Créé pour vous présenter mon dernier livre,je vous présente 4500 articles sur le thème de mon livre :les Templiers,des sujets ésotériques,des textes rosicrusiens,les mérovingiens, saint-Graal,Nostradamus,Mary Magdalene.Le Baphomet et le Tau, Château de Saumur,la femme dans l'histoire templière. Trésor templier.Histoires, légendes de Belgique,de France et d'Europe et Celtiques. La spiritualité. Développement personnel.
lundi 9 septembre 2013
(Suite) Le dernier templier par Rudy Cambier
Scène 13
***
On est dans une pénombre épaisse.
Quand il entre en 1549, Sidoine se tient prudemment à l'extrémité gauche du plateau. Nostradamus est assis aux trois-quarts vers la droite. (Ou le contraire si vous êtes contrariant.)
Nostradamus lit un vieux parchemin et commente pour lui-même. Sidoine va faire l'âne pour avoir du foin.
Tout le rôle du mage sera bâti sur La Ronde des Jurons de Brassens :
Voici la ronde des jurons
Qui chantaient clair, qui dansaient rond
Quand les Gaulois
De bon aloi
Du franc-parler suivaient la loi
Jurant par-là
Jurant par-ci
Jurant à langue raccourcie
Comme des grains de chapelet
Les joyeux jurons défilaient
Tous les morbleus, tous les ventrebleus
Les sacrebleus et les cornegidouilles
Ainsi, parbleu, que les jarnibleus
Et les palsambleus
Tous les cristis, les ventres saint-gris
Les par ma barbe et les noms d'une pipe
Ainsi, pardi, que les sapristis
Et les sacristis
Sans oublier les jarnicotons
Les scrogneugneus et les bigr's et les bougr's
Les saperlottes, les cré nom de nom
Les pestes, et pouah, diantre, fichtre et foutre
Tous les Bon Dieu
Tous les vertudieux
Tonnerr' de Brest et saperlipopette
Ainsi, pardieu, que les jarnidieux
Et les pasquedieux
Le morceau d'entrée se joue à mi-voix.
Le diagnostic de Nostradamus se fera sur le canevas de la chanson du comique troupier Ouvrard "Je n’suis pas bien portant" (J'ai la rate qui se dilate, J'ai le foie qu'est pas droit, …et les côtes bien trop hautes, etc.)
Quant au langage de Nostradamus, le français de Marseille, je me suis reporté à diverses études de philologues marseillais.
* * *
On entend Nostradamus marmonner avé l’assen pendant tout le trialogue des arrivants. Il s’arrête quand Sidoine l’apostrophe.
Nostradamus
Combien de fois prinse Cite solaire
Seras changeant tes loix barbares et vaines
Ton mal sapproche. Plus sera tributaire
La grand Hadrie recouvrira tes veines
Qué pastis !
Julien
Paulus le Sage avait raison : on n'a pas changé de lieu, c'est le mur de l'Abbaye.
Sidoine
Ça fait tout drôle de penser qu'ils sont ici et qu'on ne les voit pas.
Julien
Là ! Près de la porte. Y a quelqu'un.
Sidoine
Oufti ! Qu'est-ce que c'est d'çaaaa ?
Éliabel
Qu'est-ce qu'il fait ? On dirait qu'il lit.
Julien
Tu as vu ses loques ?
Éliabel
Oui. Et son chapeau !
Julien
Et ses souliers !
Éliabel
Et il a une barbe de chèvre !
Julien
Mêêêê.
Éliabel
Chûûût ! Tais-toi.
Frère Sidoine, qu'est-ce que c'est ?
Sidoine
À mon idée, c'est un fou qui prend l'air.
Julien
Tu crois ?
Sidoine
Ou si c'est ça la mode de ce temps-ci, c'est qu’ils sont tous devenus zinzins.
Julien
Et sa façon de prononcer ! Je n'ai jamais entendu parler comme ça.
Sidoine
C'est l'accent du Midi.
Julien
Comment se fait-il qu'on l'entende si loin dans le Nord ?
Sidoine
C'est peut-être qu'il fait plus chaud à cette époque-ci.
Julien
Si on savait déjà à quelle époque nous sommes.
Éliabel
Nous ne savons même pas dans quelle direction nous sommes allés : vers le passé ou vers le futur.
Julien
Tu penses qu'il y a du danger.
Sidoine
En tous cas il n'est pas armé, c'est déjà ça !
Julien
Tu oserais aller lui parler ?
Sidoine
Je ne sais pas de trop.
J'aurais quand même dû prendre mon goedendag avec.
Éliabel
On pourrait attendre d'en voir un deuxième. Peut-être que celui-là sera normal. En fin de compte, celui-ci est peut-être tout simplement un fou.
Julien
N'oublions pas l'essentiel : nous devons trouver un médecin pour Éliabel et pour le reste, on verra : ce n'est que du détail.
Sidoine
Bon, il faut bien qu'on décide quelque chose. J'y vais.
Sidoine seul vient vers Nostradamus. Les deux jeunes s'approcheront très progressivement pendant que se déroule le dialogue Sidoine – Nostradamus.
Sidoine
Humhum. Hé, Monsieur !
Nostradamus avé l'assen
Hein ! Quoiquoiquoi ? On a parlé ? Qui parle ? Morbleu ! C’est toi, drôle ?
Ho ! qu'est-ce que tu portes là comme vêture ? C'est un vieux machin de moine. Hé bé ! Tu vas à carnaval ?
Sidoine
Ben Monseigneur, on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a, comme dit le père Yves.
Nostradamus
Ton papa y s'appelle Yves ? Il est Breton ? Tous les Yves sont bretons, hein !
Sidoine
Non hé ! Mon père Yves n'est pas mon papa et Yves n'est pas Breton, il est de Lessines.
Nostradamus
Hein ? Tu as parlé de ton père Yves et il est pas ton papa ! Tu galèjes peut-être ? Tu serais pas un malparlant des fois ? Me mal parler à moi, tu oserais pas, hein ! Et puis, baste, que veux-tu ?
Sidoine
Monseigneur, si c'était un effet de vot' bonté de m'dire l'année que nous sommes.
Aujourd'hui.
Nostradamus incrédule
(On va, avec le temps, placer un par un et dans l'ordre, tout le refrain de la Ronde des Jurons de Brassens.)
Te dire l'année où présentement nous sommes ? Ventrebleu, mais tu te moques de moi ! Qué impertinence !
En aparté : qué sagouin !
Et pourquoi sacrebleu devrais-je te dire le numéro de cette année ?
Sidoine
C'est que, Monseigneur, ça m'accommoderait bien si vot' charité faisait que vous me disiez en quelle année on est.
Aujourd'hui.
Nostradamus
Aujourd'hui, aujourd'hui ! Espèce de cornegidouille, les années changent pas tous les jours que diable !
Sidoine
Oh, ça va parfois plus vite que ça !
Nostradamus
Plus vite que ça ? Ah, n'énerve pas mes nerfs !
Et d'abord, appelle-moi Maître, parbleu !
Sidoine
Ah ! Enchanté Maître Parbleu. Moi, c'est Sidoine.
Nostradamus
Sidoine ! Il ricane. Sidoine ! Ton père, il avait sifflé combien de pastis avant de te porter à baptême ? Sidoine ! Peuchère. Oh ! Sidoine ! Sidoine !
Sidoine n'apprécie pas du tout
Sidoine
Ben moi j'voulais juste vous d'mander l'année qu'on est aujourd'hui, Maître Parbleu.
Nostradamus
Jarnibleu ! Te voilà de retour avec tes rascasses de qué année qu'on est. Tu commences à énerver mes nerfs !
Nous sommes en 1544, tu le sais bien, pôvre couillon.
Sidoine
En 1544 ! Oufti!
…
Avant ou après Jésus-Christ ?
Nostradamus
Comment ça, avant ou après Jésus-Christ ?
Sidoine
Ben oui. Pour nous ça a une certaine importance…
Nostradamus
Alors, mon beau, j'ai déjà croisé des niquedouilles, mais des de ton acabite, jamais !
Sidoine
Je m'escuse de vous demander pardon si j'insiste, Maître Parbleu, mais … avant ou après ?
Nostradamus
Avant ou après quoi ?
Sidoine
Avant ou après Jésus-Christ.
Nostradamus
Encore ! Oh bonne mère, c'est pas Dieu possible ! Cristi, que ce faquin m'escagasse ! Nous sommes en l'an 1544 de l'Incarnation de Notre Seigneur. Na ! Tu respires mieux ?
Sidoine
Ah ! Donc c'est après. Alors c'est bon.
Nostradamus
Ventre saint-gris ! Vas-tu me dire qu'est-ce qui est après quoi et qu'est-ce qui est bon ?
Sidoine
Je dis, Maître Parbleu, que 1544 après, c'est après 1329 après, donc c'est bon.
Nostradamus
Par ma barbe, même les Parisiens y sont pas si cons. Celui-ci, il l'est tellement qu'il me fait peine …
Sidoine
Je vous remercie beaucoup, Maître Parbleu, et vu que vous êtes de si agréable commerce, …
Nostradamus
Commerce ? J'achète rien.
Sidoine
Mais je ne vends rien, Maître Parbleu.
Nostradamus
Ah tant mieux, parce que j'achète jamais rien. Sauf quand je peux y gagner bien sûr.
Sidoine
Non, je voulais juste, avec votre permission, Maître Parbleu, vous demander …
Nostradamus
Mais sacré nom d'une pipe, c'est un tic ? Pourquoi tu répètes sans arrêt parbleu ?
Sidoine
Ben, parce que c'est votre nom tiens.
Nostradamus
Comment ça, parbleu c'est mon nom ? Qui t'a soufflé cette galéjade ?
Sidoine
Qui m'a soufflé ? Mais c'est vous.
Nostradamus
Moi ?
Sidoine
Oui ! Vous.
Nostradamus
Moi je t'ai dit que mon nom est parbleu ?
Sidoine
Sûr ça !
Nostradamus
Sapristi ! Tu dis que moi, je t'ai dit, moi, que mon nom à moi c'est parbleu ?
Sidoine
Vous avez dit : "Appelle-moi Maître Parbleu".
Nostradamus
Hein ? Mais jamais de la vie que j'ai sorti cette couillonnade.
Sidoine
Si ! Vous avez dit "Appelle-moi Maître Parbleu".
Nostradamus
Jarnicoton ! Mais je t'ai jamais dit "Appelle-moi Maître Parbleu" ! J'ai peut-être, espèce de scrogneugneu, j'ai peut-être, j'ai très peut-être dit "Appelle-moi Maître – virgule – parbleu – point d'exclamation.
Sidoine
Oufti ! Ça c't'un nom à rallonges et à ridelles, hein ! Maître Virgule Parbleu Point d'Exclamation ! Vous le vendriez au kilomètre que ça vous ferait une belle étrenne. J’ai plus trop d’mémoire, alors avec votre permission et sauf votre respect j’vous appellerai seulement Maître Virgule.
Nostradamus
Oh la bestiasse ! Tu es fada peut-être ?
Sidoine
Fada ? Je ne sais pas trop, Maître Virgule. Fada, ça serait comme qui dirait con ? Alors sûrement un tout p'tit tout p'tit peu vu que je suis frère con-vers.
Nostradamus
Bigre ! Tu es convers. Ici ? à l'abbaye ?
Sidoine
Oui hé, sans doute. Peut-être même probablement, Maître Virgule.
Nostradamus
Il y a longtemps que tu es convers ici ?
Sidoine avec gestes (comme d'habitude)
S'il y a longtemps ? Oufti !
Nostradamus
Tu as toujours été ici convers.
Sidoine
Non hé ! Avant de venir chez les Cisterciens, j’ai été à l’armée, mais mes parents avaient d'abord essayé de me donner aux Bénédictins où je serais devenu frère lai. Mais figurez-vous qu'ils ont dit que je n'étais pas assez beau pour être frère lai. Ne pouvant être lai, je suis devenu valet, valet d'Yves de Lessines. Puis seulement, je suis venu ici, comme frère convers.
Ce qui me plaît assez, vu qu'il vaut beaucoup mieux être convers que le contraire.
Nostradamus
Dis-moi, bougre, qu'est-ce que c'est le contraire de convers ?
Sidoine
C'est vertcon, donc quand on a à la fois votre couleur et votre intelligence, Maître Virgule.
Nostradamus
Saperlotte ! Je comprends pas trop mais est-ce que ça serait-y pas une grossièreté ? Et puis tu énerves mes nerfs. Si tu me sers encore une seule fois, une seule petite fois, une très seule très petite fois du Maître Virgule, je t'étripatouille, coquin de sort.
Sidoine
Qu'est-ce que je dois dire alors ?
Nostradamus
Tu dis Maître tout court.
Sidoine
Ah bon. Je dirai Maître Tout Court.
Y a pas à dire, mais Tout Court, c'est un drôle de nom pour un maître et à mon idée, c'est pas mieux que Virgule ou Parbleu.
Nostradamus
Rrrrrrrrrr ! Oh le Jocrisse. Je ne m’appelle pas Tout Court !
Je répète lentement : quand tu m'adresses la parole, tu dis "Maître".
Sidoine
Maître ?
Nostradamus
Maître !
Sidoine
Maître.
Nostradamus
Maître.
Sidoine
Maître. Maître.
Maître tout court quoi.
Nostradamus
Ouiiiiihhhh.
Sidoine
Mais vous avez bien un nom, Maître ?
Nostradamus
Je m'appelle Nostradamus.
Sidoine
Hein ?
Nostradamus
Nostradamus.
Sidoine
Nos-tra-da-mus. Nostradamus !
Nostradamus
Qu'est-ce qu'il y a ? Il y a quèque chose qui va pas ?
Sidoine
Vous vous appelez vraiment Nostradamus ?
Nostradamus
Je vois pas ce que ça a d'hilarant.
Sidoine
Mais c'est un nom pour un mulet, sauf que je n'oserais jamais appeler mon mulet Nostradamus, des fois qu'il me mordrait parce qu'il se sentirait vexé.
Nostradamus
Cré nom de nom ! Oh putanasse ! Espèce de malparlant, là tu me manques gravement hein ! à mi-voix La peste soit de ce jobastre qui énerve mes nerfs !
Il se rassied et se met à lire le parchemin
Mais ça alors, qu'est-ce que c'est ?
C'est sûrement une prophétie vu que tous les verbes sont au futur et une prophétie, ça peut se vendre. Bon prix.
…
Et seront face de leurs manteaux couverts
La republique par gens nouveaux vexee
Les blancs et rouges jugeront a lenvers
Éliabel qui s'est avancée avec Julien
Mais c'est le poème du père Yves que vous lisez là.
Nostradamus
Qui ça ?
Sidoine
L’abbé de Cambron.
Nostradamus
Un moine ? Un abbé ! Vous le connaissez ? Il est ici ? A Cambronne ?
Sidoine
Oui, mais à c't'heure il doit être dans la terre de Cambron. Il est sans doute mort.
Nostradamus
Ah Bon ! Il est mort. J'ai pas entendu dire que l'abbé était à l'agonie.
Sidoine
C'était il y a longtemps.
Nostradamus
Ah ! Donc il est vraiment fort mort.
Sidoine
Ben quand on est mort, c'est presque jamais à l'essai.
Nostradamus
Il y a combien de temps ?
Sidoine
Oh, ça devrait déjà être une bien vieille affaire à c't'heure.
Nostradamus
Il y a combien de temps ?
Sidoine
Oh ffff y a bien … attendez que je compte … y a bien…
Les jeunes lui soufflent peu discrètement
Au moins 210 ans.
Sidoine discrètement aux jeunes
Hein ?
Nostradamus
Réponds ! Depuis combien d'années est-il mort ? Pour moi, ça a une certaine importance.
Sidoine entre les dents
Oh ffff y a bien … z'ans…
Les jeunes soufflent
210 ans
Sidoine aux jeunes
Hein ?
Nostradamus
Réponds clairement !
Sidoine
Comme qui dirait 210 ans.
Nostradamus
Hé bé … Il y a plus de 200 ans qu’il est mort … très bien ! Très intéressant ! Y a plus de droits à payer.
Une minute. Je me souviens que tu m'avais parlé d'un autre père Yves.
Sidoine
Non, c'est le même.
Nostradamus
Ah ! J'avais cru comprendre que tu l'avais connu. Oh Peuchère, comme on peut se tromper …
Sidoine
À propos, vous ne sauriez pas par hasard où on trouve un médecin par ici ?
Nostradamus
Un médicin ?
Sidoine
Oui, un médecin, un soigneur de malades.
Nostradamus
Toi tu cherches un médicin ?
Sidoine
Oui.
Nostradamus
Pour quoi faire ?
Sidoine
Pour guérir quelqu'un, tiens ! Vous en connaîtriez pas un ? Un moderne.
Nostradamus
Té, JE suis médicin.
Sidoine
Vous, vous êtes médecin ?
Alleyalley ! Si vous êtes médecin, moi je veux bien devenir l'âne d'une maquerelle.
Nostradamus
Je suis le plus grand médicin du monde.
Sidoine
C'est difficile à croire. Le plus grand médecin … oufti !
Ça, ça serait un coup de chance ! Vous êtes sûr ?
Nostradamus
Té, je suis docteur en médicine.
Sidoine
Je veux bien, mais ça c'est ce que vous marquez sur votre carte et ça ne veut rien dire. Figurez-vous justement que j'avais une sœur putain et elle avait marqué sur sa porte SASU : Service d'Assistance Sexuelle Urgente. Elle faisait pas la racole, elle était urgentiste au SASU qu'elle disait.
Nostradamus
Tonnerre de Brest, n'énerve pas mes nerfs avec tes galéjades. Demandez-vous une consultation oui ou non ?
Sidoine
Nous on ne cherche pas un docteur qui consulte mais un médecin qui guérit.
Nostradamus
C'est la même chose.
Sidoine
Ah ? Mais si c'est la même chose, pourquoi vous dites autrement alors ?
Nostradamus
Parce que c'est pas le même prix. Un rebouteux donne pas de consultation et c’est pour ça qu’il guérit à bon marché.
Sidoine
Ouais, encore un truc d'intellectuel ! Oui ou non, est-ce que vous soignez les gens ?
Nostradamus
Parfois.
Sidoine
Et vous soignez ceux qui toussent ?
Nostradamus
Aussi.
Sidoine
Et vous en guérissez ?
Nostradamus
Tous toujours.
Sidoine
Vous guérissez toujours touss ceux qui toussent ?
Nostradamus
Tous.
Sidoine en aparté aux jeunes
Y m’paraît pas très catholique, mais ne dit-on pas qu’un médecin qui n’a pas l’air un peu con n’est pas un bon médecin ? Celui-ci a reçu plus que sa dose, mais c’est pt’être une garantie. On pourrait l’essayer. On verra bien …
À Nostradamus
Est-ce que vous voulez soigner Éliabel ?
Nostradamus
Elle est malade ? Oh la pauvrette !
Et le jeune, il est aussi malade ? Parce que je fais un prix par quantité.
Sidoine
Oh non, lui il a une santé de fer.
Nostradamus
C'est dommage !
À Sidoine
Et vous, vous êtes aussi malade ?
Sidoine
Ben … non. Mais c'est assez dire que de temps en temps, j'ai mal à la jambe gauche. Voyez-vous, dans le temps …
Julien
Mais Éliabel, Monsieur le Docteur, est-ce que vous voulez la soigner ?
Nostradamus
Pardieu ! Si je veux ? Un peu que je veux ! Tout de suite, sans délai et sur-le-champ. Et pour mes honoraires, à payer d'avance bien entendu, je vous demanderai … je vous demanderai seulement …
Vous avez de l'argent pour me payer au moins ?
Sidoine prend un air absent + mimiques éventuelles.
Nostradamus de plus en plus fort
Est-ce que vous avez de l'argent ?
Je vous demande si vous avez de l'argent ?
Est-ce que vous avez de l'argent pour me payer ?
Vous êtes sourd ?
Sidoine
Moi ? Non. Quoique …
Nostradamus
Quoique quoi ?
Sidoine
Quoique j'avais un oncle dur d'oreille qu'on appelait Tonton Oreille de Béton.
Nostradamus
M’en fouti ! Je répète : est-ce que vous avez de l'argent pour me payer ?
Sidoine
De l'argent ?
Nostradamus
Oui, de l'argent. Money. Moneymoney.
Sidoine
Ahahah ! De l'argent … C'est assez dire …
Nostradamus
Soyez clair, répondez par oui ou par non.
Sidoine
Non.
Nostradamus
Vous avez pas d'argent ?
Sidoine
Non.
Nostradamus
Non ?
Sidoine
Non.
Nostradamus
Non ?
Sidoine
Non.
Nostradamus en aparté
Cré vingt dieux ! Ahahahah, je l'aurais deviné !
Pas en aparté. Ainsi, vous avez pas d'argent.
Sidoine
Non.
Nostradamus en aparté
Pas d'argent ! Jarnidieu ! Ils ont pas d'argent. Pasquedieux ! (Le dernier mot est dit un peu trop fort)
Sidoine
Pasquedieux ? Pasquedieux ! Espèce de diseur de messes basses et de pasquedieux ! Je vais vous en donner, moi, des pasquedieux, godvlaamsmilliardsdenomded'jû.
Nostradamus regarde Sidoine bouche bée
Hââââ ! Mais c'est un cri de bête ça !
Sidoine
Ça c'est pasquedieux dit en flamando-picard.
Nostradamus
Hé bé !
Mais vous avez toujours pas d'argent. Vous savez pas que sans argent, on meurt?
Julien
Vous allez la laisser mourir ?
Nostradamus
Té, si elle a pas d'argent …
Julien
En somme, c'est la bourse ou la vie. Vous n'êtes qu'un voleur qui a des manières.
Nostradamus
Hé jeune, çui qui a rien à donner y a rien à recevoir. Quand vous avez pas d'argent, est-ce que le boulanger vous donne du pain, est-ce que le boucher vous sert un beau gros rôt, est-ce que vous trouvez à vous loger au chaud et si vous avez pas d'argent, le receveur des impôts est-il pas toujours le premier à vendre vos meubles et vous jette-t-il pas à la rue ?
Julien
Cherchons un vrai médecin et à ce conférencier-ci disons le mot de Cambron.
Nostradamus avé l'assen, hein !
Cambronne, c'est ici. Ça c'est l'abbaye de Cambronne. C'est quoi le mot de Cambronne ?
Julien
C'est ce que vous êtes et ça a l'odeur que vous flairez, Maître Nostradamus.
Nostradamus
Est-ce que c'est encore une grossièreté ? Les pauvres ont pas le droit d'être grossiers.
Julien
Mais vous avez le droit de les laisser mourir.
Nostradamus
Hé, il faut de l'argent pour vivre !
Julien
Donc le médecin laisse crever ceux qui n'ont pas d'argent.
Nostradamus
Té, le médicin lui aussi doit vivre. Qu'on lui assure d'abord une vie décente, et alors on sera en position d'exiger.
Sidoine
Eh bien, c'est comme ça : nous n'avons pas d'argent.
Éliabel
Julien, Frère Sidoine, laissez tomber. On trouvera mieux plus loin.
Sidoine
On dit que celui-ci est le meilleur.
Éliabel
Oui, mais qui le dit ?
Sidoine
D'accord, c’est lui qui le dit. On cherche ailleurs en espérant que le prochain exerce gratuitement, comme de notre temps à l’abbaye.
Mais dites-moi, Maître Nostraaaa, est-ce que faute d'argent, de l'or ne pourrait pas faire l'affaire des fois ?
Nostradamus
Hein ?
Sidoine
Je demandais si faute d'argent de l'or ne pourrait pas aussi bien faire l'affaire ?
Nostradamus
Pardon ?
Sidoine criant
Ho ! Oreille de béton ! J'ai dit : de l'or.
Nostradamus
De l'or ? Vous avez de l'or ? Vous ? Montrez !
Sidoine tend un hyperpère ou besant. Nostradamus le prend. Il le gardera en main et plus tard, subrepticement pour ses interlocuteurs mais en prenant bien soin d'être vu des spectateurs, il l'empochera.
Nostradamus
Oh Bonne mère ! Qu'est-ce que c'est de ça ?
Jamais vu une pièce semblable. Il la frotte, la soupèse, la mord, la réexamine. Mais c'est de l'or. Ah oui, sûr ça, c'est de l'or ! D'où ça peut bien venir ?
Sidoine
De loin.
Nostradamus
D'Amérique ?
Sidoine
Hein ? D'amer quoi ? Amer ? Je ne sais pas. J'ai jamais eu l'idée de manger des pièces d'or !
Nostradamus
Baste. Tu en as d'autres ?
Sidoine
Hh Hh
Nostradamus
Beaucoup d'or ?
Sidoine
Mhhh
Nostradamus
Beaucoupbeaucoup ?
Sidoine
Mhmh
Nostradamus
Très beaucoup ?
Sidoine
Mhmh
Nostradamus
Vraiment très beaucoup ?
Sidoine
Mhmh
Nostradamus
Donc tu me le donnes et je guéris. Coquin de sort, je me languis de le voir et de l'avoir !
Jusqu'ici, l'intonation de Nostradamus a crû de conserve avec son avidité. À partir d'ici, nous irons sur le mode descendant. Aux gestes de Nostradamus, Sidoine répond en marmonnant et en niant presque imperceptiblement du chef.
Nostradamus
Tu en as donc un très gros tas ! Grand geste des deux bras.
Sidoine
Nnnn.
Nostradamus
Non ? Un gros tas alors. Gestes plus limités. Ils iront décroissant.
Sidoine
Nnnn.
Nostradamus
Non ? Un tas ? Oui, un tas.
Sidoine
Nnnn.
Nostradamus
Ah non ? Un gros paquet.
Sidoine
Nnnn.
Nostradamus
Tu serais pas avare des fois ? Tu en as un paquet quand même, hein ?
Sidoine
Mmmmouais. Un paquet ? Ouais, on peut mettre mon or dans un paquet.
Nostradamus
Je le savais ! Donne.
Sidoine
Vous d'abord.
Nostradamus
Ah non ! On paye d'abord.
Sidoine
Vous d'abord.
Nostradamus
C’est pas la coutume.
Sidoine
Vu que c'est moi qui ai l'or, c'est moi la coutume.
Nostradamus
Comment je peux savoir que tu payeras ?
Sidoine
Eh bien je vous propose un marché, à prendre ou à laisser.
Nostradamus
Un marché. Qué marché ?
Sidoine
Voici une malade et vous avez déjà empoché un échantillon de l'or. Vous soignez la malade, je vous laisse l'échantillon et je vous donne tout l'or que je possède.
Nostradamus
Je soigne la malade et tu me donnes tout l'or que tu as ?
Sidoine
Oui.
Nostradamus
Répète un peu pour voir.
Sidoine
Vous soignez la malade et je vous donne tout l'or que je possède.
Nostradamus
Je soigne la malade et tu me donnes tout l'or que tu possèdes ?
Sidoine
Oui.
Nostradamus
Tu le jures ?
Sidoine
Je le jure.
Nostradamus éclate de joie
Oh coquin de sort ! Mademoiselle, oh mademoiselle ma donzelle ! Ohohohoh mademoiselle ma doucette ! C'est magnifique ! Ohohohoh Mademoiselle ! C’est merveilleux. C'est miraculeux. Mademoiselle, tu es sauvée ! Garanti. Oh que je suis content, que je suis contentcontentcontent !
Sidoine
Et je suis bien content que vous êtes content.
Nostradamus
Et moi donc, je suis bien content d'être content.
Je savais que je te sauverais. Tu vivras jusqu'à nonante ans, garanti. Nonante ans. Au moins. Au grand moins. Sisisisisisi ! Viens donc là ma galine, que je t'èzamine.
Nostradamus tourne autour d'Éliabel et se fait doctoral
Hé bé ! Un cas intéressant, ma foi. Je dirais même plus : un cas très intéressant. Un cas pas encore désespéré mais déjà intéressant. Presque désespéré. Tout à fait désespéré sans le docteur Nostradamus. Voyez Messieurs :
Il montre comme s’il faisait une leçon d’anatomie
Elle a la rate qui se dilate.
Et le foie qu'est pas droit.
Elle a le ventre qui se rentre.
Et le pylore qui se colore.
Elle a l'estomac bien trop bas.
Et les côtes bien trop hautes.
Elle a les reins bien trop fins.
Et les boyaux bien trop gros.
Elle a le cœur en largeur.
Et les poumons tout en long.
Elle…
Sidoine
Eh ben là, j'comprends qu'elle est un peu patraque.
Éliabel tousse.
Nostradamus
Tiens ! tu tousses ma galine ?
Éliabel
Oui.
Nostradamus
Oh Peuchère ! Tousse donc pour moi.
Éliabel tousse
Nostradamus
Retousse donc que j'écoute.
Éliabel tousse
Nostradamus
Ouh là là ! Ouh là là là là . Vous avez entendu ? Elle tousse bref et rêche. C'est mauvais ça. Très mauvais.
Julien
Pourquoi ?
Nostradamus
Parce que la tousse brève et rêche sèche la bronchorrhée revêche tandis que la tousse douce pousse la mousse hors d’un trop long poumon.
Sidoine
Hein ?
Julien
Et c'est la tousse douce qui guérit la tuberculose ?
Nostradamus
Tuberculose ? Oh jeune, qué tuberculose ?
Julien
Oui, la phtisie.
Nostradamus
La pôvrette, elle a pas la phtisie.
Julien et Sidoine s’écrient ensemble
Elle n'a pas la phtisie ?
Nostradamus
Non.
Julien
Quelle est sa maladie alors ?
Nostradamus
Mais la peste bien entendu.
Explosion générale
La peste !
Nostradamus
Oui, la peste.
Lamentations et jérémiades à l'appréciation
La peste ! La peste !
Éliabel
La peste ! Et tout ce voyage pour rien !
Nostradamus
Bon, on s'énerve pas. On s'énerve pas ! Moi, le grand Nostradamus, moi, moi je guéris la peste.
Sidoine sidéré
Sans blague !
Julien aussi
Comment vous faites ?
Nostradamus
J'ai inventé un remède.
Sidoine
C'est vrai ?
Nostradamus
Assolument.
Sidoine
Eh bien alors, vous êtes vraiment le plus grand médecin de tous les temps et je m'escuse de vous demander pardon, mais à vous voir, je l'aurais jamais deviné. Mais vous l'êtes.
Nostradamus
N'est-ce pas ?
Sidoine
Ah oui, je me rescuse.
Nostradamus
Baste ! C'est rien.
Sidoine
Ah si, et je me rerescuse.
Julien
Mais je croyais que de la peste on mourait en trois jours
Nostradamus
Ceci est une peste spéciale dont on meurt en trois mois
Julien
Mais ça fait plus d'un an qu'elle est malade !
Nostradamus
Un temps de réflexion puis : … une peste spéciale dont on meurt en trois mois à moins que, allais-je ajouter quand tu m'as si malpoliment interrompu, jeune homme, à moins qu'il s'agisse de cette peste extrêmement spéciale dont on meurt en trois ans.
Il se tourne vers Éliabel et débite sur le ton atone de la récitation d'un boniment
Je vais t'ordonner ma pastille de senteur de parfaite bonté et excellence qui est une odeur non estrange, mais rend une suavité agréable et de longue durée et qu'est fort souveraine pour la peste.
Il se tourne vers Sidoine
Nostradamus
Et toi, ta jambe ?
Sidoine
Oui, quand il va pleuvoir …
Nostradamus
Je vois je vois je vois. C'est la peste.
Sidoine
La peste ?
Nostradamus
Oui pauvre, la peste.
Sidoine incrédule
La peste à ma jambe parce qu'un jour à la guerre on avait soif, qu’on a essayé de traire une vache dans un pré, qu’elle avait mauvais caractère, que j'ai reçu un coup de corne et que j’ai parfois encore mal quand il va pleuvoir ?
Nostradamus qui récite son boniment
Oui, c'est la peste. Et je vais t'ordonner ma pastille de senteur de parfaite bonté et excellence qui est une odeur non estrange, mais rend une suavité agréable et de longue durée et qu'est fort souveraine pour la peste.
Sidoine
Si vous le dites … Et vous êtes bien sûr que c'est la peste ?
Nostradamus en tendant à Éliabel et à Sidoine une pastille noire :
Bé, je suis le plus grand médicin du monde.
Éliabel suce. Sidoine examinant la chose
Tiens ! On dirait de la babelutte. Il regarde, il lèche C'est de la babelutte ! C’est de la babelutte qui a un mauvais arrière-goût.
Nostradamus
Babelutte ? C'est quoi babelutte ? C'est encore une grossièreté sûrement ? De toute manière, quoi que soit la babelutte, ceci est pas de la babelutte vu que c'est ma pastille de senteur de parfaite bonté et excellence qui est une odeur non estrange, mais rend une suavité agréable et de longue durée et qu'est fort souveraine pour la peste.
Julien
Qu'est-ce qu'il y a dans votre remède ? C'est un secret ?
Nostradamus
Pas du tout, jeune homme ! Je mets de l'iris de Florence, des roses, des roses beaucoup parce que ça sent bon, du sucre, beaucoup beaucoup de sucre parce que c'est cher, du girofle un peu parce que c'est trop cher et du cyprès… un tout petit petit peu parce que ça fait mourir.
Sidoine
Oui, à part le cyprès, c'est une des recettes de la babelutte. Du bonbon de bonne femme. J'en ai sucé des paquets et les gens que j'ai connus en ont sucé des quintaux. On dit que c'est bon pour le catarrhe, mais ça ne guérit pas la peste. Ça ne guérit même pas le catarrhe !
C'est de la babelutte quoi !
Nostradamus
Alors, Monsieur le demi-moine, sachez que c'est de la babelutte quand c'est fait par les mains d'une femme ignorante, mais quand c'est composé par le plus grand médicin du monde, c'est un remède très extraordinairissime.
Sidoine
Oufti ! Et quand vous connaissez un vrai remède ordinaire, Mossieu le docteur, vous le vendez combien ?
Nostradamus
Vous êtes qu'un coquin qui a aucun respect pour les grands savants docteurs en médicine.
Sidoine
Maintenant que je vous ai tâté sous toutes les coutures, je crois bien que vous êtes docteur en médecine mais je plains la médecine de tout mon cœur et je me demande si elle s'en remettra jamais. Je me demande même si la médecine survivra à votre passage, espèce d'Attila des médecins !
Nostradamus
Ça, m’en fouti ! J'ai soigné, paye-moi.
Sidoine
Je ne devrais pas mais ce qui est dit est dit.
Il tend le second besant. Nostradamus le prend et reste le bras tendu. Jeu d'acteurs.
Nostradamus
Oui, j'attends la suite.
Sidoine
Quelle suite ?
Nostradamus
Té ! Le paquet.
Sidoine
Quel paquet ?
Nostradamus
LE paquet. Me fais pas languir !
Sidoine
Le paquet de quoi ?
Nostradamus
Le paquet d'or évidemment.
Sidoine
Quel paquet d'or ?
Nostradamus
Bé ! celui que tu me dois.
Sidoine
Je vous dois un paquet d'or ? Première nouvelle !
Nostradamus
Oh la crapule ! Tu vas me donner mon paquet, oui !
Sidoine
Sûr que non.
Nostradamus
Sale voleur ! Paye-moi ce que j'ai gagné. Tout de suite !
Sidoine
C'est déjà fait et bien au-delà de ce que vous avez mérité. Votre babelutte m'a coûté le prix d’une grosse maison et je ne sais pas comment je payerai le prochain médecin !
Nostradamus
Saligaud ! Fumier ! Tu as un paquet d'or et il est à moi. Tu me le dois. Je vais aller chez le juge, je gagnerai, je te ruinerai.
Sidoine
Vous gagnerez sûrement : vous avez le droit des avocats pour vous et de mon côté il n'y a que la justice.
Et je n'ai pas un paquet d'or.
Nostradamus
Tu as pas ! C’est pas vrai, dis ? Mais c’est pas vrai hein ! Ordure ! Tu as dit que tu avais un paquet d'or et c'est pour ça que j'ai soigné.
Sidoine
VOUS avez dit que j'avais un paquet d'or.
Nostradamus
Dégueulasse ! Tu l'as dit, tu l'as dit, tu l'as même juré.
Sidoine
Non.
Nostradamus
Si ! Tu as dit, enfoiré, tu as dit que tu avais un tas d'or, et tu as juré de me le donner.
Sidoine
Non.
Nostradamus
Tu oses nier ! Oh le putanasse Il ose nier !
Sidoine sur un ton mielleux
J'ai dit qu'on pouvait mettre mon or dans un paquet et j'ai juré que je vous donnerais tout l'or que je possédais.
Nostradamus stupéfait réalise
Oh noum di Diou !
Oh noum di Diou !
Il m'a eu ! Il m'a refait ! Bonne Mère, ce quart de moine m'a retapissé ! Oh la vache ! Le sagouin ! Ce dégénéré, ce paysan belge m'a truandé, moi ! …. Tu m'as refait. Gangster ! Tu m'as arnaqué, moi ! Tu as rapiné mon or, MON or. Voleur ! Tu m'as volé, tu m'as ruiné. J'ai rien. Je suis pauvre. Je suis un pauvre, un pauvre pauvre.
Mais ça te portera pas chance. Tu le payeras, tu le payeras cher. Salaud ! Je dirai partout que tu me dois de l'argent, que tu es mangé de dettes et les gens y te cracheront dessus, na !
Sidoine
Ah, ça ne rate jamais.
Et si on se calmait un brin.
Nostradamus
Tu disais que tu étais riche, or tu étais qu'un faux riche, donc un malhonnête.
Sidoine
Et vous, vous êtes honnête ?
Nostradamus
Bien sûr, je paye ce que je dois.
Sidoine
Et être honnête, ça se résume à ça d'après vous ?
Nostradamus
Tout le monde y s'en fouti de la morale. On ne vaut que le poids de son argent.
Sidoine
Moi je dis que le réclameur doit être honnête avant le payeur. Vous n'avez pas reçu ce que vous voulez mais j'ai payé beaucoup plus que ce que vous valez. De toute manière, c'est un crime d'exiger d'un pauvre plus que ce qu'il possède, quelle qu'en soit la raison : il n'y a donc pas lieu de vous plaindre.
Éliabel
Cher docteur, à vous entendre, on dirait un oiseleur injuriant l'oiseau qui a réussi à gober l'appât sans se laisser prendre.
Nostradamus
Ferme-la, espèce de radasse ! Tu crèves sans tarder et c'est bien fait. Tu crois qu'on peut te guérir ? Imbécile ! Quand on est aussi conne que ça, on mérite de crever.
Julien
Le vrai bonhomme se découvre. C'est un avide et une crapule.
Nostradamus
Espère un peu toi, prétentieux crétin, et tu goûteras ma vengeance.
Julien
Je ne vous crains pas.
Nostradamus
Tais-toi, malparlant !
Coquin de sort ! Me faire détrousser et me faire insulter par un blanc bec, une quinteuse et un vieux con ! Ah, si c'est comme ça dans le Grand Nord, je m'en retourne.
Il saisit le manuscrit et commence à s'éloigner.
Sidoine
Ho ! Vostradamusse… Qu'est-ce que vous allez y faire dans votre Midi ?
Nostradamus
Bé, médiciner bien entendu.
Sidoine
Et c'est pour médiciner que vous avez besoin des Centuries du père Yves ?
Nostradamus gêné
Nnn..non.
Bien sûr que non.
Sidoine
Je m'en serais douté. Et comment ça se fait d’ailleurs que vous ayez pu sortir de la bibliothèque avec un livre. C’est strictement interdit, vous le savez bien.
Nostradamus
C’est le frère libraire qui me l’a donné à lire.
Sidoine
Le frère libraire vous l’a donné ? Ça, faudrait que je l’aie vu deux fois pour le croire. Et s’il l’a vraiment fait, il ne sera plus longtemps frère libraire.
Nostradamus
Écoutez-moi, Monsieur le Convers. J'ai quand même consulté Mademoiselle et chez n'importe quel médicin, ça mérite salaire. Alors, si vous avez pas d'argent, laissez-moi ça. Voyez-vous, Monsieur le Convers, c'est qu'une vieillerie qui vaut pas deux sous à la vente, mais je suis sûr, vraiment sûr, que c'est quéque chose d'important et ici, ça intéresse personne. Les moines d'ici ils disent que c'est des bezingouilles que même un boumian, il en voudrait pas.
Sidoine
Hein ? Qu'est-ce que vous chantez là ? Les frères disent quoi vous dites ? Bézingouilles ? Qu'est-ce que ça veut dire bézingouilles ?
Nostradamus
Je dis que les moines de Cambron rient de cette vieille cornichonnerie.
Sidoine
C'est pas vrai !
Nostradamus
Si, c'est vrai.
Sidoine
Vous mentez !
Nostradamus
Je le jure
Sidoine
Mais c'est pas possible !
Nostradamus
C'est le frère libraire lui-même qui me l'a dit en me tendant le livre.
Sidoine
Hein ! Ça alors ! Une vieille cornichonnerie ! Nom de Dieu ! Une vieille cornichonnerie ! Je leur en foutrai, moi, une vieille cornichonnerie. Bande de cornichons ! Décidément, l'Histoire avance mais les hommes restent cons.
Et vous, qu’est-ce que vous en pensez ?
Nostradamus
Je te l'ai dit. Moi je sais que c'est quéque chose d'important. J'y comprends rien, mais je sais que c'est important. Je crois que c'est une très grande prophétie.
Sidoine
Une vieille cornichonnerie ! Ah c’est comme ça ! Une vieille cornichonnerie ? Eh bien écoutez Docteur Nostradamus : si vous promettez d'en faire le meilleur usage, nous, on n'a rien vu.
Nostradamus
Je te remercie bien.
Sidoine
Et ainsi vous repartez en Provence ?
Nostradamus
Sûr ça, et de suite encore !
Sidoine
Et qu’est-ce que vous allez y faire ?
Nostradamus
Bé, je vais médiciner, pardi ! C'est mon métier.
Sidoine
Médiciner ? Avec la même médecine qu’ici ?
Nostradamus
Que veux-tu dire ? Il y en a pas d'autre.
Sidoine
Pas d'autre, en effet. Ce que je me demande, c'est si on a vraiment le droit de faire payer une médecine pareille ?
Nostradamus
Té ! Et je vivrai de quoi ? gros malin.
Sidoine
Est-ce que je sais moi ? Faites-vous astrologue, ou prophète. Ça ne vaut pas mieux mais ça fera moins de dégâts.
Nostradamus
Prophète ! Vous en avez de bonnes !
Sidoine
À Paris ça rapporte gros.
Nostradamus
J’aime pas Paris. Ça pue, et c’est plein d’étrangers et de Parisiens. Ah ! je me languis mon Midi ! Oui, j’y retourne sans traîner, avé le livre. Prophétiser ? Mhhh… sait-on jamais ?
Sidoine
Va, et bon voyage, avé l'assen et sympathie gran couillon !
Nostradamus saisit son bâton de voyage et s’éloigne.
(à suivre)
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire