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jeudi 23 mai 2013
(suite) La fin des Templiers par Rudy Cambier
Scène 1
***
Arsène
Les femmes, elles sont connes, ch'te dis. Connes comme t'as pas idée. Mets-toi bien ça dans ta p'tite tête !
Julien
Sûr que j'voudrais bien baiser, mais ça ne marche jamais.
Arsène
Faut oser
Julien
Je ne sais jamais quoi leur dire.
Arsène
N'importe quoi est bon. Elles cherchent un mâle, pas un orateur.
Julien
Moi je ne sais pas.
Arsène
Tu r'gardes la bonne femme avec des yeux bien mouillants. Tu travailles ta voix, comme ça : « t’as d’beaux yeux, tu sais ». La grognasse s'imagine que tu la trouves la plus belle fille du monde et du coup tu d'viens le plus beau mec du monde.
Julien
Ça ne marche pas !
Arsène
Mais si !
Julien
T’as facile à dire, elles te courent toutes après, elles font tout ce que tu veux.
Arsène
Ch'suis doué et elles en demandent.
Julien
Y faut quand même faire attention aux conséquences.
Arsène
Me faire du mouron pour des pétasses ?
Julien, choqué
Et l'amour que …
Arsène
Sacré sot ! L'amour n'a rien à faire là d’dans. L'amour, c'est la fille qui te le donne. Toi, si t’es un vrai mâle, tu prends. Tu domines. D'ailleurs, tu remarqueras que les femmes n'aiment que ceux qui les écrasent.
Julien
Mais tu délires ! Les femmes ne sont pas comme ça.
Arsène
Mais siiii !
Julien
Mais non ! Pas toutes les femmes quand même …
Arsène
Oh si ! Et la tienne aussi sera comme ça !
Julien
Sûrement pas ! J'aimerais encore mieux …
Arsène
Elles font semblant de n'être pas comme ça, elles posent à la sainte Nitouche.
Julien
Tu es fou !
Arsène
Elles sont vertueuses tant qu'un vrai mâle n'est pas disposé à les sauter.
Julien
T'es un salaud !
Arsène
Pire est la bête et plus la femme en est folle.
Julien
Mais c'est pas vrai !
Et si la vie à deux c'est ça, elle ne vaut pas la peine d'être vécue.
Arsène
Pourquoi à deux ? À plusieurs c'est bien meilleur !
Julien
Des partouzes !
Arsène
Ouiiii ! Et les délicieux adultères !
Julien
T'es un beau saligaud ! Et l'amour, pour toi, ça n'existe pas ?
Arsène
Décidément, tu ne comprendras jamais que l'amour est le pire ennemi de celui qui aime. Tu veux savoir la vérité ? Tu as l'esprit d'un benêt, l'âme d'un curé, l'avenir d'un moine et l'destin d'un cocu.
Allez, on r' tourne aux ch’vaux et on va boire un pot chez la grosse Zulma…
En partant, Arsène aperçoit Éliabel et Poupette avant que le public les voie.
Arsène
Oh nom de Dieu ! Qu'est qu' c'est qu'ça ?
Tous deux regardent.
Arsène
Oh, nom de Dieu ! Avise un peu la pièce ! Oh le beau cul ! Tudieu ! Celle-là j'vais m' la farcir, j'vais m' la faire, j'vais la tringler, j'vais lui péter sa virginité. Allez Julien, du courage. Pour moi la blanche, à toi la bleue : c'est une bonne aussi.
Julien
Qu'en sais-tu ?
Arsène
J' m'y connais.
Entrent les deux filles, Éliabel en blanc, Poupette en bleu, chacune porte un seau en bois.
Arsène
Salut les filles !
Poupette
Bonjour Monsieur. Vous êtes Monsieur Arsène, n'est-ce pas ?
Arsène
Tu m’connais ?
Poupette
Tout le monde vous connaît. Mon nom c'est Poupette et j'habite là, tout près, à la rue du Poêlon.
Arsène, montrant Julien à Poupette
Mon pote Julien. Tu lui as tapé dans l'œil, ch'te jure.
Poupette, ironique
Ah ouais …
Arsène
Vise un peu la poupée bleue qu’y m’a dit, on dirait un ange. C'est l'fils du châtelain d'Ath.
Poupette
Ah, c'est un des fils d'Albert.
Arsène
Julien c'est le cadet.
Arsène à Éliabel
Et toi, qui tu es ?
Poupette répond
C'est ma meilleure copine. Comment se fait'y qu'on vous croise là ?
Arsène
On chassait le lapin. Et vous ? Ne me dis pas que vous chassiez …la pine ?
Poupette rigolant
Naaaaan ! Je viens à l'eau tous les jours à cette heure-ci.
Mais vous, vous allez-ty venir chasser souvent ?
Arsène
HhHh. Ça s'pourrait.
Poupette
Ici ?
Arsène
Ça s’pourrait.
Poupette
Tous les jours ?
Arsène
Ça s'pourrait.
Poupette
À c't'heure-ci ?
Éliabel tousse (mais ne pas exagérer, presque discret) En fait, elle doit tousser de temps en temps pour que la fin soit crédible. En quelque sorte, la toux téléphone discrètement la finale. Nous ne le répéterons plus.
Arsène
À c't' heure-ci.
Puis s'adressant à Éliabel, Arsène
Et toi aussi tu viens à l'eau.
Éliabel
Je viens pour elle. Nous, nous avons notre puits.
Passe le Trimard ; il porte une besace bien gonflée.
Trimard
Un' p'tit' charité, m'sieursdames. N'auriez pas un'p't'it charité, un quignon-un croûton-une mîlette pou un pauv' trimard. 'L bon dieu vous l'rendra …
Il continuera à parler populaire, mais nous nous dispenserons de le noter par des apostrophes.
Éliabel
Bonjour Trimard ! Passe à la ferme. J'ai caché trois œufs pour toi.
Le Trimard vient vers Éliabel.
Poupette affiche une mine dégoûtée et fait un pas en arrière
Trimard
Trois œufs ! Trois œufs ! Jésusmariejoseph, Trois œufs ! Vous êtes une sainte, ma petite dame. Trois œufs ! Doux Jésus ! Trois œufs ! Trois ! Je n'devrai même plus en voler cette semaine-ci ! Pour de vrai, vous êtes une sainte !
Mais faites attention, je vois que le diable n'est pas bien loin de vous !
Éliabel
J'ai déjà senti l'odeur de la fumée mais c'est gentil de me mettre en garde. Merci Trimard, et à tout à l'heure.
Le Trimard
À tantôt, sans malheur.
Il part en agitant la main
Arsène à Éliabel
T'habites où ?
Éliabel
À la ferme Labrique.
Arsène
T'es la fille du Philosophe !
Se tournant vers Poupette
Tiens ch'te présente mon copain Julien. T'es son modèle de femme.
… puis vers Julien
Hein que Poupette est ton idéal, pas vrai ?
Julien bafouille
Oui Si Ah oui ouioui,
Arsène
Eh ben viens. Fais pas dans ton froc. Elle va pas te mordre.
Julien s'avance
Je … Tu … Vous … Euh … Peut-être queeee …
Pendant ce temps, Poupette toise le gamin et rit méchamment.
Éliabel jette un regard de mépris à Poupette
Poupette à Arsène
Ta robe elle est d'un chic ! Y a pas à dire, ça en jette. On dirait de la soie.
Arsène
C'est d' la soie.
Éliabel tousse
Poupette
Ça s'voit tout d'suite que c'est d'la vraie. C'est chic mais c'est difficile à porter. Mais à toi, ça t'va très bien. T'as l'air d'un prince …
Arsène à Éliabel
Et toi, ma beauté, tu n'dis rien ?
Éliabel
J'écoute.
Arsène
Tu m'écoutes, beauté ?
Éliabel
Le moyen de faire autrement quand on n'entend que vous ?
Arsène
Moi je ne demanderais pas mieux que de t'écouter toi. Je t'écouterais pendant des semaines. Je t'écouterais toute ma vie. Je t'écouterais tout le temps. Il lui saisit la main qu'elle retire.
Éliabel
Le seul que vous écoutez parler, c’est vous.
Arsène
Mais non !
Éliabel
Allons donc !
Arsène, se tournant vers Julien, à mi-voix
Eh bien celle-ci, ce sera dur ! Un sacré morceau ! Vraiment pas un morceau pour toi ... (Du coup Éliabel décide que si ! ! ! On doit le voir à sa figure.) Heureusement que j'ai de l'expérience avec les femmes…
Éliabel
Ne vous faites pas un si gros cou.
Arsène
Et pourquoi donc ?
Éliabel
C'est que pour devenir l'amant d'une femme, il suffit d’être plus bête que le précédent ou qu'elle vous trouve de meilleur rapport.
Poupette en riant
Vous savez, Monsieur Arsène, je d'vrais p'têt pas vous dire ça, mais Éliabel, elle aime pas les hommes. Pas les vrais hommes en tous cas.
Colère froide d'Éliabel.
Les vrais dans son genre, certainement pas !
Arsène à Julien
Hé, Julien ! T'oublie ta belle Poupette.
Julien détourne la tête et montre un début de colère pendant que Poupette le toise ruisselante de mépris.
Arsène à Éliabel
Vous êtes vraiment quelqu’un qui sort de l’ordinaire. On ne peut pas s’empêcher d’avoir tout de suite du sentiment pour vous.
Éliabel riant
Vous avez du sentiment ! Ouh là lààà ! Si vite !
Cassante : Rien de plus étranger à vous que les sentiments.
Retour à l'ironie : C’est la platée que vous servez à toutes les bergères que vous croisez ?
Arsène
Je confesse que ce fut peut-être vrai jusqu’à aujourd’hui.
Éliabel
C’est donc l’ordinaire entrée en matière de vos culbutages.
Arsène en drague
Mais tout ce que j’ai vécu avant n’a plus existé dès l’instant où vous êtes apparue.
Éliabel
Ah ? De gros oublis ? Je vous cause des problèmes de mémoire ? Vous êtes frappé d’une fragilité congénitale de la cervelle peut-être ? Madame votre mère est un peu faiblarde du sommet, à ce que j'ai entendu dire.
Arsène totalement désemparé
Vous me plaisez. Vous me plaisez même beaucoup.
Éliabel
Eh bien, ce n'est pas réciproque.
Arsène (outrancièrement à la manière de Gabin à MM )
T'as d'beaux yeux, tu sais.
Éliabel sèchement
Les vôtres sont salaces.
Arsène
Hé là ! Tu sais à qui tu causes ?
Éliabel
À un monsieur sans galanterie et bien peu recommandable malgré son grand nom… Enfin ! un nom un tout petit peu grand dans un tout petit canton.
Arsène
Mmmmh. Une tigresse. J'aime bien les tigresses, moi. Ça m'plait quand ça résiste.
Éliabel
Avec moi, Meuhsieur Arsène, vous ne risquez rien. Les tigres, c’est bien connu, ne touchent jamais à la charogne.
Arsène
Nom de Dieu ! Tu vas retirer ça, oui…
Éliabel le coupe
Pourquoi ? Nous n'avons pas affaire à un monsieur mais à un espèce d'individu mal fini, à un barbare vil et sans manières.
Arsène
Je … moi … je … un barbare !
Éliabel
Vil et sans manières
Arsène
Sans manières ? Sans manières ! Moi ! vil et …et …
Éliabel
Votre drague m’importune.
Arsène
Oh non de Dieu de salope !
Éliabel
Votre personne me répugne et je méprise les gens aussi vides que vous.
Arsène
Oh non de Dieu de salope !
Éliabel
Je continue à vous dire vos vérités ?
Pendant tout ce temps, Poupette regarde Arsène avec des yeux de merlane.
Arsène à Éliabel
Et puis, si t'es si conne, va te faire foutre, prétentieuse grognasse. Des comme toi, on en trouve treize à la douzaine. Tu te prends pour qui ? Tu oublies que tu n'es qu'une fille de fermier. Non mais … pétasse !
Puis Arsène à Poupette, son expression changeant du tout au tout
Tu viens faire un tour ?
Poupette
Naaan !
Arsène
Siii !
Poupette
Mais naan …
Arsène
Tu ne veux pas ?
Poupette
Naan…
Arsène
Pourquoi pas ?
Poupette
Pour ça.
Arsène
Allez, viens.
Poupette
Où çà ?
Arsène
Dans le grand pré des moines.
Poupette
Ah non, jamais !
Arsène
Mais si, viens. Juste promener.
Poupette
Ouais, les garçons disent tous ça, et après …
Arsène
Les aut's, oui, mais moi, j'te jure qu'on n'fra rien. Juste promener et parler un peu.
Poupette
Ouais, ch'te crois pas.
Arsène
Pourquoi tu me crois pas ? Tu m'fais pas confiance ? T'as pas confiance en moi ? Tu crois qu'je mens ?
Poupette
Ch’sais pas.
Arsène
Tu crois que je mens ? Dis-le, je mens. Je suis un menteur ?
Poupette
J'ai pas dit ça !
Arsène
Alors ? On y va ?
Poupette
J'oserais jamais.
Arsène
Pourquoi ? T'as peur de moi ? T'as pas confiance ?
Poupette
Si. Ch’te crois. Mais …
Arsène
Alors ? On y va ?
Poupette
Tu n'fras rien ?
Arsène
Ch'te jure.
Poupette
On va nous voir.
Arsène
Mais non ! On s'cachera bien.
Poupette
Naaan, j'veux pas.
Arsène
Mais enfin ! Pourquoi ?
Poupette baisse les yeux et parle presque à mi-voix
Pas dans le pré des moines.
Arsène
Où çà alors ?
Poupette
C'est mieux dans les roseaux …
Arsène
D'accord. On va dans les roseaux.
Elle se dresse et part avec un regard de triomphe.
Arsène fait un clin d'œil à Julien et lève le pouce.
En marchant, Arsène à Poupette
Et ton amie, qu'est-ce qu'elle va dire ?
Poupette
Rien du tout. C'est une pimbêche mais elle dira rien. Et ton copain ?
Arsène
Te fais pas de mouron. C'est qu'un p'tit con.
° ° ° ° °
(à suivre).
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