L'ancienneté de cette pratique rituelle que relate Chateaubriand n'est guère contestée. Ainsi conserve-t-on, dans les collections, des pièces d'armement ancien qui portent gravées postérieurement la croix potencée accompagnée
à quatre croisettes qui permet d'établir que leurs possesseurs avaient accompli le voyage aux Lieux saints.
La Colombière dans son Vray théâtre d'Honneur et de Chevalerie (1648) rapporte que "les cinq croix rouges sont mémoires des cinq plaies du Christ (et que le nouveau chevalier est adoubé) avec l'épée bénie de Godefroy de Bouillon".
L'examen détaillé de l'épée s'accorde difficilement avec ces données historiques. La construction de son pommeau en forme de figue assise sur une collerette peut évoquer certains pommeaux d'épées à deux mains de la fin du XVIe siècle et offrir des analogies marquées avec le n° 35 établi par Norman (1980), que le spécialiste situe vers les années 1590-1600. La fusée (poignée), d'un travail rudimentaire, taillée de côtes verticales, est réalisée en bois d'olivier, ce qui paraît impliquer une provenance méditerranéenne (Gaier). La lame, dépourvue de toute marque, aux forts tranchants latéraux et arête centrale, semble brisée en son extrémité, la réduisant ainsi d'une dizaine de centimètres (Gaier) : cette typologie l'associe à celles des lames du XVe siècle.
Les épées du temps de Godefroy de Bouillon sont montées avec de larges lames allégées d'une forte gorge centrale, leur garde est constituée d'un pommeau sphérique et de courts et forts quillons horizontaux. Pommeau et fusée de l'épée présentée aujourd'hui au Saint-Sépulcre semblent se situer au XVIe siècle, et les plus grandes incertitudes accompagnent la lame dont le fourreau est moderne. On se souvient des vicissitudes que connurent les Lieux saints depuis leur conquête : les destructions qui accompagnèrent la reprise de la ville en 1187 et en 1244, l'incendie
qui en 1808 a ravagé la basilique, cause de la destruction des tombeaux des rois francs.
L'imaginaire médiéval s'est nourri de héros incarnant les valeurs er l'idéal de la chevalerie dont l'épée de Roland, l'épée de Godefroy de Bouillon le conquérant de Jérusalem participe au mythe et, telles ces "épées fées" qu'évoquent alors les textes, est-elle appelée à poursuivre son continuel renouveau.
Il est extraordinaire qu'une épée ait pu traverser les siècles entre les mains des Franciscains alors qu'ils étaient tenus d'être désarmés : la possession d'une arme était contraire au statut des chrétiens sous domination musulmane. Pour l'avoir cachée et protégée avec un tel succès (alors qu'elle était utilisée régulièrement), les Franciscains devaient y attacher un très grand prix ! Cela montre aussi la valeur accordée par l'Église à l'adoublement au Saint-Sépulcre.
Sources temple de Paris.
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