vendredi 14 décembre 2012

Mythe et légende de Belgique.

3 mai. (Narcissus poeticus.) Fête de l'invention de la sainte Croix, célébrée en mémoire de ce que l'impératrice sainte Hélène retrouva la vraie croix en 326. A Assche, à 2 1/2 lieues au N.-O. de Bruxelles, se célèbre la fête commémorative des prodiges auxquels le a Kruisberg » ou montagne de la Croix doit son nom et sa chapelle. Une femme, à ce que l'on raconte, se voyant accablée de dettes, alla trouver des juifs pour leur engager ses habillements; ils lui promirent une forte somme d'argent, si elle voulait leur remettre une hostie consacrée. Pressée par la nécessité, elle consentit; mais, en revenant de l'église, elle eut honte de son action, et déposa l'hostie dans un vieil aune presque mort, qui se couvrit à l'instant de feuilles. Ce prodige attira la foule et bientôt de nombreux miracles s'opérèrent en cet endroit. Le propriétaire du champ voisin, peu satisfait du tort que ce concours de monde lui causait, voulut abattre l'aune. Mais, il s'aperçoit en ce moment, que les morceaux de bois tombant sous sa hache, se placent de manière à figurer des croix et qu'ils paraissent couverts de sang. Le bruit de cet événement s'étant répandu, une foule de personnes accoururent et, dans le nombre, aussi la femme qui avait déposé l'hostie dans le creux de l'arbre, et qui fit alors l'aveu de sa faute. Pour en conserver la mémoire, on fabriqua, avec le bois de l'arbre une croix qui fut placée dans l'église d'Assche, où, dit-on, elle devint bientôt célèbre par les guérisons qu'elle opéra. A quelque temps de là, des pèlerins s'égarèrent en se rendant à Assche. Le paysan à qui ils demandèrent leur chemin, se moqua d'eux, ajoutant qu'il n'avait pas de confiance en cette croix, « pas plus qu'en ce noyer, » dit-il. Tout à coup, en regardant l'arbre dont il voulait parler, il y voit un crucifix. A la nouvelle de ce second événement extraordinaire, le clergé et les échevins d'Assche vinrent processionnellement en ce lieu et placèrent la nouvelle croix à côté de la première. Ces prodiges eurent lieu en 1335, et, en 1337, le pape Benoît XII accorda des indulgences à ceux qui visiteraient l'église d'Assche. Aussi la sainte-croix d'Assche était-elle un des pèlerinages, auxquels le magistrat de Gand condamnait les personnes coupables de délits; il était rachetable moyennant huit sous. La chapelle subsiste encore; son nom actuel de « chapelle de Cruysborre, » lui vient d'une source qui jaillit à deux pas de là [23]. Un peu au Nord du château de Grimberghe, au milieu d'une petite colline, appelée « den Capellen berg, » la montagne de la Chapelle, a existé une chapelle de la Sainte-Croix, où les femmes allaient prier pour obtenir des couches heureuses. Une portion de la Sainte-Croix y était jadis conservée, mais fut enlevée pendant les troubles [24]. L'église de Borght, hameau de la commune de Grimberghe, est un lieu de pèlerinage très-fréquenté pour les maux de tète, la surdité, les fièvres, elle est dédiée au Saint-Sauveur [25]. A Bruges avait lieu, en ce jour, la célèbre procession du Saint-Sang, qui se fait maintenant au premier lundi de mai. Thierry d'Alsace avait 38 ans, lorsqu'il perdit sa première femme Marguerite, veuve de Charles le Bon. Pour se distraire, il prit la croix avec 300 chevaliers belges, s'embarqua pour l'Orient, se distingua par sa bravoure et fut nommé par les chefs croisés seigneur de Damas. Le roi de Jérusalem, ne sachant de quelle manière lui témoigner sa reconnaissance au moment de retourner dans sa patrie, lui donna dans l'église du Saint-Sépulcre, en présence de l'empereur Conrard et de tous les princes croisés, quelques gouttes du sang de Jésus (que Joseph d'Arimathée et Nicodème avaient exprimé de l'éponge avec laquelle ils lavèrent le Christ après la descente), qu'il fit verser par le patriarche de Jérusalem dans un petit cylindre de cristal, recouvert d'un étui de velours lamé d'or et attaché à une chaîne d'or, que le patriarche passa au cou du comte. Celui-ci se croyant indigne de porter un trésor aussi rare, remit la relique à Léonius, abbé de Saint-Bertin qu'il chargea d'en prendre soin durant le voyage et de ne la quitter ni le jour ni la nuit. En 1150, le comte rentra dans ses États et fut reçu dans toutes les villes qu'il traversa avec les plus grands honneurs. Lorsque, le 7 avril, il s'approcha de Bruges, toutes les cloches sonnèrent, et les bourgeois précédés par le clergé, la noblesse et les magistrats sortirent de la ville pour aller à la rencontre de leur souverain. Les rues étaient pavoisées, ornées de verdure, et tellement remplies de monde qu'à peine le cortège pouvait-il avancer. Monté sur un cheval blanc, que conduisaient par la bride deux religieux marchant pieds-nus, le comte était précédé par l'abbé de Saint-Bertin qui portait toujours la relique suspendue à son cou. Lorsque le cortège fut arrivé au palais du comte, Léonius remit le Saint-Sang à Thierry, qui ordonna de le déposer dans la chapelle de Saint-Basile-sur-le-Bourg, que lui-même avait fait élever à ses frais. Quatre chapelains et un clerc furent nommés pour prendre soin de cette relique, et plus tard les privilèges accordés à cette chapelle furent très-étendus. La chapelle n'étant plus qu'une ruine en 1533, fut restaurée, comme elle avait été et la relique restait toujours dans la plus grande vénération. Lorsque, en 1297, le roi de France, Philippe le Bel, eut conquis une grande partie de la Belgique , les Brugeois, voyant qu'ils subiraient le sort des autres villes, songèrent à prévenir ce malheur par leur soumission. La première grâce qu'ils demandèrent en récompense de cet acte, fut de conserver le précieux don de Thierry. Le roi leur accorda des lettres patentes pour leur en assurer la possession (données à Ingelmunster, où se trouvait alors le roi et où se rendit la députation des Brugeois, avec les clefs de la ville), ces lettres reposent aux archives de la ville de Bruges. Le 3 mai 1311, une procession fut instituée pour perpétuer la mémoire de l'arrivée du Saint-Sang, par la bulle du pape Clément V et la dévotion pour la relique fut telle, que de toutes parts des dons furent faits à la chapelle. Le 29 avril 1388, la relique fut placée dans un nouveau récipient de cristal, par Guillaume, évêque d'Ancône, et entourée d'une enveloppe en argent ouvragée, portant pour inscription à l'une des extrémités « Translatus fuit sanguis Domini Pontificante Urbano Papa VI, et à l'autre: Anno Domini MCCCLXXXVIII, tertia Maji,» qui existe encore. La châsse magnifique, qui renferme la relique aujourd'hui, est un chef-d'œuvre d'orfèvrerie pesant 769 onces, exécuté en 1617, par Jean Crabbe, échevin de la ville de Bruges [26]. L'histoire rapporte que tous les vendredis le Saint-Sang se liquéfiait, mais le 18 avril 1310, ce miracle cessa et ne se renouvela qu'en 1388; dans cet intervalle, on l'avait transvasé dans une espèce de tube en or, pesant 36 onces et enrichi de pierres précieuses. Le 20 mars 1578, les hérétiques ayant été introduits dans la ville par Jacques Mostaert et ses complices, plusieurs églises furent livrées au pillage, et Jean Perez de Malvenda, noble espagnol, alors chef des marguilliers de Saint-Basile, supposant avec raison, que la chapelle du Saint-Sang n'échapperait point à la fureur des ennemis, enferma la relique dans un coffre de plomb et le cacha soigneusement chez lui, jusqu'à ce que le parti catholique eût de nouveau le dessus. On dit que dans la cave de cette maison (sur le pont Saint-Jean-Nepomucène, d'une forme très-pittoresque, avec un jardin entouré de murailles, s'étendant vis-à-vis du quai du Rosenhoed), on voit encore le lieu ou fut gardé ce trésor. Au mois de novembre de la même année, le prévôt de la confrérie du Saint-Sang fut mandé devant le collège des échevins et reçut l'ordre de faire ôter tous les ornements de la chapelle de Saint-Basile et de transporter tous les objets de valeur dans la halle: les principales pièces d'orfèvrerie furent fondues et les lingots vendus, ce qui restait encore en argenterie et en pierreries fut réclamé plus tard au profit des états-généraux. Bientôt l'église de Saint-Basile fut fermée et l'on en fit un magasin militaire. Aussitôt que Bruges, en conséquence de l'accord conclu avec Alexandre Farnèse, le 22 mai 1584, eut été remis au pouvoir du roi Philippe II, Malvenda, aux soins duquel la confrérie avait laissé le Saint-Sang, alla prier Remi Driutius, deuxième évêque de Bruges, de faire réinstaller la relique dans la chapelle de Saint-Basile qui avait été bénite de nouveau le 27 novembre. Cette cérémonie eut lieu le 30 du même mois, et en 1611, Isabelle et Albert déployèrent une si grande munificence en faveur de cette chapelle qu'en 1659 la richesse qu'on y admirait, différait peu de sa splendeur passée. Don Juan d'Autriche, ci-devant gouverneur des Pays-Bas, lui fit présent d'une lampe en argent massif du poids de 24 1/2 livres, que l'on suspendit à la voûte de l'église (le 18 mai) et donna en même temps une somme de 200 livres de gros pour couvrir les frais de l'huile destinée à y entretenir la lumière jour et nuit. En 1793, alors que les agents du gouvernement français firent l'inventaire de toutes les richesses que renfermaient les églises, il fallut de nouveau cacher la relique du Saint-Sang. Charles de Gheldere, un des chapelains de Saint-Basile, la porta en cachette chez Richard Godefroy, célibataire de 61 ans, qui demeurait dans la maison Saint-Nicolas de la rue Haute, Godefroy étant décédé en 1794 la relique fut cachée dans l'École latine avec les plus grandes précautions. Sur la fin de 1795 ou 96 elle disparut tout-à-fait et deux ou trois personnes seulement avaient connaissance du lieu où elle se conservait. Ce ne fut qu'en 1820 qu'elle fut rendue à la dévotion des fidèles et par arrêté royal du 12 octobre de la même année, provoqué par les réclamations de plusieurs des notables habitants de la ville, la chapelle de Saint-Basile fut de nouveau consacrée au culte catholique. Le Saint-Sang qui jusqu'à 1795 avait été régulièrement exposé comme de coutume, attira de nouveau une foule d'étrangers, et la procession qui en 1775 (les Français avaient repris possession de Bruges dans le mois de juillet 1794) eut lieu pour la dernière fois (quoique cette fois sans la grande châsse : on se servit de la petite qui est plus portative et plus ancienne, mais beaucoup moins riche), prit son cours accoutumé. Mais ce ne fut plus avec son ancien éclat; les mœurs et les institutions étant bien changées. A l'époque de sa plus grande splendeur, déjà la veille tous les musiciens des divers corps de métiers se réunissaient devant la chapelle de Saint-Basile et chacun, à son tour, allait chanter une hymne tout au haut de l'escalier, ensuite tous les maîtres de musique de Bruges entonnaient les vêpres dans le chœur de l'église. A minuit on exposait le Saint-Sang aux regards du public. A une heure les béguines ayant leur curé en tête et suivies par une foule de peuple, commençaient une procession autour des remparts de la ville en chantant des chants sacrés, et revenaient vers cinq heures du matin à l'église de Saint-Basile, où toutes à la file allaient fléchir le genou devant la relique et y imprimer leurs lèvres; puis elles recevaient la bénédiction. A sept heures la grosse cloche de la Halle faisait retentir, une heure durant, sa voix, afin de prévenir chacun de se rendre à son poste, au lieu désigné. A dix heures elle recommence et aussitôt on voit sortir processionnellement de leur gilde et défiler par le bourg les confréries d'archers, leurs étendards déployés. Les confrères se rendent sur la Grand'Place et vont s'asseoir devant la Halle sur des bancs préparés exprès pour eux, afin de former la haie, lorsque le cortège passera et d'empêcher la foule d'interrompre la marche. Alors s'avancent les corps de métiers et d'ouvriers de toute espèce, au nombre de plus de cent, ayant en tête les insignes de la corporation, la croix et plusieurs musiciens avec des trompettes en argent massif. Vers l'heure de midi tout le clergé de la cathédrale de Saint-Donat et tous les magistrats de la ville, se dirigent vers la chapelle de Saint-Basile. Sur le maître-autel est exposé le Saint-Sang, que l'on enferme dans un riche coffret dont la clef est confiée au bourgmestre de la commune. La relique est ensuite placée sur les épaules de deux chanoines de Saint-Basile, qui, entourés par les membres de la confrérie du Saint-Sang, la portent jusqu'au maître-autel de la cathédrale, où ils la déposent jusqu'à ce que les ordres religieux et quelques autres associations aient eu le temps de défiler et de prendre leur rang dans la procession. Pendant tout ce temps,une foule de musiciens réunis sur le Bourg ne cessent de jouer différents morceaux. A l'intérieur de l'église plusieurs évêques et abbés, vêtus d'habillements où se mêlent la soie, l'or et l'argent, entrent solennellement dans le chœur, le chef couvert de mitres magnifiques et vont fléchir le genou devant la relique et s'asseoir en demi-cercle autour de l'autel, en attendant que le signal de partir soit donné. Alors se mettent en marche six sergents de police, six garçons de ville, deux huissiers et d'autres serviteurs, quatre pensionnaires, le bourgmestre de la commune, douze conseillers et les porte-croix de tous les corps de métiers, au nombre de près de deux cents. Le greffier criminel avertit les évêques qu'il est temps de partir: deux d'entre eux se chargent du coffret renfermant la relique. Cinq musiciens les précèdent; quarante flambeaux allumés, portés par des personnes vêtues aux couleurs de la ville, les entourent et quatre chanoines de Saint-Basile les suivent. Après cela s'avancent plusieurs sergents de police et huissiers, six pensionnaires, le bourgmestre des échevins portant sur son bras les clefs de la ville, douze échevins et les autres magistrats, le grand bailli de la ville, l'amman [27], l'écoutète [28], les huissiers, etc. Puis la confrérie de Saint-Michel ou de l'Escrime, celle des Arquebusiers, de la Petite Arbalète, de Saint-George ou de la grande Arbalète et les archers de Saint-Sébastien ou de l'Arc-à-la-Main. Plusieurs représentations symboliques formaient une espèce de seconde partie de cette immense procession. Le géant Goliath, le cheval de Troyes, Adam et Ève tentés par le serpent dans le Paradis terrestre, la Sainte-Cène et les douze apôtres, différentes scènes de la Passion du Christ et une espèce de spectacle de l'Enfer, composé de vingt-quatre démons assis autour d'une chaudière remplie de damnés. Les sept pêchés capitaux étaient représentés par Lucifer, Mammon, Asmodée, Belzébuth, Bélial, Léviathan et Béhémoth. Plus tard, afin d'attirer plus de monde à cette cérémonie publique, les magistrats dans l'intérêt de la ville, y ajoutèrent encore Pharaon poursuivant avec ses soldats les Israëlites, le temple de Jérusalem dont Jésus chasse les marchands et autres spectacles semblables. La procession se dirigeait de l'église de Saint-Donat, par la Grand'-Place et la rue des Pierres, vers l'hospice de Saint-Julien, où les magistrats s'arrêtaient pour prendre un succulent dîner préparé pour eux, tandis que la relique était portée alternativement par les chanoines de Saint-Basile et par ceux de Saint-Donat, ce qu'on nomme « den Omgang» entre les deux remparts, accompagnée de flots de peuple et d'une compagnie d'hommes à cheval. La procession revenait par l'autre rempart à la chapelle de Saint-Julien et la châsse du Saint-Sang ayant été déposée quelques instants sur l'autel à l'adoration des fidèles, était reportée avec le même cérémonial à la chapelle de Saint-Basile. Là, pendant que plus de cent musiciens faisaient retentir sur le Bourg l'air de leurs fanfares, l'évêque ou le prévôt recevait du bourgmestre de la commune la clef du coffret dans lequel avait été placé le Saint-Sang, et on le remettait dans la superbe châsse qui restait exposée aux regards jusqu'au lendemain à midi. Pendant toute la nuit un concours innombrable de personnes de tout sexe et de tout âge ne cessait d'encombrer l'église et chacun était admis à déposer un baiser respectueux sur le cristal qui renfermait la sainte relique [29]. A l'occasion du jubilé de 600 ans, le 3 mai 1749, il y avait six chars de triomphe, sur lesquels la jeunesse de Bruges représenta l'histoire du Saint-Sang, avec cavalcade formée par les élèves du Collège de Jésus, qui représenta tous les comtes de Flandre et les principaux souverains des Pays-Bas avec Marie-Thérèse sur un char de triomphe et vingt-neuf figures contribuées par les divers corps de métiers, tout cela avec des couplets et des dialogues en vers [30]. A l'époque de la fête, se tient une grande foire à Bruges, ou les galeries qui entourent la Halle sont surtout très-animées. A Diest se célébrait le même jour la fête de la Chambre de rhétorique des Œillets ou Œillets Dieu, Christusoogen ou Kersoogen (Lychnis coronaria), dont la devise était « doersien't al ». D'après Grammaye cette Chambre a été instituée en 1302; voilà pourquoi l'opinion s'est répandue que c'est la Chambre de rhétorique la plus ancienne de la Belgique, plus ancienne même que « la très-gaie Compagnie des sept Troubadours » ou des Jeux Floraux à Toulouse, dont l'origine ne date que de l'an 1323. Mais la charte (het charter) ou lettre de l'érection, donnée par le magistrat de la ville, est en date du 22 septembre 1502. La Chambre fut instituée dans la paroisse de N.-D. en l'honneur de la Sainte-Croix. Les fêtes de l'Invention et de l'Exaltation (Kruisvinding en Kruisverheffing) étaient célébrées par elle au moyen d'une messe solennelle à l'autel de la Sainte-Croix, dans l'église de N.-D. Les jours de cérémonie, les confrères portaient de petits œillets brodés sur les manches de leurs habits. Tous les deux ans, le 3 mai, les membres effectifs (gemeene gesellen) choisissaient un nouveau prince, tandis que le dimanche après la kermesse de N.-D. (Onser Vrouwkermis van Munster) avait lieu l'élection du « Hoofdman », des deux « Dekens », de deux « Valuatiemeesters » et des deux « Rentmeesters ». Le livre des statuts (Resolutieboek der Kamer de Christusoogen binnen Diest) commence le 1er septembre 1630. La maison, qui porte encore le nom de la Chambre, lui fut donnée le 17 janvier 1518 et lui a appartenue jusqu'en 1795. Les membres des Œillets remportèrent le 1er prix au concours, que la « Pivoine » donna à Malines en 1535; ils assistèrent en 1561 au grand « Landjuweel » d'Anvers, en 1562 à celui de Bruxelles, en 1620 à celui de Malines (Blazoenfeest). En 1630 la Chambre compta 54 membres. Supprimée en 1796, elle fut rétablie le 3 mai 1804. Le 3 mai 1830 le règlement fut renouvelé. La direction se compose maintenant d'un chef-homme, d'un prince, d'un doyen, d'un trésorier, d'un secrétaire et d'un chef-homme des femmes. Les membres brassent encore aujourd'hui chaque année leur « Gildenbier « bière de gilde, et accompagnent les processions [31]. A Furnes avait jadis lieu la célèbre procession de la Sainte-Croix [32]. Le comte de Flandres, Robert de Jérusalem, revenant en 1100 après quatre ans d'absence de la Terre-Sainte, fut arrêté avec ses frères d'armes, à l'approche de la terre natale, par une horrible tempête. Les malheureux navigateurs s'épuisaient en vains efforts pour échapper au naufrage, mais privés de tout espoir dans le secours des hommes, ils tournèrent les yeux vers le ciel, et Robert fit solennellement vœu de faire don du morceau de la Sainte-Croix, qui se trouvait parmi les précieuses reliques qu'il rapportait de Jérusalem, à la première église qui se présenterait à sa vue. Aussitôt la mer se calme, un rayon de soleil traverse les nuages et fait découvrir le toit de plomb de l'église de Sainte-Walburge à Furnes. Le navire aborda sans peine à la côte près du « Broersbank » et Robert fit appeler près de lui Héribert, prévôt de Sainte-Walburge, pour transporter solennellement le morceau de la Sainte-Croix à l'église de Sainte-Walburge, où le comte le déposa lui-même sur l'autel. Quelque temps après, les chanoines de Sainte-Walburge érigèrent une confrérie de la Sainte-Croix, et instituèrent une procession annuelle et générale de dévotion, dans laquelle on portait la sainte relique autour de la ville, pendant l'octave du 3 mai, jour de l'invention de la croix. La sainte relique est déposée depuis un temps immémorial jusqu'à ce jour, dans une châsse antique, morceau précieux d'orfèvrerie en forme de croix gothique, ornée de pierreries. La procession sortait habituellement d'une porte de la ville pour rentrer par une autre, et partout où les chemins ne se prêtaient pas au circuit que la procession avait à faire, elle quittait la route pour aller à travers champs et prés, et spécialement sur les terres cultivées de l'abbaye. Voilà pourquoi jusqu'au XVIIe siècle, où cette habitude cessa, la procession était tous les ans précédée d'une inspection des lieux et des travaux pour rendre le chemin praticable, et si des fossés barraient le passage, on construisait promptement des pontons et des batardeaux. Le chroniqueur de Furnes raconte que les habitants de la ville qui contribuaient à l'envi à rendre leur procession de plus en plus belle, y avaient anciennement mis en scène et représenté le voyage de Robert à Jérusalem, ainsi que son retour avec le morceau de la vraie croix. Mais d'après les comptes communaux, à partir de 1403, cette histoire n'a plus figuré parmi les embellissements de la procession de la Sainte-Croix. On avait même, à cette époque, complètement cessé, peut-être pas encore commencé l'exhibition de moralités ou de mystères pour honorer la procession qui était alors d'une pieuse simplicité. L'abbé de Saint-Nicolas, qui portait la relique, n'était précédé que par quatre sodalistes, chacun chargé d'une torche de cire, pesant 104 livres de ce temps, et parée d'étoffes de différentes couleurs et de petits drapeaux peints qu'on y fixait. Deux sonneurs de trompe faisaient l'orchestre de la procession, et quelquefois on fut même forcé de se passer de musique. Le prévôt d'Eversam, celui de Loo, la sodalité de la Sainte-Croix, le magistrat de la ville, les vieux arbalétriers de la Société de Saint-Georges de Furnes, les arbalétriers de Wulpen, ceux d'Adinkerke, ceux de Coxide et les jeunes arbalétriers de Saint-Georges formaient le cortège. Ce n'est qu'en 1417 qu'on vit le martyre de Saint-Etienne faire son entrée dans la procession, et en 1422 on donna la première fois le mystère de la passion de Notre-Seigneur. Aussi sur le chemin de la procession ne jetait-on pas de la verdure ou des fleurs, mais on éparpillait de la paille partout où la procession devait marcher. La ville a employé à cet usage, en 1438, trois cents bottes de paille. Le vin d'honneur, « de presentwyn », coulait abondant à toutes ces fêtes; le 3 mai 1403 il y en eut plus de trente canettes [33]. Une fois la mode adoptée d'exposer dans la procession des scènes dramatiques, ou des tableaux vivants, les embellissements de ce genre se multiplièrent peu à peu tellement, qu'au commencement du XVIIe siècle la procession de Furnes prit déjà place parmi les processions les plus renommées de la Flandre. Les évêques d'Ypres venaient souvent y assister, les prélats de Saint-Nicolas, d'Eversam, des Dunes, de Loo et d'autres étaient, chaque année, invités officiellement; le nombre des confréries et des gildes s'était considérablement augmenté; tous ceux qui venaient honorer la procession étaient splendidement régalés de vin, et au moment de la rentrée, un repas copieux aux frais de la commune, était préparé à l'hôtel de ville, pour les magistrats. Au théâtre qu'on avait élevé dans la salle du repas, à l'aide de tréteaux, planches et décors empruntés à la Société de Rhétorique, des artistes amateurs récitaient des vers et jouaient une moralité, à laquelle il ne manquait pas même l'orchestre qu'on avait soin de former avec le concours de musiciens recrutés dans les villes les plus voisines. Le cortège de la procession qui sortait le matin, était ordinairement accueilli, sur son passage, par des salves de mousqueterie et par des coups de canon. Le roi de la procession c'était incontestablement le géant « Goliath », immense figure habillée, dont la tète était artistement formée et peinte; le corps n'était qu'un panier d'osier, parce qu'on cherchait à diminuer la charge des hommes qui se trouvaient cachés sous ses jupes pour le faire marcher. Il avait la tête coiffée d'un turban, une fraise autour du cou et un énorme glaive pour combattre les Juifs. Un jeune homme déguisé en David se promenait tantôt derrière, tantôt devant le colosse. Un sergent à hallebarde conduisait ce cortège et transmettait ses ordres à ceux qui tenaient lieu de jambes à Goliath précédé par un joueur de cornemuse. Pour faire place devant le géant, il y avait une tête d'animal au bout d'un bâton entouré d'une jupe. Un homme s'y cachait et faisait mouvoir à volonté, à l'aide d'une corde, les mâchoires de la bête qui s'abaissait et menaçait de mordre c'était le « Cnaptant ». Le plus grand luxe était pourtant réservé au groupe des douze Sibylles, qui s'introduisit dans la procession après le « Reuse ». Une douzaine de jolies filles se faisaient annuellement habiller chez les sœurs de Béthanie, où elles prenaient leur déjeuner, à cause du temps qu'on mettait à faire leur toilette. Leurs belles robes étaient faites de brillantes étoffes en rouge, en bleu et en vert. Elles étaient ornées de dentelles, de rubans de soie, de clinquant, de verroteries, de chaînes en or, de couronnes d'or et leurs noms étaient inscrits en lettres d'or sur un fond d'armoisin noir. La ville supportait le frais du déjeuner et des habillements, et leur offrait à toutes les douze ensemble, une douzaine de paires de gants. C'est une faveur qu'elles partageaient avec Saül, qui était également ganté aux frais de la commune. Les représentations des mystères étaient exécutées par les trois sodalités [34] et les sociétés dramatiques. C'étaient les confrères de ces sodalités, qui composaient les monologues, les dialogues, les scènes et mystères de la procession et qui s'appliquaient ensemble à les bien dire et débiter, pour les mettre en action. Quelquefois ils allaient même concourir à l'embellissement des fêtes des villes voisines. Dans la suite la procession de la Sainte-Croix cessa d'avoir lieu et fut remplacée par celle du mois de juillet qui subsiste encore. Dans la chapelle Sainte-Croix, dite op de Woustyne, près de Goyck, il y avait autrefois grand concours de monde, pour assister à l'office que le chapelain de N.-D. à Goyck y célébrait lors de la fête de l'Invention de la Croix, ainsi qu'aux deux jours de Pâques. Cette chapelle devait son origine, selon la tradition, à la croix qu'un berger trouva un jour enfouie en terre, en paissant ses troupeaux au milieu des bruyères, des bois et des terrains nouvellement défrichés, qui séparaient autrefois le village de Goyck de celui de Meerbeek. Pendant la domination française elle fut vendue, mais non démolie [35]. A Lebbeke, près de Termonde, se célèbre l'élévation des nombreuses reliques qui se conservent dans l'église de ce village [36]. La croix miraculeuse qui se vénère dans une chapelle latérale de l'église de Wenduine, près de Blankenberg, attire en ce jour, un grand concours de monde. Cette croix fut pêchée un jour sur la côte par des pêcheurs de Blankenberg qui la transportèrent respectueusement dans leur église. Mais le lendemain elle avait disparue et fut retrouvée par les mêmes pêcheurs au même endroit, où, selon la croyance populaire, un village nommé « Oud-Wenduine » a été enseveli par la mer. Croyant que cette croix venait de l'église de ce village, les pêcheurs la transportèrent, la seconde fois, à l'église de Nieuw-Wenduine, où elle se vénère encore. En mémoire de cet événement, les pêcheurs de Blankenberg vont chaque année deux fois, le 3 mai et le 14 septembre, en pèlerinage à Wenduine, y font célébrer une messe solennelle et portent ensuite la croix trois fois processionnellement autour de l'église, persuadés qu'ils auront ainsi une pèche plus abondante [37]. Depuis la fête de l'Invention de la Croix, en mai, jusqu'à la fête de l'Exaltation de la Croix, en septembre, les indigents allant chercher du bois dans la forêt de Soigne recevaient à l'hospice d'Ixelles du pain, du fromage et de la bière. Ce n'est qu'en 1526 (23 février 1525) que Jean, seigneur de Berghes ou Berg-op-Zoom, chevalier de la Toison d'or, compléta cette distribution pour le restant de l'année. Le dit hospice, appelé aussi hospice de Notre-Dame, hospice de Notre-Dame et de Saint-Jean-Baptiste, hospice de la Sainte-Croix ou la maison-Dieu dite Zuarenberge (Zwaerenberg, la montagne roide) s'éleva déjà vers l'an 1300, où, le jour de l'invention de la Croix, le duc Jean II, le prit sous sa protection. La chapelle de la Sainte-Croix, annexée à l'hospice, remonte à l'année 1314. Dans la suite on y déposa deux parcelles de la Sainte Croix, dont une fut volée en 1824. A la consécration de la chapelle qui eut lieu en 1459, l'autel ayant été dédié à la Vierge et à la sainte croix, l'évêque de Cambrai le dota de quarante jours d'indulgences, le 10 mai de la même année. Voilà pourquoi la fête de l'invention de la Croix y était jadis célébrée avec une grande solennité. Il y avait alors foule dans le village et des documents disent, qu'à cette occasion plus de 40,000 personnes allaient honorer les reliques d'Ixelles. De la porte de Namur à la chapelle se dressaient, de chaque côté de la route, des échoppes où le peuple se régalait de riz au lait. L'ancienne chapelle fut détruite pendant les troubles du seizième siècle, puis reconstruite en 1596. L'édifice actuel date de 1820, mais il est question de le reconstruire plus grand [38]. * * * Sources Charles Saint-André.

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