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samedi 1 juin 2013
La monade hiéroglyphe.
LA MONADE
HIÉROGLYPHIQUE
DE
JEAN DEE
DE LONDRES
TRADUITE DU LATIN
pour la première fois
PAR
GRILLOT DE GIVRY
PARIS
BIBLIOTHÈQUE CHACORNAC
II, QUAI SAINT-MICHEL, II
MCMXXV
NOTE
La Monas Hieroglyphica, composée à Londres, et terminée en 1564 à Anvers par le Dr John Dee, astrologue de la reine Elisabeth, est un petit traité qui enseigne comment l'hiéroglyphe mercuriel dérive du point central ou iod générateur.
Nous l'avons reproduit intégralement avec sa belle préface à Maximilien II.
Nous avons seulement omis l'avertissement de la première édition au typographe Guillaume Silvius, dans lequel Jean Dee recommande à celui-ci d'apporter un soin exquis à la composition de son livre et principalement à la reproduction des figures qui l'illustrent, puis de n'en point délivrer d' exemplaires aux gens du vulgaire (promiscuo hominum generi), qui pouvaienten faire mauvais usage.
Ces pages eussent été superflues aujourd'hui. Outre que Silvius a très imparfaitement obéi à la première de ces monitions, puisque toutes les éditions de la Monade sont déshonorées par des figures ignobles, inexactes, que pour la première fois nous avons reconstituées scrupuleusement suivant la pensée même de l'auteur, et conformément au texte, la seconde est d'une observation trop difficile pour pouvoir conserver quelque autorité; ces lignes étaient donc sans inté'rêt.
La présente traduction est la première qui existe en langue vulgaire. Nous avons vainement cherché au British Museum la trace d'une prétendue traduction anglaise signalée par l' Encyclopédie Britannique.
Dans les numértos 8, 9 et 12 de l'Initiation de 1893 a été publiée une sorte de paraphrase de la Monade Hiéroglyphique, signée Philophotes, et qui ne mérite pas le nom de traduction.
GRILLOT DE GIVRY
LA MONADE HIÉROGLYPHIQUE
DE JEAN DEE DE LONDRES
A
MAXIMILIEN
PAR LA GRACE DE DIEU
SAPIENTISSIME ROI DES ROMAINS
DE LA BOHÊME
ET DE LA HONGRIE
PRÉFACE
A L'EXCELLENTISSIME MAJESTÉ DU GLORIEUX ROI MAXIMILIEN JEAN DEE DE LONDRES SOUHAITE LE PLUS HEUREUX EMPIRE
NOTES:
Les deux causes qui peuvent animer un homme de ma condition à offrir à un si grand Roi un don si minime sont celles qui m'ont porté à composer ceci; savoir: ma très grande affection pour Votre Majesté et l'insigne rareté ainsi que l'excellence non méprisable du don lui-même, quoique fort petit.
C'est une affection éternelle pour vous qu'ont excitée et produite vos admirables vertus qui sont si grandes, que ceux qui ne les ont pas constatées de leurs propres yeux ne croient que médiocrement ceux qui en rapportent des choses extraordinaires, quoique très vraies. Mais ceux qui ont contemplé soigneusement et attentivement ces mêmes vertus avoueront qu'ils se trouvent, pour les décrire, en proie à une très grande indigence et pauvreté d'expressions et de mots, de telle sorte qu'ils désirent s'étendre le plus possible en longs discours sur leur excellence. Moi-même, au mois de septembre dernier, ayant passe quelque temps à Presbourg, ville de votre Royaume de Hongrie, j'ai reconnu, en témoin oculaire les causes très excellentes et diversement variées de cette difficulté d'exprimer ces vertus.
Quant à la rareté du don (vraiment minuscule par sa taille) j' en parlerai aussi brièvement que possible en disant que le cours de la vie humaine se présente à moi, entre autres opinions, comme devant être, avec raison, considéré, de tout l'effort de mon esprit investigateur, comme partagé en deux parties (dans l'une desquelles presque tous marchent préférablement). En effet, à peine la courte période de la première enfance (infantia) et celle de la seconde (pueritia) sont-elles passées, que l'option commence déjà à torturer l'âme des adolescents pour décider dans quel genre de vie ils entreront ensuite; ils hésitent un peu devant la bifurcation quz se présente à leur jugement incertain; puis ils se décident enfin, soit (séduits par l'amour de la vérité et de la vertu) à suivre la voie philosophique, à laquelle ils s'appliquent de toutes leurs forces pendant tout le reste de leur vie, soit (enlacées par les charmes mondais ou enflammés par la cupidité des richesses), à embrasser la vie délicate ou avidement lucrative, dans laquelle its s'efforcent ardemment de travailler par tous les moyens possibles. Et de ceux-ci tu en trouveras certainement un millier, et avec la plus grande facilité, tandis que des premiers (c'est-à-dire de ceuz qui sincèrement s'adonnent de tout cœur à la philosophie), tu pourras à grand'peine m'en montrer un seul, qui aura dégusté seulement les premiers et véritables fondements de la physique. Et sur un millier de ceux qui se sont adonnés tout entiers à l'étude de la sapience, il en est à peine un qui aura profondément et pleinement perscruté les causes du lever, de la course et du coucher des forces, des actions et des corps célestes, et qui même en pourra exposer les principes élémentaires.
Quel est-il donc, alors, celui qui, toutes ces difficultés surmontées, aura aspiré â la spéculation et à la compréhension des vertus supercélestes et des influences métaphysiques? Où est-il, dans tout l'orbe des terres (en ces temps déplorables qui sont les nôtres) ce Magnanime, et cet unique HÉROS? Puisque selon la progression de notre proportion millénaire (que nous avons adoptée non sans motif}, c'est PARMI CENT MYRIADES DE SINCÈRES PHILOSOPHES ET PARMI CENT MILLE MYRIADES D'HOMMES VULGAIRES QUE NOUS DEVONS ATTENDRE CET UNIQUE ET TRÈS HEUREUX ENFANT!
Représentons donc à manière pythagorique (comme on l'appelle) le Type HIÉROGLYPHIQUE de cette RARETÉ que nous venons d'exposer. Par ce moyen, les plus grands mystères qu'il faut y considérer vont s'offrir d'eux-mêmes à Votre Excellence qui les contemplera plus attentivement, tels qu'ils ont été décrits suivant cette formule, dans nos Théories cosmopolites.
ARBRE DE RARETÉ
Et maintenant, dans quel grade de cette triple rareté (philosophique), ci-dessus exposée (Clémentissime ROI), désirerais-je que soit et se place ce don que je fais? Toi-même qui excelles surabondamment dans la cognition des arts les plus grands et des choses les plus secrètes, tu pourras le deviner aisément. Je ne pense pas que je puisse arrogamment le placer au rang de la première et de la plus profonde philosophie. Cependant, quoique d'un ordre inférieur, on peut remarquer qu'il veut parfois s'élever beaucoup plus haut; et précisément à cause de ce degré d'excellence, j'ose promettre à votre Celsitude qu'on peut espérer de ce mien don des fruits abondants; et à cause également de la rareté qui le caractérise, puisqu'il est composé, jusqu'à la dernière phrase, dans ce mode d'écrire suivant lequel je n'ai pu reconnaître, ni par l'audition, ni par la compréhension, des monuments anciens, qu'aucun ouvrage absolu ait été fait jusqu'à ce jour.
Bien que je l'appelle Hiéroglyphique, celui qui l'aura examiné plus attentivement avouera qu'il contient cependant une lumière et une force en quelque sorte mathématique; ce que l'on sait avoir été assez rarement fait en ces choses si rares. Et n'est-ce pas rare, je le demande, que les caractèes astronomiques vulgaires des Planètes (tirés des documents perdus au inexplicables, ou tout au moins presque barbares) puissent être produits à la vie immortelle et leurs forces particulières êre expliquées très éloquemment en toute langue et à toute nation? A quoi vient s'ajouter, ce qui est très rare également, que les corps externes de celles-ci (par les meilleurs arguments Hiéroglyphiques) sont rappelés ou restitués a leurs Symétries mystiques telles qu'elles existèent autrefois dans les premiers siècles, ou telles qu'elles durent être choisies par nos ancêtres. Dans les figures des Dodécatémories de l'Ecliptique, que nous avons tenté de reconstituer, la chose est si rare qu'elle paraît entièrement nouvelle. Et que tout ceci soit contenu dans cet unique caractère Hiéroglyphique de Mercure (muni d'une certaine figure pointue), voilà qui est tout à fait rarissime. Donc vraiment, notre livre peut être nommé par nous le restituteur et l'instaurateur de toute l'Astronomie; et, en ce genre, l'envoyé de notre äåäé de telle sorte que nous avons établi à nouveau, ou restauré par nos avertissements, l'Art sacré de cette notation, totalement oublié et disparu complètement de la mémoire des hommes. Et ceci a été fait par nous de telle sorte qu'avec la plus grande placidité, et comme le plus naturellement du monde, toutes ces interprétations Hiéroglyphiques se placent d'elles-mêmes en leur lieu véritable sans qu'on puisse rien trouver en tout cet opuscule qui soit outré ou impropre. Et de même, tous seront forcés d'avouer qu'il est tout à fait rare d'avoir, par notre Sceau Londonien {Londinensis) d'Hermès, consignté ces choses (à la mémoire éternelle des hommes) et de telle sorte que pour signifier ces choses (dont nous avons parlé) il ne se trouve en ce sceau ni un point superflu ni un point défectueux! Et entre autres ceux qui, dans les plus profondes disquisitions de la philosophie et de la sapience, pourront déclarer publiquement son nom.
Ainsi les grammairiens en rendront témoignage, puis-qu'ils se verront avertis que l'on donnera ici les raisons des formes de lettres, de leur place, de leur situation dans l'ordre de l'Alphabet, de leurs différents liens, de leur valeur numérale et de plusieurs autres choses (qui doivent être consideérées dans l'Alphabet primaire des trois langues). Comme d'ailleurs, aussi rare est le grammairien qui puisse exactement soutenir que la grammaire, qu'il faut apprendre d'un homme, soit une science unique, que ce1ui que nous avons démontré être rarissime sur la terre et que nous avons défendu autrefois apologétiquement (1). Mais plus de mystères sont manifestés ici par moi et qui ont de très solides fondements (tant de cet art de la Grammaire que de ces mystères qui sont dévoilés à l'aide de celle-ci} jetés dans les Sacro-saintes Ecritures de DIEU omnipotent, que je n'en pourrais exposer en un grand livre, ni qu'on n'en saurait exiger ici en un espace si restreint. Et ne sois pas étonné, ô illustre Roi des Romains, de m'entendre en ce moment, et incidemment rapporter que cette littérature alphabétique contient de grands mystères, puisque Lui-Même (l'Ipséité), qui est le seul Auteur de tous les mystères, s'est comparé lui-même à la première et à la dernière lettre (A et W} (Ce qui ne do it pas s'entendre simplement dans la seule langue grecque, mais qui peut encore être démontré de plusieurs manières au moyen de cet art, soit dans la langue hébraique, soit dans la langue latine). O combien donc doivent être grands, les mystères des lettres intermédiaires! (2) Et il n'est pas extraordinaire que ceci existe dans es lettres, puisque toutes choses visibles et invisibles, manifestées ou occultissimes (naturellement ou artificiellement) et émanant de Dieu lui-même, ont été examinées par nous en une très soigneuse recherche, en vue de célébrer et de proclamer sa Bonté, sa Sapience et sa Puissance. C'est pourquoi saint Paul (Ep. aux Romains, ch. I, v. 20} enseignait que le genre humain était inexcusable, même s'il n'eût eu aucun autre monument écrit, témoignant de tous ces mystères, que celui qui, par la création, a été tracé par le doigt même de DIEU en toutes les créatures. {1) On lit en marge: En l'an 1557, dans le miroir de l'Unité, ou Apologie pour Roger Bacon, Anglais.
(2) Mystères insignes, en effet, sur lesquels nous nous efforcerons de jeter quelque précision, dans notre Introduction à l'étude de la Kabbale: "Tout ce qui est écrit dans la loi de Dieu, dit Guillaume Postel dans son commentaire sur le Sepher Ietzirah, [Sepher Yetzirah] est compris entre Alef et Tau, de telle sorte que, de même que la Sapience créée est le principe, est la fin, de même le Verbe est le principe et la fin". Ces paroles jettent une lumière admirable sur la nature occulte du Verbe incarné. C'est avec raison qu'il est dit dans l'Apocalypse (I, 8; XXI, 6; XXII, 13): Ego sum Alpha et Omega. Ces mots signifient non seulement: Je suis le principe et la fin; mais encore: Je suis le Verbe, la Parole par excellence, puisque A et W limitent la totalité des lettres au moyen desquelles se forment la totalité des paroles posslbles. Nulle appellation ne convenalt mieux à Celui qui est le Verbe. C'est pour cette raison qu'un vieux livre occulle, le Testamentum duodecim Patriarcharum (apud Margarinum de la Bigne, Bibl. patrum, in-fo 1610), appelle le Christ, le prêtre nouveau, Sacerdos novum auquel toutes les paroles de Dieu seront révélées (Cap. III, texte Levi.) On peut consulter avec fruit sur ce sujet le commentaire de Rabbi Abraham sur le Sepher Ietzirah (édit. Rittangelius, 1642), qui contient une intéressante étude sur l'emploi des mots OS äåäé et Verbum äåäé dans la Thorah etles Prophètes (G. de G.)
Mais je n'ai pas maintenant la prétention d'exiger de tous les grammairiens qu'ils reconnaissent ceci; mais de prendre à témoin ceux qui travaillent à creuser les secrets mystères des choses, que nous avons présenté (par notre Monade) un rare exemple en ce genre, et de les avertir amicalement que les premières lettres Mystiques des Hébreux, des Grecs et des Romains, formées par Dieu seul, et transmises aux mortels (quelque chose que puisse objecter l'arrogance humaine), ainsi que tous les signes qui les représentent ont été produits par des points, des lignes droites et des périphéries de cercles (disposées par un art merveilleux et sapientissime.) Et bien que l'Eternelle Sapience de notre Père Céleste nous apprenne que toute parole de la loi Mosaïque doit être considérée jusqu'à l'accomplissement d'un Iota et d'un point (S. Matth. cap. V, v. 18), l'ultime analyse de la considération légale étant faite en quelque sorte toute entière dans le IOD et le Hhireck (desquels surgissent toutes les lettres et voyelles hébraïques (3) cependant ceci n'est pas contraire à ce que nous disons, que PAR L'UNITÉ DU HHIRECK OU APEX, RESTANT IMMOBILE, LA TRINITÉ DES MONADES CONSUBSTANTIELLES EST APERÇUE DANS L'UNITE DE CE MÊME IOD, ET EST FORMÉE PAR LA LIGNE DROITE DESCENDANTE ET PAR LES DEUX AUTRES PARTIES DROITES QUI SE JOIGNENT TOUTES A LA PÉRIPHÉRIE. D'où nous découvrons par ce même travail assez approfondi, que les premiers hommes n'ont pu former suivant de tels principes mystiques, cette surprenante construction des lettres hébraïques et des Nekudoth (4) sans être puissamment secondés par l'inspiration de l'Essence Divine. Et quoique, de tous ces mystères, les plus infimes soient les seuls qui puissent être examinés par les jugements des grammairiens vulgaires, cependant, pourvu qu'ils s'accordent eux-mêmes, et par quel merveilleux artifice, avec toute lettre et toute génération des Nekudoth, les plus grands et les plus excellents de ces mystères sont considérés par les plus sapient, et instruisent ceux-ci (par l'anagogie absolutissime). (3) Dans le Iod, c'est-à-dire dans l'Unité, le Iod étant considéré comme le point central, l'emblème générateur. En effet, le Iod et le Hhireck, (qui n'est autre que le point-voyelle équivalant au son i), sont les seuls éléments de formation des lettres hébraïques. Ainsi la lettre Aleph à est formée de quatre Iod ainsi placés . Et ainsi pour les autres lettres Opus et characteres absoluta figura ex uno Iod esse compositos et formatos, dit Guillaume Postel dans son commentaire sur le Ietzirah. Il ajoute plus loin: Alef, Beth, He, Chet, Teth, etc., constant duo numero, hoc est 4 Iod singulæ. (G. de G.)
(4) Nekudoth úåã÷ð, les points-voyelles, c'est-à-dire l'ensemble des signes massorétiques. Voyez ce mot employé dans Cantica Canticorum, I. 11. {G. de G.)
Mais abandonnant ces Philosophes de la langue et des lettres, je veux m'attacher les Mathématiciens comme témoins très sincères de la rareté de ce don. L'Arithméticien (je ne dis pas le Calculateur) ne sera-t-il pas émerveillé de voir que ses nombres, qu'il cachait abstraits des choses corporelles et libérés de toutes les choses sensibles dans l'entendement pur (in Dianæas), par d'obscurs détours, et dont it traitait là, par diverses spéculations de l'esprit, soient ici, dans notre oeuvre, présentés et devenus comme concrets et corporels et que leurs âmes et leurs vies formelles soient séparées d'eux-mêmes, dans nos formulus. Et ne sera-t-il pas extrêmement étonné de voir une si considérable production de la Monade, à laquelle nulle autre Monade ni aucun nombre n'est ajouté ni ne peut être extrinsèquement adjoint à dessein de la multiplier? Et ne sera-t-il pas rempli de la plus grande admiration que, dans cette règle très subtile et générale des revenus et des biens, l'évaluation d'une chose proposée et indéterminée (tanquam Chaos) (et capable de résoudre tout doute arithmétique) ainsi que son intérêt, et sa valeur, ou estimation (de la puissance cachée en cette chose elle-même) soit expliquée toujours dès le premier examen par le nombre Dénaire, Géomètre (ô mon Roi!) commencera à hésiter et àw; être trè difficilement d'accord avec lui-même sur les principes de son art (ce qui est extrêmement remarquable), tandis qu'ici, en secret, il les entendra murmurer, désigner et dévoiler par le Mystère Quadratural, Circulaire, et parfaitement égal, de cette Monade Hieroglyphique. Ici les célèbres travaux d'Archimèdes auraient pu être abrégés et couronnés d'un succès complet, tandis qu'il n'a pas résolu le problème qu'il avait cherché. It suffit qu'il en ait voulu connaître les grandes lignes. Quel étonnement le musicien pourra à bon droit manifester, lorsque, sans mouvement ni son, il comprendra ici les Harmonies inexplicables et célestes? Et l'Astronome ne se repentira-t-il pas d'avoir souffert extrêmement de la rigueur du froid, des veilles et des labeurs, tandis qu'ici, sans avoir à supporter aucune injure de l'air, abrité sous un toit, les fenêtres et les portes closes, it pourra à tout moment observer très exactement de ses yeux les périphories (c'est-à-dire les circonvolutions) des corps célestes? Et ceci vraiment sans aucunes machines ni instruments de bais ou de métal! Et l'opticien (persperctivus} ne condamnera-t-il pas la stupidité de son talent, lui qui aura travaillé de toutes façons afin de construire un miroir en suivant paraboliquement la ligne de la section du cône (convenablement tracée en forme de cercle) et par le moyen duquel une matière quelconque (capable de s'enflammer), à lui présentée, puisse être portée à un incroyable degré de chaleur par les rayons solaires, tandis qu'ici, par la Section trigone au tétraèdre, est produite une ligne, de la forme circulaire de laquelle on peut faire un miroir qui (même lorsque les nuages obscurcissent le soleil), peut réduire en poussières presque impalpables, et par la puissance de la chaleur (vraiment très grande) toutes sortes de pierres et de métaux. Et celui qui pendant toute sa vie aura travaillé assidûment à de subtiles spéculations de poids (5), comme it jugera avoir bien employé et ses dépenses, et ses labeurs, larsque le Magistère de notre Monade lui enseignera ici, par une très certaine expérience que l'élément de la terre peut flotter sur l'eau (6). Et ceux qui ont agité soigneusement les raisons de la Plenitude et de la vacuité (7) (argument controversé dès les débuts de la Philosophie), verront que par cette loi et par le lien (comme indissoluble) de la nature (formé par Dieu le Tout-Puissant) les surfaces des éléments voisins sont coordonnées, unies et connexes, comme peuvent le montrer aux hommes avec certitude certains effets merveilleux dans le feu, l'air et l'eau, qui doivent être conduits et excités (au gré de leurs désirs) en haut et en bas, à droite et à gauche (ce qui les rend ainsi utiles aux nations, par diverses découvertes, camme le montre tout l'artifice des machines hydrauliques, et autres thaumopœetica (8) de Héron d'Alexandrie, comme on a coutume de les appeler maintenant. De plus, nul ne renvendiquera comme étant de sa profession, de pouvoir, au moyen d'une machine quelconque, puiser (exantlare) au moyen de l'eau, l'élément de la terre et l'élever dans le feu; et cependant nos théories de la Monade en démontrent la possibilité. O Sapientissime Roi, placez ces choses dans les Trésors très secrets de votre esprit et de votre mémoire. (5) C'est-à-dire l'alchimiste.
(6} Dans l'athanor ainsi que dans le Tohau-Bahou génésiaque. (G. de G.}.
{7) Cf. Plutarque, de Iside et Osiride,, § XXIX (G. de G.).
(8) Il faut lire évidemment: Thaumatopoetica, choses merveilleuses, étonnantes (G. de G.).
Je viens maintenant au Kabbaliste hébreu qui, lorsqu'il' verra sa Géométrie (9), et ses Notariacon et Tzyruph (10) (qui sont comme les trois princiPales clefs de son art), être exercés hors des limites de la langue nommée Sainte, et même que de tous côtés (par les choses visibles et invisibles qu'il rencontre) les caractères et notes de cette tradition mystique (reçue de Dieu) sont liés ensemble, alors il appellera aussi cet art: saint (s'il le comprend agissant selon la vérité), et il avouera que c'est le même Dieu, bénévolentissime, qui est, sans Philosophie (ou partialité), non celui des Juifs seulement, mais celui de tous les peuples, de toutes les nations et de toutes les langues, et que nul mortel ne se peut excuser de l'ignorance de notre sainte langue (11). C'est elle que j'ai appelée, dans nos Aphorismes aux Parisiens, la Kabbale véritable, ou de réalité, tandis que j'appelle l'autre vulgaire, ou de paroles seulement ou grammaire Kabbalistique, qui s'appuie sur toutes les lettres que peut écrire l'homme dans tous les alphabets connus. Cette Kabbale réelle, qui nous est née avec la loi de la Création (comme saint Paul l'indique) est aussi plus divine que la grammaire, puisque c'est elle qui est la très fidèle explicatrice de ces arts très nouveaux et profondément abstrus, comme d'autres pourront, d'ailleurs, l'éprouver par notre exemple. Je sais bien (ô Roi) que tu ne craindras pas, bien que ce soit en ta Royale présence, que j'ose proposer cette parabole magique, Notre Monade hiéroglyphique possède, cachée dans le centre du centre, un certain corps terrestre que la divine puissance par laquelle il doit agir, instruit elle-même, sans paroles, et auquel, dès qu'il aura agi, devra être jointe (par une alliance perpétuelle) l'infiuence gonétique (ou génératrice), lunaire et solaire bien qu'au-paravant, au ciel ou ailleurs, elles fussent complètement séparées de ce même corps. Cette union (avec l'approbation de Dieu) étant consommée (celle que j'ai traduite aux Parisiens par thV gamhV gaian, c'est-à-dire la terre au mariage ou le signe terrestre de l'union influentale) sur sa terre native, celle-ci ne peut être nourrie ou arrosée au delà de la quatrième, grande, complète et vraiment métaphysique révolution; et cette progression étant achevée, celui qui l'aura entretenue disparaîtra d'abord lui-même dans la Métamorphose, et ne se manifestera que très rarement ensuite aux yeux des mortels. Ceci, ô Roi excellent, est la véritable et tant de fois célébrée (et sans crime) Invisibilité des Mages, qui (comme l'avoueront tous les mages futurs), est attachée aux théories de notre Monade. Le Médecin très expert pourra très facilement, au moyen de ces mêmes théories, se conformer à la volonté mystique d'Hippocrates, Car il saura ce qu'il faut et ce à quoi il faut ajouter et retrancher (12) s'il veut avouer dorénavant volontiers que son art et la médecine elle-même sont contenus sous la formule extrêmement concise de notre monade. Le Lapidaire (Beryllisticus) Peut très exactement voir ici, dans une lamelle cristalline, toutes choses qui se trouvent soit sur terre, soit dans l'eau, sous le ciel de la Lune; et dans l'escarboucle ou pierre Adam' (íãà) (13) il explorera toute région aérienne et ignée. Et si le vingt et unième théeorème de notre Monade hiéroglyphique donne satisfaction au Voarchadumique (14), il lui indiquera de considérer attentivement Voarh Beth Adumoth (15) et il avouera qu'il ne lui sera pas besoin, pour devenir philosophe d'aller voyager aux Indes ou aux Amériques. (9) Jean Dee veut dire ici: Guematria àéøèîâ qui est un des modes de lecture Kabbalistique. L'arbre Kabbalistique a, en effet, trois branches principales:
àéøèîâ Guematria
ïå÷éøèåð Notaricon
äøåîú Themurah.
dont les trois initiales forment úðâ, Jardin, autrement dit le Gan-Eden, le Paradis, le lieu de la science suprême. Les initiales des quatre sens sacrés de la langue primitive forment également le mot Pardès, qui signifie Paradis (G. de G.)
(10) óøö Ce mot est employé au Sepher Ietzirah, Cap. II, section 2, où on lit dans l'énumération des opérations sacrées pour la formation des lettres:
æôøö æøéîçå æì÷ù æáöç æ÷÷ç.
Guillaume Postel, dans son commentaire sur le Sepher Ietzirah, ne sachant comment rendre cette expression, traduit hardiment: "Zirufavit, ii zirufa;" et il ajoute: "pour exprimer une idée nouvelle, il faut nécessairement un mot nouveau." Ce mot, suivant lui, signifie mutation formelle, par opposition à Temura, qui est la mutation de la matière informe. II est, en effet, l'évolution ultime du Iitzer øöéé de la Genèse (chap. II, v. 7), et il marque, dans le plan organique, le circulus de vie progressant à travers la matière, théorie dont le transformisme moderne n'est qu'une grossière caricature (G. de G.).
(11) Parce que chaque langue d'origine sacrée à sa kabbale particulière qui la rattache à la langue primitive universelle. Consulter également notre Introduction à l'étude de la Kabbale (G. de G.)
(12) On lit en marge: Hippocratis: liber de Flatibus.
{13) Le Bereshit assimile, en effet, avec beaucoup de raison l'hominalité universelle avec la matière alchimique portée à son plus haut degré de perfection qui se présente alors sous la forme d'une terre rouge (G. de G.)
(14) Nom de l'Alchimiste transcendant par opposition au Souffleur. On doit lire à ce sujet le trailé Voarchadumia contra Alchemiam, du prêtre venitien Jean Augustin Pantheus. (G. de G.)
(15) Littécalement: Or de deux rubifications, c'est-à-dire de deux cémentations parfaites. (G. de G.)
Enfin, quoique nous ayons écrit ailleurs aux Parisiens sur le genre suprême (adeptivum) (c'est-à-dire sur tout ce que l'art et vingt années des plus grands travaux d'Hermès ont pu donner, promettre et obtenir de plus parfait} (16) et sur ce qui appartient à sa Monade (le tout éclairé par une démonstration anagogique}, nous assurons fermement à Votre Majesté Royale que tout ceci, par l'œuvre analogique de notre Monade Hiéroglyphique, est exprimé d'une manière si précise que nul autre exemple plus conforme à la vérité ne peut être proposé au genre humain. Ce que l'on doit traduire en soi de deux manières, savoir: absorber l'œuvre dignifiée elle-même, puis imiter la dignification de l'œuvre. (16) En marge: Anno 1562.
Maintenant tu m'accorderas, ô Roi Maximilien, que j'ai assez parlé (et je crains même, si le vulgaire des hommes entend toutes ces choses, que ce soit plus qu'assez) de la rareté de ce mien présent théorétique (par l'insigne honneur du triple diadème), et que sa bonté a été définie jusqu'à ses dernières limites. Qu'il soit donc suffisant (ô ornement singulier de tous les royaumes) que, tandis que nous avons démontré soigneusement combien notre présent est rare, nul cependant ne se soit trouvé (bien que vraiment médisant par le dérèglement de la langue) qui ait pu faire murmurer l'oiseau Æsopique. Mais tous les modestes et sapients philosophes avoueront qu'il est tellement supérieur, qu'il montre clairement l'indignité de la calomnie de celui-ci, et qu'ils ne dédaigneront pas d'accorder avec moi louanges et honneur à ce Phœnix, des ailes de la seule miséricorde duquel nous avons extrait avec crainte et amour ces très rares plumes théorétiques, destinées à couvrir notre nudité qui nous vient d'Adam, afin que, par elles, nous résis tions plus vigoureusement à certains froids très âpres de notre ignorance, et que, très attachés à la pudique Vérité, nous voilions la turpitude de l'erreur aux yeux de ceux qui s'adonnent à la philosophie, Et bien que nous ne nous appuyions ici sur aucune autorité humaine, si cependant quelque notable parole ou écrit de quelque ancien philosophe pouvait être favorablement expliqué par notre lumière, nous ne refuserions pas de le présenter amicalement à notre postérité. Comme dans certains mystères d'Hermès, d'Ostanès, de Pythagore, de Démocrite et d'Anaxagoras, que nous condescendons à approuver par nos démonstrations hiéroglyphiques, sans agir comme ceux qui, au contraire, leur mendient un témoignage. Et tant d'excellence est jointe à tant de rareté que nous protestons que rien n'a été placé par nous en quelque endroit que ce soit de ce livre, ni ouvertement ni secrètement, qui ne soit pas honnête, sincère, conforme à la dignité humaine, et très utile à l'étude véritable de la religion et de la piété très parfaite, Et comme nul, certainement, ne peut marcher en ligne droite parmi de si ardus mystères, hormis celui qui possède toute leur parfaite amplitude, ainsi nul ne montrera plus promptement sa puérilité, sa malice ou son arrogance que celui qui osera condamner comme impie ou rejeter comme frivole quelque chose de celles que nous avons confiées à votre sapience. Qui peut être pris à témoin de ceci, puisque le souverain Roi des rois Omnipotent n'a fait nul plus puissant en autorité, plus expert en pratique de toutes choses, plus perspicace dans le jugement, que le Roi Maximilien? Votre auguste Majesté sera donc envers moi ce qu'elle est envers tous les autres; c'est-à-dire que toutes ces présentes théories lui ayant été prouvées et étant considérées par elle comme définitivement fixées, non seulement elle clora ainsi la bouche de beaucoup de grammaticastres de peu de valeur, mais elle relèvera même les âmes de beaucoup de chercheurs de philosophie, soit déjà abattus par l'incertitude proclamée de si grands mystères, soit craignant, à cause de la rareté des choses, les jugements superbes des ignorants qui ont coutume de condamner les bonnes études tout comme les mauvaises (au hasard, sans discernement, à cause de la seule similitude du nom). Puisque, par suite de la perte extrêmement déplorable des meilleurs livres, on peut constater très évidemment que les uns et les autres de ces hommes ont souvent porté, à diverses époques, beaucoup de détriment à la République chrétienne; c'est certainement par un génie apte à comprendre et à expliquer de si grandes choses, bien qu'elles l'effraient tout d'abord, et par cette étude des mystères, étude universelle, aussi noble que divine, et condamnée grossièrement et vaniteusement par les jugements des ignorants, qu'elle fera certainement bientôt des progrès non médiocres. Mais ce n'est pas ici le lieu de comparer à chacune des sciences véritables, leurs émules, c'est-à-dire les sciences fausses, oisives, odieuses, incommodes et inutiles à la société des hommes, qui seules, et par cette même raison qu'elles sont vulgaires, captivent et circonviennent les hommes; nous reconnaissons qu'elles doivent être repoussées et condamnées, non seulement par le jugement du vulgaire, mais par celui du sapientissime; et nous conseillons qu'il en soit fait très soigneusement ainsi. Mais comment ceux qui, ne connaissant ni l'existence, ni le lieu et la qualité des premières, substantielles vraiment, et qui ne sont que les ombres ténuissimes de celles-ci, osent-ils et peuvent-ils avec quelque apparence de raison, condamner les études non vulgaires des hommes non vulgaires? Que justice soit faite. Qu'il soit attribué à chacun ce qu'il mérite; à ces vulgaires demi-savants qui, non seulement recherchent les ombres des grandes sciences, mais qui falsifient même et adultèrent scélératissimement celles-ci, nous attribuons les folies et toute l'impiété des erreurs; et au contraire, il me semble (ô Roi), non seulement inhumain, mais injuste et presque impie, ou d'outrager (à cause de la calomnie sans valeur du vulgaire) ceux qui sont avancés dans les bonnes et solides études, et qui sont aussi illustres par leurs bonnes mœurs que glorieux par leur intégrité, ou d'exciter la haine contre leur nom et leurs études, ou d'attenter à leur vie.
Car de même que, partout, toutes les ombres, de quelques corps que ce soit, ont des limites communes avec ces mêmes corps (ce qui est très connu des mathématiciens), de même ici, les Sapients (Sophi), pour parler et pour écrire, profèrent des phrases communes à la fois à ces mêmes corps véritables et aux ombres de ceux-ci. Et là où les singes ignorants, téméraires et présomptueux ne s'emparent que des ombres seules, nues et vides, les philosophes, plus sapients, goûtent le fruit très agréable et la solide doctrine des corps eux-mêmes. (17) Et ainsi vraiment nous voyons qu'il adviendra que ce qu'ils croyaient posséder (et qui n'était qu'ombre), leur sera très justement arraché des mains, comme non solide ni sincère; tandis qu'à ceux qui étudient les corps, toute cognition et compréhension honnête et légitime des ombres leur sera en même temps acquise. It convient donc (ô Roi) de choisir avec rectitude entre l'Ombre et le Corps et de distinguer les limites, les qualités et les usages de l'un et de l'autre. Ceci est le glaive royal et impérial de la Justice, qui trouve ici, comme en beaucoup d'autres circonstances, l'occasion d'exercer son office divin. Et cependant, par un certain art très parfait, les Sapients eux-mêmes (Sophi) introduisent très volontiers quelques-unes de ces figures trompeuses (umbratiles) dans les détours sinueux de ces mêmes corps, de peur que les ânes, se ruant grossièrement dans les jardins des Hespérides, ne viennent dévorer les fruits (lactucæ) électissimes, tandis que les chardons leur suffisent (18). (17) En marge: S. Luc. ch. 8.
(18) Les Alchimistes, entre autres, ont fréquemment usé de ce procédé, en introduisant à dessein dans leurs écrits, des absurdités destinées à dérouter le vulgaire. Cf. Roger Bacon, De secretis operibus artis et naturæ. (G. de G.)
Tu me pardonneras, ô Roi, de taxer le monde d'injustice (de l'autorité du Christ). Ce n'est pas que je veuille ici, en aucune manière, énumérer les ornements si célèbres de ta sapience; ce n'en est ni le lieu ni le temps, et ce serait même tout à fait superflu. Je m'arrête donc ici. J'offre donc très humblement à Votre Sérénissime Majesté ce mien enfant (Londonien par sa conception, Anversois par sa naissance) de la Monade Hiéroglyphique; en vous priant de toutes mes forces de ne pas dédaigner d'en devenir maintenant le parrain, afin qu'il puisse vraiment ensuite, lorsqu'il sera plus grand en âge et plus recommandable par son autorité, être continuellement gardé en votre présence. Je veux ensuite, ô clémentissime Roi, qu'il soit ensuite considéré comme vous appartenant, puisque, m'ayant considéré vous-même pendant toute la parturition d'un regard très favorable, vous l'avez rendu présent à mes yeux de telle sorte que le travail de la publication de cette édition est devenu pour moi facile et rapide. Car moi qui l'avais porté en gestation en mon esprit (19) d'abord pendant sept années consécutives, par votre incroyable puissance magnétique après un si long intervalle, je l'ai enfanté avec la plus grande placidité en ce monde inférieur, dans l'espace de douze jours seulement. Qu'il soit propice et favorable, tant à votre Auguste Celsitude qu'à mes très ardentes études de la sincérissime Vérité, c'est ce que je prie de nous accorder cette sacro-sainte Trinité, qui, fondée avant tous les siècles, vit et règne sempiternelle dans l'omnipotence de la Monade ineffable; et à qui seule toute espèce de louange, honneur, vertu et gloire soit, par toute créature, à jamais proclamée et chantée. Amen.
Anvers, année 1564, 29 janvier.
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