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vendredi 3 mai 2013
(suite) La fin des templiers par Rudy Cambier.
Les chemins décrits indiquent que le convoi venant de Paris s’est rendu directement à Saint-Léger, au Nord de Tournai, non loin de l’Escaut. Les chariots venant d'Europe Centrale passèrent par Mayence, Cologne, Bruxelles et Bruges jusqu'à Slijpe (Ypres). Quant aux biens récoltés en Europe du Sud, ils vinrent par bateau et abordèrent à La Panne, au milieu du plus grand domaine de tout l'Ordre du Temple, à quelques kilomètres de Slijpe. De Slijpe on rejoignit Saint-Léger, puis de là Moustier et Wodecq, à trois cents mètres des terres de Cambron. Trois chariots firent deux fois le chemin de Saint-Léger jusqu’à Wodecq.
À Wodecq, le Temple possédait un tout petit bien, un écart comme on disait, nommé «le petit abri blanc ». On y enterra les tonnes. Les six frères Templiers qui avaient mené les chariots sur le dernier chemin, de Saint-Léger à Wodecq, furent tués sur place et leurs cadavres laissés près des tonneaux. Par-dessus on construisit une fosse à purin et une écurie.
La fosse à purin était la garantie que personne n’irait fouiller puisque descendre dans une fosse à purin c'est aller à la mort certaine et instantanée : à la première inspiration, on s'évanouit ; la seconde inspiration est toujours mortelle. Quand on est vraiment obligé d’y faire quelques travaux, il faut mettre en œuvre une longue préparation qui dure des mois et qui n'est certainement pas discrète : tout le village est au courant. Je sais que c’est vrai : chez moi, au temps de ma jeunesse, malgré nombre de précautions, j’ai moi-même failli laisser mes os dans un de ces lieux nauséabonds que je devais réparer. J’en ai réchappé de justesse, et j'y ai en tous cas laissé ma santé ! Mais reconnaissons le fabuleux humour de je ne sais pas qui : mettre des tonneaux sous le purin dans une brasserie, c'est-à-dire à l'endroit le plus inattendu dans un lieu où manipuler des tonneaux est la chose la plus naturelle, difficile d’être plus génial ! Même si le populo entend parler des tonneaux, qui s'en étonnera et qui pensera à autre chose qu'à de la bière ?
Puis le bien fut vendu à réméré à un brasseur. Le brasseur est échevin (juge élu) de Wodecq (il subsiste encore au moins deux actes publics qui portent sa mention, dont un a trait … à l'hôpital Notre-Dame à la Rose de Lessines. Ces actes datés de 1300 et 1326 reposent toujours dans les archives de l'hôpital). On vendit donc à quelqu’un du monde des petites gens et qui avait bonne réputation. Pourquoi vendre ? Mais bien entendu pour que le bien ne fasse plus partie des possessions du Temple et qu'il ne puisse donc en aucun cas être saisi ! Mais à réméré, ce qui à l’époque s'apparente à une opération hypothécaire et non pas une vente ferme : la vente à réméré prévoit expressément que le vendeur peut racheter son bien. Dans un délai de trente ans, un homme mis dans le secret pouvait se présenter muni du titre de vente, déposer sur la table la somme reçue pour prix d'achat en 1307 et il récupérait le bien sans avoir à fournir la moindre explication à qui que ce soit. Car l'opération était montée comme si le Temple, donnant sa petite propriété en garantie, avait emprunté de l'argent au brasseur et il suffisait de rembourser le prêt pour récupérer le bien. Le roi de France voulait de l’argent pour ses caisses, il n’allait certainement pas en dépenser pour faire lever une hypothèque sur un bien dont il n’avait rien à foutre et dont au surplus il ignorait tout ! Mais tout cela était un secret partagé par trois hommes seulement, et par trois saints hommes …
Pourquoi à Wodecq ? Parce que ce village est au cœur de cette fameuse Terre des Débats au statut incertain et controversé pendant des siècles. Wodecq est un lieu sis à 7 km du lieu de naissance du moine Yves. Un lieu qu'il connaît bien car il était dans le ressort administratif de son propre père ; en fait Jehan Desprez, le père d'Yves, y faisait fonction de chef-receveur des impôts, et un receveur des impôts sait tout de chacun de ses administrés ! Un lieu encore où l'abbaye de Cambron, leur abbaye, possède une énorme exploitation agricole à quelques centaines de mètres de l'abri blanc. Un lieu donc où, en raison d'une histoire plus que particulière qui remonte au fils de Charlemagne, il n'y a pas de vrai pouvoir et un lieu que, depuis la ferme abbatiale, les protagonistes ont constamment sous les yeux ! Difficile de trouver mieux …
Nous sommes au Moyen-Âge : tout est religieux. Dieu agit partout et tout le temps. Il va donc agir pour ressusciter le Temple. Souvenez-vous de la promesse de Jésus lui-même dans l'Évangile : "Ce Temple, je le relèverai en trois jours" et les Templiers prennent ça au pied de la lettre ou presque. Les trois hommes attendent donc l'homme que Dieu va envoyer pour rebâtir l'Ordre du Temple.
Les deux frères Montigny meurent la même année en 1315. Celui qu'Yves nomme "l'attendu" ne vient pas et en 1323, quinze ans après les événements, en proie au désespoir, seul survivant du triumvirat, âgé de 83 ans, Yves Desprez décide de confier son secret à un poème énigmatique. Il travaillera cinq ans à cette œuvre qu’il rédige la nuit dans sa chambre de prieur. De 1323 à 1328, le vieux moine Yves devenu prieur, écrit un poème énigmatique de 4000 vers qui raconte cette histoire. Il l'appelle Les Centuries en l'honneur de l'Ordre du Temple dont un des noms était Legio Iesu Christi, la Légion de Jésus-Christ. Du point de vue littéraire, c’est la plus grande énigme jamais écrite dans l’histoire de toutes les littératures du monde. Et en plus, le style est génial …
Élevé à la dignité d’abbé, Yves Desprez dit Yves de Lessines meurt en mars 1329, âgé de 90 ans.
Le poème, composé de 10 Centuries de 100 quatrains chacune, et connu sous le nom de "Prophéties de Nostradamus" n'a pas été écrit dans les années 1550 par le Provençal Michel Nostredame, mais de 1323 à 1328 par un moine cistercien dont la langue maternelle était le picard parlé entre la Dendre et l'Escaut. L'histoire même du texte coulé de la plume d'Yves de Lessines, prieur de l'abbaye cistercienne de Cambron en Hainaut au début du 14ème siècle, est bien plus extraordinaire que les plus extraordinaires prophéties que les disciples et traducteurs de Nostredame ont cru y lire.
(à suivre).
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