lundi 22 avril 2013

LA FIN DES TEMPLIERS.

Suite de la fin des templiers par Rudy Cambier.
Auteur de l'oeuvre du vieux moine. Le dernier chemin des templiers.

Quelques éléments
historiques
et biographiques
épars.

Selon Rudy Cambier.

Déposé à la Bibliothèque Royale de Belgique pour l’énième fois le 22 août 2006. © ® 2006.

* * *

Yvain Despretz ou Desprez ou Despres ou Ivo de Pratis, fils de Jehan, est nommé "de Lessines" d'après son lieu de naissance ainsi que le spécifie un manuscrit de l'abbaye de Cambron. L'histoire de la vie d'Yves de Lessines éclaire toutes les bizarreries, tout l'inexplicable des Centuries, faussement appelées prophéties de Nostradamus.

D'une famille de petite noblesse, il naît vers 1240 dans une ville du nord du Hainaut, en Belgique. Son père, nommé Jehan Desprez dans les documents rédigés en picard et "de Pratis" en latin, est un hennuyer originaire de Quiévrain. Ce Jehan Desprez a trouvé un emploi de fonctionnaire : il exerce les fonctions de châtelain de Lessines, c'est-à-dire qu'il gère les intérêts de son patron dans la seigneurie de Lessines-Flobecq et dans la Terre des Débats. Le vrai seigneur de Lessines était en effet un noble flamand de tout premier rang, le baron d'Audenarde, un pair de Flandre

Vers la fin des années 1250, il faut trouver une place pour le gamin. Gros problème : il n'est pas un pleutre mais il n'a pas le volume d'une armoire normande, de la tête plus que des bras et il n'a donc guère de chance de survivre dans le métier des armes. La clergie serait la solution pour n'importe qui, mais pas pour lui : il est fils unique et son père exige qu'il continue la lignée, donc il doit rester laïc et procréer, et gagner sa vie. Pour ce, il faut du piston.

Or le baron d'Audenarde est rebelle à son suzerain le comte de Flandre. Il s'affiche bruyamment du parti du roi de France, il est souvent présent dans l'ost de Saint Louis, il fera la guerre en Italie pour le compte du frère du roi et on le trouve nommé en place honorable tant à la 7ème qu'à la 8ème Croisade. D'un autre côté, en ce 13ème siècle, Gilles le Brun de Trazegnies, un hennuyer aussi, fut pendant longtemps le connétable du roi Saint Louis, c'est-à-dire le commandant en chef de l'armée française. Jehan Desprez connaît les Trazegnies. Voilà donc deux personnages qui ont le bras long. Bref, les relations du père Jehan expliquent que son fils Yves soit engagé par Gilles le Brun pour servir dans l'ost royal.

Yves n'est pas un homme de la castagne gueulante : c'est un surdoué qui trouve à s'employer mieux en réfléchissant. C'est donc dans l'art de l'ingénieur militaire, une activité méprisée, qu'il se révèle. Il devient un spécialiste du siège des forteresses, des machines de guerre, des ponts, des mines, et autres travaux. Mais il est supérieurement intelligent et Yves se trouve vite dans les bonnes grâces de Charles 1er d'Anjou, frère de Saint Louis, et de Robert de Béthune, fils aîné du comte de Flandre Gui de Dampierre. Pendant 20 ans il parcourt la France, l'Italie, les Balkans, la Hongrie, Byzance, la Terre Sainte et même le Nord de l'Égypte et la Tunisie, tantôt "enginieu" au milieu des armées, tantôt, parce qu'il connaît une dizaine de langues, "chargé de mission" de Charles d'Anjou.

Pour Yves, faire métier d'ingénieur militaire ne fut probablement pas un fait de pur hasard. En effet, c'est pendant son enfance et son adolescence qu'on édifia l'église Saint Pierre et cet Hôpital Notre-Dame à la Rose devenu un magnifique édifice reconnu comme patrimoine majeur de la Wallonie : l'acte de fondation date de 1242 et, rappelons-le, il fonctionna sans interruption de 1255 à 1980. Actuellement musée, on y a conservé la plupart des instruments de médecine, chirurgie et pharmacie qui y furent utilisés depuis sa fondation. Or, ce chantier d'importance était situé à 200 mètres du château où le père d'Yves exerçait ses fonctions de châtelain ! Pendant tout le temps de son enfance et de sa prime jeunesse, il n'y avait strictement rien d'autre à faire à Lessines qu'à traîner sur le chantier de l'Hôpital, sauf à traîner, juste à côté, sur le chantier de l'église Saint-Pierre. Il est d'ailleurs beaucoup question de Pierre dans les Centuries et quand il fut élu à l'abbatiat par les moines de Cambron, Yves de Lessines choisit comme blason … le blason de l'apôtre Pierre : les clés, mais en signe d’humilité, il ne s’en attribua qu’une. Le voici tel qu’il apparaît dans les notes manuscrites du moine Noël :

La photo est de Jean-Charles de La Hamaide.

En 1279 ou 1280, nous ne savons pas pourquoi, Yves quitta la carrière militaire et entra à l'Université de Paris où il devint l'ami de deux hommes remarquables. Le premier était le Bénédictin allemand Maître Eckhart, le phare de la mystique rhénane. Le second était un Dominicain, son concitoyen Gilles de Lessines. Un immense savant ce Gilles, à l'avant-garde de la science en même temps que théologien de première force, à un point tel que c'est à lui que Saint Thomas d'Aquin accusé d'hérésie par l'évêque de Paris confia sa défense devant le tribunal inquisitorial ! Eckhart et Gilles sont parmi les esprits les plus ouverts du Moyen-Âge. Maître Eckhart, le plus jeune du trio, mourut la même année qu'Yves, en 1330. Gilles de Lessines, l'aîné des trois, avait trépassé en 1304.

Yves revient dans son Hainaut natal en 1283 à l'occasion du décès de son père et le 22 juillet 1284 il entre comme moine à l'abbaye cistercienne de Cambron. S'il se fait moine à l'âge de 44 ans, c'est – les textes contemporains le notent explicitement – pour échapper au mariage auquel son père, même par-delà la mort, voulait à toutes fins le contraindre. Mais les Centuries, elles, laissent clairement deviner qu'il voulait aussi, par ce geste, expier un penchant homosexuel prononcé et très mal vécu. La date de ses vœux est extrêmement remarquable : il se fait moine un 22 juillet, à la Sainte Madeleine, le jour de la fête des putains ! Belle leçon d’intelligence, d’adresse, de fierté et d’humilité d’un homme qui, sans prêter le flanc aux lazzis du vulgaire et au ridicule d’une confession publique, se reconnaît cependant pécheur du sexe.

Il faut que je dise le drame qui déchira la vie d’Yvain Desprez. Car si ses deux vies, de soldat et de moine, furent parsemées de quelques drames, le pire de tous, celui qu’il vécut le plus mal, qui fut son tourment, c’est bien son homosexualité.
Puisque je vais en parler, je commence par dire que je n’en suis pas, ce qui n’est ni une gloire ni une tare.

livres associés : Les Centuries : la fin d'un mythe de Jehans de la Oultre et La gardienne de la 9e porte d'Annik Couppez Véronèse d'Olrac.


à suivre...

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