mardi 4 décembre 2012

Carcassonne : sacrée ville ou ville sacrée ? (suite).

Carcassonne Sacrée Ville ! ou Ville Sacrée ? (2ème partie) Une église de Viollet-le-Duc et quelques surprises Tête de Viollet-le-Duc au château comtal de Carcassonne (http://fr.wikipedia.org/wiki/Image:La_cite_de_carcassonne_Figure_15.png) Revenons encore quelques instants au pied de la Cité. A la place de l'ancienne barbacane située en dessous du château comtal, formidable dispositif militaire de l'époque, Viollet-le-Duc, d'habitude soucieux de préserver des témoins irremplaçables des arts et techniques médiévaux (et c'est incontestablement le cas de la Grande Barbacane de la Cité) a préféré édifier une des rares églises qu'il ait construites ex nihilo en France (il n'en a construit que 3 ! Saint-Denis l'Estrée à Saint-Denis - sur le Méridien de Paris -, Aillant-sur-Tholon dans l'Yonne, sur des terres de Sainte Colombe de Sens. et Saint Gimer, également sur le Méridien de Paris !). Cette église est dédiée à Saint Gimer, évêque populaire de Carcassonne au Moyen-âge (de 902 à 931) que l'on a déjà croisé plus haut. Elle a été consacrée le 22 juin 1859 par Mgr François de la Bouillerie sous les vocables de « L'Immaculée-Conception de la Sainte Vierge » et de « Saint Gimer ». L'extérieur de l'édifice fait apparaître sept roses à six pétales éclairant la nef et le transept et un chevet à sept pans comme à Saint Nazaire et Saint Celse, à Saint Michel, et à Notre-Dame de l'Abbaye. En restant à l'extérieur, nous remarquons un curieux « N » gravé sur un moellon de pierre d'un des piédroits situé à gauche de l'entrée. Dessin de la Cité de Carcassonne Dessin de la Cité "N" sur un piédroit A l'intérieur, la plupart des éléments de décoration (autel, chaire, chapelles, grilles et même les supports de bougies !) ont été dessinés par Viollet-le-Duc. Eglise Saint Gimer Intérieur de Saint Gimer Une dernière surprise nous attend à l'intérieur. En effet, l'édifice recèle un bas-relief servant de monument aux morts qui sort tout droit de la maison Giscard de Toulouse ! et qui présente les mêmes caractéristiques que ceux déjà étudié par Gérard de Sède (Couiza) et André Douzet (Tarentaise dans le Pilat et l'église d'Armissan) ! Voir les pages attentivement : http://www.societe-perillos.com/bs_lyon2.html http://www.societe-perillos.com/bs_lyon4.html http://www.societe-perillos.com/mort_tarantaise.html http://www.societe-perillos.com/desede.html http://www.societe-perillos.com/chefdebien.html Monument aux morts de l'église Saint Gimer de Carcassonne Monument aux morts de l'église Saint Gimer de Carcassonne Monument aux morts de l'église de Couiza (Jean-Claude Debrou ©) Non signé mais indéniablement du même atelier que les précédents, ce bas-relief montre de subtiles différences (positions des jambes notamment) par rapport à ceux décrits par de Sède et Douzet. Monument aux morts de Saint Gimer En revenant vers la Bastide En passant rue Trivalle, n'oublions pas de jeter un oil sur ce restaurant ! Les Bergers d'Arcadie à Carcassonne Le Pont-Vieux à Carcassonne Le Pont-Vieux relie la Cité à la Bastide. En son centre une croix de pierre exhibe curieusement quatre croissants : souvenir des Sarrasins qui ont fait tomber la forteresse wisigothique ? ! Au débouché du Pont, sur la droite, subsiste la façade de l'hôpital général construit sur ordre de Louis XIV pour accueillir les délaissés de la société de l'époque. Cet ensemble de bâtiments a été détruit en 1988 (la fin du XXème siècle a vu de sérieuses disparitions de patrimoine dans ce secteur de Carcassonne, pour cause de résidences ou de parking ! no comment, mais les époques dites obscures de notre histoires n'ont pas forcément l'apanage des destructions.) Deux curiosités : • Le porche principal, heureusement conservé montre une statue de Saint Vincent Depaul accueillant des enfants ; • A l'angle d'une rue sur un mur nu, une fenêtre vitrée se détache en hauteur et montre au passant attentif une statue de Vierge à l'enfant debout sur une sphère étoilée. Saint Vierge étoilée Eglise Saint Vincent de Carcassonne Poursuivant la promenade, nous arrivons à l'église Saint Vincent : positionnée près de la place centrale, c'est elle qui domine la Bastide, grâce à son clocher de 54 m de haut, et non la cathédrale Saint Michel que l'on aperçoit à peine sur le bord Sud des remparts de la Bastide. Deux courtes remarques sur cet édifice : • Le beau galbe dominant la façade Ouest, bien que du XIXème, présente une curieuse étoile à 5 branches ; • L'édifice abrite les reliques de Saint Hermès qui ne sont donc pas dans la cathédrale comme le laissait penser P. Ferté dans son interview. Ces reliques enfermées dans un corps de cire ! qui est allongé sous l'autel de la chapelle Saint Roch, lui-même surmonté d'un tableau représentant le « Triomphe de la Sainte Croix ». La notice explicative sur Saint Hermès nous indique que les restes de ce martyr romain du IIIème siècle (il mourut d'un coup de lance dans le cou) ont été retrouvés au XIXème siècle lors des fouilles des catacombes de Sainte Calliste sur la Voie Appienne avec de nombreux autres martyrs chrétiens des premiers siècles. De nombreuses églises se disputaient à l'époque la possession de ses nouvelles reliques. A Carcassonne échut (par hasard semble dire la notice) les restes de Saint Hermès. La translation des reliques dans l'église Saint Vincent eu lieu le 28 octobre 1877. Reliques de Saint Hermès Mes pas m'ont ensuite porté vers le Musée des Beaux-Arts de Carcassonne pour aller voir de près le fameux « Dernier Mérovingien » d'Evariste Vital Luminais, dont feu M. Dagobert indiquait que Childéric III arborait les traits de son ancêtre. La notice précise outre les dimensions de la toile (214 x 173 cm) que cette toile fait partie du fonds Courtejaire avec cette date 1884; Casimir Courtejaire (1795-1887) a permis, avec d'autres, l'établissement des premières collections du Musée des Beaux-Arts de Carcassonne. Cette information vient cependant en contradiction avec celle mentionnée par P. Ferté qui indique que la toile a été acquise en 1897 par le Musée et je ne doute pas de la sûreté de cette information par Ferté qui se base sur un article du Courrier de l'Aude du 26 novembre 1897. « La scène représente l'ordination contre son gré de Childéric III, dernier mérovingien déposé en 751 par Pépin le Bref. Les liens qui le retiennent à son siège, les moines qui l'encadrent et le maintiennent, attestent de la violence qui lui est faite. Son manteau rouge et sa couronne sont jetés à ses pieds. Sans doute Luminais s'inspira-t-il de l'historien Augustin Thierry (1795-1856) qui indique : « Un prince mérovingien pouvait subir de 2 façons la déchéance symbolisée par la coupe des cheveux : ou ses cheveux étaient coupés à la manière des Francs, c'est-à-dire à hauteur du col, ou bien on le tondait très court, à la mode romaine et ce genre de dégradation, plus humiliante que l'autre, était ordinairement accompagnée de la tonsure ecclésiastique ». C'est bien cette « infamie » que nous décrit ici le peintre, soulignée par la puissance physique du guerrier maintenant enchaîné et confronté aux faciès hagards, pleutres et satisfaits des hommes d'église. » Où l'on retrouve Mgr Billard Enfin, je vous propose de finir ce périple carcassonnais par une exposition « Trésors de nos églises » (exposition malheureusement temporaire en juillet et août 2007) sur les ornements d'églises et trésors des églises de Carcassonne (robes, chasubles, ciboires, calices, étoles, etc.) qui se tenait dans l'ancienne chapelle des jésuites, rue des études. Au détour des vitrines, je découvris ainsi plusieurs objets ayant appartenu à Mgr Félix-Arsène Billard : sa « chapelle personnelle », c'est-à-dire deux burettes, une patène un calice et un ciboire, le tout en or rehaussé avec des diamants ! Chapelle de Monseigneur Billard La notice accompagnant cette vitrine vaut d'être citée : « Mgr Billard fut évêque de Carcassonne du 17 février 1881 au 3 décembre 1901. Comme son prédécesseur, François de Sales - Albert Leuillieux (évêque de 1873 à 1881), il porte des armes inventées et bavardes qui prétendent annoncer un message religieux et évangélique ainsi qu'un programme : « d'azur à une nacelle d'argent (alias d'or) sur une mer du second avec un saint Pierre comme pilote tenant une rame de sa main dextre et une croix haute de calvaire, comme mât, de sa main sénestre, le tout d'argent ». Elles « illustrent » sa devise « In verbo tuo laxabo rete » (sur ta parole, je jetterais le filet). Ces mots sont ceux de Simon-Pierre (cf. Luc 5-5) : pêche miraculeuse illustrant la foi de Pierre qui, malgré l'improbable, jette une dernière fois son filet, croyant en la parole du Christ. Mgr Billard s'est passionnément intéressé au lieu de Prouilhe où Saint Dominique avait rassemblé des femmes cathares converties. Le prieuré royal, richissime, entièrement détruit à la Révolution, renaissait grâce à des générosités privées; un projet grandiose de Basilique, dans l'esprit du Sacré-Cour de Montmartre, avait été conçu. Ce projet fut en partie réalisé grâce à Mgr Billard, mais sa mort interrompit les travaux et la coupole prévue ne fut jamais réalisée. C'est donc la chapelle personnelle de Monseigneur Billard qui est présentée dans cette exposition. Sa qualité exceptionnelle, de même que les diamants qui la rehaussent, en font un objet de grande valeur témoignage des dons que les fidèles de l'époque faisaient à l'Eglise, au Diocèse de Carcassonne et à son évêque ». Conclusion ? Cette balade carcassonnaise n'avait pour but que de diriger notre regard et notre curiosité vers certains lieux ou aspects de la Ville. Chacun des points soulevés mériterait des approfondissements qui restent à faire. Carcassonne, cité du Sept ? Empruntons pour conclure cette citation du Moniteur de l'Archéologie (tome 2, mars-juin 1968) citée par P. Ferté : « C'est à la place où était le Palais des rois Goths, à Carcassonne, que réside peut-être encore les dépouilles du temple de Jérusalem. Qui sait si, dans ce temps de découvertes archéologiques, on ne retrouvera pas aussi ce précieux trésor, et non seulement les dépouilles du nouveau temple mais encore les dépouilles de l'ancien (le Tabernacle et l'Arche d'Alliance) que Jérémie cacha dans une caverne du Mont Nébo ». Avant de quitter Carcassonne, un dernier coup d'oil à la Belle Aude (?), sculpture Art Nouveau d'un immeuble dans la Bastide.

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