jeudi 20 septembre 2012

Les templiers d'Ypres

Le Verbe d'Ivain Ivain Desprez était le fils du "chastelain" de Lessines, qui se nommait Jehan dit "de Quiévrain", et de sa femme, Aliz ; il devient moine à l'Abbaye cistercienne de Cambron après la mort de son père, en 1284, le jour de la Fête de Sainte Marie-Madeleine, bien qu’il soit le seul pour perpétuer le nom de sa branche familiale ... Prieur à partir de 1322, il est élu abbé en 1328 ; ainsi est-il connu sous le nom d'Ivo de Lessinis, selon l'usage de l'époque, selon le lieu de sa naissance, qui peut se traduire en français d'aujourd'hui par Yves de Lessines ; il meurt le 9 mars 1329 à un âge fort avancé... Il ne reste plus grand chose des bâtiments du monastère de cette époque, puisque le domaine a été transformé en carrière de pierres après la révolution française; aujourd'hui, à l'intérieur de ses anciens murs, les activités d'un parc animalier, "Pairi Daiza", se déploient parmi les rares ruines historiques... Un certain Michel de Nostredame naît le 21 décembre 1503 à Saint-Rémy-de-Provence; s’il est plus connu sous la version latine de son patronyme, le prénom choisi par ses parents n'en demeure pas mois Michelet, puisqu’il est le cadet de la famille. C’est son grand père paternel, Guy de Gassonet, d'origine juive, qui avait choisi l'identité nouvelle de Pierre de Nostredame, lors de sa conversion au catholicisme, une cinquantaine d'années auparavant; dans la foulée, il avait répudié son épouse, qui ne voulait pas quitter le judaïsme, pour en marier une autre, Blanche de Sainte-Marie... Après avoir tenté d'obtenir à Avignon un diplôme de bachelier ès arts, Michel de Nostredame doit quitter l'université un an plus tard à cause de l'arrivée de la peste; ayant pratiqué comme apothicaire, il s'inscrit neuf ans plus tard à la Faculté de Montpellier en vue d'obtenir son doctorat en médecine; il se fait certes connaître grâce aux remèdes qu'il a mis au point, mais il est bientôt expulsé pour avoir exercé ce métier interdit par les statuts de l'université; son inscription et sa radiation, en 1529, restent les seules traces de ses exploits académiques... Quatre ans plus tard, il s'établit à Agen, où il pratique les soins à domicile; il s'y marie; assez vite, ses activités douteuses et ses idées progressistes inquiètent les autorités... Convoqué par l'Inquisition pour répondre d'hérésie, il se garde bien de se présenter devant le tribunal ecclésiastique... Aussi voyage-t-il... C'est ainsi qu'il se retrouve à Bordeaux vers 1539, à nouveau poursuivi par le Saint Office, de sorte qu'il s'y dirige vers le nord... Dans le port, il est facile de s'embarquer par mer vers la côte flamande... Ses pérégrinations conduisent notre homme jusqu'à l'Abbaye de Cambron. Le monastère est prospère, en particulier grâce au culte de Notre-Dame... En 1322 s'était produit un incident grave; une image de la Vierge Marie tracée sur le mur de la salle des hôtes à l'aide de simple traits avait été profanée par un agent fiscal du Comte de Hainaut, qui était son parrain ; d'origine juive, l'homme s'était converti au christianisme ; ainsi avait-il été baptisé sous le prénom de Guillaume, qui se dit encore "Willame" ou "Willemet". Seul juif signalé à Mons lors de premières vagues d’immigration consécutives à l’expulsion des juifs de France par Philippe le Bel en 1306, les comptes de la ville en parlent en 1320 comme de "Willaumes le Crestien", tandis que les rôles de bourgeoisie mentionnent sans discontinuer sa résidence dans le Quartier de la Rue d’Havré ; il avait farouchement nié les accusations portées contre lui par les moines ; à défaut de preuve, il ne fut guère inquiété, jusqu'à ce qu’un forgeron d’Estinnes, Jean Flamens, raconte qu’un ange, puis la Vierge, lui étaient apparus et lui avaient demandé de faire rendre justice ; selon l'usage, ce dernier provoqua le converti en duel judiciaire ; moyen de preuve décisif, le combat tourna à son avantage, sans doute à la faveur de sa constitution physique avantageuse. Condamné au supplice du feu, Guillaume aurait avoué son méfait avant de mourir. Toute l’affaire avait fait grand bruit. La littérature s'est emparée du sacrilège. Le récit primitif a été progressivement enjolivé. Au 14ème siècle, déjà, le sacrilège se retrouve dans plusieurs ouvrages. L’annaliste Guillelmus Procurator rapporte avec fidélité, quelques années seulement après les événements, le récit contenu dans une lettre écrite un an après les faits, le 27 mai 1327, par Nicolas Delhove, Abbé de Cambron, qui prie tous les évêques et les prélats de bien vouloir accorder des indulgences aux personnes qui visiteront la chapelle de la Vierge dans le monastère. Cette lettre sera paraphrasée en 1329 par une bulle d’indulgence du Pape Jean II pour cette chapelle. C'est qu'en mémoire des événements miraculeux, une procession solennelle avait été instituée le troisième dimanche après Pâques et la construction d’une chapelle avait été projetée à l'endroit où était peinte l'image qui avait été l'objet des fureurs du juif sacrilège ; Nicolas Delhove avait à peine réuni quelques matériaux pour la construction de ce bâtiment ; c’est son successeur, Yves de Lessines qui en fit jeter les fondations. Grâce aux offrandes abondantes que déposaient les fidèles, le sanctuaire fut rapidement achevé. Quelques années plus tard, en 1346, Johannes de Beka publie à Utrecht une chronique dans laquelle il raconte l’histoire des évêques de la ville et des comtes de Hollande, qui sont également comtes de Hainaut ; il y parle du sacrilège en ces termes : Guillaume « vit une belle peinture de la Vierge qu’il frappa de sa lance... mais un ruisseau de sang commença à couler de la cicatrice de la blessure ». L’élément miraculeux intervient donc dès cette époque ; en dehors du sang, très abondant, le récit reste assez sobre et proche du précédent. Enfin, deux récits anonymes, l’un en prose, l’autre en vers, du milieu du siècle, dont seuls quelques passages ont été conservé, grâce à l’Abbé Antoine Le Waitte, qui publia en 1672 son histoire de l’Abbaye de Cambron, font également apparaître les gouttes de sang sortant des blessures de la Vierge et de nombreux détails sur le duel. En 1534, Jacques Lessabée donne un récit encore assez sobre, faisant allusion au sang et au duel, en insistant sur le rôle déterminant de la Providence. Par contre, dans sa Chronique d’Hirsauge, Jean Trithème répète le récit de Johannes de Béka en amplifiant les écoulements de sang « qui couvrit abondamment le pavement de l’autel » et ajoute un dialogue entre la Vierge et Jean Flamens, qualifié pour la première fois de forgeron, pour savoir s’il doit aller tuer Guillaume. En 1604, Robert Procurateur, dit de Hautport, publie un opuscule où apparaissent deux éléments donnant au récit un caractère encore plus de pittoresque : la torture de Guillaume après ses coups de lance, qui « … quelque dure qu’elle fust ne sçeut rien arracher de la bouche de ce malheureus ... » et la description de Jean Flamens comme un vieillard handicapé : « Quatre ans après, l’ange s’apparoissant à un certain vieillard natif des Estinnes nommé Jean Flamand dit le Febvre, qui par l’espace de sept ans estoit paralyticque… ». En 1616, Walrand Caould répète les mêmes exagérations qui pimentent l’histoire de Guillaume le Juif. Le théâtre aussi s’empare du sujet. En 1639, Philippe Brasseur donne une pièce en vers composée de cinq cent trente-six hexamètres, tandis que le poète hutois Denis Coppée a écrit un drame en vers et en cinq actes, publié après sa mort, survenue en 1632. Enfin, l’œuvre d’Antoine Le Waitte comporte une synthèse peu critique des écrits relatifs au sacrilège, mais a le mérite de citer les lettres contemporaines du drame, permettant de connaître l’histoire du sacrilège sans ses exagérations poétiques. Au siècle des lumières, le souvenir de cet événement s’estompe. Les auteurs n’y consacrent plus que quelques lignes qui constituent des répétitions sans valeur. Autour de l’abbaye se développe la dévotion à Notre-Dame de Cambron. Suite à une demande faite par le roi de France, Philippe de Valois, le pape Benoît XII envoie une bulle accordant des indulgences aux pèlerins de Cambron, ce qui donne naissance à un pèlerinage. Parmi les visiteurs de marque qui se succèdent parmi les pélerins, l’empereur Maximilien Ier visite le sanctuaire lors de son passage dans les Pays-Bas ; il y laisse un don substantiel qui permet de faire appel à un artiste pour restaurer l’ancienne peinture sur bois. Lorsque Michel de Nostredame arrive à l’Abbaye de Cambron, c’est le désordre dans les Pays-Bas, en raison des guerres politiques qui sévissent alors à cause des divisions religieuses qui déchirent la chrétienté occidentale. Le logement des hôtes se situe sous la bibliothèque ; il y tombe sur un vieux manuscrit ; c’est le texte d’un poème écrit dans un dialecte ancien ; il est intrigué par le style énigmatique, le choix du vocabulaire et la conjugaison des verbes au futur ; il comporte dix centuries ; chaque partie regroupe cent quatrains décasyllabes dont les rimes sont croisées ; la césure tombe invariablement au milieu de chaque vers ; il commence la lecture par les deux premiers ; il en comprend ceci : Estant assis de nuit secret estude, Seul repousé sus la selle d’ærain, Flambe exigue sortant de solitude, Fait proferer qui n’est à croire vain. La verge en main mise au milieu de branches De l’onde il moulle & le limbe & le pied. Vn peur & voix fremissent par les manches, Splendeur divine. Le divin prés s’assied. Les texte est subtilement signé, mais il n’y comprend pas grand-chose, et, puisqu’il se dit lui-même astronome et se trouve être un adepte de la pronostication, la tournure de phrases l’intéresse certainement… En quittant les lieux, il emporte le livre dans ses bagages. Sans doute ne s’aperçoit-on que trop tard de son larcin ou peut-être la disparition du manuscrit passe-t-elle inaperçue dans la confusion générale. Forfait accompli, il se dirige vers l'Abbaye d'Orval, puis redescend vers le sud, suivant à bonne distance les traces des armées de Charles Quint ; il parle de son séjour à Vienne; on le trouve à Valence ; il s'établit finalement à Arles ; en 1544, il étudie la peste à Marseille, en compagnie, dit-il d'un médecin du nom de Louis Serres; il raconte avoir été appelé à Aix pour traiter les malades de la contagion dont la ville est affligée; il y expérimente en 1546 ses médicaments prophyllactiques à base des plante; il demeure alors à Salon-de-Provence ; la bourgade s'appelle Salon-de-Craux. En 1547, il connaît à Lyon des démêlés avec un concurrent autochtone, Philippe Sarrazin, dont les remèdes ne satisfaisaient guère ses compatriotes; le 11 novembre, il épouse en secondes noces une jeune veuve de Salon-de-Provence du nom d'Anne Ponsard; le couple y occupe la maison qui abrite aujourd'hui le musée éponyme; elle lui donne six enfants, trois filles et trois garçons ; l'aîné, César, deviendra consul de la cité; peintre, poète et historien, il s'attachera à dresser la biographe de son père, contribuant ainsi à sa renommé postume. Pour l'heure, Michel de Nostredame voyage encore en Italie de 1547 à 1549; à Milan, il rencontre un spécialiste de l'alchimie végétale, qui lui enseigne les vertus des herbes qui guérissent, dont il consignera les principes dans son Traité des confitures et fardements, qu'il publiera à Lyon en 1552. En 1550, il rédige son premier almanach populaire, qui contient une collection de prédictions prétendûment astrologiques, incorporant un calendrier pour l’année, et d’autres informations en style énigmatique et polyglotte qui devait paraître suffisamment mystérieuses à ses éditeurs pour comporter de nombreuses coquilles, où d'aucuns verront plus tard l'indication de sa dislexie. A partir de cette publication, il signe ses écrits sous le nom de Nostradamus. En 1555, il publie des prédictions perpétuelles (ce qui signifie cycliques, selon l'usage de l'époque), dans un ouvrage de plus grande envergure et presque sans indication de date précise, qui est publié par un imprimeur lyonnais du nom de Macé (c'est-à-dire Matthieu) Bonhomme. C'est le début de la publication des fameuses prophéties... Cette entreprise n’est toutefois pas sans risques. Sa renommée est telle que la reine, Catherine de Médicis, le fait appeler à la cour la même année. Le motif de l'intérêt de la reine était peut-être que, dans son dernier Almanach, Nostradamus avait mis le roi en garde contre des dangers qu'il disait ne pas oser indiquer par écrit. Inquiet des intentions royales, puisqu’il craint d'avoir la tête coupée, il se rend à Paris, où il reçoit du couple royal des gratifications qu'en public il qualifiera d'amples, mais dont il se plaint en privé qu'elles ne couvrent pas ses frais de voyage. Des nouvelles alarmantes sur l'intérêt que la justice parisienne porte à la source de sa prescience l'incitent à quitter Paris précipitamment, tant il se persuade qu'on veut sa mort… Dans les années qui suivent, il est la cible de plusieurs pamphlets imprimés. « Les attaques fusèrent de partout : de France et d'Angleterre, des milieux protestants et catholiques, des laïcs et des clercs, des poètes et des prosateurs, des adversaires de l'astrologie et des astrologues de métier, des étrangers mais aussi de ses proches ». L'ordonnance d'Orléans du 31 janvier 1561, dont l’un des auteurs était le chancelier Michel de l’Hopital, hostile à Nostradamus, prévoit des peines contre les auteurs d'almanachs publiés sans l'autorisation de l'archevêque ou de l'évêque. Peut-être une infraction à cette ordonnance est-elle à l'origine d'un incident qui n'a pas été tiré tout à fait au clair : le jeune roi Charles IX a écrit le 23 novembre 1561 au Comte de Tende, gouverneur de Provence, apparemment pour lui donner l'ordre d'emprisonner Nostradamus, car l’intéressé répond au roi le 18 décembre 1561 : « Au regard de Nostradamus, je l'ay faict saisir et est avecques moi, luy ayant deffendu de faire plus almanacz et pronostications, ce qu'il m'a promis. Il vous plaira me mander ce qu'il vous plaist que j'en fasse » ; il a donc fait arrêter Nostradamus et l'a amené avec lui dans le Château de Marignane ; les deux hommes étaient amis et la prison tenait plutôt de la mise en résidence ; on ignore ce que le roi répondit au gouverneur, mais tout indique que l'incident resta sans suites… Nostradamus rentra pleinement en grâce auprès de la famille royale, puisqu'il peut rencontrer la cour en 1564, à l'occasion de son grand tour du royaume, Charles IX, accompagné de Catherine de Médicis et de Henri de Navarre, le futur Henri IV, lors de leur passage à Salon-de-Provence. À cette occasion, la reine le nomma médecin et conseiller du roi. Pour plus d'informations, voir notamment : - le site de l'association "Ivo de Lessinis" : http://www.ivodelessinis.eu/ - le site de Jehan de la Oultre : http://centuria.be/ - le site sur les derniers chemins templiers : http://home.base.be/vt6355181/accueil_fr.html/ Publié par Christian Parent à l'adresse 15:54

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