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mercredi 24 octobre 2012
Les Nazaréens français.
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Les Nazaréens français. Théorie et pratique de la peinture religieuse au XIXe siècle
Auteur : Michel Caffort
Depuis longtemps, Michel Caffort défend une thèse qu’il a exposée déjà dans de nombreux articles et à laquelle il consacre aujourd’hui un livre tout entier. Il y aurait eu, en France, dans la première moitié du XIXe siècle, un mouvement artistique qu’il appelle « nazaréen français » et qui serait basé tout entier sur le modèle des nazaréens allemands.
Ces derniers, réunis autour d’Overbeck à Rome, formaient effectivement, dans la deuxième décennie du siècle, un groupe, presque une secte. Leur mot d’ordre était le retour au Moyen Age (allant en réalité jusqu’au début du Cinquecento). Foi exacerbée, vie en commun, les peintres nazaréens affectaient même de ressembler au Christ, en portant la barbe et les cheveux longs et en s’habillant d’une longue tunique.
Cette confrérie de Saint-Luc (Lukasbruder) comme ils appelaient eux-mêmes leur société ne dura qu’une dizaine d’années, la plupart d’entre eux, à l’exception d’Overbeck, quittant Rome dans les années 1820 pour mener ensuite une carrière chacun de leur côté.
On voit donc à quel point le terme « nazaréen » recouvre une réalité qui n’est pas qu’artistique mais aussi philosophique, religieuse, quasiment mystique. Cela signifie-t-il que l’on peut isoler en France une « tribu de nazaréens » pour reprendre le mot utilisé par l’élève lyonnais d’Ingres Claudius Lavergne, que cite Michel Caffort ? Rien n’est moins sûr. Peut-on vraiment qualifier ainsi des peintres aussi divers que des élèves d’Ingres comme Amaury-Duval et Claudius Lavergne, des élèves de Gros comme Orsel ou Périn ou encore de François-Edouard Picot comme Emile Signol et Jean-Louis Bezard ? Ce dernier, pour ne citer que lui que nous avons justement étudié1, n’avait pas une foi particulièrement développée. Il prouva même, par sa participation à la grande entreprise de décor du Panthéon avec Paul Chenavard, que sa religion s’il en avait une n’avait rien d’orthodoxe. Au XIXe siècle encore plus qu’aux précédents, on pouvait peindre des tableaux religieux sans être croyant.
Qu’il soit lauréat du prix de Rome ou non, presque aucun peintre ne manquait de voyager en Italie. Sans doute virent-ils, pour certains d’entre eux, les décors laissés par les allemands à la Casa Bartholdy et au Casino Massimo. Mais ces œuvres eurent-elles véritablement une influence sur eux ? Peut-être, mais ce constat mériterait d’être approfondi et étayé, ce qui n’est pas le cas dans cet ouvrage. Les peintres français visitaient abondamment tous les lieux décorés par les maîtres anciens. Ont-ils peints dans un style primitivisant grâce à cette connaissance directe ou par l’intermédiaire des œuvres des nazaréens allemands ? Les deux sont possibles, mais la première hypothèse semble largement plus crédible. Certains peintres italiens, dont parle d’ailleurs Michel Caffort, tels que Tommaso Mainardi ou Luigi Mussini pratiquaient également ce style qu’on qualifie alors de « puriste ».
C’est ainsi que de nombreux artistes, parmi lesquels on retient les noms déjà cités, et d’autres comme Gabriel Tyr, Savinien Petit, Pierre-Auguste Pichon, connus ou méconnus, peignirent parfois dans un style qui n’était pas un pastiche mais une réinterprétation de l’art du trecento et du quattrocento.
Ce livre manque d’une mise en perspective plus générale. Son sous-titre, « Théorie et pratique de la peinture religieuse au XIXe siècle », pourrait laisser entendre le contraire. Or il n’est question ici que de quelques peintres, ceux que Michel Caffort inclut dans ce groupe des « nazaréens français » quand en réalité, répétons-le, ils n’avaient parfois rien en commun, sinon le style de certains de leurs tableaux. La peinture religieuse du XIXe siècle en France ne se résume pas à une opposition entre « nazaréens » et davidiens comme on pourrait le croire à la lecture de cet ouvrage. Au moins aurait-il fallu replacer ces artistes dans le contexte de la peinture religieuse de l’époque et expliquer pourquoi certains, qui ont également réalisé des peintures fortement inspirées des primitifs italiens ne font pas partie de cette « tribu » de nazaréens. Le critère qualitatif n’est d’ailleurs pas retenu pour les sélectionner. A côté de peintres religieux importants tels que Victor Orsel, Alphonse Périn ou même Adolphe Roger, Jean-Louis Bezard ou Emile Signol, on trouve citées et largement reproduites les œuvres d’artistes sans grande envergure tels que le comte de Galembert, Denis-François-Xavier Bourges ou Louis-Paul-Joseph Chifflet. Or, les Allemands autour d’Overbeck, s’ils recherchaient délibérément une certaine naïveté dans leurs compositions – un critère fondamental caractérisant la peinture nazaréenne – étaient d’authentiques peintres. On ne peut confondre naïveté assumée et incapacité à peindre correctement. Chifflet ou Bourges ne sont pas naïfs, ils sont juste médiocres. Quant aux autres, ils ne sont jamais naïfs au sens des nazaréens allemands, ce qui les en différencie encore davantage.
1. Henri Lehmann (1814-1882)
Sainte Catherine d’Alexandrie portée au tombeau
Huile sur toile - 152 x 262 cm
Montpellier, Musée Fabre
Photo : D. R.
Si ces artistes avaient formé une réelle communauté, ce parti-pris aurait pu être admis, mais ce n’est pas le cas. Beaucoup d’excellents peintres sont ignorés sans qu’on nous dise jamais pourquoi ils ne sont pas « nazaréens ». Le premier d’entre eux est Hippolyte Flandrin qui, à l’église Saint-Martin d’Ainay à Lyon ou dans le chœur de Saint-Paul de Nîmes (Christ Pantocrator, Couronnement de la Vierge et Ravissement de saint Paul), a laissé de nombreux décors sur fond d’or. On pourrait citer aussi Henri Lehmann avec un tableau comme Sainte Catherine d’Alexandrie portée au tombeau du Musée Fabre de Montpellier (ill. 1), pas si éloigné de l’art d’Amaury-Duval, François-Edouard Picot avec le décor de l’abside de Saint-Vincent-de-Paul à Paris ou encore Dominique Papety (Saint Joseph et l’Enfant Jésus à Saint-Victor de Marseille), Sébastien Cornu (Anges provenant de la chapelle de l’Elysée, déposés au Louvre), Romain Cazes (Couronnement de la Vierge au Louvre ou décor de l’église de Bagnères-de-Luchon dont une esquisse se trouve à Toulouse) ou encore Louis Janmot avec notamment son triptyque de la primatiale Saint-Jean de Lyon (ill. 2).
2. Louis Janmot (1814-1892)
Triptyque du Mois de Marie, 1850
Huile sur bois
Panneau central : 106 x 51 cm
Volets latéraux : 122 x 35 cm
Lyon, primatiale Saint-Jean
Photo : Didier Rykner
3. Eugène-Emmanuel Amaury-Duval (1808-1885)
La Naissance de Vénus, 1862
Huile sur toile - 197 x 109 cm
Lille, Palais des Beaux-Arts
Photo : Didier Rykner
Le livre de Michel Caffort n’est pas pour autant sans mérites. Il est incontestable que si l’existence des nazaréens français est douteuse, il y a dans la peinture religieuse française de la première moitié du XIXe siècle (et parfois même au delà) un courant stylistique que l’on peut, faute de mieux et la naïveté en moins, qualifier ainsi. Il est difficile de parler de peintres nazaréens français mais il existe des tableaux français nazaréens qui cherchent à réinterpréter la peinture italienne des anciens maîtres. Amaury-Duval en a peint beaucoup, mais ses tableaux profanes comme la Vénus sortant du bain du Salon de 1863 (ill. 3) n’ont évidemment pas grand chose à faire avec l’art d’Overbeck. Lehmann n’en a réalisé que très peu, mais sa Sainte Catherine d’Alexandrie déjà citée pourrait être incluse dans le lot ou son Autoportrait en moine. Comme toutes les classifications, celle de « nazaréenne » pourrait être admise à condition qu’elle ne s’applique pas aux peintres, mais aux œuvres.
On relativisera donc nos critiques sur la thèse de Michel Caffort. Il a le mérite de proposer une lecture d’une partie de l’art religieux français du XIXe siècle, un domaine longtemps sous-estimé et que les historiens de l’art cherchent encore à théoriser. Sans doute d’ailleurs l’auteur connaît-il trop bien la littérature religieuse du XIXe. Il a étudié et fait l’exégèse de tous les auteurs catholiques du siècle, pas uniquement des plus connus tels que Rio, Lamennais ou Lacordaire. Cependant, cette érudition n’était probablement pas celle de la majorité des artistes de l’époque. Il y a ainsi un risque de surinterprétation des œuvres picturales à penser qu’elles sont inspirées par la lecture de certains traités religieux obscurs que la plupart ne connaissaient probablement pas (un point essentiel de la démonstration de Michel Caffort) quand elles sont surtout redevable de l’exemple des peintres contemporains ou de ceux du passé. Si l’on apprend qu’il y a bien eu, en France, certaines confréries religieuses laïques regroupant quelques artistes, rares furent ceux à en faire partie et encore plus rares les peintres d’envergure. Claudius Lavergne fut prieur de la communauté de saint Jean-l’Evangéliste à laquelle appartenait aussi Louis Hallez, peintre et dessinateur sans réel talent ; le comte de Galembert fonda à Tours une Société de Saint-Grégoire... On est en réalité bien loin de la confrérie de saint Luc d’Overbeck.
Retenons aussi un autre aspect passionnant du livre de Michel Caffort : sa riche iconographie, et la prise en compte pour la première fois (hors ses articles précédents) de décors jamais ou rarement étudiés. Le lecteur pourra ainsi découvrir des œuvres peu connues du XIXe siècle français. Ce goût de l’inédit, ces recherches qui s’orientent délibérément vers certains des aspects les moins étudiés de l’art français sont une des principales qualité de cet ouvrage que l’on conseillera2 à tous ceux qui souhaitent sortir des sentiers battus.
Michel Caffort, Les Nazaréens français. Théories et pratiques de la peinture religieuse au XIXe siècle, 2009, Presses Universitaires de Rennes, 257 p., 22 €. ISBN : 978-2-7535-0891-0.
Didier Rykner, dimanche 22 août 2010
Notes
1. Didier Rykner, « Jean-Louis Bezard (1799-1881). Catalogue de l’œuvre », Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art français, année 2001, 2002
2. Signalons tout de même que la multiplication des notes, des italiques, des citations et le style parfois très alambiqué en rendent la lecture difficile.
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