samedi 17 novembre 2012

Promenades aux environs de Houffalize.

PROMENADES AUX ENVIRONS DE HOUFFALIZE Félix Ouverleaux Lagasse Extrait du Guide Nels "Promenade aux environs de Houffalize" (A.Dubois) Bruxelles 1903 GENA ET MAGONETTE Comment imaginer, au spectacle de ce village charmant, qu'il ait pu être jadis un repère de brigands ? C'est là, que naquit en 1790 Magonette qui allait devenir un des plus célèbre bandit d'Ardenne. Dés sa jeunesse, Magonette s'adonna à la rapine. Bientôt, il devint le chef d'une petite bande de malandrins. Plusieurs fois condamné pour vol, dont la première fois pour vol de mouchoirs (foulards) et "pris" à La Roche, il est mis en prison où il fit la connaissance d'un bandit du même acabit : Géna. Les deux comparses s'évadèrent et reprirent la tradition de Noyé le Poyou. Le groupe hanta la région de Wibrin-Nadrin et Les Tailles, multipliant les agressions, vols pour se procurer argent, nourriture et vêtements notamment chez le curé de Les Tailles et un riche fermier de Fontenaille. Suite au crime du gendarme Poncin, la gendarmerie s'organise pour aboutir à leur arrestation. Toutefois leurs recherches restent sans résultat. La population de Wibrin, dans la majorité était compromise dans ses activités, la peur des bandits transformant le paysan en indicateur, protecteur ou receleur. Géna et Magonette furent capturés en 1820 par des forgerons, du côté d'Aywaille, lors d'une de leurs "excursions" à Liège, où ils allaient dépenser l'argent volé. Expédiés en prison, ils seront jugés et guillotinés à Liège le 4 juin 1821. Ce furent, en Belgique, les deux derniers condamnés à mort à avoir la tête tranchée. Lors d'une séance au tribunal Magonette s'est écrié : "Belhez, Belhez où j'ai tant laissé". Belhez est un lieu-dit situé dans les bois entre Les Tailles et Wibrin. Parlait-il d'un trésor ? Les deux malfaiteurs entrèrent dans la légende. LES LURCETTES Lors de leurs vacances à Wibrin, les novices des récollets de Liège se moquaient volontiers de la naïveté des indigènes et surtout de leur curé. Lassé, celui-ci décide de donner une leçon à ces prétentieux moinillons. Il met en doute leur patience et leur habileté, et leur propose la "Chasse à la Lurcette". Picqués au vif, les novices relèvent le défi et vont passer la nuit blanche, un sac à la main à l'affût derrière les buissons pour attendre le passage de cet animal imaginaire. A malin, malin et demi. LA POSSEDEE DE WIBRIN Un acte de décès très étrange transcrit en 1739 à la paroisse de Wibrin et signé par les curés et vicaires d'Ollomont, Wibrin et Tailles fait état de la mort le 19 juillet 1739 d'une habitante de Wibrin possédée de 36 démons, qui d'après l'aveu de ces derniers, entrèrent dans cette malheureuse âgée seulement de deux ans par le moyen d'une sorcière qui offrit à cet enfant une pomme qu'elle reçut sans faire le signe de croix. Les démons ne manifestèrent leurs présences que lorsque l'intéressée fut âgée de 24 ans et immédiatement après son mariage. L'acte signale que, le jour de sa mort, avant de livrer le dernier combat avec le démon, elle s'était confessée et avait communié avec la dévotion la plus édifiante. Elle fut ainsi délivrée et du démon et de la vie après plusieurs heures d'atroces et spectaculaires souffrances dues tant à sa maladie qu'aux épreuves qu'on lui fit subir. LES MACRALLES DE WIBRIN Jusqu'au début du XIXè siècle, les habitants de Wibrin étaient surnommés les "makrals", les "makrins" ou les "macrês". J-Th De Raadt, dans "Les sobriquets des communes belges" explique : "D'après la légende, un jour, les chiens des chasseurs étrangers à la commune y avaient croqué des poules. Les gens du pays jetèrent un sort sur eux, après quoi ces chiens pondirent des oeufs". Dans une étude signée Gaston Gérard, l'anecdote suivante à été trouvée : Qui n'a entendu parler des macralles de Wibrin et des méfaits que l'on attribue généralement à ces mâlès djins (mauvaises gens). Je veux, pour en témoigner, que l'amusante historiette qui suit. Elle m'avait été racontée par le curé de la région : deux charretiers de La Roche, qui conduisaient à Houffalize leurs attelages lourdement chargés, venaient d'arriver à Wibrin. L'un d'eux voulait s'y arrêter pour permettre aux chevaux de se reposer un peu, mais l'autre s'y opposait. "Ne sais-tu pas, dit-il à son compagnon, que Wibrin est un village de macralles ?" "Ce sont des bêtises. Il n'y a plus de macralles, même à Wibrin", répondit l'autre. Mais à ce moment, une vieille femme qui, du pas de sa porte toute proche, avait entendu la discussion, l'interrompit en disant : "Siya, siya, m'fi, ign'a co des macralles à Wibrin. Dj'estans co nos sèt'" (Si, si mon fils, il y a encore des sorcières à Wibrin. Nous sommes encore sept). LA CHAPELLE La légende veut que cette chapelle ait été construite en 1680 par deux frères nés à Mont du nom de Lomal. Ces jeunes gens se firent marins et servaient en 1680 sur un vaisseau commandé par un lieutenant de Jean Bart. Ce vaisseau fut surpris par les anglais et après un combat acharné - l'équipage n'ayant pas voulu se rendre - le navire fut coulé; les deux frères parvinrent à se réfugier sur une épave. Ils invoquèrent la Vierge Marie et firent le voeu de lui élever une chapelle dans leur paroisse natale s'ils échappaient au danger de la mer. Ils réussirent à regagner sains et saufs la terre ferme et s'acquittèrent fidèlement de leur promesse. LA VACHE DE TOUSSAINT CORNET Un soir, le vacher du village qui avait rassemblé son troupeau veut attirer avec son cheptel la vache blanche inconnue qui avait durant la journée tenté d'éloigner ses bêtes de cette vallée herbeuse en se joignant au troupeau. Il conçut de s'en emparer pour la ramener à Wibrin. Il l'enchaîna, mais la bête se mit à galoper et entraîna Toussaint jusqu'à un détour de Martin Moulin et tout à coup, le long du ruisseau, la vache lui échappa. Plus exactement, elle fit place à une belle et jeune créature qui lui dit : "Brave homme, si tu reviens demain avec le plus grand sac que tu puisses trouver, je te récompenserai pour les bons soins que tu as eus pour ma vache. Mais entraîne ton troupeau ailleurs, les fées, mes soeurs se désolent de voir leurs fleurs foulées aux pieds". Le lendemain, il revint avec sa paillasse vidée et la déposa devant la grotte, lorsqu'il revint à quatre heures, il la trouva bourrée à craquer. La jeune fille lui dit : "Voici la récompense promise, mais si tu ouvres ce sac avant d'être chez toi, tu perdras tout" Comme le sac rendait un son de gros sous, Toussaint ne résista pas et l'ouvrit. A l'instant même, le sac devint plat comme une galette et un peu de poudre d'or lui coula sur les mains. Toussaint médita : "La curiosité est un vilain défaut". Mais depuis ce jour, la vallée fleurie reste toujours le domaine des fées. LA VALLEE DES FEES Vous avez tous entendu parler des fées, des lutins, feux follets et nutons. Ces esprits charmants autrefois peuplaient toute la terre. Ils ont fui devant le progrès, et surtout ont abandonné les villes dont l'atmosphère ne leur convient pas. Aussi des savants vous affirmeront-ils avec supériorité que ces esprits n'existent pas. Cela tout simplement, parce qu'ils n'en ont jamais vu. Belle raison en vérité ! Demandez aux habitants des montagnes de l'Ardenne, s'ils connaissent les fées. C'est en effet, loin des palais, dans les vallons agrestes, aux abords des ruisseaux murmurants que s'est réfugié le gentil monde des esprits. Les grands de la terre ne les intéressent pas, ils aiment les humbles. Chaque chaumière dans le pays a son lutin bienfaisant. C'est lui, qui le jour de marché, au bourg voisin, éveille en temps la fermière. C'est lui qui suspend la truite à l'hameçon du pêcheur. C'est lui encore qui ramène vers l'étable, la vache égarée dans la forêt. Ce sont les fées qui penchées sur le berceau des nouveaux nés, leurs donnent les qualités qui en feront de braves ménagères et de bons et honnêtes pères de famille. Les méchants ne naissent que là où il n'y a plus de fées. La ravissante vallée à laquelle on a donné le joli nom de "Vallée des fées" est un des séjours de prédilection de ces esprits bienfaisants. Allez-y le soir ou au lever du soleil, vous aurez la chance d'en rencontrer. C'est ainsi qu'un matin de mai, dès avant l'aurore, le jeune Antoine Michel, du hameau d'Achouffe errait dans le vallon dans l'espoir d'y surprendre une de ces aimables fées dont les histoires avaient bercé son enfance. Il était parvenu, au moment où naissait le jour, à peu de distance du moulin de Ziette, là où vers l'amont, la vallée étroite semble fermée par la montagne aux roches abruptes couvertes de mousses et de fougères, entremêlées de grands chênes étendant sur le ciel leurs rameaux noueux et où le ruisseau sinueux s'en va cascadant, bouillonnant, à travers la prairie remplissant l'air d'une joyeuse et fraîche musique. Soudain, au milieu de la blanche et légère buée matinale, s'élevant lentement de l'herbe humide, voici qu'Antoine aperçoit un ravissant spectacle. Des ombres légères s'agitent, de petits pieds remuent en cadence, et l'air se remplit bientôt de cris et de chants joyeux. Ce sont les fées de la vallée réunies en un gracieux ensemble qui célèbrent le retour et la fête du printemps. Elles dansent et sous leurs pas, dans le pré, naissent les fleurs. Bientôt, l'herbe est émaillée de leurs belles couleurs et mille senteurs délicieuses embaument l'atmosphère. De leur souffle léger et parfumé, les gentilles fées, répandent sur le corps des libellules et sur les ailes des blancs papillons, de fines poudres d'or, de sinople, de grenat et d'azur. Les jolis insectes volent de fleurs en fleurs, autour des groupes de danseuses, et miroitent au soleil comme de riches joyaux, plus beaux, plus brillants qu'il n'en peut sortir des mains des plus habiles orfèvres. C'est la fête du printemps ! Et la buée continue doucement à s'élever entraînant avec elle le joyeux cortège des fées. En frôlant les flancs des collines, leurs doigts sèment l'or aux branches des genêts, couvrent d'un frais manteau de vert tendre les sombres branches des sapins et font craquer les bourgeons des grands arbres. Dans l'air tiède et doux chantent les oiseaux ravis de ce changement magique. Leurs trilles éperdus remplissent les airs. La nature entière tressaille. Lentement le soleil monte à l'horizon inondant de gaie lumière ce joyeux spectacle. C'est la fête du printemps !

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