Éloge de la simplicité
Dans
son discours de réception à l’Académie Française, Buffon énonça cette phrase
étonnante : Le style est l'homme même. Vérité surprenante de paradoxe : l'art
n'est-il pas toujours et partout artifice, convention, déguisement ? Bien sûr
que oui ! Mais combien de fois – des centaines, des milliers ? – n'ai-je pas constaté que Buffon avait vu
juste...
Car le paradoxe
n'est pas là où on l'attend, pas dans l'art mais dans l'homme : le petit homme
ordinaire est un petit menteur et l'homme public est un grand, un immense
menteur. Telles gens qui ne parlent que de défendre ou prononcer la justice
sont seulement avides et iniques ; tels politiciens ou syndicalistes qui se
clament les défenseurs des petits travailleurs s'acharnent à faire grosse
fortune, et vite ; telle vedette qui se construit une renommée de charmante
gentillesse est, hors caméras et micros, une fort méchante rosse ; et tel don
juan susurre "De toute ma vie je n'ai jamais croisé une femme comme
toi" à celle qui vient de lui faire savoir en se plaignant de son homme
qu'elle a envie de passer, dévêtue, une couple d'heures en présence de ce
semi-professionnel de la baise subreptice. Les artistes aussi font tout cela.
Mais l'art de
l'écriture est différent en ceci que Buffon avait bien perçu : lue
attentivement – vraiment attentivement – toute œuvre d'écriture livre l'être
intime de l'écriveur. Je vais vous donner un exemple qui est à l'exact opposé
d'Annik : si vous lisez attentivement les romans de Mauriac, vous comprenez que
l'auteur, qui affecte et affiche la sainteté formelle, est un sinistre faux-cul
infecté de presque tous les vices que Satan, en sa malignité, créa.
Il y a un sacré
bout de temps que je connais Annik. Deux images pour vous la montrer : Annik,
dans la mer à Cuba, apprivoisant des dauphins jusqu'au point de les amener à
venir la caresser, et Annik, quelque part en Afrique, parvenant à prendre et
papouiller un lionceau à côté de la lionne qui surveille, et à portée d'un coup
de griffe mortel ! Voilà donc qui est cette femme d'une force de caractère hors
du commun. Par des moyens simplissimes – pas de mots, peu de gestes – elle
conquiert l'âme des êtres sensibles en leur parlant avec le langage de son cœur
seulement : bonté, gentillesse, générosité et simplicité.
Le style d'Annik,
c'est ça : pas d'effets gratuits, pas de "m'as-tu vu écrire", pas non
plus de ces collections de ficelles et de trucs qu'on enseigne dans les écoles
d'écriture américaines et autres, non, rien que la simplicité. Les cuistres, je
le sais d'avance, dénigreront cette manière de faire les phrases. Je vais donc
répondre par avance aux méchancetés dédaigneuses qu'ils n'ont pas encore dites.
Moi, je suis un vieil homme de la terre et mon style est à l'image de la terre,
parfois sec comme un désert, parfois gai comme un pinson, parfois acéré et
attentif comme les loups en chasse, parfois complexe comme une molécule d'ADN,
parfois calme comme un bord de mare. Mon style est terrien, celui d'Annik, lui,
est stellaire en ce sens que ses livres sont composés uniquement d'une
accumulation d'atomes légers, et puis tout d'un coup, on s'aperçoit que ça
brille, comme une étoile.
Mais seul le sage
voit les étoiles...
Il me reste à
remercier Annik d'avoir puisé dans mes travaux une partie de la trame de son
roman car cette histoire que j'ai découverte, l'histoire vraie de sauvetage de
l'Ordre du Temple manigancé par le prieur de l'abbaye cistercienne de Cambron,
est tellement surprenante et tellement belle qu'elle mérite de devenir une
légende.
Rudy Cambier.
Rudy Cambier.
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