mercredi 23 janvier 2013

Les chats de Pharaons.

La tradition enseigne que notre chat domestique européen est originaire d’Égypte. Il y était désigné sous le vocable de "myéou" selon l’onomatopée bien connue de tous lorsque nous faisons allusion à cet animal. La première apparition de ce chat en Gaule remonte à la période gallo-romaine. Sur le sarcophage d’un enfant de la région de Bordeaux, datant du IIe siècle de notre ère, l’enfant est sculpté figuré tenant un chat dans ses bras.
Le chat domestique serait venu d’Égypte à la suite des marchands qui sillonnaient la Méditerranée. Le plus ancien témoignage écrit concernant le chat domestique est celui d’Hérodote qui visita l’Égypte au Ve siècle avant notre ère : « les chats y étaient vénérés à l’instar des dieux et leur mort provoquait l’affliction des familles qui les hébergeaient. Ils étaient ensuite emporté au Boubastéion, dans des locaux sacrés où ils étaient embaumés avant d’être enterrés. » En effet, des milliers de momies de chat ont été retrouvées dans plusieurs nécropoles dont la plus célèbre étant celle de Bubastis et du Bousbastéion de Saqqarah. Certains tombeaux humains renfermaient également des momies de chats.
En Égypte, la domestication du chat est attestée avec certitude depuis XIe dynastie ; plus anciennement encore, on a des témoignages de la présence de chats à proximité d’habitations, mais rien ne prouve qu’ils furent domestiqués. L’apparition de l’agriculture au Néolithique, et la constitution de réserves de grains on favorisé la prolifération de nombreux rongeurs (souris, rats, surmulots, nésokia, arvicanthis) attirant de par là même, leurs prédateurs naturels, dont le chat. Il apparaît clairement qu’en dehors des pièges que les paysans pouvaient fabriquer, le seul moyen efficace pour contrôler le nombre des rongeurs restait le chat. Ceci est d’autant plus important que la peste se transmettait de manière dramatique dans les années où il y avait prolifération de rongeurs. On peut ainsi comprendre l’affection particulière des Égyptiens pour cet animal !

 
 
Les momies de chats
Les sépultures de chats sont parmi les plus anciennes et remontent à la XXIIe dynastie. Avant cette époque, seuls quelques cas recensés montrent des animaux auxquels un maître a voulu rendre hommage. C’est surtout durant la XXXe dynastie, à la deuxième occupation perse et à la période gréco-romaine que les nécropoles ont proliférés dans tout le pays, renfermant de plus en plus de momies.
Les momies de chats ont pu être placées dans toute sorte de sépultures : des catacombes réservés aux animaux comme à Dendérah, des tombes anciennes réutilisées comme à Saqqarah, des lieux de culte comme à Béni-Hassan ou même de simples vase enterrés comme à Abydos.
Toutes ces nécropoles contenaient des momies qui se présentaient de façon très diverses, soit dans des sarcophages, soit enveloppées de bandelettes, ou encore sans rien. Parfois même on a retrouvé que les os ! Les sarcophages sont essentiellement de deux types : en bois ou en bronze. Les momies enveloppées de bandelettes étaient parfois extrêmement élaborées et souvent apprêtées avec grand soin. Dans d’autres cas, les momies sont parfaites extérieurement mais ne contiennent que des parties de corps. Il semblerait donc que l’aspect extérieur, celui d’un chat entier était sans doute ce qui comptait le plus !
Les études faites sur les momies de chats du British Museum et du Louvre indiquent que les chats sont mort par strangulation, cela a pu être observé aussi sur les animaux retrouvés à Saqqarah et à Balat. Une forte dislocation des vertèbres cervicales, séparées de la tête, la position de cette dernière qui ne se présente plus dans l’axe de la colonne vertébrale, mais tournée d’un quart de tour, démontre que l’on avait tordu le cou de ces bêtes ! Ces chats ont donc été tués sciemment, et ce à deux âges précis : vers quatre mois, quand l’animal avait atteint une taille convenable pour être momifié puis entre neuf mois et un an pour les chats qui n’avaient pas été retenus pour la reproduction. Les chats étaient élevés, entretenus, puis à une période précise, un certain nombre d’entre eux étaient sacrifiés, momifiés et offerts en vente aux pèlerins désireux de déposer un ex-voto en l’honneur de la déesse Bastet. Cet ex-voto était destiné à remercier la déesse ou lui demander une faveur.
Devant ces nécropoles contenant les momies en quantité innombrables, il faut donc imaginer un commerce lucratif entre le personnel du temple et les pèlerins désireux déposer une offrande. La momie devait avoir une valeur assez importante car l’animal aurait pu être le réceptacle divin. Cette pratique s’est atténuée durant l’époque romaine sous l’influence de la nouvelle religion chrétienne qui condamnait ce culte « démentiel ».

 
 
Le chat dans la mythologie : Les livres funéraires
La course incessante du dieu solaire Rê qui disparaît chaque soir pour renaître le matin, après avoir vaincu les forces néfastes qui tentaient d’entraver la régularité de son cycle, a servi de mécanisme fondamental à toute la littérature funéraire égyptienne.
Dans le Chapitre 17 du Livres des Morts, principal texte funéraire d’usage privé au Nouvel Empire, le dieu solaire est représenté par un chat armé d’un couteau s’attaquant au serpent néfaste Apophis qui tente d’empêcher son lever matinal. Apophis, vaincu, le soleil pourra continuer son cycle, dont la pérennité est pour les défunts une promesse de renaissance. Tel qu’il est représenté, l’animal au pelage tacheté, aux longues oreilles droites et aux longues pattes rappelle davantage certains félidés sauvages que le chat domestique. Il pourrait cependant s’agir d’une image combinant deux espèces, le serval et le caracal.
Parmi les entités étranges que les défunts sont appelés à rencontrer dans l’au-delà, les génies à tête de chat sont également présents.
Dans le « Livre de l’Amdouat » un dieu chat décapite les ennemis d’Osiris, principe de renaissance indispensable à la perpétuation du cycle solaire.
Dans le « Livre des Portes » un être à tête de chat est le gardien de la dernière porte que le soleil doit franchir durant sa course nocturne, maîtrise un serpent, à l’instar de ce que l’on retrouve dans le « Livre des Morts ».
Dans le « Livre des Cavernes » enfin, un génie à tête de chat monte la garde auprès d’ennemis de Rê représentés vaincus, la tête en bas, les bras ligotés derrière le dos.
On retrouvera dès la XXIe dynastie, à des fins protectrices, de telles représentations de génies à tête de chat à l’intérieur des sarcophages des particuliers, directement inspirés des « Livres funéraires ».

 
 
Le culte de la déesse chatte
L’œil de Rê est unique, mais ses manifestations sont quant à elles sont nombreuses. On les appelle « filles de Rê », tantôt dociles, tantôt terrifiantes. Elles symbolisent la puissance du rayonnement solaire et adoptent, pour les besoins de cette fonction, des apparences et des noms qui varient suivant les mythes où elles sont intégrées.
Chacune de ces déesses (Hathor, Tefnout, Sekhmet, Bastet) possède ainsi deux facettes : l’une bénéfique qui assure le renouvellement de toute existence, l’autre agressive et terrifiante qui combat les puissances du chaos.
La douce Bastet, qui adopte l’aspect d’une chatte ou d’une femme à tête de chatte, est souvent présentée comme la face paisible de la redoutable Sekhmet (déesse à tête de lionne). Les Égyptiens eux-mêmes semblent n’avoir pu dissocier réellement ces deux déesses, car dans sa forme primitive (à l’Ancien Empire), Bastet est représentée en femme à tête de lionne portant la croix ankh, symbole de la vie. Ce n’est qu’à partir du Nouvel Empire que Bastet fut représentée sous la forme de la déesse chatte. Tantôt, elle est majestueusement dressée sur son séant et parée de bijoux, tantôt, elle est femme à tête de chatte agitant un sistre ou portant l’égide, Un petit panier enfilé sur son bras peut compléter sa parure. Elle est également connue sous la forme d’une chatte allaitant ses petits. Ce dernier aspect lui vaut d’être considérée, dans les foyers, comme une protectrice des naissances.
Son culte principal se trouvait dans le delta, dans l’actuelle Tell Basta connue dans l’Égypte ancienne sous le nom de Per-Bastet (la maison de Bastet), grécisé par la suite en Bubastis.

 
 
Les bronzes de la Basse-Époque
Les grandes nécropoles de chats de la Basse Époque furent pillées de manière intensive au XIXe siècle. Outre les momies de chats, ces cimetières contenaient un grand nombre de statuettes en bronze qui, depuis le siècle dernier, sont venues grossir les collections des grands musées occidentaux. D’autres statuettes étaient sans doute déposées, comme témoignage de piété, dans les temples de la déesse Bastet. On en a retrouvé un grand nombre dans des fosses dans lesquelles les prêtres ensevelissaient régulièrement des ex-votos placés en surnombre dans les sanctuaires.
Images de la déesse Bastet, les chats furent très souvent représentés assis, portant sur la tête l’image d’un scarabée, signe de renaissance ; leur poitrine s’ornait d’un collier large ou d’un œil oudjat à des fins protectrices. Leurs oreilles sont souvent percées dans le but d’y accrocher des boucles d’or ; enfin, leurs yeux sont souvent incrustés, notamment de cristal de roche.
Un autre thème représenté : la chatte allaitant ses petits, image d’une déesse dispensatrice de vie devenant dès lors un gage de renaissance. Bastet peut également être figurée sous la forme d’une femme debout, à tête de chatte, parfois accompagnée de chatons, vêtue d’une longue robe. Elle porte alors un panier, un sistre, une égide ou une statuette de son fils, le dieu Nefertoum.

 
 
 
La fascination du chat
Le chat, divinisé en Égypte fut introduit par les Romains en Europe mais perdit alors son statut divin pour ne plus être considéré que comme un simple « chasseur de souris ». Les Phéniciens et les Arabes, au gré de leurs voyages et conquêtes, contribueront à sa diffusion dans le monde connu à l’époque.
Le Moyen âge fut une période très sombre pour le chat. Accusé de sorcellerie, et d’être le support du diable, il fut ainsi condamné alors par l’Église.
L’intérêt que les hommes portent au chat est varié, parfois contradictoire, souvent passionnel. Il touche à tous les registres de l’activité ou de la connaissance humaine : mythologie, arts, sciences, parapsychologie, sorcellerie. Il succite tour à tour l’amitié ou la haine mais ne laisse jamais indifférent.
Au cours des siècles le chat s’est paré de valeurs culturelles et devient le symboles des vices et des vertus humaines et par conséquent, objet de réflexion et d’inspiration philosophique ou artistique.

 
 
Bibliographie
· « Les Chats des Pharaons , 4.000 ans de divinité féline », catalogue de l’exposition qui a eu lieu à l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique, 1989-1990.
· Franco, I., Mythes et Dieux (le souffle du Soleil), Paris, 1996.
· Gros de Beler, A., La Mythologie égyptienne, Paris, 1998.
Sources Egypte.

Les femmes au Moyen-Age.

« Hélas Dieu, pourquoi ne me fais-tu pas naître au monde en masculin sexe ! »
Christine de Pisan vers 1400.

Première femme à vivre de ses écrits, Christine de Pisan fut pourtant parmi celles qui permirent l’évolution du statut des femmes en cette longue période dite du « Moyen Age ».


Dans l'antiquité grecque et romaine, les femmes n'étaient jamais représentées par et pour elles-mêmes.
Leur image les renvoyait uniquement à leur rôle de « reproductrice » ou encore « d'objet de désir ».
De même, dans les premiers temps de la chrétienté, selon les enseignements de l'Église, les femmes étaient soit adorées comme la Sainte Vierge, soit soumises et méprisées comme Ève la pécheresse.


On attribue l’évolution du statut de la femme dans les premiers temps de la civilisation chrétienne, à la reconnaissance du statut de « personne » aux femmes dans le texte biblique.
Le premier texte de la Genèse dit en effet : "Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu, il le créa, homme et femme, il les créa " (Genèse, 1, 27). 
 
Deux textes illustrent notamment ces bouleversements : 
"De Milieribus claris" de Boccace et " La Cité des Dames" de Christine de Pisan. 
Considérée comme la première femme écrivain française, née en 1363, mariée à l'âge de quinze ans et veuve à vingt-cinq, elle se mit à écrire des poèmes, des allégories et des épopées pour subvenir aux besoins de ses enfants et de sa mère. La majeure partie de son œuvre est écrite à la gloire des femmes de toutes classes, qu'elle a voulu réhabiliter après l'image négative qu'en avait donnée le poème allégorique le plus populaire du Moyen Age, « Le Roman de la Rose ».
 
Les femmes du Moyen Âge étaient en fait bien différentes de l'image qu'en donnaient l'Église ou la littérature romantique, très populaire auprès de la noblesse de l'époque.
A l'âge de la chevalerie, l'adoration de sa dame était l'équivalent, en ce monde, du culte de la Vierge, mais les préceptes romantiques de "l'amour courtois" ne s'appliquaient qu'à une toute petite partie des classes supérieu­res. (Et encore, cette adoration n'était-elle que relative, puisque le droit canon autorisait à battre sa femme)


Pour dépasser les images imposées par l'Église et les romans populaires, et pour découvrir le monde réel des femmes médiévales, nous disposons de lettres, de testaments, de baux commerciaux et documents légaux, de registres de couvents et de domaines seigneuriaux, et aussi d’enluminures et de gravures  sur bois des premiers livres imprimés, qui complètent le « tableau » que nous avons de cette époque.  
 
En fait, au Moyen âge,et surtout au cours du haut Moyen-Âge,  les femmes jouissent d’un statut social important
Pour comprendre ce qu'était vraiment la vie de la femme en ce temps-là, il nous faut tout d'abord savoir quelle était sa place dans la société.


Était-elle noble, paysanne ou bourgeoise?

Dans chaque classe sociale, les femmes étaient soumises à un schéma bien précis. Mais, dans le même temps, elles se chargeaient souvent  des mêmes tâches que les hommes de leur classe.


Les châtelaines étaient très bien formées et exerçaient des responsabilités dans la bonne marche du domaine.
Comme leur mari s'absentait souvent pour combattre dans les guerres et les croisa­des, la responsabilité de la vie quotidienne de leur fief reposait sur leurs épaules.
 


femmedéfendantunchateauFemmes défendant un château avec arcs et arbalètes -
Walter de Milemete - 1326-27


Les paysannes devaient assumer toutes les tâches agricoles traditionnelles : la traite des vaches, le brassage de la bière, le filage et le tissage, et même le labourage lorsque cela s'avérait nécessaire.


Les années 1300 à 1550 constituent une période de transition entre la fin du système féodal et les débuts de l'Europe moderne.
 


cardagefilagetissage
Cardage, Filage et tissage de la laine -
Boccace XV° s.
 
 
La principale nouveauté de l'époque est l'avènement d'une bourgeoisie com­merçante.
Avec la croissance des villes, le pouvoir passe peu à peu des mains des nobles propriétaires terriens et de l'Église à une bourgeoisie en développement. Avec la laïcisation croissante de la société européenne, les langues vernaculaires prennent une place plus importante dans la littérature, qui profite éga­lement de l'invention de l'imprimerie.
Certains laïcs favorisent ce développement en faisant l'acquisition de bibliothèques, en fai­sant imprimer des livres et en payant des traductions du latin. C'est probablement cette laïcisation qui a permis aux illustrations, qu'il s'agisse d'enluminures ou de gravure sur bois, de dépeindre la vie réelle.


Dans la bourgeoisie en plein développement, les femmes avaient souvent des activités commer­çantes considérées jusque-là comme le domaine réservé des hommes : elles travaillaient comme apothicaires, coiffeuses, artistes, ouvrières de la soie, armurières, tailleurs et autres spécialités requérant un apprentissage.
La plupart des corporations excluaient les femmes, à l'exception des épouses et des filles des membres de la corporation ayant suivi un apprentissage.




femme tailleurFemme tailleur coupant un patron -
Boccace - XV° s.


Certaines femmes étaient établies comme des "femmes soles", terme légal qui signifiait« commerçantes indépendantes ». Il ne s'agissait pas seulement de veuves et de célibataires, mais aussi de femmes mariées qui, dans certains cas, portaient toute la responsabilité financière de leur affaire.




unecésarienne
Certains talents étaient communs aux femmes de toutes les classes. De nombreuses enluminures en dépeignent qui filent, cardent la laine et tissent, car les femmes faisaient tourner à elles seules l'industrie textile de l'époque.  
Elles étaient également sages-femmes et devaient pou­voir faire face à toutes les urgences médicales et chirurgicales survenant dans leur foyer. Toutefois, si une femme désirait exercer la médecine ou pratiquer certains soins à l'extérieur de chez elle, elle encourait le risque d'une sanction sociale et légale et, pis encore, pouvait être traitée de sorcière.
Certaines femmes, pourtant - notamment des épouses et des filles de médecins -, recevaient une formation médicale précise.
 


autoportrait
Les femmes étaient de véritables artistes qui peignaient des fresques, des images ou des portraits religieux et gravaient des bas-reliefs ou du bois.
 
(Les illustrations proviennent de "The Medieval woman- Illuminated book of days - Ed.Sally Fox)
Sources L"Ocre Bleu.

mardi 22 janvier 2013

Poursuivre une quête, celle de retrouver l'histoire des moines guériers...

DANS L’OMBRE DES TEMPLIERS


Qu'il me soit permis au seuil de cette page, de rendre un brillant hommage aux Templiers et aux Hospitaliers qui s'installèrent au Col Saint-Jean, afin de protéger la vallée de Seyne et les pays riverains de l'Ubaye contre les pillards et les coupe-jarrets dans le but d'assurer le libre passage des voyageurs.

Voilà de nombreuses années que je viens dans les Alpes de Haute-Provence, poursuivre une quête, celle de retrouver l'histoire de ces moines guerriers qui vécurent dans la Vallée de la Blanche, sur l'un des sites les plus remarquables de cette région alpestre.

*

Parfois, le temps ne se prêtait guère pour emprunter l'un des innombrables sentiers de randonnée que compte la Vallée, car soudainement, un épais brouillard pouvait envahir toute la région. Il faut savoir que certains chemins étaient déjà là, bien avant que ne viennent ces religieux. Aimer les parcourir, c'est apprendre à mieux connaître leurs tracés, ce qui peut conforter notre jugement dans nos recherches.

Combien de fois, me suis-je rendu jusqu'à la chapelle romane de Saint-Léger pour y retrouver la sérénité et y rencontrer mes amis de l'ombre. Après avoir dépassé le petit hameau du même nom, je commençais à gravir le large chemin empierré qui allait me conduire devant l'entrée de ce très bel oratoire érigé sur la pointe d'un mamelon.

Ce jour là, tournant la clef dans la serrure, j'ouvris la porte laissant découvrir l'intérieur de la chapelle. M'approchant de l'autel, je distinguais huit croix de Malte peintes sur les murs de l'édifice. ©

Prière de Templiers.

Avec la participation de notre Grand Frere Chevalier du Temple..
La complainte du Templier

1*C'était au mois de mai que je fus... adoubé
En la commanderie de Montigny l'Allier
En ce clair jour ma joie ne se put comparer
Qu'à celle des amants qui ont le cœur comblé.

2*Quand je reçus de l'ordre la cape immaculée
Marquée de la croix rouge, à l'épaule brodée
Le grand maître, céans, a daigné me parler
« sois fidèle et ardent car tu es TEMPLIER »

3*Depuis sur terre et mer nous avons guerroyé
Partout dans le désert sous le ciel mordoré
Des sarrasins maudits je me suis fait connaître
Comme un vrai chevalier seul mérite de l'être.

4*Combien de missions menées jusqu'à leur terme
Combien d'engagements qui l'ennemi consternent
Par le fer de la lance au baucéant sacré,
De Syrie en Provence, j'ai servi Chrétienté !

5*Or aujourd'hui enfin me voici allongé
Dans de la paille fraîche où j'entends psalmodier
Là- haut, dans la chapelle, c'est l'office des morts
Courage, Dieu t'appelle, tu arrives au port.

6*O lointaine Champagne pays de mes aïeux
Ton ciel ennuagé m'a bien manqué un peu
Sous le firmament bleu et le ciel étoilé
Qu'on voit toute l'année au Crack des chevaliers.

7*Sur mon honneur, Seigneur, j'ai Votre foi jurée,
Je Vous rends mon cœur pur et mon épée sans tâche
J'ai combattu pour Vous sans repos ni relâche,
Je Vous rends mon épée avec son baudrier.

8*Sire Dieu protégez ce pays qui est Vôtre
Vous y marchiez jadis suivi de Vos apôtres
J'ai parcouru ses routes et suivi ses sentiers
J'ai chevauché sans doute où Vous posiez le pied .

9*La route qui s'achève mène au paradis
Saints et Saintes de Dieu, aidez moi en ce jour
St Georges et St Maurice qu'il ne soit jamais dit
Que vous m'avez laissé privé du Dieu d'amour.

10*Sire Dieu de Merci, Sire Dieu de bonté
Dans mon cœur pour un autre il n'y eut jamais place
Grâce ô agneau de Dieu qui toute faute efface
Grâce Dame Marie à qui l'Ordre est voué...

Testament de Louis XVI.

Testament de Louis XVI

"Au nom de la très Sainte Trinité, du Père, du fils et du Saint Esprit. Aujourd'hui vingt-cinquième de décembre mil sept cent quatre vingt douze."

Article

"Moi, Louis, XVIème du nom, Roi de France, étant depuis plus de quatre mois enfermé avec ma famille dans la Tour du Temple à Paris, par ceux qui étaient mes sujets, et privé de toute communication quelconque, même depuis le onze du courant avec ma famille. De plus impliqué dans un Procès dont il est impossible de prévoir l'issue à cause des passions des hommes, et dont on ne trouve aucun prétexte ni moyen dans aucune loi existante, n'ayant que Dieu pour témoin de mes pensées, et auquel je puisse m'adresser. Je déclare ici en sa présence, mes dernières volontés et mes sentiments.

Je laisse mon âme à Dieu mon créateur, et je le prie de la recevoir dans sa miséricorde, de ne pas la juger d'après ses mérites, mais par ceux de Notre Seigneur Jésus Christ qui s'est offert en sacrifice à Dieu son Père, pour nous autres hommes, quelque indignes que nous en fussions, et moi le premier.

Je meurs dans l'union de notre sainte Mère l'Église Catholique, Apostolique et Romaine, qui tient ses pouvoirs par une succession non interrompue de Saint Pierre auquel Jésus-Christ les avait confiés. Je crois fermement et je confesse tout ce qui est contenu dans le Symbole et les commandements de Dieu et de l'Église, les Sacrements et les Mystères tels que l'Église Catholique les enseigne et les a toujours enseignés. Je n'ai jamais prétendu me rendre juge dans les différentes manières d'expliquer les dogmes qui déchirent l'Église de Jésus-Christ, mais je m'en suis rapporté et rapporterai toujours, si Dieu m'accorde vie, aux décisions que les supérieurs Ecclésiastiques unis à la Sainte Église Catholique, donnent et donneront conformément à la discipline de l'Église suivie depuis Jésus-Christ.

Je plains de tout mon coeur nos frères qui peuvent être dans l'erreur, mais je ne prétends pas les juger, et je ne les aime pas moins tous en Jésus-Christ suivant ce que la charité Chrétienne nous l'enseigne.

Je prie Dieu de me pardonner tous mes péchés, j'ai cherché à les connaître scrupuleusement, à les détester et à m'humilier en sa présence, ne pouvant me servir du Ministère d'un Prêtre Catholique. Je prie Dieu de recevoir la confession que je lui en ai faite, et surtout le repentir profond que j'ai d'avoir mis mon nom, (quoique cela fut contre ma volonté) à des actes qui peuvent être contraires à la discipline et à la croyance de l'Église Catholique à laquelle je suis toujours resté sincèrement uni de coeur. Je prie Dieu de recevoir la ferme résolution où je suis, s'il m'accorde vie, de me servir aussitôt que je le pourrai du Ministère d'un Prêtre Catholique, pour m'accuser de tous mes péchés, et recevoir le Sacrement de Pénitence.

Je prie tous ceux que je pourrais avoir offensés par inadvertance (car je ne me rappelle pas d'avoir fait sciemment aucune offense à personne), ou à ceux à qui j'aurais pu avoir donné de mauvais exemples ou des scandales, de me pardonner le mal qu'ils croient que je peux leur avoir fait.

Je prie tous ceux qui ont de la Charité d'unir leurs prières aux miennes, pour obtenir de Dieu le pardon de mes péchés.

Je pardonne de tout mon coeur à ceux qui se sont fait mes ennemis sans que je leur en aie donné aucun sujet, et je prie Dieu de leur pardonner, de même que ceux qui par un faux zèle, ou par un zèle mal entendu, m'ont fait beaucoup de mal.

Je recommande à Dieu, ma femme, mes enfants, ma Soeur, mes Tantes, mes Frères, et tous ceux qui me sont attachés par les liens du sang, ou par quelque autre manière que ce puisse être.

Je prie Dieu particulièrement de jeter des yeux de miséricorde sur ma femme, mes enfants et ma soeur qui souffrent depuis longtemps avec moi, de les soutenir par sa grâce s'ils viennent à me perdre, et tant qu'ils resteront dans ce monde périssable.

Je recommande mes enfants à ma femme, je n'ai jamais douté de sa tendresse maternelle pour eux ; je lui recommande surtout d'en faire de bons Chrétiens et d'honnêtes hommes, de leur faire regarder les grandeurs de ce monde ci (s'ils sont condamnés à les éprouver) que comme des biens dangereux et périssables, et de tourner leurs regards vers la seule gloire solide et durable de l'Éternité. Je prie ma soeur de vouloir bien continuer sa tendresse à mes enfants, et de leur tenir lieu de mère, s'ils avaient le malheur de perdre la leur.

Je prie ma femme de me pardonner tous les maux qu'elle souffre pour moi, et les chagrins que je pourrais lui avoir donnés dans le cours de notre union, comme elle peut être sûre que je ne garde rien contre elle si elle croyait avoir quelque chose à se reprocher.

Je recommande bien vivement à mes enfants, après ce qu'ils doivent à Dieu qui doit marcher avant tout, de rester toujours unis entre eux, soumis et obéissants à leur mère, et reconnaissants de tous les soins et les peines qu'elle se donne pour eux, et en mémoire de moi. Je les prie de regarder ma soeur comme une seconde mère.

Je recommande à mon fils, s'il avait le malheur de devenir Roi, de songer qu'il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens, qu'il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément tout ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j'éprouve. Qu'il ne peut faire le bonheur des Peuples qu'en régnant suivant les Lois, mais en même temps qu'un Roi ne peut les faire respecter, et faire le bien qui est dans son coeur, qu'autant qu'il a l'autorité nécessaire, et qu'autrement, étant lié dans ses opérations et n'inspirant point de respect, il est plus nuisible qu'utile.

Je recommande à mon fils d'avoir soin de toutes les personnes qui m'étaient attachées, autant que les circonstances où il se trouvera lui en donneront les facultés, de songer que c'est une dette sacrée que j'ai contractée envers les enfants ou les parents de ceux qui ont péri pour moi, et ensuite de ceux qui sont malheureux pour moi. Je sais qu'il y a plusieurs personnes de celles qui m'étaient attachées, qui ne se sont pas conduites envers moi comme elles le devaient, et qui ont même montré de l'ingratitude, mais je leur pardonne, (souvent, dans les moment de troubles et d'effervescence, on n'est pas le maître de soi) et je prie mon fils, s'il en trouve l'occasion, de ne songer qu'à leur malheur.

Je voudrais pouvoir témoigner ici ma reconnaissance à ceux qui m'ont montré un véritable attachement et désintéressé. D'un côté si j'étais sensiblement touché de l'ingratitude et de la déloyauté de gens à qui je n'avais jamais témoigné que des bontés, à eux et à leurs parents ou amis, de l'autre, j'ai eu de la consolation à voir l'attachement et l'intérêt gratuit que beaucoup de personnes m'ont montrés. Je les prie d'en recevoir tous mes remerciements ; dans la situation où sont encore les choses, je craindrais de les compromettre si je parlais plus explicitement, mais je recommande spécialement à mon fils de chercher les occasions de pouvoir les reconnaître.

Je croirais calomnier cependant les sentiments de la Nation, si je ne recommandais ouvertement à mon fils MM de Chamilly et Hue, que leur véritable attachement pour moi avait portés à s'enfermer avec moi dans ce triste séjour, et qui ont pensé en être les malheureuses victimes.

Je lui recommande aussi Cléry des soins duquel j'ai eu tout lieu de me louer depuis qu'il est avec moi. Comme c'est lui qui est resté avec moi jusqu'à la fin, je prie MM de la Commune de lui remettre mes hardes, mes livres, ma montre, ma bourse, et les autres petits effets qui ont été déposés au Conseil de la Commune.

Je pardonne encore très volontiers à ceux qui me gardaient, les mauvais traitements et les gênes dont ils ont cru devoir user envers moi.

J'ai trouvé quelques âmes sensibles et compatissantes, que celles-là jouissent dans leur coeur de la tranquillité que doit leur donner leur façon de penser.

Je prie MM de Malesherbes, Tronchet et de Sèze, de recevoir ici tous mes remerciements et l'expression de ma sensibilité pour tous les soins et les peines qu'ils se sont donnés pour moi.

Je finis en déclarant devant Dieu et prêt à paraître devant Lui, que je ne me reproche aucun des crimes qui sont avancés contre moi".

Fait double à la Tour du Temple le 25 décembre 1792.

Louis

The templars.