mercredi 23 janvier 2013

Les Colosses de Pierre.


Les Colosses de pierre


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Colosses de Memnon (Amenhotep III, XVIIIe dynastie), rive occidentale de Thèbes

Les Colosses de pierre aux corps mutilés
Fixent de leur regard éteint les temples oubliés.
Le vent a balayé les chants des prêtresses
Qui résonnent maintenant de leurs cris de détresse ;

Les signes magiques sur les murs gravés
Ont perdu leur âme et partout sont dispersés
Sur une terre stérile brûlée par le soleil
Qui n’est plus un dieu et n’a plus son pareil ;

Le fleuve ne déposera plus le précieux limon
Qui jadis nourrissait le vert sillon de la vallée fertile,
Hâpy, dieu du Nil, coule maintenant triste et docile,
Dompté par les hommes et par un mur de béton ;

Les Colosses de pierre, se meurent maintenant
Dans un dernier combat qu’ils perdront sûrement,
Rongé d’un ennemi sournois venu de la terre,
Le sel qui monte lentement, les transformant en poussière.

Méryrê, avril 2006.
 
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Photos : Méryrê, 2001
Sources Egypte vivante.

La maison de Séneb.


La maison de Séneb

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La maison de Séneb était en effervescence depuis tôt ce matin. Ses amis étaient venus de tout le village et même des bourgs avoisinants pour l’aider à construire une annexe à sa maison. La maison de Séneb était devenue trop petite car son épouse Ibaou avait mis au monde deux vigoureux garçons, des jumeaux dont Séneb était très fier.
Voici plusieurs mois que Séneb avait patiemment façonné des briques en mélangeant de la terre avec de la paille hachée et de l’eau pour former une pâte épaisse dont il avait rempli des moules rectangulaires en bois. Il avait alors suffit de les laisser sécher sous les ardents rayons de Râ ! Seneb avait appris cette technique de son grand-père Ameny qui était briquetier et avait travaillé à l’édifications de plusieurs grands mastabas pour des notables de la province.
Il fallait alors maintenant construire cette annexe contre la maison. Les briques avaient été entreposées dans la cour et seraient amenées dans de grands paniers de roseaux tressés. Plusieurs de ses amis préparaient déjà le mortier en mélangeant de la boue, de la paille et de la poudre de tessons de poterie, que l‘on nommait communément la mouna.
Séneb était heureux, le chantier débutait à merveille.
Sur le sol en terre battue, Séneb et ses amis alignèrent d’abord une rangée de briques dans le sens de la longueur sur laquelle serait posée une seconde rangée dans le sens de la largeur sur un lit de mortier frais. Voilà qui sera solide pensa-t-il ! Rangée après rangée, les murs s’élevèrent rapidement, Séneb vérifiait régulièrement l’aplomb des murs à l’aide d’une grande équerre de bois et un fil lesté d’une pierre comme son grand-père lui avait enseigné.

La charpente serait construite à l’aide de petits troncs de palmier qui seraient assemblés pour supporter une couverture faite d’une épaisse couche de feuilles de palmier sur laquelle une couche de terre argileuse bien compactée viendrait assurer l’étanchéité de la toiture.
Deux jours avaient suffit à toute cette joyeuse équipe pour réaliser le projet de Séneb. Il lui restait encore assez de briques pour construire un petit muret autour de la petite cour de sa maison mais ce soir il allait organiser une très belle fête pour tous ces amis et pour remercier les dieux de leur bienveillance.
 
La maison égyptienne
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Restitution d’une maison-type du village de Deil el-Médineh (aquarelle de Jean-Claude Golvin)
On ne connaît guère les habitations égyptiennes que par l’étude des maisons du village de Deir el-Médineh, le village des artisans qui bâtirent les tombeaux de la vallée des Rois. Le village se développe de part et d’autre d’une rue qui forme un axe central nord-sud et qui divise le village en deux quartiers. Les maisons occupent une superficie moyenne de 72 m2 mais les plus spacieuses atteignent 120 m2. Le village étant occupé par l’élite des artisans, il est donc imprudent de transposer ce modèle aux villages « classiques » que l’on retrouve dans toute l’Egypte. Néanmoins, ces modèles offrent une bonne approche pour se faire une idée de l’habitat égyptien.
Voici donc une description « type » d’une habitation « populaire » de taille moyenne comme nous aurions pu en croiser dans tous les villages de la vallée du Nil à l’époque pharaonique. La partie basse des murs est construite en moellons reliés entre eux par de la mounia. Sur cette embase était maçonné des murs en briques crues comme décrits dans le récit de la maison de Séneb.
Les maisons répondent presque toutes à un plan identique, correspondant à un trois-pièces-cuisine disposé en enfilade. La porte est en bois et les montants peuvent être gravés d’inscriptions mentionnant les noms et titres des occupants.

La première pièce est une salle dotée d’une petite construction encore énigmatique, baptisée « lit-clos » à cause de sa ressemblance avec les lits traditionnels bretons. Il s’agit sans doute d’un autel, sorte d’estrade rectangulaire situé à environ 80 cm de hauteur, desservi par un escalier de quelques marches étroites en briques crues. Cet édicule avait souvent un décor peint (représentations du dieu Bès, scènes intimes, scènes de danse …) évoquant la sexualité, la reproduction et la fécondité. Les murs de cette pièce étaient souvent agrémentés de niches dans lesquelles on déposait des ex-voto aux dieux familiers et aux ancêtres.
La deuxième pièce constitue la salle principale. Au centre de celle-ci, une colonnette en bois posé sur une base en pierre supporte la charpente constituée de petits troncs d’arbre ou de palmier. Une banquette basse en briques est disposée le long d’un ou deux murs de cette pièce. Le sol est en terre battue, souvent recouvert de grandes nattes de roseaux. C’est la salle commune où l’on se retrouve pour discuter, prendre les repas ou se reposer.
A la suite de cette pièce, un couloir conduit à un ou deux réduits (chambre à coucher ou débarras) et à un escalier qui mène à la terrasse. Au fond de la maison, la cuisine à ciel ouvert s’appuie sur le mur d’enceinte. Elle présente tous les éléments nécessaires : four à pain, foyer, pétrin, jarres, meules et mortiers. Une petite cave est souvent présente pour y stocker les denrées au frais, l’accès se fait par une petite entrée dans le mur de la cuisine.
Un élément fondamental des maisons égyptiennes est le toit-terrasse où les familles pouvaient respirer l’air frais lorsque le soleil déclinait à l’horizon, chacun avait ainsi la possibilité de raconter les dernières nouvelles d’une journée toujours bien remplie.
On peut visiter une maison de ce type, reconstituée virtuellement, dans le jeux Égypte II. La prophétie d’Héliopolis – 2000, Réunion des Musées Nationaux, Cryo Interactive.
  Sources Egypte vivante.

Bénou, le phénix égyptien.


Bénou, le phénix égyptien


« Celui qui se lève » telle est la traduction de bénou. En Égypte, celui qui se lève chaque matin pour éclairer le monde n’est autre que Râ. Bénou est donc Râ qui se lève ou plus précisément, le ba de Râ ayant pris la forme d’un héron majestueux.
Bénou est attesté dès l’Ancien Empire, mais à l’époque il ne revêt pas encore le noble aspect du héron mais bien celui d’une bergeronnette, petit oiseau de la famille des passereaux. Plus tardivement, Bénou prendra l’aspect d’un héron cendré (Ardea cinerea) un grand et bel échassier qui affectionne les lieux humides tels les fourrés de papyrus du delta ou ceux poussant sur les berges du fleuve sacré. Lorsqu’il jaillissait de l’eau, son mouvement pouvait rappeler celui de l’astre solaire s’élevant au-dessus de l’horizon. L’association avec Râ fut donc faite en toute évidence. C’est ainsi que l’on retrouve parfois Bénou remplaçant Râ sur la barque solaire, il est alors coiffé du disque solaire ou de la couronne atef qui le lie également avec Osiris.
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Plusieurs variantes de la naissance de Râ existent dans la cosmogonie héliopolitaine. Parmi celles-ci, on parle d’un œuf duquel aurait jailli le soleil. Cet œuf primordial, aurait été pondu par le « grand caqueteur » dont le cri déchira la première fois le silence : un oiseau du nom de Bénou. Dans ce mythe, il fut donc le tout premier être à se poser sur la butte primitive, la première terre émergée du Noun, cette butte qui pris le nom de benben.
Cet animal, présent sur terre depuis des temps immémoriaux inspira semble-t-il aux Égyptiens, l’idée d’une exceptionnelle longévité. Selon le mythe, il ressuscite tous les cinq cents ans après une flamboyante mort sur le bûcher de plantes aromatiques qu’allume le dernier rayon du soleil couchant.

Ovide, auteur latin du 1er siècle avant notre ère, écrivit à propos du bénou : « Il ne vit ni de grains ni d’herbe mais des larmes de l’encens et du suc de l’amome. A peine a-t-il accompli les cinq siècles assignés à son existence qu’aussitôt posé sur les rameaux ou la cime oscillante d’un palmier, il construit son nid avec ses serres et son bec, purs de toutes souillures. Là, il amasse de la cannelle, des épis, du nectar odorant, des morceaux de cinnamome, de la myrrhe aux reflets dorés ; par-dessus il se couche et termine ainsi sa vie au milieu des parfums. Alors du corps paternel renaît, dit-on, un petit phénix destiné à revivre le même nombre d’années. Quand l’âge lui a donné assez de forces pour soutenir un fardeau, il décharge du poids de son nid les rameaux du grand arbre, et emporte pieusement son berceau qui est aussi le tombeau de son père. Parvenu à travers les airs légers de la ville d’Héliopolis, il le dépose devant la porte sacrée de son temple. »
Dans le contexte funéraire, le bénou incarne le défunt en devenir car il était considéré comme « le ba issu du cœur d’Osiris ». Ainsi, le chapitre 13 du Livre des Morts nous révèle que le défunt souhaite pouvoir se transformer en « oiseau Bénou » et le chapitre 83 du même corpus, représente le défunt sous les traits d’un héron, au moment de la pesée du cœur devant le tribunal de l’au-delà présidé par Osiris. En fonction du jugement, ce héron (le défunt) pourra prendre ou non son envol et renaître pour une nouvelle vie.
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Bénou représenté dans la tombe de Néfertari (XIXe dynastie)
Outre des amulettes en forme de « bénou » que l’on retrouve principalement sur les momies de la Basse Époque, l’oiseau sacré est représenté dans plusieurs tombes comme dans celle de Senedjem à Deir el-Médineh où le bénou couronné d’une imposante couronne atef, est figuré aux côtés de Rê-Horakhty dans la barque solaire.
Les légendes entourant le Bénou (puis le phénix) ont largement survécus à l’époque pharaonique, ainsi croyait-on à l ‘époque romaine que l’apparition du héron sacré annonçait quelque événement d’importance. L’auteur latin tacide témoigne de ce fait car il rapporte que la mort de l’empereur Tibère (pour qui l’Égypte comptait particulièrement) survenue en 34 ap. J.C. aurait été annoncée par un phénix traversant le ciel !
Sources Egypte vivante.

Parfums et fards d'Egypte.

Parfums et fards d’Égypte



Comment se fardaient les Égyptiens, dans quelle ambiance parfumée évoluaient-ils, quelles étaient leurs pratiques corporelles ? Apparemment c’est un pan entier de la culture antique qui devrait nous rester à jamais inaccessible, tant le caractère volatile des parfums semble les condamner à l’oubli, tandis que les corps disparus ont emporté avec eux le secret de leurs pratiques quotidiennes. Et cependant, quelques pistes s’offrent à nous : les textes et les représentations qui, une fois que l’on a évalué correctement leur signification, se fondent nécessairement sur des aspects de la vie réelle. Enfin il reste des vases, vides ou contenant encore des restes. On se prend alors à rêver de recettes antiques…
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A la fin de la préhistoire, avant l’apparition de la civilisation pharaonique sur les rives du Nil, on ne sépare pas un défunt de sa palette à fard : on la dépose près de sa tête dans la sépulture. Ce fard vert est un minerai de cuivre, la chrysocolle, que l’on broie en poudre, à l’aide d’un galet, sur la palette. Il reste en usage jusqu’au début de l’Ancien Empire, puis est supplanté sous la IVe dynastie, à l’époque des grandes pyramides de Giza, par le fard noir à base de galène. Le poisson est la forme animale la plus couramment employée pour les palettes à fard de l’époque de Nagada, au dernier millénaire de la préhistoire, avant la naissance de la civilisation pharaonique. Il n’est pas rare d’observer des traces d’usure prononcée au milieu de la palette, indice de broyages répétés.
 
Palette à fard en forme de poisson de l’époque prédynastique
 
A l’Ancien Empire (vers 2700-2200 av. J.-C.), hommes et femmes considèrent les deux fards à yeux (vert de cuivre et noir de galène) et les huiles comme des produits particulièrement désirables pour leur vie d’outre-tombe. Ces produits de soin ne sont pas en eux-mêmes considérés comme sacrés. Ils ne font l’objet d’aucune formule dans les « Textes des Sarcophages » et dans le « Livre des Morts », les grands recueils de textes qui accompagnent le mort égyptien, pendant deux mille ans. Les biens désirés dans ces livres sont la nourriture, l’eau et le doux souffle du vent du nord…
L’archétype du vase à onguent parfumé pendant plus d’un millénaire, de la fin de l’Ancien Empire à la fin du Nouvel Empire, 2200-1200 avant J.-C., est en forme de cône légèrement cintré : on le porte à son nez comme on respire la fleur de nénuphar bleu odorante. Ce produit parfumé est appelé « l’onguent-set de fête », comme s’il était préparé spécialement à l’occasion de festivités. A côté de cette forme bien caractéristique, il existe de nombreuses autres types de vases qui ont du contenir des huiles parfumées. Souvent taillés dans des pierres recherchées, ils représentent en eux-mêmes des articles de luxe. Réutilisables à volonté, ils ne correspondent donc pas à un contenu permanent et identique comme c’est le cas pour nos flacons de parfum contemporains.
L’Égypte ancienne ignore la technique de la distillation ; les produits parfumés consistent en onguents et en huiles mêlés de certains composants odorants extraits de plantes ou de résines, par macération préalable, parfois dans du vin, ou par l’expression du jus.
A la Deuxième Période Intermédiaire et au début du Nouvel Empire, entre 1700 et 1500 avant J.-C., les Égyptiens ont exploité des mines de galène, un sulfure de plomb qui est à la base du fard noir ou kohol, au Gebel Zeit, dans la montagne au bord de la mer Rouge. Un petit sanctuaire à la déesse Hathor, patronne des mines, a livré les restes d’objets déposés en offrande à cette grande déesse de l’amour et de la fécondité. Ce sont essentiellement des figurines de femmes nues, modelées en terre cuite, aux visages à peine esquissés, mais aux caractères sexuels développés, habillées de tissus de lin et parées de bijoux.
L’examen des représentations qu’offre l’art égyptien est un mode d’approche de l’univers des parfums et des fards qui n’est pas sans présenter des difficultés d’interprétation. Les hommes et les femmes de l’Égypte ancienne ressemblaient-ils vraiment aux images qu’ils ont laissées ? L’art place le masque de son style entre nous et la réalité passée, qu’il faut décrypter.
 
 
Il est manifeste que les visages et les corps représentés constituent un idéal de beauté conventionnel, et ne reflètent que rarement les caractéristiques des individus, peu importantes aux yeux des Égyptiens. En revanche, les standards de la mode et de l’esthétique sont probablement fidèlement reproduits ; les quelques perruques et vêtements retrouvés témoignent en faveur de l’exactitude des figurations égyptiennes, à l’intérieur des contraintes imposées par le style de dessin. Le maquillage des yeux tel qu’il est reproduit dans l’art est-il inventé de toute pièce ? 
Une des énigmes des représentations égyptiennes est celle du cône sur la perruque. Les textes et les scènes attestent la pratique de verser sur la tête des parfums liquides, à base de myrrhe. Dans les banquets figurés dans les chapelles des tombeaux du Nouvel Empire, des serviteurs passent de la pommade sur les bras et sur la perruque des invités. La volonté des Égyptiens de rendre visible les éléments importants que l’œil ne voit pas les amène à pratiquer le rabat à la verticale ; le cône est sans doute à l’origine le « rabat » d’une couche de pommade. Les parfums tenaient une grande part lors des repas : vase à onguent et fleur de lotus portés aux narines, fleurs sur les mets, sur les têtes, autour du cou.
 
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Des nombreux objets d’art ont été conservés de cette époque, beaucoup ont trait à la toilette, signe de l’importance de ces préoccupations dans la vie égyptienne : des flacons raffinés, en matériaux précieux, empruntant des formes inventives, qui rompent avec la grande statuaire. Ils proviennent des caveaux des tombes, car il est d’usage à cette époque de déposer auprès du cercueil, parfois à l’intérieur auprès de la momie, les ustensiles employés sur terre, comme s’il s’agissait d’un simple déménagement.
Les usages demeurent parfois mystérieux : soit parce qu’ils ne contiennent plus aucun reste, comme c’est le cas des jolies cuillères dites « à fard », soit parce que l’analyse des produits contenus, comme celle des graisses, ne livre pas leur usage avec certitude. Aucun de ces vases ne porte une prière pour le mort ou une dédicace à un dieu, ce qui indique leur caractère profane ; leur emploi ne correspondait donc pas à des « rites » autres que le désir d’être conforme au goût du jour.
 
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Cuillère à fard en forme de bouquet de lotus
Bois – L : 20,2 cm, l : 7,6 cm – Provenance inconnue, Nouvel Empire
Hannover, Kestner-Museum, 2873
Cette cuillère associe deux végétaux, le lotus et le perséa. Le motif est sculpté en creux et forme le cuilleron destiné à contenir le fard ; un petit couvercle monté sur pivot, aujourd’hui perdu, devait fermer le récipient. La silhouette cordée du fruit de perséa évoque le disque solaire émergeant du lotus primordial au moment de la « Première fois ». Le fruit du perséa est lié à l’évocation du renouvellement du cycle vital de la crue. La transposition du milieu naturel sur le plan mythique et cosmique garantit au détenteur de l’objet le retour du cycle et par là-même la renaissance.

Au VIIIe siècle avant J.-C. apparaît un nouveau type de vase dont la forme évoluée sera reprise dans tout le Proche-Orient méditerranéen comme flacon à huile parfumée : l’alabastron. La réputation de l’Égypte comme fournisseur de parfums est grande dans le monde grec qu’elle côtoie de façon accrue à partir du VIe siècle av. J.-C.
A partir du IVe siècle avant J.-C., la ville de Mendès dans le delta est régulièrement citée comme le lieu de production de parfums recherchés et exportés. Pline, au Ier siècle de notre ère, en livre les composants principaux : de la myrrhe, de l’huile, de la résine. Les auteurs classiques citent également le vin, le miel, la cardamome dans la composition d’autre onguents égyptiens.
Les parfums avaient même leur divinité, incarnée par Chesmou, représenté sous forme humaine à tête de faucon, de bélier ou de lion suivant les époques. Il tient généralement dans les mains deux vases à onguents dont les formes nous rappellent celles des vases de pierre que les Égyptiens réservaient à ces précieux produits. Le rôle de parfumeur divin dévolu à Chesmou ne cessa de croître les siècles passant. Les plus grands temples se dotèrent ainsi de « chambres à parfums » à la fois laboratoire de confection et lieu de stockage comme on peut encore en voir à Edfou ou à Dendérah.
Les onguents utilisés dans les temples donnaient lieu au mélange d’huiles (de lin, de castor, de palme, etc.) avec des parfums les plus précieux importés généralement de l’Orient à prix d’or : benjolin, extrait de cèdre du Liban, myrobolan d’Arabie, encens et myrrhe du Yémen, oliban et térébinthe du pays de Pount, cinnamone d’Éthiopie ou encore nard de l’Inde. S’y ajoutaient encore des extraits de genêt, de labdamum, de safran, d’anis, de menthe poivrée, de cannelle … preuve de la variété et des origines diverses des produits utilisés
Sources Egypte vivante.

Néfertiti.


Néfertiti, la belle est venue



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Son nom signifie « la belle est venue » et force est d’admettre, en contemplant le fameux buste polychrome de la reine Néfertiti exposé au musée d’égyptologie de Berlin, que rarement patronyme fut aussi mérité !
Comment en effet ne pas tomber sous le charme de ce masque, à la fois serein et énigmatique, de ce visage au profil racé, aux traits harmonieux, aux lèvres sensuelles et délicatement modelées, aux yeux dont l’expression accuse une inexprimable douceur ? Comment ne pas admirer ce long cou à la ligne pure et flexible, qui témoigne ce que devait vraiment être la majesté de cette reine ?
A contempler cette troublante effigie surmontée de la tiare royale, on se prend à douter que trois millénaires nous séparent de cette femme ravissante. Il émane de la physionomie façonnée dans la pierre, de la délicatesse et de la transparence de sa carnation, une telle envoûtante vérité, une telle sensation de vie, qu’on pourrait facilement imaginer à la regarder qu’elle est l’incarnation de chair et de sang d’une de nos contemporaine. Comment ne pas croire que l’artiste qui a créé telle effigie n’a pas touché du bout du doigt l’immortalité tant désirée par le peuple du Nil ?
Sources Egypte vivante.

Shou et Tefnout, les jumeaux cosmiques.


Shou et Tefnout, les jumeaux cosmiques

Shou&tefnou Dans la cosmogonie héliopolitaine, lorsque le démiurge Atoum-Rê émergea du Noun et pris conscience de son existence, il créa de sa propre substance le premier couple divin : Shou et Tefnout. Deux versions nous sont proposées par le clergé pour expliquer la naissance « asexuée » de la descendance du créateur : il fit naître ses enfants de sa semence en se masturbant ou les a expectoré « d’un crachat de sa bouche ». Cette dernière version a probablement été suggérée par le jeu de mots entre les noms Shou et Tefnout et les racines de deux verbes signifiant « cracher » (ishesh et tef).
Shou représente à la fois la lumière et le souffle vital, tandis que sa sœur Tefnout, est le vecteur de la chaleur et incarne l’harmonie divine sans laquelle l’univers ne saurait advenir. Ils sont inséparables l’un de l’autre et incarnent les aspects fonctionnels d’une seule et unique émanation : le rayonnement solaire.
On rencontre l’image de Shou et de Tefnout sous la forme de deux lions dos à dos incarnant la double montagne de l’horizon. Ils sont alors chargés de mettre au monde chaque jour le soleil dont ils sont issus. Cette contradiction apparente s’explique par le fait que l’astre solaire ne se révèle que par l’intermédiaire de ses enfants ; ils n’existent que parce qu’Atoum-Rê les a engendrés, mais à l’inverse, le créateur ne vit que parce que Shou et Tefnout véhiculent son énergie, lui permettant ainsi de se manifester. Le premier couple divin évoque donc, par son ambivalence entre les formes créatrices et les formes créées, la répétition inlassable des cycles de la vie qui naît perpétuellement d’elle-même.
Rê lui-même s’exprime en ces termes à propos de ses enfants :
« Celle qui vit, Tefnout, est ma fille qui existera avec son frère Shou. Son nom (à lui) est Vie ; son nom (à elle) est Maât. Je vis avec mes deux enfants. Je vis avec mes deux oisillons, alors que je suis avec eux, en leur sein, l’un étant derrière moi, l’autre devant moi. « Vie » repose avec ma fille « Maât », l’un étant en moi, l’autre autour de moi. Je me tiens debout sur eux, leurs bras étant autour de moi ».
Textes des Sarcophages, chapitre 80, 32b – 33a
Afin de poursuivre l’œuvre créatrice du démiurge, Shou et Tefnout s’unirent et mirent au monde le deuxième couple divin. Nés « naturellement » de leurs parents, Geb et Nout représentent les éléments matériels de l’univers sensible : la terre et le ciel. Lorsque Rê appris que ces derniers se furent unis en secret, il ordonna à Shou de séparer ses enfants, laissant Geb à terre et envoyant Nout dans les hauteurs célestes. Shou personnifia ainsi l’espace séparant le ciel et la terre, un espace qui permet la diffusion de la lumière, la totale expression du dieu universel. De nombreux documents illustrent donc Shou, les bras levés, maintenant le corps filiforme de sa fille Nout, loin au-dessus de Geb langoureusement allongé sur le sol. Il est ainsi un séparateur mais aussi un lien entre les deux éléments et garantit ainsi la cohésion du monde.
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Shou, à la requête de son père Rê sépare Nout (dont le corps est constellé d’étoiles) de son frère et amant Geb qui reste alongé sur le sol.
Dans son rôle de soutien de la voûte céleste, Shou est assisté par huit génies appelés hehou qui se tiennent aux quatre coins du monde et constituent les piliers du firmament. Lorsque ces derniers adoptent la forme de sceptres ouas, ils personnifient la puissance créatrice incarnée par Shou.
En tant que propagateur des sources de toute existence, Shou est en sois la « Vie » symbolisée dans l’écriture et l’iconographie par le signe ânkh. Ce symbole est figuré non seulement dans la main de Shou mais aussi dans celle de presque toutes les entités divines car elles sont les dispensatrices universelles de la vie et des instruments de la création. Lorsqu’il est représenté seul, Shou apparaît généralement sous la forme d’un homme coiffé d’une plume d’autruche à l’extrémité recourbée.
Dans les « Textes des Pyramides », le pharaon défunt est assimilé à Shou (la lumière) qui lui permet de vivre ; il est le « fils du cœur de la lumière » et peut ainsi se déplacer comme elle. C’est cette lumière qui élève Pharaon vers le ciel. Tefnout, remplie par la lumière divine, donne la main au pharaon ; de ses bras, elle élève la terre sous le ciel. Tefnout est la mère du pharaon, elle est le serpent de feu (l’uraeus) qui anime son sceptre.
Sources Egypte vivante.

Le retour de la Lointaine Divinité égyptienne.

Le retour de la Lointaine

Tefnout, ivre d’indépendance, décida un jour de quitter son père pour aller vivre dans le désert oriental de la Nubie. Sous les traits d’une lionne féroce, elle errait dans les contrées désertiques à l’affût de chair et de sang. De ses yeux fusaient des éclairs et de sa bouche sortaient des flammes. Elle inspirait la terreur et personne n’osait s’en approcher de peur d’être dévoré. Le temps passant, Rê se morfondait de ne plus voir revenir sa fille ; il convoqua l’assemblée divine et désigna Shou et Thot pour convaincre Tefnout de revenir.
Lorsqu’ils arrivèrent en Nubie et qu’ils aperçurent la lionne enragée, ils n’osèrent pas s’en approcher. Ils se transformèrent alors en deux petits singes, qui par leur aspect insignifiant, ne pouvaient inquiéter la redoutable lionne. Thot s’approcha alors de la déesse et l’amadoua, en lui racontant des fables et en lui faisant miroiter l’accueil triomphal qu’elle recevrait lors de son retour au pays. Il la flatta, lui expliqua combien elle était resplendissante : « Plus douce est ta belle bouche que les champs quand ils verdoientLes globes de tes yeux sont plus beaux que le ciel quand il est pur de nuagesPlus doux est ton discours, quand il est bienveillant, que le bon vent du nord sur la mer quand elle a cessé d’être calme … ».
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Fresque de la chapelle romaine du temple de Dakka (Basse Nubie) représentant Shou sous la forme d’un petit singe qui amadoue la féroce lionne de Nubie (Photo : Méryrê, 2001)
Petit à petit, tout en fascinant son auditrice par ses histoires merveilleuses, le petit singe se rapprocha de l’Égypte. De son côté, Shou était si heureux de retrouver sa sœur, qu’il ne cessa de danser autour d’elle. Arrivé à hauteur de la Première Cataracte, Thot précipita la lionne dans les eaux bouillonnantes du Nil. Cette immersion soudaine apaisa l’agressivité de la déesse qui ressorti sous les traits de la déesse Hathor abandonnant définitivement ses aspects redoutables. À Philae elle fut accueillie dans la liesse et la réconciliation avec son père y fut fêtée avec l’année nouvelle. Partout en Égypte on célébra son retour avec des offrandes et des danses. Retrouvant son pays, et cette fois sous les traits d’une paisible chatte (Bastet), elle protégea tous les foyers et incita à la maternité en offrant l’image d’une mère entourée de sa nombreuse progéniture.
Cette très belle légende, connue sous le nom de « mythe de la Lointaine » met l’accent sur le parcours de l’astre solaire et sur le retour cyclique de l’inondation bienfaisante. L’isolement de Tefnout en Nubie sous les traits de « La Redoutable » symbolise la sécheresse que subit la terre d’Égypte en plein été, tandis que son retour, sous les traits de la paisible Hathor, coïncide avec la montée des eaux de la crue du Nil. Ce lien qui unit intimement la fille du soleil aux flots salvateurs de l’inondation, seuls capables d’assurer la survie au peuple d’Égypte, confirme, dans la mythologie, la toute puissance du pouvoir créateur de l’astre solaire.
Comme toutes les entités féminines, Tefnout contient en elle les deux qualités nécessaires à la création du monde ordonné et organisé : la faculté de donner la vie et l’agressivité nécessaire à sa protection. Dans le rôle de « celui qui ramène la Lointaine », Shou, appelé In-Héret (Onouris pour les Grecs), est alors représenté comme un homme portant sur la tête une coiffe composée de quatre hautes plumes dressées. Il est alors, non seulement le symbole de la vie, mais aussi le responsable de sa conservation.
De par leurs multiples fonctions, les jumeaux de Rê sont des entités divines indispensables au maintien de la vie et à la conservation de l’équilibre cosmique sans lequel le monde sensible ne pourrait exister.
Les "jumeaux cosmiques" Shou et Tefnout sans la chapelle romaine du temple de Dakka en Basse-Nubie. Ils sont ici représentés face à face ce qui est inhabituel mais rappelons-le il s’agit ici d’une fresque de l’époque romaine (Photo : Méryrê, 2001)
Sources Egypte vivante.