vendredi 11 janvier 2013

Lettre d'Etienne de Blois à sa femme, Adèle de Normandie en 1098.

Lettre d’Étienne de Blois à sa femme, Adèle de Normandie 1098

Le comte Étienne envoie à la comtesse Adèle, sa très douce amie et épouse, tout ce que son esprit peut imaginer de meilleur et de plus tendre. Sache, ma chère, que j'ai fait bonne route vers Rome, entouré d'honneurs et jouissant d'une bonne santé. J'ai pris soin de te faire envoyer par un scribe de Constantinople le récit de mon voyage et de toutes mes aventures; mais de peur qu'il ne soit arrivé quelque chose de fâcheux à ce messager, je te réécris moi-même cette lettre. C'est avec une grande joie que, par la grâce de Dieu, j'ai atteint Constantinople. L'empereur m'a extrêmement bien reçu, dignement et honorablement, presque comme si j'étais son fils, et m'a fait de somptueux cadeaux. Il n'y a, dans toute l'armée de Dieu, ni duc, ni comte, ni aucun puissant personnage, qui ait auprès de lui autant de crédit et de faveur que moi. En vérité, ma chère, Son Altesse impériale m'a souvent prié et me demande encore de lui confier un de nos fils. Il m'a promis pour lui tant de choses et de si grands honneurs, si nous le lui confions, qu'il n'aura rien à nous envier. Je te l'assure, il n'y a pas deux hommes comme lui sur terre. En effet, il couvre tous nos princes de cadeaux, gratifie de dons tous les soldats, entretient les pauvres avec ses richesses. Près de la ville de Nicée, il y a un château appelé Civitot, baigné par un bras de mer sur lequel la propre flotte de l'empereur vogue nuit et jour vers Constantinople et rapporte vers ce château, pour les pauvres qui sont innombrables, de la nourriture qui leur est distribuée chaque jour. Il me semble qu'à notre époque, il n'y a aucun prince aussi illustre qui a fait preuve d'une telle générosité. Ton père , ma chère, racontait souvent des faits admirables, mais ce n'était quasiment rien à côté de cela. J'ai voulu t'écrire ces quelques mots à son propos, afin que tu saches un peu de quel genre d'homme il s'agit. Au bout de dix jours, pendant lesquels il me garda près de lui avec une grande bienveillance, je l'ai quitté comme s'il était mon propre père. Il m'avait lui-même chargé de préparer la flotte avec laquelle j'ai traversé rapidement le tranquille bras de mer qui entoure la ville. Certains prétendaient que ce bras de mer est agité et dangereux, ce qui est faux. En effet, il est encore plus sûr que la Marne ou la Seine.

Traduction prise dans Ghislain Brunel (trad.), Sources d'histoire médiévale, IXe - milieu du XIVe siècle, Paris, Larousse, 1992, pp. 374-376.
Lettre d’Étienne de Blois à sa femme, Adèle de Normandie  1098

Le comte Étienne envoie à la comtesse Adèle, sa très douce amie et épouse, tout ce que son esprit peut imaginer de meilleur et de plus tendre. Sache, ma chère, que j'ai fait bonne route vers Rome, entouré d'honneurs et jouissant d'une bonne santé. J'ai pris soin de te faire envoyer par un scribe de Constantinople le récit de mon voyage et de toutes mes aventures; mais de peur qu'il ne soit arrivé quelque chose de fâcheux à ce messager, je te réécris moi-même cette lettre. C'est avec une grande joie que, par la grâce de Dieu, j'ai atteint Constantinople. L'empereur m'a extrêmement bien reçu, dignement et honorablement, presque comme si j'étais son fils, et m'a fait de somptueux cadeaux. Il n'y a, dans toute l'armée de Dieu, ni duc, ni comte, ni aucun puissant personnage, qui ait auprès de lui autant de crédit et de faveur que moi. En vérité, ma chère, Son Altesse impériale m'a souvent prié et me demande encore de lui confier un de nos fils. Il m'a promis pour lui tant de choses et de si grands honneurs, si nous le lui confions, qu'il n'aura rien à nous envier. Je te l'assure, il n'y a pas deux hommes comme lui sur terre. En effet, il couvre tous nos princes de cadeaux, gratifie de dons tous les soldats, entretient les pauvres avec ses richesses. Près de la ville de Nicée, il y a un château appelé Civitot, baigné par un bras de mer sur lequel la propre flotte de l'empereur vogue nuit et jour vers Constantinople et rapporte vers ce château, pour les pauvres qui sont innombrables, de la nourriture qui leur est distribuée chaque jour. Il me semble qu'à notre époque, il n'y a aucun prince aussi illustre qui a fait preuve d'une telle générosité. Ton père , ma chère, racontait souvent des faits admirables, mais ce n'était quasiment rien à côté de cela. J'ai voulu t'écrire ces quelques mots à son propos, afin que tu saches un peu de quel genre d'homme il s'agit. Au bout de dix jours, pendant lesquels il me garda près de lui avec une grande bienveillance, je l'ai quitté comme s'il était mon propre père. Il m'avait lui-même chargé de préparer la flotte avec laquelle j'ai traversé rapidement le tranquille bras de mer qui entoure la ville. Certains prétendaient que ce bras de mer est agité et dangereux, ce qui est faux. En effet, il est encore plus sûr que la Marne ou la Seine. 

Traduction prise dans Ghislain Brunel (trad.), Sources d'histoire médiévale, IXe - milieu du XIVe siècle, Paris, Larousse, 1992, pp. 374-376.
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