Le retour de la Lointaine
Tefnout, ivre d’indépendance,
décida un jour de quitter son père pour aller vivre dans le désert
oriental de la Nubie. Sous les traits d’une lionne féroce, elle errait
dans les contrées désertiques à l’affût de chair et de sang. De ses yeux
fusaient des éclairs et de sa bouche sortaient des flammes. Elle
inspirait la terreur et personne n’osait s’en approcher de peur d’être
dévoré. Le temps passant, Rê se morfondait de ne plus voir revenir sa
fille ; il convoqua l’assemblée divine et désigna Shou et Thot pour
convaincre Tefnout de revenir.
Lorsqu’ils arrivèrent en Nubie
et qu’ils aperçurent la lionne enragée, ils n’osèrent pas s’en
approcher. Ils se transformèrent alors en deux petits singes, qui par
leur aspect insignifiant, ne pouvaient inquiéter la redoutable lionne.
Thot s’approcha alors de la déesse et l’amadoua, en lui racontant des
fables et en lui faisant miroiter l’accueil triomphal qu’elle recevrait
lors de son retour au pays. Il la flatta, lui expliqua combien elle
était resplendissante : « Plus douce est ta belle bouche que les champs quand ils verdoient … Les globes de tes yeux sont plus beaux que le ciel quand il est pur de nuages … Plus doux est ton discours, quand il est bienveillant, que le bon vent du nord sur la mer quand elle a cessé d’être calme … ».
Fresque de la chapelle romaine
du temple de Dakka (Basse Nubie) représentant Shou sous la forme d’un
petit singe qui amadoue la féroce lionne de Nubie (Photo : Méryrê, 2001)
Petit à petit, tout en
fascinant son auditrice par ses histoires merveilleuses, le petit singe
se rapprocha de l’Égypte. De son côté, Shou était si heureux de
retrouver sa sœur, qu’il ne cessa de danser autour d’elle. Arrivé à
hauteur de la Première Cataracte, Thot précipita la lionne dans les eaux
bouillonnantes du Nil. Cette immersion soudaine apaisa l’agressivité de
la déesse qui ressorti sous les traits de la déesse Hathor abandonnant
définitivement ses aspects redoutables. À Philae elle fut accueillie
dans la liesse et la réconciliation avec son père y fut fêtée avec
l’année nouvelle. Partout en Égypte on célébra son retour avec des
offrandes et des danses. Retrouvant son pays, et cette fois sous les
traits d’une paisible chatte (Bastet), elle protégea tous les foyers et
incita à la maternité en offrant l’image d’une mère entourée de sa
nombreuse progéniture.
Cette très belle légende,
connue sous le nom de « mythe de la Lointaine » met l’accent sur le
parcours de l’astre solaire et sur le retour cyclique de l’inondation
bienfaisante. L’isolement de Tefnout en Nubie sous les traits de « La
Redoutable » symbolise la sécheresse que subit la terre d’Égypte en
plein été, tandis que son retour, sous les traits de la paisible Hathor,
coïncide avec la montée des eaux de la crue du Nil. Ce lien qui unit
intimement la fille du soleil aux flots salvateurs de l’inondation,
seuls capables d’assurer la survie au peuple d’Égypte, confirme, dans la
mythologie, la toute puissance du pouvoir créateur de l’astre solaire.
Comme toutes les entités
féminines, Tefnout contient en elle les deux qualités nécessaires à la
création du monde ordonné et organisé : la faculté de donner la vie et
l’agressivité nécessaire à sa protection. Dans le rôle de « celui qui
ramène la Lointaine », Shou, appelé In-Héret (Onouris pour les
Grecs), est alors représenté comme un homme portant sur la tête une
coiffe composée de quatre hautes plumes dressées. Il est alors, non
seulement le symbole de la vie, mais aussi le responsable de sa
conservation.
De par leurs multiples
fonctions, les jumeaux de Rê sont des entités divines indispensables au
maintien de la vie et à la conservation de l’équilibre cosmique sans
lequel le monde sensible ne pourrait exister.
Les "jumeaux cosmiques" Shou et
Tefnout sans la chapelle romaine du temple de Dakka en Basse-Nubie. Ils
sont ici représentés face à face ce qui est inhabituel mais rappelons-le
il s’agit ici d’une fresque de l’époque romaine (Photo : Méryrê, 2001)
Sources Egypte vivante.