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mardi 4 décembre 2012
Carcassonne : Sacrée ville ou ville sacrée ?
Carcassonne
Sacrée Ville ! ou Ville Sacrée ?
Les remparts de la Cité de Carcassonne
La Cité vue du Pont Vieux
Petit reportage sur les singularités de la Ville (je devrais dire des villes !) en forme de carte postale.
En vacances cet été dans le Cabardès, j'en ai profité pour visiter plus en détail les villes de Carcassonne. Je dis ici « les villes » car, à côté de la Cité bien (trop ?) connue, la Bastide de Louis IX (Saint Louis) s'étend, secrète, à ses pieds, entre Aude et Canal du Midi. Ces deux entités ont vécu comme deux villes distinctes d'ailleurs, jusqu'en 1796.
Place Carnot dans la Bastide de CarcassonneJe précise que les informations livrées ici, sans aucune prétention, ne sauraient se comparer à un travail d'érudition, étant pour la plupart issues des documents, affiches ou prospectus recueillis sur place.
Grille de balcon, Place Carnot, dans la Bastide
Tout d'abord un (très) rapide survol des dates principales de l'histoire de Carcassonne :
• Oppidum gaulois romanisé vers 30 av. JC;
• Etablissement des premiers remparts et fortifications de la Cité vers le IIIème siècle. A noter qu'aujourd'hui, les tours dites autrefois « wisigothiques » de la Cité sont estimées gallo-romaines (voir les constructions similaires du Mans) : que reste-t-il comme exemple d'architecture wisigothique dans cette région ?
• En août 1209, capitulation de Raymond-Roger Trencavel, seigneur de Béziers et de Carcassonne devant Simon de Monfort (Croisade contre les Albigeois). Le Vicomte meurt peu après dans les geôles de la Cité;
• En 1240, Raymond Trencavel, fils du précédent, tente sans succès de reprendre la Cité aux troupes royales. Il cède ses droits à Saint Louis en 1246. C'est à cette époque que la deuxième ligne de fortification de la Cité et la Grande Barbacane sont édifiées ; les travaux seront poursuivis par Philippe le Hardi, fils de Saint-Louis;
• Mi-XIIIème siècle, Saint-Louis ordonne de détruire les faubourgs qui s'étendaient au pied de la Cité et décide la construction de la Bastide;
• En 1355, le Prince Noir (« Dauphin » du Roi d'Angleterre - Guerre de Cent ans) incendie et détruit la Bastide qui sera reconstruite sur le périmètre que l'on connait actuellement, plus restreint que celle de Saint Louis (plan en hexagone tronqué qui s'approche d'un pentagone !);
• Au XVIème siècle (1590), lors des guerres de religions, deux factions catholiques (les modérés et les « ultras » - la Ligue -) s'affrontent à Carcassonne : l'un, Joyeuse (dont nous avons déjà parlé à propos de Notre Dame de la Paix, futur « Frère Ange ») tient la Cité pour les « ultras », l'autre, Montmorency tient la Bastide pour les modérés. Tout cela occasionna moultes nouvelles dégradations, notamment à N.D de l'Abbaye dont nous allons parler plus loin;
• En 1844, Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc est chargé par la commission supérieure de Monuments historiques de consolider et restaurer la basilique Saint Nazaire et Saint Celse : les travaux se poursuivront jusqu'en 1867;
• En 1850, Viollet-le-Duc est chargé par le ministère de l'Intérieur et la commision des Monuments historiques de restaurer la Cité et ses remparts ; les travaux se poursuivront jusque dans les dernières années du XIXème siècle, longtemps encore après la mort de Viollet-le-Duc le 17 septembre 1879.
La ville aux trois cathédrales
Saint Nazaire et Saint Celse
Dalle de Simon de MontforDébutons donc cette visite par la cathédrale (ex-cathédrale, basilique depuis 1898) Saint Nazaire et Saint Celse, située dans la Cité.
Cette église, d'abord romane (mais vraisemblablement sur un édifice plus ancien), puis gothique après la prise de la Cité lors de la croisade, est restée longtemps la cathédrale de Carcassonne, d'environ depuis le début du Xème siècle jusqu'en 1803, date du transfert du siège cathédral à l'église Saint-Michel dans la Bastide. Sans revenir, sur les Saints Protecteurs dont la particularité a été de nombreuses fois abordée (on les rencontre à Rennes-les-Bains, et ils rappellent un autre « couple » de saints célèbre, Saint Gervais et Saint Protais, à Paris et à Gisors ; j'avais souligné également la proximité de Saint Nazaire et de Lupin), je voudrais ici attirer l'attention sur quelques points singuliers.
La basilique renferme notamment la dalle de Simon de Monfort, le héraut de la Croisade qui s'est en fait révélé et imposé comme chef incontesté de la Croisade devant Carcassonne.
Dalle de Simon de Montfort
Nous y découvrons aussi des vitraux intéressants des XIIIème et XIVème siècles dont je ne détaillerais ici que celui dit « de l'arbre de vie » (vers 1315).
Ce vitrail qui se développe, dans la chapelle Sainte Croix, au-dessus d'une statue curieuse de la Trinité, image les écrits de Saint Bonaventure (eh ! oui !, Dorothée n'est pas loin !). Bonaventure, né vers 1220, mort le 15 juillet 1274 à Lyon, franciscain, théologien, cardinal-évêque d'Albano a été reconnu Docteur de l'Eglise le 14 mars 1588 (« Docteur séraphique ») par Sixte-Quint. Parmi ses nombreux écrits, son Lignum vitae (1260) se propose en 48 méditations de donner au chrétien un support mémnotechnique pour l'aider dans sa méditation sur la foi. Se basant sur l'arbre évoqué dans le Livre de l'Apocalypse, Bonaventure détaille les fruits spirituels de la méditation sur la Passion et la Croix du Christ. Cet opuscule a inspiré quelques peintres (la représentation de cet arbre de vie est cependant relativement rare, voire unique en ce qui concerne le vitrail gothique) dont le plus connu est Taddeo Gaddi qui l'a déployé sur une fresque immense sur le mur du fond du grand réfectoire de Santa Croce à Florence.
L'intérêt du vitrail carcassonnais (baie n° 17 dans le recueil de la base Mémoire !) ne réside cependant pas là (dans mon optique restreinte ici d'étude de quelques points singuliers carcassonnais !) mais dans la restauration entreprise en 1853 sous l'égide de Viollet-le-Duc. En effet, la partie basse du vitrail a été sérieusement transformée par rapport à l'original dont on suppose qu'il représentait simplement Saint Jean et Marie au pied de l'Arbre/Croix. On observe aujourd'hui Adam et Eve croquant chacun une pomme avec le serpent à tête d'homme s'enroulant autour du tronc et, de part et d'autre, les deux arches de l'Ancien Testament : l'Arche de Noé et l'Arche d'Alliance. Ajoutons que ces arches sont totalement déplacées par rapport au texte de Bonaventure.
Ci-dessous le détail de l'Arche d'Alliance (FEDERIS ARCA) où l'on peut noter les fleurs de lys, les sept arcades de l'Arche, les chapiteaux du même style que celui du balustre de Rennes-le-Château et les deux voiles censés cacher quoi ?
Arche d'Alliance (FEDERIS ARCA)
Avant de quitter Saint Nazaire et Saint Celse, retenons également que 22 statues gothiques ornent les piliers du chour qui présentent une abside à sept pans.
La première cathédrale de Carcassonne : Notre Dame de l'Abbaye
Notre Dame de l'AbbayeCette église totalement oubliée du circuit de visite carcassonnais se situe en contrebas de la Cité, entre la Porte Narbonnaise et le Château comtal.
C'est un détail insolite apparu par-dessus les toits qui m'incita à l'aller voir : une rose à sept pétales !
Notre Dame de l'Abbaye
La visite n'apporte guère plus de révélations si ce n'est une confirmation du 7 dans le haut du vitrail central du Chour : l'artiste, Gérard Milon y fait figurer, en 1970, très intuitivement sept belles étoiles sur fond de nuit.
Par contre, la brochure décrivant l'histoire de cet édifice apporte elle son lot de questionnement, de curiosité et d'hypothèse !
Vitrail de Gérard MilonVitrail de Gérard Milon
Vraisemblablement établie sur le lieu de rassemblement des premiers chrétiens de Carcassonne, au bord de l'ancienne voie d'Aquitaine menant de Narbonne à Bordeaux (aujourd'hui, rue Trivalle), cette église est désignée comme cathédrale depuis au plus tard 577 (première mention de l'évêché de Carcassonne) jusqu'en 925, au plus tard (première mention de Saint Nazaire et Celse de la Cité comme cathédrale sous l'épiscopat de l'évêque Gimmer qui décide du transfert du siège épiscopal). Dédiée depuis longue date à Sainte Marie, elle est connue sous plusieurs vocables : Sainte Marie de Grâce d'abord, puis, Sainte Marie du Saint Sauveur à partir de 926 pour prendre au XIIème siècle le vocable actuel de Notre Dame de l'Abbaye.
Une cave taillée dans le roc aurait servi de lieu de culte pour les premiers chrétiens puis aurait servi de crypte; les capucins la mentionnent encore au XVIème siècle. Cette crypte n'a jamais été retrouvée ! Il est possible qu'elle ait été condamnée, voire sérieusement endommagée lors des luttes qui opposèrent Montmorency et Joyeuse : en effet le Duc de Joyeuse tient l'église en sus de la Cité, cette dernière devient donc un enjeu d'importance dans la lutte qui oppose les deux rivaux. L'édifice sera très dégradé à la fin du XVIème siècle.
Des chroniques arabes du XIème siècle indiquent qu'au VIIIème siècle l'église renfermait « sept colonnes d'argent pur, ., un homme ne pourrait pas en entourer une avec toute la longueur de ses deux bras ».
En 1792, les capucins installés là depuis 1592 sont expulsés et les bâtiments sont convertis par leur nouveau propriétaire en usine de drap. En 1842, Mgr de Bonnechose , évêque de Carcassonne, futur archevêque de Rouen et Cardinal (celui qui déclencha les recherches fertéennes d'après ses dires et qui indique le secret du chandelier à sept branches dans la Comtesse de Cagliostro), rachète les bâtiments !
Voilà, voilà !, de là à dire que le Chandelier à sept branches repose depuis le VIème siècle dans la crypte (cachée et perdue) de cet édifice .
La cathédrale Saint Michel
Le buste-reliquaire de Saint LupinA partir de 1803, sous l'épiscopat de Mgr Arnaud Ferdinand de Laporte, l'église Saint Michel acquiert le statut de cathédrale. On est sous le Concordat et les évêchés créés par Jean XXII au XIVème siècle ont été supprimés et rassemblés sous la houlette de l'évêque de Carcassonne (Saint Papoul, Alet et Mirepoix).
Sans m'étendre ici sur cet édifice largement restauré par Viollet-le-Duc - de 1857 à 1869 - en tant qu'architecte diocésain, je voulais ici souligner les points suivants :
• Le buste reliquaire de Saint Lupin est déposé dans la chapelle Saint Jean-Baptiste comme chacun le sait maintenant. Il fait pendant, dans la même chapelle, au buste-reliquaire de Saint Jean-Baptiste; entre-eux se trouve une statue de Saint François d'Assise. Les dates de fêtes (indiquées sur la notice explicative à l'entrée de la chapelle) des différents saints de cette chapelle sont assez « éparpillées »: Saint Jean est fêté le 24 juin (naissance) et le 29 août (décollation), Saint Lupin est fêté le 21 mai et Saint François d'Assise est fêté le 4 octobre. Les deux chapelles qui encadrent la chapelle Saint Jean-Baptiste sont la Chapelle de la Croix (découverte de la croix par Sainte Hélène et statue de Sainte Germaine !) et la chapelle Saint Nazaire et Saint Celse (reliquaires des deux saints, statue de Sainte Anne avec la Vierge enfant, statue de l'enfant Jésus de Prague et tableau de Sainte Thérèse d'Avila).
Le buste-reliquaire de Saint Lupin
Rosace de la cathédrale Saint Michel• Comme la plupart des églises de Carcassonne (Saint Vincent, Saint Gimer, l'église des Carmes et donc Saint Michel), les roses des fenêtres latérales qui éclairent les nefs de ces édifices présentent un dessin en forme de sceau de Salomon : il n'y a donc pas que les églises de Limoux et d'Alet qui présentent cette caractéristique ! A Saint Michel, cependant, elles sont dues à Viollet-le-Duc;
Rosace de la cathédrale Saint Michel
• Je n'ai pu repérer la sépulture ou le monument de Félix-Arsène Billard. En rentrant, je me suis aperçu que j'étais passé à côté car les dalles de marbre noir des sépultures de Billard et de Beauséjour se situaient dans le choeur de Saint Michel"...
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Al Sufi
Toutes les photos, sauf celle du dessin de la Barbacane par Viollet-le-Duc, sont de l'auteur.
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