« Hélas Dieu, pourquoi ne me fais-tu pas naître au monde en masculin
sexe ! »
Christine de Pisan vers 1400.
Première femme à vivre de ses écrits, Christine de Pisan fut pourtant parmi celles qui permirent l’évolution du
statut des femmes en cette longue période dite du « Moyen Age ».
Dans l'antiquité grecque et romaine, les femmes n'étaient jamais représentées par et pour
elles-mêmes.
Leur image les renvoyait uniquement à leur rôle de « reproductrice » ou encore « d'objet de
désir ».
De même, dans les premiers temps de la chrétienté, selon les enseignements de l'Église, les femmes étaient soit adorées
comme la Sainte Vierge, soit soumises et méprisées comme Ève la pécheresse.
On attribue l’évolution du statut de la femme dans les premiers temps de la civilisation chrétienne, à la
reconnaissance du statut de « personne » aux femmes dans le texte biblique.
Le premier texte de la Genèse dit en effet : "Dieu créa
l'homme à son image, à l'image de Dieu, il le créa, homme et femme, il les créa " (Genèse, 1, 27).
Deux textes illustrent notamment ces bouleversements :
"De Milieribus claris" de Boccace et " La Cité des Dames" de Christine de Pisan.
Considérée
comme la première femme écrivain française, née en 1363, mariée à l'âge
de quinze ans et veuve
à vingt-cinq, elle se mit à écrire des poèmes, des allégories et des
épopées pour subvenir aux besoins de ses enfants et de sa mère. La
majeure partie de son œuvre est écrite à la gloire des
femmes de toutes classes, qu'elle a voulu réhabiliter après l'image
négative qu'en avait donnée le poème allégorique le plus populaire du
Moyen Age, « Le Roman de la Rose ».
Les femmes du Moyen Âge étaient en fait bien différentes de l'image qu'en donnaient l'Église ou la
littérature romantique, très populaire auprès de la noblesse de l'époque.
A
l'âge de la chevalerie, l'adoration de sa dame était l'équivalent, en
ce monde, du culte de la Vierge, mais les préceptes
romantiques de "l'amour courtois" ne s'appliquaient qu'à une toute
petite partie des classes supérieures. (Et encore, cette adoration
n'était-elle que relative, puisque le droit canon autorisait
à battre sa femme)
Pour dépasser les images imposées par l'Église et les romans populaires, et pour découvrir le monde réel des
femmes médiévales, nous disposons de lettres, de testaments,
de baux commerciaux et documents légaux, de registres de couvents et de
domaines seigneuriaux, et aussi d’enluminures et de gravures sur
bois des premiers livres imprimés, qui complètent le « tableau » que
nous avons de cette époque.
En fait, au Moyen
âge,et surtout au cours du haut Moyen-Âge, les femmes jouissent d’un statut social important.
Pour comprendre ce qu'était vraiment la vie de la femme en ce temps-là, il nous faut tout d'abord savoir quelle était sa
place dans la société.
Était-elle noble, paysanne ou bourgeoise?
Dans chaque classe sociale, les femmes étaient soumises à un schéma bien précis. Mais, dans le même temps, elles se chargeaient souvent des mêmes tâches que les hommes de leur classe.
Les châtelaines étaient très bien formées et exerçaient des responsabilités dans la bonne marche du
domaine.
Comme leur mari s'absentait souvent pour combattre dans les guerres et les croisades, la responsabilité de la
vie quotidienne de leur fief reposait sur leurs épaules.
Femmes défendant un château avec arcs et arbalètes -
Walter de Milemete - 1326-27
Les paysannes devaient assumer toutes les tâches agricoles traditionnelles : la traite des vaches, le
brassage de la bière, le filage et le tissage, et même le labourage lorsque cela s'avérait nécessaire.
Les années 1300 à 1550 constituent une période de transition entre la fin du système féodal et les débuts
de l'Europe moderne.
Cardage, Filage et tissage de la laine -
Boccace XV° s.
La principale nouveauté de l'époque est l'avènement d'une bourgeoisie commerçante.
Avec
la croissance des villes, le pouvoir passe peu à peu des mains des
nobles propriétaires terriens et de l'Église à une
bourgeoisie en développement. Avec la laïcisation croissante de la
société européenne, les langues vernaculaires prennent une place plus
importante dans la littérature, qui profite également de
l'invention de l'imprimerie.
Certains
laïcs favorisent ce développement en faisant l'acquisition de
bibliothèques, en faisant imprimer des livres et en
payant des traductions du latin. C'est probablement cette
laïcisation qui a permis aux illustrations, qu'il s'agisse d'enluminures
ou de gravure sur bois, de dépeindre la vie réelle.
Dans la bourgeoisie en plein développement, les femmes avaient souvent des activités
commerçantes considérées jusque-là comme le domaine réservé des hommes : elles travaillaient comme apothicaires, coiffeuses, artistes,
ouvrières de la soie, armurières, tailleurs et autres spécialités requérant un apprentissage.
La plupart des corporations excluaient les femmes, à l'exception des épouses et des filles des membres de la corporation
ayant suivi un apprentissage.
Femme tailleur coupant un patron -
Boccace - XV° s.
Certaines femmes étaient établies comme des "femmes
soles", terme légal qui signifiait« commerçantes indépendantes ». Il ne s'agissait pas seulement de veuves et de célibataires, mais aussi de femmes mariées qui,
dans certains cas, portaient toute la responsabilité financière de leur affaire.
Certains talents étaient communs aux femmes de toutes les classes. De nombreuses enluminures
en dépeignent qui filent, cardent la laine et tissent, car les femmes faisaient tourner à elles seules l'industrie textile de l'époque.
Elles étaient également sages-femmes et devaient pouvoir faire face à toutes les urgences
médicales et chirurgicales survenant dans
leur foyer. Toutefois, si une femme désirait exercer la médecine ou
pratiquer certains soins à l'extérieur de chez elle, elle
encourait le risque d'une sanction sociale et légale et, pis encore,
pouvait être traitée de sorcière.
Certaines femmes, pourtant - notamment des épouses et des filles de médecins -, recevaient une formation médicale
précise.
Les femmes étaient de véritables artistes qui peignaient des fresques, des images ou des portraits
religieux et gravaient des bas-reliefs ou du bois.
(Les illustrations proviennent de "The Medieval woman- Illuminated book of days - Ed.Sally
Fox)
Sources L"Ocre Bleu.