Suite de la fin des templiers par Rudy Cambier.
Auteur de l'oeuvre du vieux moine. Le dernier chemin des templiers.
Quelques éléments
historiques
et biographiques
épars.
Selon Rudy Cambier.
Déposé à la Bibliothèque Royale de Belgique pour l’énième fois le 22 août 2006. © ® 2006.
* * *
Yvain Despretz ou Desprez ou Despres ou Ivo de Pratis, fils de Jehan,
est nommé "de Lessines" d'après son lieu de naissance ainsi que le
spécifie un manuscrit de l'abbaye de Cambron. L'histoire de la vie
d'Yves de Lessines éclaire toutes les bizarreries, tout l'inexplicable
des Centuries, faussement appelées prophéties de Nostradamus.
D'une famille de petite noblesse, il naît vers 1240 dans une ville du
nord du Hainaut, en Belgique. Son père, nommé Jehan Desprez dans les
documents rédigés en picard et "de Pratis" en latin, est un hennuyer
originaire de Quiévrain. Ce Jehan Desprez a trouvé un emploi de
fonctionnaire : il exerce les fonctions de châtelain de Lessines,
c'est-à-dire qu'il gère les intérêts de son patron dans la seigneurie de
Lessines-Flobecq et dans la Terre des Débats. Le vrai seigneur de
Lessines était en effet un noble flamand de tout premier rang, le baron
d'Audenarde, un pair de Flandre
Vers la fin des années 1250,
il faut trouver une place pour le gamin. Gros problème : il n'est pas un
pleutre mais il n'a pas le volume d'une armoire normande, de la tête
plus que des bras et il n'a donc guère de chance de survivre dans le
métier des armes. La clergie serait la solution pour n'importe qui, mais
pas pour lui : il est fils unique et son père exige qu'il continue la
lignée, donc il doit rester laïc et procréer, et gagner sa vie. Pour ce,
il faut du piston.
Or le baron d'Audenarde est rebelle à son
suzerain le comte de Flandre. Il s'affiche bruyamment du parti du roi de
France, il est souvent présent dans l'ost de Saint Louis, il fera la
guerre en Italie pour le compte du frère du roi et on le trouve nommé en
place honorable tant à la 7ème qu'à la 8ème Croisade. D'un autre côté,
en ce 13ème siècle, Gilles le Brun de Trazegnies, un hennuyer aussi, fut
pendant longtemps le connétable du roi Saint Louis, c'est-à-dire le
commandant en chef de l'armée française. Jehan Desprez connaît les
Trazegnies. Voilà donc deux personnages qui ont le bras long. Bref, les
relations du père Jehan expliquent que son fils Yves soit engagé par
Gilles le Brun pour servir dans l'ost royal.
Yves n'est pas un
homme de la castagne gueulante : c'est un surdoué qui trouve à
s'employer mieux en réfléchissant. C'est donc dans l'art de l'ingénieur
militaire, une activité méprisée, qu'il se révèle. Il devient un
spécialiste du siège des forteresses, des machines de guerre, des ponts,
des mines, et autres travaux. Mais il est supérieurement intelligent et
Yves se trouve vite dans les bonnes grâces de Charles 1er d'Anjou,
frère de Saint Louis, et de Robert de Béthune, fils aîné du comte de
Flandre Gui de Dampierre. Pendant 20 ans il parcourt la France,
l'Italie, les Balkans, la Hongrie, Byzance, la Terre Sainte et même le
Nord de l'Égypte et la Tunisie, tantôt "enginieu" au milieu des armées,
tantôt, parce qu'il connaît une dizaine de langues, "chargé de mission"
de Charles d'Anjou.
Pour Yves, faire métier d'ingénieur
militaire ne fut probablement pas un fait de pur hasard. En effet, c'est
pendant son enfance et son adolescence qu'on édifia l'église Saint
Pierre et cet Hôpital Notre-Dame à la Rose devenu un magnifique édifice
reconnu comme patrimoine majeur de la Wallonie : l'acte de fondation
date de 1242 et, rappelons-le, il fonctionna sans interruption de 1255 à
1980. Actuellement musée, on y a conservé la plupart des instruments de
médecine, chirurgie et pharmacie qui y furent utilisés depuis sa
fondation. Or, ce chantier d'importance était situé à 200 mètres du
château où le père d'Yves exerçait ses fonctions de châtelain ! Pendant
tout le temps de son enfance et de sa prime jeunesse, il n'y avait
strictement rien d'autre à faire à Lessines qu'à traîner sur le chantier
de l'Hôpital, sauf à traîner, juste à côté, sur le chantier de l'église
Saint-Pierre. Il est d'ailleurs beaucoup question de Pierre dans les
Centuries et quand il fut élu à l'abbatiat par les moines de Cambron,
Yves de Lessines choisit comme blason … le blason de l'apôtre Pierre :
les clés, mais en signe d’humilité, il ne s’en attribua qu’une. Le voici
tel qu’il apparaît dans les notes manuscrites du moine Noël :
La photo est de Jean-Charles de La Hamaide.
En 1279 ou 1280, nous ne savons pas pourquoi, Yves quitta la carrière
militaire et entra à l'Université de Paris où il devint l'ami de deux
hommes remarquables. Le premier était le Bénédictin allemand Maître
Eckhart, le phare de la mystique rhénane. Le second était un Dominicain,
son concitoyen Gilles de Lessines. Un immense savant ce Gilles, à
l'avant-garde de la science en même temps que théologien de première
force, à un point tel que c'est à lui que Saint Thomas d'Aquin accusé
d'hérésie par l'évêque de Paris confia sa défense devant le tribunal
inquisitorial ! Eckhart et Gilles sont parmi les esprits les plus
ouverts du Moyen-Âge. Maître Eckhart, le plus jeune du trio, mourut la
même année qu'Yves, en 1330. Gilles de Lessines, l'aîné des trois, avait
trépassé en 1304.
Yves revient dans son Hainaut natal en 1283
à l'occasion du décès de son père et le 22 juillet 1284 il entre comme
moine à l'abbaye cistercienne de Cambron. S'il se fait moine à l'âge de
44 ans, c'est – les textes contemporains le notent explicitement – pour
échapper au mariage auquel son père, même par-delà la mort, voulait à
toutes fins le contraindre. Mais les Centuries, elles, laissent
clairement deviner qu'il voulait aussi, par ce geste, expier un penchant
homosexuel prononcé et très mal vécu. La date de ses vœux est
extrêmement remarquable : il se fait moine un 22 juillet, à la Sainte
Madeleine, le jour de la fête des putains ! Belle leçon d’intelligence,
d’adresse, de fierté et d’humilité d’un homme qui, sans prêter le flanc
aux lazzis du vulgaire et au ridicule d’une confession publique, se
reconnaît cependant pécheur du sexe.
Il faut que je dise le
drame qui déchira la vie d’Yvain Desprez. Car si ses deux vies, de
soldat et de moine, furent parsemées de quelques drames, le pire de
tous, celui qu’il vécut le plus mal, qui fut son tourment, c’est bien
son homosexualité.
Puisque je vais en parler, je commence par dire que je n’en suis pas, ce qui n’est ni une gloire ni une tare.
livres associés : Les Centuries : la fin d'un mythe de Jehans de la
Oultre et La gardienne de la 9e porte d'Annik Couppez Véronèse d'Olrac.
à suivre...
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