Théorie du mariage (A. Debay, 1848)
«
D'après l'expérience des anciens et des modernes, il est reconnu que
l'époque la plus favorable au mariage et à ses fruits est, en général,
de vingt-cinq à quarante ans pour l'homme, et de dix-huit a trente ans,
pour la femme. On appelle précoces les unions faites avant ces âges, tardives
celles qui se contractent après, et disproportionnées les unions dans
lesquelles l'âge de l'un des contractants dépasse de beaucoup celui de
l'autre.
Mariages précoces. — Les parents sont doublement coupables de marier leurs enfants avant le complet développement du physique; d'abord parce que les jeunes gens, emportés par la fougue de leurs désirs, se fatiguent et s'énervent au milieu d'embrassements trop multipliés; ensuite parce que leur progéniture se ressent de cette précocité et de cet épuisement, ce qui est un malheur pour la race. Après l'épuisement qui succède aux pertes vénériennes, la satiété arrive; bientôt les jeunes époux se dégoûtent l'un de l'autre, ou se voient avec indifférence et vont chercher dans l'inconstance l'aiguillon qui doit réveiller leurs désirs émoussés.
Mais c'est particulièrement pour
la femme que la précocité dans l'union sexuelle est plus fâcheuse. Par
cette précipitation coupable des parents, la jeune fille reste en
arrière du complément de ses forces qu'elle était sur le point
d'acquérir. Sa taille et sa gorge sont défigurées ; sa matrice, qui n'a
pas acquis le volume nécessaire, ne saurait contenir un fœtus d'un
certain volume, ni lui fournir tout ce qui doit servir à son parfait
développement. Enfin, la faiblesse des ligaments suspenseurs de ce
viscère, le peu de diamètre du bassin et l'étroitesse du passage que
l'enfant doit franchir sont des causes bien souvent funestes à la mère
et à son fruit. En effet, comment une jeune fille dont l'organisation
est encore incomplète pourrait-elle donner le jour à un être complet ?
Aussi n'est-il point rare de voir les victimes de l'union précoce
succomber à la suite d'accouchements laborieux, ou traîner plus ou moins
longtemps une vie languissante dans un corps délabré.
Mariages tardifs. — Les
organes génitaux de l'homme, à quarante-cinq ans, et ceux de la femme à
\ trente-cinq, n'ont plus la vitalité, la vigueur dela jeunesse.
L'énergie vitale, restée stationnaire pendant les dix années qui
viennent de s'écouler, commence à diminuer sensiblement. Nous parlons en
général ; car, selon la constitution, le tempérament, la santé, la
bonne conduite ou les déréglements, etc., etc., l'époque de cette
décadence arrive plus tôt pour les uns, plus tard pour les autres. Alors
les érections de l'homme ne sont plus aussi complètes, aussi soutenues ;
le fluide séminal n'est plus sécrété aussi abondamment ni lancé avec
autant de force, et peut-être même a-t-il perdu un peu de ses qualités
viriles. Quoique le corps soit bien portant, les appétits vénériens ne
sont ni aussi fréquemment ni aussi impérieusement ressentis ; ce n'est
plus l'instinct qui parle, c'est l'imagination.
Les mêmes phénomènes se passent chez
la femme, hormis les exceptions ; l'amour physique n'exalte plus son
cerveau ; le besoin du rapprochement sexuel ne l'aiguillonne plus, et
les désirs amoureux, si parfois ils naissent, ne sont qu'un pâle reflet
des transports d'autrefois. La plupart des femmes de trente-cinq à
quarante ans ont pris de l'embonpoint, et l'on sait que l'embonpoint est
un signe de décadence génitale; aussi les femmes de cet âge ne
songeraient que rarement au coït, si leurs maris ne réveillaient par des
caresses la partie qui sommeille. En résumé, aux âges précités, les
organes génitaux de l'un et de l'autre sexes ont perdu considérablement
de leur ardente vigueur de vingt-cinq ans.
D'après cet exposé, on conçoit facilement que les fruits provenant des mariages tardifs doivent être moins vigoureux,moins beaux, que ceux des mariages contractés dans la force de l'âge. Du reste, les faits prouvent mieux que les meilleurs raisonnements et l'on ne saurait nier que la plupart de ces êtres chétifs de l'un et l'autre sexes qui promènent, dans les grandes villes leur santé chancelante, ne reconnaissent d'autre cause de leur constitution débile que celle d'avoir été engendrés par des parents âgés.
Mariages disproportionnés. —
Ces unions, ordinairement tristes et immorales, que devraient défendre
les lois, sont toujours préjudiciables a la santé du plus jeune et à la
constitution des enfants, s'il y a progéniture. Les jeunes gens que
l'appât de la fortune pousse à se marier avec de vieilles femmes
épuisent promptement leur vigueur, lorsqu'ils ont affaire à ces femmes
déja sur le retour, mais insatiables de luxure, et dont la partie
génitale est une fournaise qui dévore tout. Les jeunes femmes unies à de
vieux libertins se fanent de bonne heure, soit parce qu'elles
s'abandonnent avec répugnance à la lubricité de leurs époux, soit parce
que le vieillard se rajeunit au détriment de leur fraîcheur ; et, si par
hasard la conception a lieu, qu'attendre d'un être procréé en de telles
conditions ? Tous les physiologistes sont d'accord sur ce point, qne
les enfants procréés dans un âge avancé sont chétifs, doués de peu de
vitalité, sujets au rachitisme, aux hémorroïdes, etc.; ils conservent
même, pendant leur jeunesse, quelque chose de taciturne qui n'est point
de leur âge; beaucoup n'atteignent point leur second septenaire; ceux
qui résistent mènent ordinairement une vie languissante. Les lois
romaines, plus sages que les nôtres, s'opposaient à ces sortes de
mariages; elles avaient établi des limites d'âge qu'il était défendu de
franchir, à peine de nullité de mariage et d'exil [...].»
A. Debay, Hygiène et physiologie du mariage: histoire naturelle et médicale de l'homme et de la femme mariés, dans ses plus curieux détails, Paris, E. Dentu, édition de 1866.
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