lundi 21 janvier 2013

Le Calice aux serpents.

Le calice aux serpents - deuxième partie

C'est en étudiant la symbolique alchimique de la Grand-Place que je me suis aperçu qu'il pouvait y avoir une explication aux mystérieux symboles gravés derrière la statue de St Jean. Cette statue est en façade de l'église du Sablon.
decoration



Dans mon article du 17 juillet, j'avais cru reconnaître des symboles relatifs à la féminité et le calice aux serpents comme un rappel à la légende de St Jean qui avait réussi à convertir les adorateurs de Diane au christianisme.
Et puis je suis tombé sur ce dessin tiré de "Rosarium philosophorum".
calice



Comme par hasard, ce dessin illustre un hermaphrodite tenant de la main droite un calice d'où émergent trois serpents. Quand on sait que St Jean est souvent représenté en art de manière ambiguë ( voir les peintures de St Jean par Leonardo da Vinci ) et que le chiffre 3 représente en alchimie les trois étapes vers la pierre philosophale....
Alors les trois symboles derrière la statue prennent une toute autre signification à la lumière de la symbolique alchimique 
tableau_symboles

symboles_stjean



Le premier symbole indique un acide.
Le deuxième symbolise l'eau ( triangle sur la pointe ).
Le troisième symbolise le cuivre.
En extrapolant la signification symbolique de la scène, St Jean l'androgyne est celui qui a réussi à équilibrer en lui les composantes masculines et féminines ou les contradictions internes de toute nature. C'est la voie du milieu qui est illustrée. Est-ce pour cette raison que St Jean est le disciple préféré du Christ?
Il tient peut-être entre les mains le calice contenant l'élixir de longue vie des alchimistes. On sait que la panacée est fabriquée à partir de la poudre philosophale et est symbolisée par les 3 serpents. Cette poudre est rouge d'où l'appelation de la dernière étape : l'oeuvre au rouge.
Etonnant parallélisme quand on se souvient que le St Graal contient le sang du Christ...
Sources Bruxelles mystérieuse.

La légende de Notre-Dame du Sablon. suite.

La légende de Notre Dame du Sablon - troisième partie

L'enquête continue sur cette légende.
Comme relaté précédemment, la procession de la Vierge est à la base du célèbre Ommegang. Un détail assez troublant m'est apparu en consultant les différents sites qui présentent des photos sur le sujet. Cette photo en particulier:
Vierge du Sablon



C'est une Vierge noire qui est portée en procession dans les rues de Bruxelles. Je croyais que c'était celle-ci  photographiée dernièrement dans l'église du Sablon:
ndv



D'accord, elle est aussi assez basanée, mais pas noire.
Et qui dit Vierge noire dit allusion aux anciens cultes polythéistes:
"C’est à partir des années 1950, avec l’avancée des études en matière de religions comparées, que des chercheurs ont envisagé que leur teinte sombre ait été voulue dès l’origine. Des rapprochements ont été faits avec les déesses des anciens cultes polythéistes d'Europe occidentale que la romanisation, suivie de la christianisation, avaient fait disparaître, en particulier les déesses-mères, confortés par la présence de sanctuaires dédiés à la mère de Dieu sur les lieux d’anciens cultes païens (Cybèle, Diane etc..). Benko et Chiavola Birnbaum ont remarqué la ressemblance entre la Vierge à l’enfant et les représentations d’Isis portant Horus datant de l’Égypte ptolémaïque. Des psychologues comme Gustafson et Begg, s’appuyant sur C. Jung, pensent y avoir reconnu un archétype maternel, ou bien un aspect chtonien et psychopompe. Laissant de côté la question des origines premières de la couleur, Monique Scheer a mis en évidence les différents symbolismes liés à la Vierge noire selon les lieux et les époques."
Voir article complet sur wikipedia:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Vierge_noire
Voici une statuette d'Isis que j'ai photographiée au musée d'art et d'histoire du cinquantenaire:
isis



Dans la même salle du musée, il y a un exemplaire du livre des morts. C'est un livre sacré qui décrit les différentes épreuves que doit subir le défunt dans l'au-delà avant la pesée du coeur. Une image m'a troublé:
barque-horus



Je ne suis pas un spécialiste de la mythologie égyptienne, mais je suis presque sûr que le personnage du milieu est Horus fils d'Isis et d'Osiris ( tête de faucon, croix égyptienne dans la main gauche, sceptre caractéristique dans la main droite ). Le personnage de gauche représente sans doute le défunt. Quant-aux trois jumeaux qui tiennent la barre ?
Hé oui encore une histoire de barque...
On peut même se demander si Béatrice ( prénom de la dame qui ramena la statue de la Vierge à l'église du Sablon ) n'a pas un rapport avec sainte Béatrice dont l'histoire fait immanquablement penser à l'épopée d'Isis pour récupérer les morceaux d'Osiris. En effet Béatrice voulut récupérer les restes de ses frères Simplice et Faustin qui avaient été décapités et jetés dans le Tibre à l'époque de l'empereur romain Dioclétien. Cet empereur pouchassait tous les chrétiens et condamna Béatrice pour avoir donné une sépulture décente à ses frères.
Isis fit de même avec son frère Osiris qui avait été découpé en morceaux par son autre frère Seth.

Commentaires

Isis La barque que je trouve dans le livre des morts est occupée de droite à gauche par: Isis,Thot à tête d'ibis, le dieu renaissant dont la tête est remplacée par un scarabée, le dieu Hou et le défunt qui tient la barre.





Écrit par : jacques |

La légende de Notre-Dame du Sablon à Bruxelles.

La légende de Notre-Dame du Sablon

Cette église superbement rénovée est située au 38 rue de la Régence à Bruxelles.
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C'est en 1304 que la puissance guilde des arbalétriers reçut l'autorisation de construire une chapelle en l'honneur de la Vierge sur un terrain qui servait de cimetière à l'hôpital Saint-Jean au Marais.
Voici la légende:
En 1348, une dévote Béatrice Soetkens vit apparaître la Sainte Vierge qui lui ordonna d'enlever son image d'une église d'Anvers pour l'installer dans une autre à Bruxelles. Béatrice alla donc dérober l'objet précieux à la barbe du sacristain qui en voulant la poursuivre fut changé en statue de sel. Protégée par la Vierge, elle fit le voyage d'Anvers à Bruxelles dans une barque en remontant l'escaut jusqu'à la Senne.
La nouvelle se propagea rapidement à Bruxelles. Béatrice fut reçue en grande pompe par le duc Jean III de Brabant en personne et les magistrats de l'époque. Les arbalétriers furent chargés d'installer le précieux butin dans la chapelle du Sablon.
Vers 1600, le chirurgien privé des archiducs voulut rappeler cette légende en offrant à l'église un groupe sculpté:
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C'est sans doute notre chirurgien qui figure en médaillon. Béatrice est à gauche en train de prier. Un homme aux allures de St Joseph conduit l'embarcation.

Ce n'est pas la seule représentation de la légende qui existe dans l'église.
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Vous trouverez ce plâtre sur le plafond juste à l'entrée. Attention aux torticolis... Vous remarquerez que le St Joseph a changé d'allure.

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Cette représentation a l'air récente et plutôt naïve.
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La voici incrustée dans la porte d'un reliquaire. L'embarcation ressemble à un drakar avec sa tête de dragon à l'arrière. Ici la vierge est assise sur une sorte de trône avec des accoudoirs en forme de serpents.

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Ici en médaillon fixé sur un pilier. L'embarcation a des allures de caravelle.

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Au centre de ce magnifique vitrail, la vierge est de nouveau représentée debout sur une barque.

Commentaires

Très bien ton site.
Qu'est-ce que cela signifie ?

Si la légende de Béatrice est exacte, une vierge de XIVe siècle a été amenée - je passe évidemment la légende du sacristain changé en sel - d'Anvers à Bruxelles.
Et cette Vierge est devenue l'emblème de l'église.
N'oublions pas que à partir du XIe siècle, la vierge devient un élément centrale du christianisme.
Au départ, IIIe - IVe siècle, il n'y avait que la trinité dans l'église catholique.
Plus tard, les martyrs deviennent des saints. Et dans de nombreuses églises romanes, des statues de saints ornent les murs. Mais point encore de Vierge.

Basculement du millénaire, nous voyons apparaître nombre d'églises dédicacées à la Vierge ou Notre Dame.
Il suffit de constater que les grande cathédrale de France, d'Allemagne ou d'Italie sont dédicacées à la Vierge.

Dans les livres d'histoire, aucune chapelle avant le XIe siècle n'est consacrée à la Vierge Marie.
Mais est-ce Marie, mère de Jésus...
Ou est-ce Marie-Madelene, et l'enfant de Jésus ??? L'enfant ressuscité.

La Vierge est apparue lorsque les croisades ont commencées. Est-ce le contact avec le monde oriental et ses légendes religieuses - principalement babyloniennes et égyptiennes ? La déesse MAÂT - la mère du monde pour les Egyptiens, ou ISIS, l'épouse d'OSIRIS premier roi symbolique de l'Egypte; ISIS, mère "vierge" d'HORUS premier roi avec THOT des deux royaumes. Et pour les Babyloniens, les différents dieux.

Tu vois que le mystère peut s'éclairer de la connaissance.
Donc, il reste à savoir si la représentation des "Vierges" dans la barque fait référence à la légende de Béatrice ou à Isis ?

Continuons nos recherches.

NB : je te conseille d'aller voir sur Wikipédia des noms comme Gérard de Sède ou Pierre Plantard. Très instructif même si pas complet.

Serge.
Écrit par : serge | 08/07/2009
Je m'interesse plus particulièrement aux Vierges noires et au culte d'Isis. je découvre votre site avec beaucoup d'intérêt.
Écrit par : sonia tuts | 17/03/2012
Je m'interesse plus particulièrement aux Vierges noires et au culte d'Isis. je découvre votre site avec beaucoup d'intérêt.
Écrit par : sonia tuts | 17/03/2012
Bonjour,

Ayant visité l’église récemment, pouvez-vous me donner une explication concernant les vitraux des armoiries de la noblesse du pays. Faisant partie de la famille de Schaetzen, pour quelle raison cette armoirie est-elle représentée et qui l'a subventionnée ?

Merci d'avance pour votre réponse.
Anne de Schaetzen
Écrit par : Anne de Schaetzen

dimanche 20 janvier 2013

Pépin le Bref.

Pépin - le bref (v. 715 - v. 768)

Parents / Familles :

Père : Charles de Herstal - Martel (v. 685 - 01/10/0741)
Mère : Rotrude de Trèves (v. 695 - v. 724)

Famille : Pépinides (ou pippinides)

Titre(s) :

Roi des Francs Roi des Francs (v. 751 - v. 768)
Pépin III, dit Pépin le Bref, doit son surnom à sa petite taille. Il est né vers 715 à Jupille (près de Liège en Belgique, lieu de résidence privilégié d'une bonne partie des souverains de la dynastie des Mérovingiens et des premiers Carolingiens), il est mort le 24 septembre 768 à Saint-Denis (au nord de Paris). Fils cadet de Charles Martel et de Rotrude de Tréves, il fut :
  • Maire du palais de Neustrie, (741-751), avec la Bourgogne et la Provence.
  • Maire du palais d'Austrasie, (747-751).
  • Roi des Francs, (751-768).
À la mort de son pére Charles Martel, en 741, la charge de maire du palais est partagée entre ses deux fils : Carloman devient maire du palais d'Austrasie, et Pépin maire de celui de Neustrie.
Nous sommes à la fin de la période de décadence de la dynastie mérovingienne, quand les souverains, appelés par la suite rois fainéants, n'ont plus aucune autorité, et que les maires du palais sont les réels dirigeants de l'État. Carloman et Pépin se partagent alors le pouvoir du royaume franc, et vont diriger le pays à deux. Ils luttent tout d'abord pour ramener la stabilité aux frontières du royaume. Ils entament ensuite une réforme de l'Église, avec l'aide de l'évêque Boniface ; deux conciles sont organisés, le premier en Austrasie par Carloman, en 742-743 ; le second par Pépin, en 744 à Soissons (Neustrie), où sont reprises les décisions adoptées lors du concile d'Austrasie. Cette réforme met en place une hiérarchie au sein du clergé franc, à la tête de laquelle on trouve Boniface, l'évangélisateur de la Germanie, comme dirigeant des différents évêques répartis dans différentes villes du royaume.
En 743, Pépin et Carloman sortent Childéric III, le dernier roi mérovingien du monastère où il avait été enfermé par Charles Martel et lui permettent d'occuper le trône duquel leur père l'avait évincé. Son retour est motivé par la coalition formée entre autres par le duc Odilon de Bavière et Hunald, celui d'Aquitaine. Ces derniers réagissent mal à l'élimination politique de Grifon (demi-frère de Pépin et Carloman). En rétablissant Childéric III, Pépin et Carloman trouvent ainsi un moyen de les calmer pendant un moment.
Vers 744, Pépin épouse Bertrade de Laon, dite Berthe au Grand Pied, fille de Caribert, comte de Laon — son surnom serait dû au fait qu'elle avait un pied plus grand que l'autre — et obtient des héritiers dont le futur empereur Charlemagne.
 En 747, son frère Carloman choisit la vie monastique, et céde la mairie d'Austrasie à son frère cadet. Pépin devient alors le seul dirigeant effectif de tout le royaume franc. Dès lors, il va tout faire pour se débarrasser de Childéric III, le souverain mérovingien dont il dépend officiellement. D'ailleurs, son père, pour prouver l'inutilité des rois mérovingiens, n'avait-il pas laissé vacant le trône après la mort de Thierry IV en 737 ? Pendant les 7 années qui suivirent, tous les documents officiels furent datés de 737.
En 750, Pépin envoie une délégation franque auprès du pape Zacharie, pour lui demander l'autorisation de mettre fin au règne décadent des Mérovingiens, et donc de prendre la couronne à la place de Childéric III. Le pape accepte la requête de Pépin en déclarant que « Devait être roi celui qui exerçait la réalité du pouvoir ».
En novembre 751, Pépin dépose Childéric III, puis se fait élire roi des Francs, au champ de mai à Soissons. En se faisant acclamer par une assemblée d'évêques, de nobles et de leudes (grands du royaume), Pépin devient donc le premier représentant de la dynastie carolingienne. Cette élection se passe, pour une fois, sans effusion de sang. Après avoir été déposé, Childéric III est tonsuré (il perd les cheveux longs, signe de pouvoir chez les Francs) et va finir ses jours, enfermé au monastère de Saint-Bertin, près de Saint-Omer. Mais si Pépin gagne le titre de roi des Francs par son pouvoir, il n'en a pas la légitimité, et cette rupture de la dynastie mérovingienne en appelle une nouvelle qui devra remplacer la succession naturelle de père en fils. Cette continuité sera assurée par le sacre royal, continuité de l'onction symbolisant le baptême de Clovis Ier, premier roi franc mérovingien, et l'alliance particulière entre l'Église et le roi des Francs. C'est là, à Soissons, que l'évêque Boniface, son conseiller diplomatique, le sacre au nom de la Sainte Église Catholique en lui donnant la sainte onction en marquant son front avec de l'huile sainte, le Saint-Chrême, pour lui transmetre l'Esprit Saint — comme cela se faisait déjà lors d'une cérémonie chez les rois Wisigoths de Tolède. Par cette onction, le roi des Francs, est désormais investi par Dieu d'une mission de protection de l'Église. De plus, en détenant la force morale du droit divin, il a la charge de « diriger les peuples que Dieu lui confie » selon le dogme catholique, au nom de l'Église et sous la direction du pape. Mais cette légitimité a un coût politique, celui de la fidélité à l'Église et à celui qui la dirige, le pape Zacharie, qui de Rome, a donné son assentiment au changement de dynastie. Pépin se fera sacrer une deuxième fois, en décembre de la même année, à Mayence pour l'Austrasie, toujours par Boniface.
Durant son règne, Pépin remet de l'ordre dans son royaume :
  • Avec les grands seigneurs, il étend les rapports vassaliques par des serments de fidélité.
  • Il travaille à chasser définitivement les arabes de la Septimanie, province au sud du royaume franc, tâche qu'il achèvera en 759, avec la prise de Narbonne.
  • Il reprend l'Aquitaine après une longue série de campagnes contre le duc d'Aquitaine Waïfre (Gaifier), de 761 à 768.
Il lutte continuellement pour asseoir son autorité aux frontières, notamment en Germanie, où depuis l'abdication de son frère Carloman en 747, il est confronté à l'opposition de son demi-frère, Grifon, fils naturel de Charles Martel qui s'était fait reconnaître duc de Bavière. Vaincu, ce dernier est fait duc du Maine par Pépin qui lui confie la marche de Bretagne spécialement créée pour lui. C'est une manière de l'éloigner des Bavarois et ainsi de le dissuader de se révolter. Mais la mauvaise volonté de Grifon vont le conduire à chercher à s'allier aux Lombards, et c'est alors qu'il allait franchir les Alpes qu'il se fait tuer par des hommes de Pépin.
En 754-755, il lance également une réforme monétaire, aboutissant à l'adoption du denier d'argent en (755), et à l'instauration de la dîme en 756. L'édit de Ver, (Oise) fut une première tentative d'uniformiser le poids et l'aspect du denier d'argent franc, mais la marque de l'autorité royale ne figura systématiquement sur la monnaie qu'avec Charlemagne à partir de 793.
Il meurt le 24 septembre 768 à l'abbaye de Saint-Denis, après avoir partagé le royaume, toujours suivant la vieille coutume franque, entre ses deux fils, Charles (futur Charlemagne) et Carloman Ier
Sources Généalogie des rois de France.

Les Carolingiens.

Les Carolingiens, les rois des Francs et empereurs

La dynastie des Carolingiens régna de 751 à 987 en France, Pépin le bref en fut le fondateur, mais elle tient son nom de son plus illustre représentant Charlemagne, fils de Pépin. Les débuts seront glorieux, agrandissement du royaume, fondation de l'empire, unification d'une grande partie de l'Europe. Mais la tradition franque du partage du royaume est maintenue et l'empire est morcelé, les principautés se forment, les féodaux apparaissent et leurs querelles aussi, la dynastie s'affaiblit, deux fois au Xeme siècle les grands du royaume élisent un roi hors des carolingiens, un robertien. En 987 la mort de Louis V marque la fin des Carolingiens français. Hugues Capet, petit fils de Robert Ier (Robertiens) est élu Roi de France, la dynastie des Capétiens est née.

Roi et président c'est aussi un forum d'histoire de France très actif, venez participer aux discussions passionnées avec nos membres
Forum histoire de France
Sources Rois et Présidents.

Dans la cuisine des Pères Chartreux de Sainte Croix.

Dans la cuisine des Pères Chartreux de Ste Croix

 

Revenons, encore une fois, dans le corridor reliant les deux parties de la chartreuse de Ste Croix-en-Jarez. En allant vers l’ancien grand cloître, après avoir passé le porche de l’église, nous trouvons à notre gauche l’entrée de la cuisine des pères chartreux … C’est ici, dans ce local, que nous arrêterons nos pas.
Nous avions déjà vu, dans notre page en hommage à Raymond Graü, tout l’intérêt de cet endroit, pour lequel il s’était dépensé sans compter : « J’ai souvenir des travaux de Raymond pour remettre en état la cuisine des Pères chartreux qui à l’époque était un clapier, une ruine au-dessus d’un cloaque… J’ai souvenir de ses travaux de chaque jour… J’ai souvenir de ses efforts avec une poignée de volontaires oubliés et dont personne ne retient ni n’honore plus la mémoire… J’ai souvenir de ses travaux, de ses efforts, parfois incroyables pour aller chercher à des dizaines de kilomètres des dalles de pierres, ayant été emportées de ces lieux lors des pillages révolutionnaires et autres… pour les remettre là où elles étaient primitivement. J’ai souvenir de Raymond finançant souvent, très souvent et trop souvent de ses deniers certains travaux et achats pour redonner à ce local de la cuisine des pères une dignité oubliée…
J’ai souvenir de découvertes sous les gravats, les décombres… ces découvertes aujourd’hui offertes au tourisme sans qu’une fois soit insinué le nom de ce pionnier de l’impossible ! J’ai souvenir d’avoir eu le privilège d’assister à des moments intenses de remises à jour d’éléments, parfois pièce unique pour certains spécialistes. »
Il en reste aujourd’hui une pièce qui est, sans doute, l’un de plus beaux fleurons de la chartreuse, car quasiment intacte depuis sa construction.
Remise à sa place d'origine de l'entrée de la cuisine des Pères à Ste Croix.
Tel que nous visitons ce superbe endroit, il est difficile d’imaginer son état de délabrement à l’arrivée de Raymond Graü. Un volume quasiment obscur, partagé, dans le désordre et la saleté, par un clapier, un poulailler et un vague lieu d’habitation.
En quelques semaines, Raymond et son équipe, abattant cloisons et séparations, retrouvent l’espace primitif du local. Puis il y eut le travail de reconstitution du dallage d’origine. Ce dernier, pillé au moment de la Révolution, avait été emporté comme pavage de cour. C’est dans une ferme lointaine qu’il fut retrouvé, racheté, rapporté, et enfin remis à sa place d’origine… un travail de plusieurs mois dans des conditions épuisantes. Le perfectionnisme de Raymond ne s’arrêtait pas à ce dallage, car c’est aussi la porte d’entrée sur le corridor qu’il remit à sa place d’origine, cette dernière ayant été modifiée au fil des démolitions et réaménagements. Là encore, c’est une entreprise dont on ne peut à présent deviner l’ampleur. Certes, dans le principe, l’entrée est simplement déplacée d’un demi-mètre… mais ce déplacement prit pratiquement deux mois de travail, en raison du linteau à déplacer… Aujourd’hui, rien ne signale l’ampleur des efforts faits pour que ce local ait retrouvé toute sa dignité.
Un premier vestibule en entrant, contient maintenant des vestiges archéologiques et des maquettes, en volume, de différentes parties d’une chartreuse. C’est de celui-ci qu’on accède au fameux local …
Certes, s’il s’agit de la cuisine des Pères Chartreux, il n’y a rien d’étonnant à ce que l’immense cheminée occupe tout le côté droit de la pièce. L’énorme manteau vertical, de même dimension, est supporté par deux pilastres répartissant la charge en trois parties : deux courts espaces de part et d’autre d’un plus important au centre.
Bien que ce local soit, probablement, une des plus anciennes parties du monastère, il semble que les fenêtres l’éclairant soient plus récentes, peut-être d’une époque Renaissance par exemple. Cependant, si l’ensemble, à lui seul, mérite notre admiration, nous allons trouver ici un autre sujet d’étonnement encore plus important.

Les têtes selon A. Vacher
Les têtes dans la cuisine. On distingue les vestiges de peinture sur les bandeaux
Donnons la parole à A. Vacher (‘La Chartreuse de Ste Croix’) qui nous présente l’endroit : « … Puis au-delà de cet escalier, subsiste encore, dans un parfait état de conservation, une pièce voûtée que l’on représente comme ayant été l’ancienne cuisine, dont la voûte est soutenue par de curieuses colonnes trapues, et les murs ornés de têtes grossièrement sculptées que l’on prendrait volontiers pour une œuvre antérieure au XIIIème siècle, si l’on ne connaissait d’une manière bien certaine, la date de la construction de l’ancienne chartreuse ».
Monsieur Vacher, en 1904, ne savait sans doute pas que l’on découvrirait, plus tard, qu’effectivement il y avait eu une construction bien plus ancienne, antique ou au moins du début du Moyen-Âge… Et que ces deux têtes pouvaient fort bien provenir de vestiges primitifs sur le lieu. Aujourd’hui, elles apparaissent soigneusement ‘gommées’ aux angles opposés à la cheminée. Si, en 1904, A. Vacher les voit nettement, elles disparaissent sans doute peu après, car, au moment de l’arrivée de R. Graü dans les lieux, elles sont enfouies dans les décombres.

La réalité sous les gravats
C’est donc en 1967 qu’on les retrouve, lors des travaux de dégagement, l’une dans une sorte de placard mural, et l’autre sous un épais plâtras. Leur nettoyage permet de constater que, d’expressions différentes, elles sont de même facture et ornées toutes deux d’une sorte de bandeau plat au sommet du crâne. A ce moment, il reste sur ces ‘bandeaux’ des traces de teinte, rouge pour l’une et noire pour la seconde… le reste des têtes ne comporte aucun autre vestige de peinture ou décoration colorée.
Ces couleurs deviennent très vite un sujet de polémique insidieuse. Une version des faits, avancée par quelques grincheux de service, affirme que les sculptures étaient naturelles, sans couleur, et que les bandeaux ont été badigeonnés dès après leur découverte… évidemment dans un but dénoncé comme ésotérique ! L’ennui est qu’il existe des témoignages et des clichés, pris au moment des travaux, montrant indiscutablement des traces de teintes différentes sur ces bandeaux !
Pour nous, la question irritante à poser ne serait pas : « par qui et à quel moment ont été peintes des têtes ?», mais plutôt : « que peut-il y avoir de gênant dans ce fait… pour qui et pourquoi ? ». Toujours est-il qu’aujourd’hui tout le monde dort tranquille. Ce ‘détail’ n’existe sur aucun compte-rendu, et personne n’en fait plus état. Plus de questions, donc… plus de réponses embarrassées ! Heureusement, nous disposons des clichés pris lors des remises à jour … comme bien d’autres sur quelques ‘petits détails trop vite oubliés de Ste Croix’!

L’énigme des deux têtes
Cependant, pour tous les antagonistes, il faut admettre que l’énigme de ces deux sculptures reste une énigme entière : quel sanctuaire pouvait orner de telles représentations, sinon un lieu de culte dont l’origine doit être lointaine et obscure. Mais surtout, on peut se demander pourquoi les chartreux, stricts dans leurs décorations religieuses, réutilisèrent dans la partie des bâtiments étant réservée à leur seul usage, ce genre de sculptures pour le moins peu ‘orthodoxes’… Peut-être les Pères Chartreux, ou les commanditaires oubliés de la chartreuse, avaient-ils des raisons précises pour maintenir ici ce genre de représentation, même au prix d’interrogations sans réponse ? Peut-être, là encore, s’agissaient-ils d’autres éléments (la croix indélébile, Madame la Mort, les gravures sur le tableau de fenêtre) d’un message réservé, une fois de plus, seulement à ‘l’initié en mesure de pouvoir le lire’ ?
Des écrits à la rescousse : Viollet le Duc et le Grotesque
Sans doute par dérision, ces deux têtes ont été souvent qualifiées de ‘grotesques’, sans songer que ce terme contient peut-être une partie de la solution. Viollet le Duc, par exemple, nous explique : « Il ne faut pas confondre le grotesque avec la caricature, cette dernière est toujours un portrait plus ou moins enlaidi, le grotesque est toujours une ‘écriture’ qui, sous une apparence plus ou moins fantastique, traite la plupart du temps de sujets complètement étrangers à ceux qui semblent être le thème de la composition choisie par l’artiste… ». Il est difficile d’être plus clair en matière de sculpture à teneur d’un élément ‘ésotérique’ laissé à la vue de tous, mais à l’usage d’initiés particuliers. Le même commentaire, s’il avait été de nous, aurait été immédiatement classé ‘sujet à caution ou vision ésotérico-magique’.
Les charges royales selon Grasset d’Orcet
Ensuite, puisqu’il semble chez lui dans le symbolisme de Ste Croix, écoutons Grasset d’Orcet peut-être nous commenter ce genre de représentation : « Tant qu’ils restèrent confinés dans les monastères carolingiens et qu’ils n’eurent, pour battre en brèche la société, d’autres armes que des chansons ou les rébus qu’ils griffonnaient sur les chapiteaux et les porches des églises, cette influence fut à peu près nulle. Mais dès qu’ils se répandirent dans les universités en partie laïques qui succédèrent aux écoles exclusivement monastiques de Charlemagne, cette influence s’élargit immédiatement dans des proportions considérables ».
Cuisine des Pères. Lors du nettoyage du local
Et cet auteur d’ajouter que le postulant à la charge royale, pour les princes mérovingiens, avant le couronnement, porte un bandeau rouge lui serrant le front pour symboliser son état devant les hommes. A l’issue de la cérémonie, le nouveau roi porte un bandeau noir qui représente son nouvel état royal d’essence divine. Les cheveux représenteraient alors le siège de la force et l’origine princière pour les races mérovingiennes. Les rois déchus, ou vaincus, voyaient leur longue chevelure coupée…
Les familles de Roussillon, Saint Abdon et Saint Sennen
Puisqu’il s’agit de ‘têtes en base de voussures’, reprenons sur le sujet cet extrait de ‘Béatrix Dame de Châteauneuf’ (1912) qui pourrait bien nous donner de précieuses informations sur les ‘habitudes’ cartusiennes dans le Pilat en matière de ‘têtes’ sculptées. « … Trêves, qui appartint à la famille de Roussillon, puis aux Chartreux, avait son auberge et sa chapelle. En effet avec sa voûte dont la clef porte 1540 et dont les nervures reposent sur des têtes de moines, rappelant les voisins de Ste croix, l’église comprend côté du vent, une chapelle autrement ancienne, dite de St Roch, mais élevée aux saints Abdon et Sennen… Ces murs pourraient bien remonter vers l’an 1000… » . Les saints Abdon et Sennen sont bien connus dans le secteur pyrénéen où l’on vénère leur mémoire, plus particulièrement à Arles sur Tech avec le culte de la Sainte tombe à l’eau miraculeuse… Secteur géographique qui ne dut pas être étranger aux familles de Roussillon… fondatrices de Ste Croix et de Vézelay?
Têtes pour l’ordre du Temple à Ste Croix ?
Cuisine des Pères. vue de la cheminée lors de son dégagement.
Enfin un dernier extrait que nous ne pouvons passer sous silence : « … La cuisine. Dans les angles opposés (à la cheminée), ressemblant à deux petits chapiteaux, deux têtes semblent jaillir du mur. Toutes les deux sont grimaçantes, une est ornée d’une coiffure noire, l’autre d’une coiffe rouge. C’est une des énigmes de la Chartreuse qui ne sera sans doute jamais trouvée. Que sont-elles censées représenter ? Ont-elles été un signe de reconnaissance pour des gens de passage ? Faut-il y voir un rapport avec l’ordre des Templiers dont une commanderie n’était pas très éloignée ? ». Tout comme le texte de Viollet le Duc, déjà vu auparavant, si celui-ci était de nous, il est à craindre que quelques qualificatifs peu élogieux nous auraient été immédiatement adressés… En effet ici, en un seul passage, nous trouvons regroupés: une affirmation des bandeaux colorés des deux têtes, le mot ‘énigme’, le terme ‘signe de reconnaissance’ et enfin le mot ‘templier’ ! Ce texte, heureusement, se trouve dans un fascicule des plus sérieux, ‘Promenons-nous dans la Chartreuse de Ste Croix-en-Jarez’, édité par le très sérieux, et officiel, Parc Naturel Régional du Pilat !!! Un organisme au-dessus de tous soupçons de dérives ésotériques!
Les veilleurs dans une étrange cuisine peut-être alchimique
A la lecture de tous ces extraits, ces deux têtes grimaçantes prennent peu à peu un tout autre aspect que celui que l’on ne veut pas aborder : celui du symbolisme ésotérique dans les murs de Ste Croix. Une fois de plus, nous ne pouvons que constater que ce genre de ‘message chiffré’ se trouve dans l’enceinte réservée aux Pères Chartreux. Evidemment, on nous dira frileusement que ces éléments se trouvent dans une cuisine… Certes oui, c’est vrai. Mais il est vrai aussi que dans une cuisine il est possible en toute quiétude d’utiliser un feu de chauffe sans éveiller le moindre soupçon, et pour d’autres usages que celui de faire une soupe de légumes ! En effet nous verrons, par ailleurs, qu’un certain Thibaut de Vassalieu (dont une fresque magnifique le représente sur son lit de mort) vint finir ses jours en exil (ce qui nous rappelle tristement la mise sous sécurité de Béatrix de Roussillon à Ste Croix) avec tout son matériel… alchimique ! Où faire fonctionner un tel outillage, sinon dans un lieu où faire du feu n’éveille la méfiance de personne ? Mais dans un autre chapitre nous verrons que ce lieu se situe sur plusieurs sous-sols… tous plus intéressants les uns que les autres. Ces têtes étranges étaient-elles là pour signaler une réalisation ? Un état ? Un dépôt ? Etait-ce une sorte de balise d’une époque peut-être mérovingienne, une étape d’un cheminement qu’aurait saisi Polycarpe de la Rivière dont le destin s’identifie parfois à celui d’un certain abbé Bérenger Saunière ? En attendant d’autres éléments, nous terminerons provisoirement par ce que nous dit le légendaire de Ste Croix à propos de ces têtes. La légende explique que ces deux faces représenteraient ‘la colère et la mort’…

Elles ont régné sur Versailles 6fin - Vidéo Dailymotion

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