L’Espagne wisigothe, une histoire oubliée
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Ecrit par Alix Ducret | |
12-03-2007 | |
Une
couronne et une croix des souverains wisigoths, exemples de
l'orfèvrerie de l'époque. Comme dans la coutume byzantine, elles étaient
suspendues au-dessus des autels.
Brunehaut, nous dit Grégoire de Tours, était aussi belle que cultivée. Recceswinthe a promulgué un code, le Forum Judicum,
qui devait permettre l’union des Espagnols indigènes avec les Barbares
mais aussi fixer le montant des fortunes nobiliaires et établir des
impôts par « tranches ». Léovigild et son fils, Récarède Ier, vont
achever d’unifier le Royaume wisigoth et faire de Tolède la capitale
d’un Etat où se mélange subtilement les différentes religions et les
cultures. Les Grecs, les juifs forment d’importantes communautés. Les
intellectuels, chassés d’Afrique du Nord, trouveront refuge en péninsule
hispanique. Le commerce, l’architecture, l’orfèvrerie explosent sous la
domination wisigothe et font école. La médecine, le droit, la théologie
se développent et les écoles s’engagent à transmettre les nouveaux
savoir autant que les « bases » classiques. Les conciles se multiplient
sous les règnes de ces rois et les établissements accueillant malades ou
même lépreux sont soutenus. Des cités sont construites, les forteresses
améliorées, au point d’ailleurs que Charlemagne et les Maures après lui
s’y casseront les dents…
Pourtant, s’il est une page de l’histoire espagnole
qui paraît occultée des manuels d’histoire, c’est bien celle-ci. Comme
ci, entre la domination romaine de la péninsule et celle des Arabes,
l’histoire du royaume wisigoth n’était qu’une parenthèse de faible
importance. Et ce que l’on attribue volontiers à la civilisation
hispano-mauresque ne devrait rien devoir aux souverains wisigoths. La
tolérance, tant de fois mise en avant sous le règne des Maures, était
pourtant déjà de mise. Les communautés juives d’Espagne, parmi les plus
nombreuses en Europe (il y en avait 24 contre 16 en Gaule), n’eurent à
subir que bien peu de contrainte. Certes, on compte bien quelques
baptêmes forcés, mais les souverains wisigoths vont tenter, par tous les
moyens, de préserver ces communautés. Recceswinthe n’avait-il pas, par
charité chrétienne et par esprit de tolérance, permit aux juifs de ne
pas consommer de viande de porc ? Et si la loi interdisait aux juifs
d’avoir une nourrice chrétienne, il apparaît, au Moyen Âge, que cette
communauté s’interdisait de le faire, de peur qu’une nourrice
chrétienne, ayant communié, ne « contamine » l’enfant de sa foi. Une
tolérance que l’on rencontre sous le règne d’Alaric II, qui convoque un
concile entre catholiques et ariens.
En réalité, tout prédestinait le royaume wisigoth à perdurer. Tout, sauf la conception même de sa royauté. Comme les peuples germaniques en avaient jadis l’usage, les souverains wisigoths étaient, pour la plupart, des souverains élus. Et la conversion au christianisme –ils étaient à l’origine ariens- de Recarède Ier, le soutien des évêques n’y feront rien. La monarchie wisigothe n’était pas une monarchie de droit divin, d’où une tendance très nette des nobles wisigoths ou de la noblesse sénatoriale issue de la romanisation à pencher vers la dissidence et la révolte. C’est bien ce qui perdra ce royaume qui avait pourtant tout pour lui. Les Arabes, sans doute, en furent les premiers surpris. Lorsque, en 711, Tarik ibn Ziyad, franchit avec ses hommes le détroit de Gibraltar, c’est à l’appel d’un Julien, un noble espagnol. Et si la campagne militaire des Maures fut si dévastatrice, si rapide, c’est certainement à cause des velléités de quelques nobles, wisigoths ou espagnols, désireux de renverser le souverain de l’époque. Car étonnement, l’unité réalisée avec succès dans le royaume avait été un complet échec au sein même de la classe nobiliaire et, de fait, possiblement royale. Une erreur qui causa la chute du royaume wisigoth. Une chute toute relative cependant car jamais les Maures ne parviendront durablement à conquérir l’Espagne qui, à partir de quelques provinces, entamera la Reconquista, à peine onze ans après le débarquement de Tarik. Et, cela, c’est bien aux Wisigoths que l’Espagne le doit… |
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