LE MAÎTRE DE FLANDRE - Texte de Rudy Cambier
Nous vous proposons de retrouver régulièrement, en feuilleton, sur notre page facebook ce texte inédit:
Tout est arrivé par la faute d'Arnold et à cause d'une bouteille de vin à deux euros. À passé cinquante piges, Arnold s'en laissait encore conter sur la bibine. Enveloppé, emmélassé, ensucré par les astuces du négoce, il confondait l'art et le commerce, la valeur et le prix. Décidément, il fallait que ça change, et ça changea.
En ce début de la décennie 1990, nous ratiocinions donc sur le prix du vin. Petit à petit s'imposait le constat bien connu que les bouteilles de vin sont comme les femmes : les meilleures ne sont jamais celles dont parlent les gazettes et celles qui coûtent cher ne valent jamais leur prix. Je catéchisais le catéchumène du jus de la treille : "Le poids des deniers que coûte la bouteille de vin est proportionnel, non pas à la saveur du liquide qui glougloute dedans, mais à la profondeur de l'imbécillité du snob qui épate sa tablée. Dans le domaine du vin, comme en toute matière non vitale, les moutons de Panurge engrais-sent les spéculateurs. Prenons l'exemple de la clique qui vit du vin de luxe et, dans cette bande, tenons-nous-en aux propriétaires fonciers : supposons qu'on se mette à dire la vérité, supposons que le consom-mateur s'en réfère désormais au jugement du bon sens, imaginons que l'intelligence, soudain, commande. Dans la semaine qui suivra cette re-création du monde, quelques dizaines de milliardaires vont se re-trouver multi-multi-millionnaires, autrement dit, les très-très-très ri-ches du Bordelais et de la Champagne ne seront plus que très-très ri-ches. Quel malheur ! Oui, c'est le combat de la bonne gouvernance contre le racket des gros fermiers. Faut-il vraiment encore donner tant de subsides, c'est-à-dire l'argent des pauvres à des gaillards qui gagnent déjà 30, 40, 50, 100 fois, 1000 fois le SMIG ?" Ainsi devi-saient deux copains, Arnold Geernaert et Rudy Cambier, à Ransart, dans la banlieue de Charleroi en Belgique.
Dans la vie, tenir le bon discours est déjà bien, avoir la connaissance active est encore mieux, prôner le comportement adéquat est la voie du salut, poser l'action opportune devrait être la finalité universelle. Obéissant à nos propres préceptes, nous avions donc résolu de gravir le long chemin de la sanctification pinardière et, vu que l'expérience est la mère de l'intelligence et la source de la vraie science, nous expé-rimentions. Modestement, à deux, dans la cuisine d'Arnold. Des preu-ves existent et vous avez vu une photo qui m'incrimine, mais on s'est bien gardé de laisser à ma portée les documents prouvant la complicité – qui fut pourtant active, allègre et persévérante – de l'autre individu.
Ce samedi après-midi-là, nous tastevinions donc une bouteille pour travailleurs vendue en réclame par une moyenne surface du Pays Noir, un pur nectar qui ne pouvait pas se targuer d'un nom précieux et qui nous avait coûté 85 francs belges de l'époque, deux euros et la moitié d'une chique. Tout à coup, sans la moindre raison raisonnable, Arnold me demanda : "Et Nostradamus, qu'est-ce que tu en penses ?" ...
( à suivre... )
Nous vous proposons de retrouver régulièrement, en feuilleton, sur notre page facebook ce texte inédit:
Tout est arrivé par la faute d'Arnold et à cause d'une bouteille de vin à deux euros. À passé cinquante piges, Arnold s'en laissait encore conter sur la bibine. Enveloppé, emmélassé, ensucré par les astuces du négoce, il confondait l'art et le commerce, la valeur et le prix. Décidément, il fallait que ça change, et ça changea.
En ce début de la décennie 1990, nous ratiocinions donc sur le prix du vin. Petit à petit s'imposait le constat bien connu que les bouteilles de vin sont comme les femmes : les meilleures ne sont jamais celles dont parlent les gazettes et celles qui coûtent cher ne valent jamais leur prix. Je catéchisais le catéchumène du jus de la treille : "Le poids des deniers que coûte la bouteille de vin est proportionnel, non pas à la saveur du liquide qui glougloute dedans, mais à la profondeur de l'imbécillité du snob qui épate sa tablée. Dans le domaine du vin, comme en toute matière non vitale, les moutons de Panurge engrais-sent les spéculateurs. Prenons l'exemple de la clique qui vit du vin de luxe et, dans cette bande, tenons-nous-en aux propriétaires fonciers : supposons qu'on se mette à dire la vérité, supposons que le consom-mateur s'en réfère désormais au jugement du bon sens, imaginons que l'intelligence, soudain, commande. Dans la semaine qui suivra cette re-création du monde, quelques dizaines de milliardaires vont se re-trouver multi-multi-millionnaires, autrement dit, les très-très-très ri-ches du Bordelais et de la Champagne ne seront plus que très-très ri-ches. Quel malheur ! Oui, c'est le combat de la bonne gouvernance contre le racket des gros fermiers. Faut-il vraiment encore donner tant de subsides, c'est-à-dire l'argent des pauvres à des gaillards qui gagnent déjà 30, 40, 50, 100 fois, 1000 fois le SMIG ?" Ainsi devi-saient deux copains, Arnold Geernaert et Rudy Cambier, à Ransart, dans la banlieue de Charleroi en Belgique.
Dans la vie, tenir le bon discours est déjà bien, avoir la connaissance active est encore mieux, prôner le comportement adéquat est la voie du salut, poser l'action opportune devrait être la finalité universelle. Obéissant à nos propres préceptes, nous avions donc résolu de gravir le long chemin de la sanctification pinardière et, vu que l'expérience est la mère de l'intelligence et la source de la vraie science, nous expé-rimentions. Modestement, à deux, dans la cuisine d'Arnold. Des preu-ves existent et vous avez vu une photo qui m'incrimine, mais on s'est bien gardé de laisser à ma portée les documents prouvant la complicité – qui fut pourtant active, allègre et persévérante – de l'autre individu.
Ce samedi après-midi-là, nous tastevinions donc une bouteille pour travailleurs vendue en réclame par une moyenne surface du Pays Noir, un pur nectar qui ne pouvait pas se targuer d'un nom précieux et qui nous avait coûté 85 francs belges de l'époque, deux euros et la moitié d'une chique. Tout à coup, sans la moindre raison raisonnable, Arnold me demanda : "Et Nostradamus, qu'est-ce que tu en penses ?" ...
( à suivre... )
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