rattacher au nom de Berthe au grand pied l'origine de cette reine Pédauque dont on voit la figure sur quelques vitraux gothiques. Au Moyen Age, la tradition défigurée de Berthe au grand pied la faisait aussi nommer Berthe au pied d'oue (au pied d'oie). Ce n'était pas assez que la tradition lui donnât un pied démesurément grand, il fallait qu'elle allât jusqu'à la supposer difforme, ce qui n'empêchait pas qu'on alliât cette difformité avec l'idée d'une taille majestueuse et d'une beauté peu commune. Le romancier et la tradition y ajoutent une grande bonté et des talents merveilleux.
Voici le cadre du romancier : Berthe quitte en pleurant, sa mère Blanchefleur et le palais de Hongrie : car son père, Flore, est roi des Hongrois (le romancier n'a pas, comme nous, la difficulté des recherches ; sa légende est aussi croyable que les annales qui font de Berthe la fille d'un Haribert de Laon, qui n'a jamais existé, ou d'un Héraclius de Constantinople qui a vécu cent ans plus tôt - il était mort en 641). Berthe, montée sur un palefroi bai, parcourt l'Allemagne, confiée aux soins de Margiste et de l'écuyer Tibert ; sa compagne Aliste chemine à ses côtés ; la fiancée de Pépin a voué une tendre amitié à Aliste.
Blanchefleur avait remis sa fille bien-aimée entre les mains de ces trois serviteurs ; elle les croyait fidèles ; elles les avait rachetés de ses deniers ; ils lui devaient leurs biens, leur liberté et leur bonheur. Elle aimait Aliste, fille de Margiste, parce qu'elle lui trouvait une grande ressemblance avec sa chère enfant. « Pour ce que vous ressemble assez plus chère l'ai » (Li Romans de Berte aus grans piés, chap. VII), dit la reine à sa fille le jour du départ. « Tous trois de mes deniers chacun d'eux rachetai, Et, pour cette raison, trop plus m'y fierai. »
Berthe la Débonnaire, répond qu'elle fera tout pour ces bons serviteurs.
Dame (dit-elle à la reine) je les aimerai
Et des choses que j'aie, jamais ne leur faudrai.
Aliste, si je puis, très bien marierai.
- Fille... (répond la reine) bon gré vous en saurai.
Tels sont les adieux. La reine, qui a conduit Berthe aussi loin qu'elle l'a pu, lui demande un dernier gage d'amour, avant de la quitter tout à fait. Donnez-moi votre anneau, lui dit-elle,
L'annel de votre doigt... ô moi [avec moi] l'emporterai ;
En larmes et en pleurs, souvent le baiserai.
Berthe donne l'anneau :
Elle prend l'annelet...
A sa mère le baille, moult plore et moult s'esmoie [est émue].
Blanchefleur veut consoler sa fille ;
... Soyez joyeuse et gaie
Vous en alez en France : de ce mon cœur s'apaie [se console, s'apaise]
Qu'en nul pays n'a gent plus douce ni plus vraie.
Malgré ces encouragements, la douleur de la séparation n'est pas moins vive : « Au départir chacun à pleurer se rassaie [se remet]. » La mère retourne en faisant « tel deuil que son cœur est tout près de faillir ; » Berthe est tombée évanouie ; il a fallu que sa sœur, « la ducoise » (la duchesse), la prît entre ses bras et la baisât maintes fois pour la rappeler à elle ; on la remet doucement sur son palefroi, sa sœur lui dit le dernier adieu, et la voilà sur la route de France : « Fiancée du roi Pépin, que Dieu vous donne bon conduit ! »
Nous ne pouvons suivre le romancier dans son œuvre naïve, nous avons voulu donner seulement quelques-uns de ses vers qu'il nous dit lui avoir été inspirés par la lecture d'une histoire qu'il doit à la courtoisie d'un bon moine de Saint-Denis, mais « ystoire faussée par quelque aprenti écrivain » et qu'il a cru devoir redresser : c'est à cette bonne pensée qu'est dû le poème. Voici le prologue de l'auteur, qui nous apprend comment l'idée lui en vint, et comment il se mit à la besogne :
A l'issue d'avril, un temps doux et joli
Que erbelette poignent [herbes commencent à poindre] et pré sont raverdi.
Et arbrissel désirent qu'ils fussent parfleuri
[et les arbres attendent le moment de fleurir]
A Paris, la cité, étoie [j'étais] un vendredi.
Pour ce qu'il est divenres [jour vénéré] en mon cœur m'assenti [je résolus]
Qu'à Saint-Denis iraie [j'irais] pour prier Dieu merci.
A un moine courtois, qu'on nommait Savari
M'accointai tellement...
Que le livre as ystoires [le livre aux histoires] me montra où je vi
L'ystoire de Bertain [diminutif de Berthe] et de Pépin aussi
Comment, en quel manière, le lion assailli
Aprentif Jugléor et écrivain marri [lourd, fatigant]
Ont l'ystoire faussée...
Illuques [là] demeurai delors [depuis lors] jusque mardi ;
Tant que la vraie ystoire emportai avec mi [avec moi].
Si comme Berte fut en la forêt par li [à part elle, seule]
Où mainte grosse peine endura et souffri
L'ystoire est cy [ici] rimée ; parfois vous le plévi [vous le garantis],
Que li mésentendant en seront esbaubi [ébahis, étonnés]
Et li bien entendant en seront esjoï [réjouis].
Li Romans de Berte aus grans piés, chap. I
Le roman, qui doit réjouir « ceux qui l'entendront bien » et surprendre « ceux qui ne sauront pas l'entendre », a cent quarante couplets ou chapitres dont chacun est sur une rime, ainsi qu'on le voit par le prologue ; il s'y trouve des vers charmants ; le ton du récit est plein de candeur. L'invention en est peu difficile, les situations ne sont guère variées ; mais les sentiments les plus doux y sont exprimés dans ce vieux langage qui y prête un charme de plus : on aime, avec le romancier, Berthe « la débonnaire, la blonde, l'eschevie » (à la belle chevelure) dont il chante les malheurs.
Voici ce que devient cette fille tant pleurée, que sa mère se réjouissait cependant de marier au noble roi Pépin. Quand elle a passé le Rhin, traversé les Ardennes, que son royal fiancé est venu au-devant d'elle, que déjà elle l'a vu à Paris où elle a reçu le salut de chacun,
... Moult courtoisement
Comme celle qui était de grand apensement [grand sens].
La vieille Margiste profite de la ressemblance d'Aliste avec la reine, pour trahir sa maîtresse. L'heure venue de remettre Berthe à Pépin, Margiste fait cacher la princesse, donne à Aliste les habits royaux ; c'est Aliste qui est reçue comme reine, épousée et conduite au palais. Les perfides serviteurs font passer Berthe pour Aliste, l'accusent d'avoir tenté d'assassiner la fausse reine, et tout se passe si rapidement que le roi se laisse tromper, et que l'infortunée Berthe ne peut se défendre.
Ici commence le tragique récit des aventures de Berthe ; les satellites de l'écuyer Tibert l'emmènent loin de Paris et l'égarent dans un bois (la forêt du Mans) ; ils avaient ordre de la tuer, mais ils se contentent de la dépouiller de tout ; ils ne lui laissent qu'une tunique et un petit manteau.
Belle, fuyez-vous-en, n'y soit plus délaïé (sans délai)
Dame Dieu [corruption de Domine Deus, le Seigneur Dieu] vous conduise,
par la sive amitié [par la sienne amitié].
Berthe, seule dans la forêt, exposée au froid, à la pluie, soutient cette épreuve avec douceur ; ses malheurs sont grands :
La dame fut au bois qui durement [beaucoup] plora.
Les leus [loups] ouït uller [hurler] et li huants hua [le hibou hua]
Il espartoit forment [éclairait beaucoup, ferme] et durement tonna,
Et plut menuement, et grésille, et venta :
C'est hideux temps à dame qui compagnie n'a ;
Dame-Dieu et ses saints doucement réclama.
. . .
Quand eut fait sa prière, son mantel escourça [replia],
A Dieu s'est commandée, parmi les bois s'en va.
Après avoir souffert de la faim, de la soif, de la pluie, elle trouve une source pour se désaltérer ; elle se couche à terre en se signant, et évite une ourse qui allait la dévorer ; les buissons déchirent sa robe, une épine blesse son pied ; la nuit ajoute à l'horreur de cette situation. Enfin elle trouve un ermite qui a pitié d'elle, et qui lui indique la cabane d'un bûcheron où elle pourra trouver un asile. Dans ce premier moment de détresse, Berthe a fait vœu de ne pas découvrir sa naissance si Dieu lui permet de trouver des protecteurs ; elle est accueillie par le bûcheron et sa femme, elle s'attache à eux, elle aime leur fille comme sa compagne ; elle sert la femme du bûcheron comme sa mère, et elle attend de meilleurs jours en allant au bois, en puisant de l'eau à la source, et en filant le soir, de ses mains royales, ce fil d'une finesse et d'une beauté qui ont fait sa renommée, et qui ont commencé par faire vivre le bûcheron ; car le bûcheron est récompensé de sa bonne œuvre.
Il a recueilli Berthe ; mais Berthe file par reconnaissance, et son fil se vend très cher à la ville. Ses persécuteurs, selon les variantes d'une Berthe allemande, lui avaient laissé un coffret qui contenait ses fuseaux avec l'or et la soie qu'elle filait sous le toit royal de Flore. Ce trésor lui sert dans son malheur ; elle emploie l'or et la soie du coffret à faire des broderies merveilleuses qui se vendent un grand prix.
Tandis que la pieuse Berthe cache son nom et ses malheurs, la reine, que l'on croit la véritable Berthe, étonne le peuple par sa hauteur ; il n'est bruit que de sa cruauté ; personne ne reconnaît la douce Berthe, cette femme, la meilleure et la plus belle qui fût par « delà la mer » (on ne sait trop ce que la mer a à faire ici), et dont un noble baron avait dit en parlant à Pépin : « On la nomme Berthe la Débonnaire, avec elle te viendra le bonheur. »
Il fallait bien un dénouement ; depuis sept ans, Berthe filait dans la cabane de bois du bûcheron, elle regrettait peu le trône, la paix du ciel était dans son cœur ; mais les années d'absence affligeaient Blanchefleur, qui supplia le roi Flore de la laisser partir pour visiter sa fille bien-aimée ; elle obtient cette faveur ; elle se hâte, elle abrège la route par sa vitesse ; mais quoi !... Quand elle a franchi les forêts de la Germanie, quand elle arrive sur la noble terre des Francs, au lieu des bénédictions qu'elle attend sur son passage, elle entend le nom de la reine Berthe, prononcé avec horreur ; son cœur se serre,
Du temps que la reine Berthe filait
elle se demande comment la douce Berthe a mérité la haine ; mais son amour de mère la rassure : plutôt que de croire le cœur de sa fille changé, elle « accuse d'erreur tout le peuple à la fois !... » Elle pressent la vérité : motif de plus pour hâter son voyage.
Cependant quelles inquiétudes au palais de la fausse Berthe ! Cette digne complice de sa mère se met au lit, et feint un mal mortel ; puis Margiste joue un rôle assez difficile. Il s'agit d'écarter Blanchefleur du palais de sa fille. La vieille femme se présente en larmes à la mère dont la défiance est déjà éveillée ; d'abord elle lui dit que la reine est endormie, et elle ajourne l'heure à laquelle la mère pourra entrer. Blanchefleur demande Aliste ; la vieille, en feignant un grand chagrin, lui dit qu'Aliste est morte. Enfin, quand tous les délais sont épuisés, Margiste introduit Blanchefleur dans un appartement obscur, où la malade est couchée au fond d'une alcôve sombre, entourée d'épaisses tapisseries, « De draps d'or et de soie, très bien encourtinée (courtine, rideau) ».
Mais Aliste se trahit, elle parle d'une voix si basse, qu'à peine la reine l'entend ; elle dit qu'elle n'ose se montrer, que sa vue effraierait sa mère.
... Je souffre un tel martyre
Que j'en suis devenue aussi jaune comme cire.
Elle la supplie de lui pardonner si elle ne peut la mieux recevoir, et finit par lui dire qu'elle a besoin de repos, et qu'elle veut rester seule. A ce dernier trait Blanchefleur est convaincue :
Aide Diex ! [Dieu] qui oncques ne menti
Ce n'est mie [pas] ma fille que j'ai trouvée ici !
Si fût demie morte, par le cor St.-Remi [par le corps saint Remi]
M'eût-elle baisée assez et conjoï.
Elle veut voir de plus près de cette fille mourante, elle prend un cierge allumé, elle approche, elle découvre les pieds de la malade ; or, Aliste avait les pieds parfaitement égaux, et c'est à cette marque que Blanchefleur acquiert la certitude de l'horrible réalité. Berthe, Berthe au grand pied, avait été trahie ! Mais où était-elle ? Vivait-elle encore ?... Où les misérables l'avaient-ils abandonnée ? Blanchefleur éclate en sanglots, elle se prosterne aux pieds du roi, lui découvre la perfidie, et demande justice. Pépin, qui n'avait jamais aimé l'humeur de la reine, est facilement convaincu et menace les criminels ; Margiste et Aliste sont chassées avec ignominie. Mais Blanchefleur demande sa fille. Sa fille, peut-être, est morte de misère et de douleur. Tibert a avoué qu'il allait la tuer, mais que Morand lui avait laissé la vie.
Le roi fait parcourir son royaume en tous sens ; les écuyers vont partout, sonnant du cor et de la trompette ; les fidèles se mettent en prières, le peuple pleure en demandant sa bonne reine ; mais on ne découvre nulle trace de l'existence de Berthe ; Blanchefleur est réduite à retourner seule et accablée en Hongrie. Margiste est brûlée vive, Tibert est pendu, Aliste est reléguée par grâce, dans un cloître ; et chacun est convaincu que Berthe a dû périr de froid, de misère, ou qu'elle a été dévorée par les bêtes féroces. L'histoire de Berthe passe de bouche en bouche, en lamentables récits ; le roi n'espère plus retrouver sa fiancée.
Il s'abandonnait à sa douleur, lorsqu'un jour, en chemin, il s'égare dans la forêt du Mans ; il rencontre une jeune fille, à laquelle il demande si elle peut le remettre en son chemin. Cette jeune fille, c'est Berthe, qui vient d'une chapelle où elle est demeurée longtemps à prier. Elle indique au roi la maison de Simon ; sa beauté touche Pépin, qui lui dit qu'il est « premier dans la maison du roi » et qu'il veut l'emmener ; il lui promet de grandes richesses ; Berthe refuse de le suivre ; pressée de plus en plus par ce seigneur, elle lui déclare que c'est la femme de son roi qu'il voit en elle, et qu'il doit la respecter.
El non à (au nom de) ce Seigneur qui se laissa pener [peiner, mettre en peine]
Ens en la sainte croix pour son peuple sauver,
Fille sui le roi Flore qui tant fut à loer [tant mérite d'honneur]
Et fille Blanchefleur, de ce n'estuet à douter [de ce n'est à douter].
Pour sauver son honneur, elle découvre à l'inconnu comment elle a été recueillie dans ce bois, et comment elle y vit depuis sept ans. Le roi ne se nomme pas. Simon et Constance (le bûcheron et sa femme), auxquels il veut parler, lui disent que cette sage fille, qu'ils font passer pour leur nièce, est depuis sept ans avec eux, que par elle leur chaumière est bénie, et que lorsqu'ils l'ont recueillie, elle était abandonnée et prête à mourir de douleur, de froid et de faim.
Cependant Berthe s'est cachée, elle ignore encore que c'est au roi lui-même qu'elle a parlé ; il faut que Pépin la laisse à ses protecteurs ; du reste, il agit prudemment : trompé une première fois par Aliste, il ne veut pas courir le risque de l'être une seconde fois par cette bergère qui se dit si à propos la reine Berthe, mais qui refuse de soutenir, en présence du bûcheron, ce qu'elle a avancé sans connaître le roi. Pépin juge plus sage d'envoyer un messager en Hongrie quérir la reine Blanchefleur et le roi Flore qui devront reconnaître leur fille. Grande est la joie de la reine ; elle part, elle vole, elle ne prend nul repos ; Flore l'accompagne. Pépin les reçoit « en toute liesse et honneur », les conduit dans la forêt ; là, dans la cabane du bûcheron, Blanchefleur reconnaît sa fille.
Le royaume est en fête ; les cloches sonnent dans chaque ville pour le passage des époux et des heureux parents ; le bûcheron, sa femme, leur fils, leurs filles, sont convertis en de grands seigneurs. Le romancier prend soin de nous décrire leurs armoiries et les dons qu'on leur fait. Morand, qui avait conservé la vie à Berthe, dans la forêt, est récompensé. Berthe reste aussi modeste, aussi bonne : c'est toujours Berthe la Débonnaire ; mais c'est une noble reine, elle est aimée de tous. Et le romancier finit en élevant son style pour l'éloge de Charlemagne ; il nomme tous les enfants de Berthe : d'abord une fille du nom d'Ayglantine,
... De ce ne doutez mie [pas]
Femme Milon d'Ayglent, moult ot [eut] grand seigneurie,
Et fut mère Roland qui fut sans couardie [couardise, poltronnerie]
Ains [ainsi] fut preus [preux] et hardi, plein de chevalerie ;
Après orent [eurent] Constance en qui fut courtoisie,
Et noblesse et valeur, sans nulle vilenie ;
Puis il vient à Charlemagne :
Après ot [eut] Charlemaigne à la chière hardie
Qui puis fist, sur païens, mainte grant envahie
[qui fit sur les païens mainte grande conquête]
Par qui fut la loi de Dieu levée et essancie [élevée et rehaussée]
Maint hiaume [casque] découpé, mainte targe [poitrine] percie [percée],
Maint haubert [cuirasse] dérompue, mainte tête tranchie [tranchée] ;
Moult guerroya de cuer [cœur] sur la gent paienie [païenne]
Si qu'encore s'en deulent [plaignent, font deuil, douleur]
ceux de celle lignie [cette lignée].
Ainsi, « Berthe qui fut au bois », mérita de devenir la femme du roi Pépin, et la mère de « Karl-le-Grand » ; et ainsi, au XIIIe siècle, Adenet le Roi chantait les aventures de son héroïne aux cours d'amour en présence de la belle et savante Marie de Brabant, épouse de Philippe III. Les cours d'amour applaudissaient les vers d'Adenet, le roi des ménestrels ; le peuple en répétait les refrains ; et Berthe au pied d'oue, Berthe au grand pied, devenait chère à tous les villageois ; car elle avait vécu comme eux, avant de porter une couronne.
Nous l'avons dit, nous ne pouvons parler, avec l'assurance du poète, ni du roi Flore ni de la reine Blanchefleur ; nous sommes réduits à répéter qu'Éginhard, Aymoin et le moine de
Saint-Gall ne disent que quelques mots de Berthe au grand pied. On sait qu'elle naquit à Laon, devint la maîtresse de Pépin vers 741, tandis que celui-ci était marié à Leutburgie qu'il répudia quelques années plus tard, avant d'épouser Berthe vers 744 ou 749.
Pépin était marié quand il succéda à son père, comme duc des Français. Lorsqu'il fit déposer le dernier Childéric (751) et qu'il prit le titre de roi, Berthe reçut avec lui le sacre et l'onction royale, qui lui furent conférés à Soissons, par Boniface, archevêque de Mayence, en 752 (Éginhard indique 750, mais c'est bien en 752 qu'eut lieu le sacre). On voit la reine accompagner toujours son mari, faire les honneurs de la table royale, recevoir, avec Pépin, le pape Étienne II, lorsque ce pontife vint demander les secours et la protection du roi des Francs, contre Aistulphe, roi des Lombards.
Berthe fut de nouveau sacrée avec Pépin, qui voulut que les cérémonies de son couronnement fussent renouvelées par le pape lui-même. On ne sait pas bien où cette solennité eut lieu, on croit que ce fut dans l'abbaye de Ferrières. C'est dans la cour de cette abbaye qu'on place aussi le fameux combat du lion et du taureau dans lequel le courage de Pépin le Bref lui acquit un si haut degré d'estime parmi les leudes. Le résultat de ce voyage d'Étienne fut la guerre que Pépin porta en Italie, où il enleva à Aistulphe les terres de l'exarchat de Ravenne, qu'il joignit aux domaines de l'évêque de Rome ; c'est l'origine de la puissance temporelle des papes.
Le nom de la reine Berthe ne reparaît plus dans l'histoire de Pépin que pour nous apprendre qu'elle était à Vienne (en Dauphiné), auprès de son beau-frère Carloman, quand celui-ci mourut (755). Éginhard nous dit que Charlemagne aima sa mère, qu'elle vieillit auprès de lui, comblée d'honneurs, et qu'il ne s'éleva jamais, entre elle et lui, le moindre nuage, si ce n'est à l'occasion de la répudiation de la fille de Didier (Désirée, ou Désidérade, ou Hermengarde), roi des Lombards. Elle avait négocié cette alliance, dans un voyage d'Italie, entrepris sous prétexte de quelque pèlerinage (756).
Des lettres d'Étienne à Charles et à Carloman donneraient à penser que Pépin le Bref avait un moment songé à répudier Berthe, et qu'il en avait été détourné par les conseils du pape. Les lettres du pontife ne nous font pas connaître les motifs de cette mésintelligence.
Berthe mourut en 783, à Choisy-sur-Aisne ; Charlemagne inhuma ses restes à Saint-Denis. Elle avait eu neuf enfants ; l'aîné de ses fils est Charles le Grand (Charlemagne), né avant qu'elle ne devienne l'épouse légitime de Pépin et dont le nom seul réveille l'idée de toutes les grandeurs. Le second, Carloman, né en 751, ne porta la couronne que trois ans, sous le nom de Carloman Ier ; la reine essaya vainement de réconcilier ses fils ; leur rivalité devenait de plus en plus menaçante, lorsque la mort frappa Carloman en 771.
Berthe avait perdu un troisième fils du nom de Pépin (né en 756 et mort en 762), et deux filles, Romaïde et Adélaïde, tous trois morts dans leur enfance. Une autre fille, Isleberge, a été regardée comme sainte. Une quatrième, Gisèle (né en 757 et morte en 811), a pris le voile et a gouverné en qualité d'abbesse la communauté de Notre-Dame de Soissons. Charlemagne, qui aima tendrement toutes ses sœurs, avait pour celle-ci une vénération presque filiale, ce qui suffit à son éloge. Une cinquième princesse qu'on ne nomme pas, a vécu non mariée, à la cour de Charlemagne ; et une sixième, que Bertin appelle Rothaïde, femme d'un comte du Mans, est regardée comme la mère du fameux Roland.
(née vers 726, morte le 12 juillet 783)
Épouse Pépin le Bref (alors maire du Palais,
puis roi des Francs) vers 744 ou 749
« Du temps que la reine Berthe filait ». Cet adage, qui remonte à nos vieux aïeux, nous fait voir en quelle vénération ils avaient la reine Berthe, restée dans leurs souvenirs comme un type de perfection royale et féminine. Cette renommée, qui a traversé les siècles, est cependant à peu près tout ce qui nous reste de Berthe au grand pied. La reine Mathilde d'Angleterre, femme de Guillaume le Conquérant, a été plus heureuse ; son nom, comme celui de Berthe, est fameux par ses ouvrages. Mais des jolis fuseaux de Berthe, de ces fuseaux à l'aide desquels elle filait l'« or et la soie pour broder des écharpes », il ne nous reste rien, tandis qu'on nous montre à Bayeux des mètres d'une tapisserie sur laquelle Mathilde, de ses doigts habiles, traçait en riches couleurs les exploits de son époux, duc et roi.
A défaut des beaux ouvrages qui sont perdus, nous avons des poèmes, des poèmes immortels, grâce aux soins des hommes de goût qui les ont tirés des bibliothèques pour les imprimer, les commenter, les annoter et nous initier, par leurs travaux, à cette poésie naïve qui faisait la gaie science de nos vieux trouvères, et qui, nulle part, ne se montre plus aimable de fraîcheur et de grâce que dans Li Romans de Berte aus grans piés, écrit par le trouvère Adenet le Roi en 1270 et publié par Paulin Pâris en 1832. Ce dernier, employé
Berthe au grand pied
au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale, se consacra à mettre en lumière la vieille littérature française, notamment les épopées et chansons de geste.
Disons donc quelque chose du roman, puisque, dans toute la vie de Berthe, il n'y a rien, presque rien pour l'histoire. Le titre d'honneur de Berthe au Grand Pied est d'avoir été la mère de Charlemagne. Sous les voûtes de Saint-Denis, entre toutes les pierres funèbres, ce n'était pas celle qui éveillait le moins de souvenirs, que cette tombe, érigée en 783, et brisée en 1793, sur laquelle on lisait cette inscription : BERTA, MATER CAROLI MAGNI. Il faut rattacher au nom de Berthe au grand pied l'origine de cette reine Pédauque dont on voit la figure sur quelques vitraux gothiques. Au Moyen Age, la tradition défigurée de Berthe au grand pied la faisait aussi nommer Berthe au pied d'oue (au pied d'oie). Ce n'était pas assez que la tradition lui donnât un pied démesurément grand, il fallait qu'elle allât jusqu'à la supposer difforme, ce qui n'empêchait pas qu'on alliât cette difformité avec l'idée d'une taille majestueuse et d'une beauté peu commune. Le romancier et la tradition y ajoutent une grande bonté et des talents merveilleux.
Voici le cadre du romancier : Berthe quitte en pleurant, sa mère Blanchefleur et le palais de Hongrie : car son père, Flore, est roi des Hongrois (le romancier n'a pas, comme nous, la difficulté des recherches ; sa légende est aussi croyable que les annales qui font de Berthe la fille d'un Haribert de Laon, qui n'a jamais existé, ou d'un Héraclius de Constantinople qui a vécu cent ans plus tôt - il était mort en 641). Berthe, montée sur un palefroi bai, parcourt l'Allemagne, confiée aux soins de Margiste et de l'écuyer Tibert ; sa compagne Aliste chemine à ses côtés ; la fiancée de Pépin a voué une tendre amitié à Aliste.
Blanchefleur avait remis sa fille bien-aimée entre les mains de ces trois serviteurs ; elle les croyait fidèles ; elles les avait rachetés de ses deniers ; ils lui devaient leurs biens, leur liberté et leur bonheur. Elle aimait Aliste, fille de Margiste, parce qu'elle lui trouvait une grande ressemblance avec sa chère enfant. « Pour ce que vous ressemble assez plus chère l'ai » (Li Romans de Berte aus grans piés, chap. VII), dit la reine à sa fille le jour du départ. « Tous trois de mes deniers chacun d'eux rachetai, Et, pour cette raison, trop plus m'y fierai. »
Berthe la Débonnaire, répond qu'elle fera tout pour ces bons serviteurs.
Dame (dit-elle à la reine) je les aimerai
Et des choses que j'aie, jamais ne leur faudrai.
Aliste, si je puis, très bien marierai.
- Fille... (répond la reine) bon gré vous en saurai.
Tels sont les adieux. La reine, qui a conduit Berthe aussi loin qu'elle l'a pu, lui demande un dernier gage d'amour, avant de la quitter tout à fait. Donnez-moi votre anneau, lui dit-elle,
L'annel de votre doigt... ô moi [avec moi] l'emporterai ;
En larmes et en pleurs, souvent le baiserai.
Berthe donne l'anneau :
Elle prend l'annelet...
A sa mère le baille, moult plore et moult s'esmoie [est émue].
Blanchefleur veut consoler sa fille ;
... Soyez joyeuse et gaie
Vous en alez en France : de ce mon cœur s'apaie [se console, s'apaise]
Qu'en nul pays n'a gent plus douce ni plus vraie.
Malgré ces encouragements, la douleur de la séparation n'est pas moins vive : « Au départir chacun à pleurer se rassaie [se remet]. » La mère retourne en faisant « tel deuil que son cœur est tout près de faillir ; » Berthe est tombée évanouie ; il a fallu que sa sœur, « la ducoise » (la duchesse), la prît entre ses bras et la baisât maintes fois pour la rappeler à elle ; on la remet doucement sur son palefroi, sa sœur lui dit le dernier adieu, et la voilà sur la route de France : « Fiancée du roi Pépin, que Dieu vous donne bon conduit ! »
Nous ne pouvons suivre le romancier dans son œuvre naïve, nous avons voulu donner seulement quelques-uns de ses vers qu'il nous dit lui avoir été inspirés par la lecture d'une histoire qu'il doit à la courtoisie d'un bon moine de Saint-Denis, mais « ystoire faussée par quelque aprenti écrivain » et qu'il a cru devoir redresser : c'est à cette bonne pensée qu'est dû le poème. Voici le prologue de l'auteur, qui nous apprend comment l'idée lui en vint, et comment il se mit à la besogne :
A l'issue d'avril, un temps doux et joli
Que erbelette poignent [herbes commencent à poindre] et pré sont raverdi.
Et arbrissel désirent qu'ils fussent parfleuri
[et les arbres attendent le moment de fleurir]
A Paris, la cité, étoie [j'étais] un vendredi.
Pour ce qu'il est divenres [jour vénéré] en mon cœur m'assenti [je résolus]
Qu'à Saint-Denis iraie [j'irais] pour prier Dieu merci.
A un moine courtois, qu'on nommait Savari
M'accointai tellement...
Que le livre as ystoires [le livre aux histoires] me montra où je vi
L'ystoire de Bertain [diminutif de Berthe] et de Pépin aussi
Comment, en quel manière, le lion assailli
Aprentif Jugléor et écrivain marri [lourd, fatigant]
Ont l'ystoire faussée...
Illuques [là] demeurai delors [depuis lors] jusque mardi ;
Tant que la vraie ystoire emportai avec mi [avec moi].
Si comme Berte fut en la forêt par li [à part elle, seule]
Où mainte grosse peine endura et souffri
L'ystoire est cy [ici] rimée ; parfois vous le plévi [vous le garantis],
Que li mésentendant en seront esbaubi [ébahis, étonnés]
Et li bien entendant en seront esjoï [réjouis].
Li Romans de Berte aus grans piés, chap. I
Le roman, qui doit réjouir « ceux qui l'entendront bien » et surprendre « ceux qui ne sauront pas l'entendre », a cent quarante couplets ou chapitres dont chacun est sur une rime, ainsi qu'on le voit par le prologue ; il s'y trouve des vers charmants ; le ton du récit est plein de candeur. L'invention en est peu difficile, les situations ne sont guère variées ; mais les sentiments les plus doux y sont exprimés dans ce vieux langage qui y prête un charme de plus : on aime, avec le romancier, Berthe « la débonnaire, la blonde, l'eschevie » (à la belle chevelure) dont il chante les malheurs.
Voici ce que devient cette fille tant pleurée, que sa mère se réjouissait cependant de marier au noble roi Pépin. Quand elle a passé le Rhin, traversé les Ardennes, que son royal fiancé est venu au-devant d'elle, que déjà elle l'a vu à Paris où elle a reçu le salut de chacun,
... Moult courtoisement
Comme celle qui était de grand apensement [grand sens].
La vieille Margiste profite de la ressemblance d'Aliste avec la reine, pour trahir sa maîtresse. L'heure venue de remettre Berthe à Pépin, Margiste fait cacher la princesse, donne à Aliste les habits royaux ; c'est Aliste qui est reçue comme reine, épousée et conduite au palais. Les perfides serviteurs font passer Berthe pour Aliste, l'accusent d'avoir tenté d'assassiner la fausse reine, et tout se passe si rapidement que le roi se laisse tromper, et que l'infortunée Berthe ne peut se défendre.
Ici commence le tragique récit des aventures de Berthe ; les satellites de l'écuyer Tibert l'emmènent loin de Paris et l'égarent dans un bois (la forêt du Mans) ; ils avaient ordre de la tuer, mais ils se contentent de la dépouiller de tout ; ils ne lui laissent qu'une tunique et un petit manteau.
Belle, fuyez-vous-en, n'y soit plus délaïé (sans délai)
Dame Dieu [corruption de Domine Deus, le Seigneur Dieu] vous conduise,
par la sive amitié [par la sienne amitié].
Berthe, seule dans la forêt, exposée au froid, à la pluie, soutient cette épreuve avec douceur ; ses malheurs sont grands :
La dame fut au bois qui durement [beaucoup] plora.
Les leus [loups] ouït uller [hurler] et li huants hua [le hibou hua]
Il espartoit forment [éclairait beaucoup, ferme] et durement tonna,
Et plut menuement, et grésille, et venta :
C'est hideux temps à dame qui compagnie n'a ;
Dame-Dieu et ses saints doucement réclama.
. . .
Quand eut fait sa prière, son mantel escourça [replia],
A Dieu s'est commandée, parmi les bois s'en va.
Après avoir souffert de la faim, de la soif, de la pluie, elle trouve une source pour se désaltérer ; elle se couche à terre en se signant, et évite une ourse qui allait la dévorer ; les buissons déchirent sa robe, une épine blesse son pied ; la nuit ajoute à l'horreur de cette situation. Enfin elle trouve un ermite qui a pitié d'elle, et qui lui indique la cabane d'un bûcheron où elle pourra trouver un asile. Dans ce premier moment de détresse, Berthe a fait vœu de ne pas découvrir sa naissance si Dieu lui permet de trouver des protecteurs ; elle est accueillie par le bûcheron et sa femme, elle s'attache à eux, elle aime leur fille comme sa compagne ; elle sert la femme du bûcheron comme sa mère, et elle attend de meilleurs jours en allant au bois, en puisant de l'eau à la source, et en filant le soir, de ses mains royales, ce fil d'une finesse et d'une beauté qui ont fait sa renommée, et qui ont commencé par faire vivre le bûcheron ; car le bûcheron est récompensé de sa bonne œuvre.
Il a recueilli Berthe ; mais Berthe file par reconnaissance, et son fil se vend très cher à la ville. Ses persécuteurs, selon les variantes d'une Berthe allemande, lui avaient laissé un coffret qui contenait ses fuseaux avec l'or et la soie qu'elle filait sous le toit royal de Flore. Ce trésor lui sert dans son malheur ; elle emploie l'or et la soie du coffret à faire des broderies merveilleuses qui se vendent un grand prix.
Tandis que la pieuse Berthe cache son nom et ses malheurs, la reine, que l'on croit la véritable Berthe, étonne le peuple par sa hauteur ; il n'est bruit que de sa cruauté ; personne ne reconnaît la douce Berthe, cette femme, la meilleure et la plus belle qui fût par « delà la mer » (on ne sait trop ce que la mer a à faire ici), et dont un noble baron avait dit en parlant à Pépin : « On la nomme Berthe la Débonnaire, avec elle te viendra le bonheur. »
Il fallait bien un dénouement ; depuis sept ans, Berthe filait dans la cabane de bois du bûcheron, elle regrettait peu le trône, la paix du ciel était dans son cœur ; mais les années d'absence affligeaient Blanchefleur, qui supplia le roi Flore de la laisser partir pour visiter sa fille bien-aimée ; elle obtient cette faveur ; elle se hâte, elle abrège la route par sa vitesse ; mais quoi !... Quand elle a franchi les forêts de la Germanie, quand elle arrive sur la noble terre des Francs, au lieu des bénédictions qu'elle attend sur son passage, elle entend le nom de la reine Berthe, prononcé avec horreur ; son cœur se serre,
Du temps que la reine Berthe filait
elle se demande comment la douce Berthe a mérité la haine ; mais son amour de mère la rassure : plutôt que de croire le cœur de sa fille changé, elle « accuse d'erreur tout le peuple à la fois !... » Elle pressent la vérité : motif de plus pour hâter son voyage.
Cependant quelles inquiétudes au palais de la fausse Berthe ! Cette digne complice de sa mère se met au lit, et feint un mal mortel ; puis Margiste joue un rôle assez difficile. Il s'agit d'écarter Blanchefleur du palais de sa fille. La vieille femme se présente en larmes à la mère dont la défiance est déjà éveillée ; d'abord elle lui dit que la reine est endormie, et elle ajourne l'heure à laquelle la mère pourra entrer. Blanchefleur demande Aliste ; la vieille, en feignant un grand chagrin, lui dit qu'Aliste est morte. Enfin, quand tous les délais sont épuisés, Margiste introduit Blanchefleur dans un appartement obscur, où la malade est couchée au fond d'une alcôve sombre, entourée d'épaisses tapisseries, « De draps d'or et de soie, très bien encourtinée (courtine, rideau) ».
Mais Aliste se trahit, elle parle d'une voix si basse, qu'à peine la reine l'entend ; elle dit qu'elle n'ose se montrer, que sa vue effraierait sa mère.
... Je souffre un tel martyre
Que j'en suis devenue aussi jaune comme cire.
Elle la supplie de lui pardonner si elle ne peut la mieux recevoir, et finit par lui dire qu'elle a besoin de repos, et qu'elle veut rester seule. A ce dernier trait Blanchefleur est convaincue :
Aide Diex ! [Dieu] qui oncques ne menti
Ce n'est mie [pas] ma fille que j'ai trouvée ici !
Si fût demie morte, par le cor St.-Remi [par le corps saint Remi]
M'eût-elle baisée assez et conjoï.
Elle veut voir de plus près de cette fille mourante, elle prend un cierge allumé, elle approche, elle découvre les pieds de la malade ; or, Aliste avait les pieds parfaitement égaux, et c'est à cette marque que Blanchefleur acquiert la certitude de l'horrible réalité. Berthe, Berthe au grand pied, avait été trahie ! Mais où était-elle ? Vivait-elle encore ?... Où les misérables l'avaient-ils abandonnée ? Blanchefleur éclate en sanglots, elle se prosterne aux pieds du roi, lui découvre la perfidie, et demande justice. Pépin, qui n'avait jamais aimé l'humeur de la reine, est facilement convaincu et menace les criminels ; Margiste et Aliste sont chassées avec ignominie. Mais Blanchefleur demande sa fille. Sa fille, peut-être, est morte de misère et de douleur. Tibert a avoué qu'il allait la tuer, mais que Morand lui avait laissé la vie.
Le roi fait parcourir son royaume en tous sens ; les écuyers vont partout, sonnant du cor et de la trompette ; les fidèles se mettent en prières, le peuple pleure en demandant sa bonne reine ; mais on ne découvre nulle trace de l'existence de Berthe ; Blanchefleur est réduite à retourner seule et accablée en Hongrie. Margiste est brûlée vive, Tibert est pendu, Aliste est reléguée par grâce, dans un cloître ; et chacun est convaincu que Berthe a dû périr de froid, de misère, ou qu'elle a été dévorée par les bêtes féroces. L'histoire de Berthe passe de bouche en bouche, en lamentables récits ; le roi n'espère plus retrouver sa fiancée.
Il s'abandonnait à sa douleur, lorsqu'un jour, en chemin, il s'égare dans la forêt du Mans ; il rencontre une jeune fille, à laquelle il demande si elle peut le remettre en son chemin. Cette jeune fille, c'est Berthe, qui vient d'une chapelle où elle est demeurée longtemps à prier. Elle indique au roi la maison de Simon ; sa beauté touche Pépin, qui lui dit qu'il est « premier dans la maison du roi » et qu'il veut l'emmener ; il lui promet de grandes richesses ; Berthe refuse de le suivre ; pressée de plus en plus par ce seigneur, elle lui déclare que c'est la femme de son roi qu'il voit en elle, et qu'il doit la respecter.
El non à (au nom de) ce Seigneur qui se laissa pener [peiner, mettre en peine]
Ens en la sainte croix pour son peuple sauver,
Fille sui le roi Flore qui tant fut à loer [tant mérite d'honneur]
Et fille Blanchefleur, de ce n'estuet à douter [de ce n'est à douter].
Pour sauver son honneur, elle découvre à l'inconnu comment elle a été recueillie dans ce bois, et comment elle y vit depuis sept ans. Le roi ne se nomme pas. Simon et Constance (le bûcheron et sa femme), auxquels il veut parler, lui disent que cette sage fille, qu'ils font passer pour leur nièce, est depuis sept ans avec eux, que par elle leur chaumière est bénie, et que lorsqu'ils l'ont recueillie, elle était abandonnée et prête à mourir de douleur, de froid et de faim.
Cependant Berthe s'est cachée, elle ignore encore que c'est au roi lui-même qu'elle a parlé ; il faut que Pépin la laisse à ses protecteurs ; du reste, il agit prudemment : trompé une première fois par Aliste, il ne veut pas courir le risque de l'être une seconde fois par cette bergère qui se dit si à propos la reine Berthe, mais qui refuse de soutenir, en présence du bûcheron, ce qu'elle a avancé sans connaître le roi. Pépin juge plus sage d'envoyer un messager en Hongrie quérir la reine Blanchefleur et le roi Flore qui devront reconnaître leur fille. Grande est la joie de la reine ; elle part, elle vole, elle ne prend nul repos ; Flore l'accompagne. Pépin les reçoit « en toute liesse et honneur », les conduit dans la forêt ; là, dans la cabane du bûcheron, Blanchefleur reconnaît sa fille.
Le royaume est en fête ; les cloches sonnent dans chaque ville pour le passage des époux et des heureux parents ; le bûcheron, sa femme, leur fils, leurs filles, sont convertis en de grands seigneurs. Le romancier prend soin de nous décrire leurs armoiries et les dons qu'on leur fait. Morand, qui avait conservé la vie à Berthe, dans la forêt, est récompensé. Berthe reste aussi modeste, aussi bonne : c'est toujours Berthe la Débonnaire ; mais c'est une noble reine, elle est aimée de tous. Et le romancier finit en élevant son style pour l'éloge de Charlemagne ; il nomme tous les enfants de Berthe : d'abord une fille du nom d'Ayglantine,
... De ce ne doutez mie [pas]
Femme Milon d'Ayglent, moult ot [eut] grand seigneurie,
Et fut mère Roland qui fut sans couardie [couardise, poltronnerie]
Ains [ainsi] fut preus [preux] et hardi, plein de chevalerie ;
Après orent [eurent] Constance en qui fut courtoisie,
Et noblesse et valeur, sans nulle vilenie ;
Puis il vient à Charlemagne :
Après ot [eut] Charlemaigne à la chière hardie
Qui puis fist, sur païens, mainte grant envahie
[qui fit sur les païens mainte grande conquête]
Par qui fut la loi de Dieu levée et essancie [élevée et rehaussée]
Maint hiaume [casque] découpé, mainte targe [poitrine] percie [percée],
Maint haubert [cuirasse] dérompue, mainte tête tranchie [tranchée] ;
Moult guerroya de cuer [cœur] sur la gent paienie [païenne]
Si qu'encore s'en deulent [plaignent, font deuil, douleur]
ceux de celle lignie [cette lignée].
Ainsi, « Berthe qui fut au bois », mérita de devenir la femme du roi Pépin, et la mère de « Karl-le-Grand » ; et ainsi, au XIIIe siècle, Adenet le Roi chantait les aventures de son héroïne aux cours d'amour en présence de la belle et savante Marie de Brabant, épouse de Philippe III. Les cours d'amour applaudissaient les vers d'Adenet, le roi des ménestrels ; le peuple en répétait les refrains ; et Berthe au pied d'oue, Berthe au grand pied, devenait chère à tous les villageois ; car elle avait vécu comme eux, avant de porter une couronne.
Nous l'avons dit, nous ne pouvons parler, avec l'assurance du poète, ni du roi Flore ni de la reine Blanchefleur ; nous sommes réduits à répéter qu'Éginhard, Aymoin et le moine de
Saint-Gall ne disent que quelques mots de Berthe au grand pied. On sait qu'elle naquit à Laon, devint la maîtresse de Pépin vers 741, tandis que celui-ci était marié à Leutburgie qu'il répudia quelques années plus tard, avant d'épouser Berthe vers 744 ou 749.
Pépin était marié quand il succéda à son père, comme duc des Français. Lorsqu'il fit déposer le dernier Childéric (751) et qu'il prit le titre de roi, Berthe reçut avec lui le sacre et l'onction royale, qui lui furent conférés à Soissons, par Boniface, archevêque de Mayence, en 752 (Éginhard indique 750, mais c'est bien en 752 qu'eut lieu le sacre). On voit la reine accompagner toujours son mari, faire les honneurs de la table royale, recevoir, avec Pépin, le pape Étienne II, lorsque ce pontife vint demander les secours et la protection du roi des Francs, contre Aistulphe, roi des Lombards.
Berthe fut de nouveau sacrée avec Pépin, qui voulut que les cérémonies de son couronnement fussent renouvelées par le pape lui-même. On ne sait pas bien où cette solennité eut lieu, on croit que ce fut dans l'abbaye de Ferrières. C'est dans la cour de cette abbaye qu'on place aussi le fameux combat du lion et du taureau dans lequel le courage de Pépin le Bref lui acquit un si haut degré d'estime parmi les leudes. Le résultat de ce voyage d'Étienne fut la guerre que Pépin porta en Italie, où il enleva à Aistulphe les terres de l'exarchat de Ravenne, qu'il joignit aux domaines de l'évêque de Rome ; c'est l'origine de la puissance temporelle des papes.
Le nom de la reine Berthe ne reparaît plus dans l'histoire de Pépin que pour nous apprendre qu'elle était à Vienne (en Dauphiné), auprès de son beau-frère Carloman, quand celui-ci mourut (755). Éginhard nous dit que Charlemagne aima sa mère, qu'elle vieillit auprès de lui, comblée d'honneurs, et qu'il ne s'éleva jamais, entre elle et lui, le moindre nuage, si ce n'est à l'occasion de la répudiation de la fille de Didier (Désirée, ou Désidérade, ou Hermengarde), roi des Lombards. Elle avait négocié cette alliance, dans un voyage d'Italie, entrepris sous prétexte de quelque pèlerinage (756).
Des lettres d'Étienne à Charles et à Carloman donneraient à penser que Pépin le Bref avait un moment songé à répudier Berthe, et qu'il en avait été détourné par les conseils du pape. Les lettres du pontife ne nous font pas connaître les motifs de cette mésintelligence.
Berthe mourut en 783, à Choisy-sur-Aisne ; Charlemagne inhuma ses restes à Saint-Denis. Elle avait eu neuf enfants ; l'aîné de ses fils est Charles le Grand (Charlemagne), né avant qu'elle ne devienne l'épouse légitime de Pépin et dont le nom seul réveille l'idée de toutes les grandeurs. Le second, Carloman, né en 751, ne porta la couronne que trois ans, sous le nom de Carloman Ier ; la reine essaya vainement de réconcilier ses fils ; leur rivalité devenait de plus en plus menaçante, lorsque la mort frappa Carloman en 771.
Berthe avait perdu un troisième fils du nom de Pépin (né en 756 et mort en 762), et deux filles, Romaïde et Adélaïde, tous trois morts dans leur enfance. Une autre fille, Isleberge, a été regardée comme sainte. Une quatrième, Gisèle (né en 757 et morte en 811), a pris le voile et a gouverné en qualité d'abbesse la communauté de Notre-Dame de Soissons. Charlemagne, qui aima tendrement toutes ses sœurs, avait pour celle-ci une vénération presque filiale, ce qui suffit à son éloge. Une cinquième princesse qu'on ne nomme pas, a vécu non mariée, à la cour de Charlemagne ; et une sixième, que Bertin appelle Rothaïde, femme d'un comte du Mans, est regardée comme la mère du fameux Roland.
Childeric II
Souverains français - Mérovingiens - Childeric II -
Publié le 09/12/2009 à 13:51 par acoeuretacris
Tags : Souverain merovingien
CHILDÉRIC II
(né en juillet 653, mort en 675)
(né en juillet 653, mort en 675)
Roi d'Austrasie : règne 662-675. Occupe sans légitimité la Neustrie
et la Bourgogne dès 673 (Thierry III s'y oppose et les reprend en 675)
et la Bourgogne dès 673 (Thierry III s'y oppose et les reprend en 675)
Second
fils de Clovis II et de Bathilde, il eut en partage le royaume
d'Austrasie, et commença à régner en 662. A la mort de Clotaire III, son
frère, il réunit à la couronne qu'il possédait déjà les royaumes de
Bourgogne et de Neustrie. C'est la cinquième fois, depuis l'entrée du
grand Clovis dans les Gaules, que la monarchie française se trouve
gouvernée par un roi.
Une
grande injustice avait été commise à la mort de Clovis II, puisque
Thierry, le troisième et le dernier de ses fils, n'avait pas été appelé
au partage du royaume. Comme ce prince était encore au berceau, on
négligea de le confiner dans un monastère, suivant l'usage de ce temps ;
mais il était aisé de prévoir qu'au milieu des factions qui divisaient
les grands, il se trouverait quelque jour un ambitieux qui prendrait en
main la cause de Thierry, s'il trouvait son avantage à se déclarer le
défenseur de l'innocence opprimée.
En
effet, Ebroïn, maire du palais sous Clotaire III, sentit que la mort de
ce prince le mettait à la merci des grands qu'il avait offensés par ses
hauteurs, du peuple, victime de son avarice, et le livrait au
ressentiment de la cour d'Austrasie, où tous ceux qui redoutaient son
ambition et sa cruauté avaient été chercher un refuge. Seul, sans parti,
odieux à toutes les classes de l'Etat, il prend une résolution digne de
son caractère ; il fait monter Thierry sur le trône de Clotaire III,
lui donne ainsi les royaumes de Bourgogne et de Neustrie, sans
consulter les principaux personnages de l'Etat, et pousse l'impudence
jusqu'à leur défendre de venir saluer le chef sous lequel il va régner
de nouveau.
C'était
réparer une injustice d'une manière trop violente pour faire des
partisans au nouveau roi. Le mécontentement fut extrême ; Ebroïn s'y
attendait sans doute, mais il espérait profiter de la multiplicité des
partis pour les asservir : il n'en eut pas le temps. Léger, évêque
d'Autun, sut les réunir ; ils députèrent vers Childéric, qui vint
d'Austrasie avec une armée, fut accueilli des peuples comme un
libérateur, se saisit d'Ebroïn, qu'il aurait livré à la mort, si Léger
n'avait obtenu la vie du coupable, qu'on se contenta d'envoyer au
monastère de Luxeuil pour y faire pénitence. Cette indulgence de Léger
est blâmée par les historiens ; il est vrai qu'il eut lieu de s'en
repentir ; mais ce prélat, aussi éclairé que vertueux, donnait, dans un
siècle de faction et de cruauté, un exemple dont il pouvait prévoir
qu'il réclamerait un jour l'application pour lui-même.
Thierry,
roi d'un moment, fut rasé et confiné dans l'abbaye de Saint-Denis,
jusqu'à ce que de nouveaux événements le reportassent sur le trône.
Lorsque son frère Childéric l'interrogea sur ce qu'il pouvait faire pour
adoucir son malheur : « Je ne demande rien de vous, répond-il, mais j'attends de Dieu la vengeance de l'injustice qu'on me fait. »
Les
grands, qui venaient de donner deux royaumes à Childéric II, saisirent
cette occasion peur exiger la réforme des abus qui s'étaient introduits
dans le gouvernement ; leur requête contenait quatre articles, qui tous
tendaient à revenir aux anciennes lois et coutumes, et surtout à ce que
le roi ne mît pas entre les mains d'un seul toute l'autorité, afin que
les seigneurs n'eussent pas le chagrin de se voir sous les pieds d'un de
leurs égaux, et que chacun eût part aux honneurs où sa naissance lui
donnait le droit d'aspirer.
Les
grands, qui venaient de donner deux royaumes à Childéric II, saisirent
cette occasion peur exiger la réforme des abus qui s'étaient introduits
dans le gouvernement ; leur requête contenait quatre articles, qui tous
tendaient à revenir aux anciennes lois et coutumes, et surtout à ce que
le roi ne mît pas entre les mains d'un seul toute l'autorité, afin que
les seigneurs n'eussent pas le chagrin de se voir sous les pieds d'un de
leurs égaux, et que chacun eût part aux honneurs où sa naissance lui
donnait le droit d'aspirer.
La
mort de l'évêque d'Autun fut résolue ; il l'évita en paraissant ne pas
la craindre ; mais il fut dégradé et confiné dans le même monastère de
Luxeuil, où languissait Ebroïn ; et ces deux hommes, que d'autres
événements devraient rappeler à leur ancienne rivalité, se traitèrent
avec amitié tant qu'ils vécurent dans la même disgrâce. Childéric II,
débarrassé de la contrainte que lui imposaient les vertus de Léger, se
fit détester par ses violences ; il poussa l'oubli des égards dus aux
descendants des compagnons du grand Clovis, jusqu'à faire attacher à un
poteau, et battre comme un esclave, un seigneur nommé Bodillon, « pour avoir osé, dit Velly, lui représenter le danger d'un impôt excessif qu'il méditait d'établir. »
Celui-ci,
pour mieux assurer sa vengeance, s'unit à ceux qui, comme lui, avaient
essuyé des injures personnelles, et profita d'une partie de chasse dans
la forêt de Livry, pour tuer le roi de sa propre main, tandis que les
autres massacraient la reine Blitilde, qui était enceinte, et l'aîné de
ses fils, nommé Dagobert.
Le
plus jeune échappa à la rage des conjurés, et fut élevé dans un
monastère, pour reparaître à son tour comme Thierry, que la mort
violente de son frère fit passer de l'abbaye de Saint-Denis au trône.
Léger et Ebroïn sortirent également du monastère de Luxeuil, trouvèrent
des partis prêts à les seconder, et le royaume dans une telle confusion,
que, selon un auteur de ce temps, on s'attendait à la fin du monde,
attente qui, du reste, ne suspendit aucune ambition. Childéric II fut
assassiné en 675 et enterré dans l'église de Saint-Vincent de Paris.
Thierry III
Souverains français - Mérovingiens - Thierry III -
Publié le 09/12/2009 à 13:59 par acoeuretacris
Tags : Souverain merovingien
THIERRY III
(né en 654, mort en 691)
(né en 654, mort en 691)
Roi de Neustrie et de Bourgogne : règne 673-673.
Roi de Neustrie et de Bourgogne : règne 675-679.
Roi des Francs : règne 679-691
Roi de Neustrie et de Bourgogne : règne 675-679.
Roi des Francs : règne 679-691
Roi
des Francs, il fut le dernier fils de Clovis II et le frère de
Clotaire III et de Childéric II. Ce prince offre, dans toutes les
époques de sa vie, un terrible exemple des désordres qui s'étaient
introduits dans le royaume pendant les minorités successives des
monarques de la première dynastie. Il fut exclu dès le berceau de la
succession de son père, et ne put accuser de cette injustice que les
grands de l'Etat, puisque ses frères étaient trop jeunes pour avoir été
consultés.
A
la mort de Clotaire III, Ebroïn, maire du palais, homme ambitieux,
avare, cruel, en horreur à tous les Français, se hâta de proclamer
Thierry roi de Neustrie et de Bourgogne, dans l'unique dessein de régner
sous son nom ; mais la haine qu'il inspirait s'étendit sur le roi qu'il
avait proclamé ; et Thierry, détrôné par son frère Childéric II, roi
d'Austrasie, fut enfermé dans l'abbaye de Saint-Denis.
A
la mort de Childéric (675), il sortit de ce monastère pour monter de
nouveau sur le trône ; et le royaume du grand Clovis semblait devoir lui
revenir tout entier, puisqu'il se trouvait alors seul héritier de
Clovis II ; mais un fils de Sigebert III (Dagobert II), que Grimoald
avait fait déporter en Ecosse, en répandant le bruit de sa mort, reparut
pour réclamer le royaume d'Austrasie, tandis qu'Ebroïn, furieux de
n'être pas appelé par Thierry pour gouverner la France avec le titre de
maire du palais, supposait que Clotaire III avait laissé un fils auquel
il donnait le nom de Clovis (Clovis III), et, sous ce prétexte, armait
les peuples contre leur roi légitime.
Ebroïn
eut des succès assez grands pour obliger Thierry à traiter avec lui et à
lui accorder la mairie du palais. Aussitôt le prétendu fils de
Clotaire III disparut, et Ebroïn régna despotiquement sur son maître et
sur les Français, jusqu'à ce qu'un seigneur, nommé Ermenfroi, prévînt le
tyran qui avait juré sa mort, en l'assassinant au moment où il sortait
pour se rendre à l'église.
Thierry,
débarrassé d'un maire du palais généralement détesté, trouva un ennemi
plus dangereux encore dans un maire du palais adoré de la nation
entière ; ce fut Pépin le Gros, autrement appelé Pépin d'Héristal, qui,
sans prendre le titre de roi d'Austrasie, gouvernait ce royaume de sa
propre autorité. Les victimes de l'ambition et de la cruauté d'Ebroïn
avaient cherché un asile à la cour d'Austrasie.
Après
la mort de ce ministre, ils demandèrent à Thierry d'être remis en
possession de leurs biens et de leurs honneurs. Ils éprouvèrent un
refus ; et Pépin se chargea de les ramener les armes à la main, unissant
ainsi de grands intérêts à la guerre qu'il méditait contre son roi.
Cette guerre eut un succès tel, que Thierry, après avoir été vaincu à
Testri en Vermandois, sans cesse condamné à s'accommoder avec le
vainqueur, nomma Pépin le Gros maire du palais du royaume de Neustrie,
ce qui étendit sur la France entière la puissance de ce duc.
Depuis
cette époque, Thierry retomba dans la nullité où il avait vécu sous
Ebroïn, et il n'eut de roi que le nom. Enfermé à Maumaques, maison de
plaisance sur l'Oise, il n'en sortait que pour se rendre aux assemblées
publiques, monté sur un chariot traîné par des bœufs. II vécut ainsi
jusqu'en 691, laissant deux fils, Clovis IV et Childebert III, qui
régnèrent après lui et comme lui.
Il
fut enterré dans l'abbaye de Saint-Waast d'Arras, où l'on voyait encore
son épitaphe. Grotilde ou Clotilde, sa femme, y fut placée à côté de
lui. Ce prince, malheureux sans l'avoir mérité, fut tour à tour le jouet
du caprice et de l'ambition des grands de son royaume. Exclu dès le
berceau de la succession du roi son père, renversé du trône par un frère
ambitieux, il ne rentra dans ses droits que pour être l'esclave de ceux
dont le ciel l'avait fait naître le souverain. On juge cependant à
travers l'obscurité de l'histoire, dont les auteurs étaient vendus à la
famille de Pépin, qu'il ne fut pas dépourvu de grandes qualités. La
confiance dont il honora saint Léger lui fait honneur.
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